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AlexandraEndersen
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04. Amalie : Étude de Cas

— 𝐼𝑽 —
Amalie : Étude de Cas






Je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai acheté ce paréo. J'imagine que l'ambiance du camping y est sûrement pour quelque chose. L'air saturé des crépitements de barbecues, des éclats de rires, et de la musique qui vrombit des enceintes portables a eu raison de ma lucidité. Honnêtement, j'aurais dû me contenter d'une glace, ou d'un bracelet artisanal, genre le truc mignon que tu t'attends à acheter dans un marché local. Mais non... Non, il a fallu que je jette mon dévolu sur ce truc bariolé, un genre de pagne psychédélique que l'on dirait tout droit sorti d'un stock de souvenirs de festival des années soixante-dix, avec des motifs qui, ressemblent à ce qu'un hippie aurait porté après un week-end trop arrosé au LSD.

Ça détonne clairement avec ce que j'ai l'habitude d'acheter. Mais voilà, une fois ce tissu coloré en main, il était trop tard. J'ai donc enroulé ce paréo autour de mes hanches en arrivant sur la plage, rejoignant Dracula en personne, histoire de cacher la partie inférieure de mon bikini. Et quand je dis ça, c'est surtout pour éviter le regard noir de la mamie qui loge deux hyttes après moi et qui pour une raison que j'ignore, semble m'avoir prise en grippe, parce qu'avec les autres nanas, ça a pas l'air de lui poser problème qu'elles se balades en bikini...

Bref ! Après notre soirée d'hier, Ørjan m'a gentiment proposé de passer l'après-midi en sa humble compagnie et son groupe de vampires. J'ai fini par accepter non sans un moment de réflexion à savoir si lui ou un de ses acolytes allaient m'attaquer la carotide, après m'être demandé comment ils n'aillaient pas brûler au soleil...

Je ne fais pas trois pas sur la plage bordant le lac du camping, que la catastrophe est annoncée. J'ai droit à une avalanche de rires et de piques, comme si mon paréo à lui seul avait déclenché un genre de compétition entre les membres de ce groupe de métalleux, la peau aussi pâle qu'une mozzarella, pour voir qui serait capable de me sortir la vanne la plus drôle.

— Alors là, je ne m'y attendais pas, commente Ørjan en observant le tissu légèrement transparent avec cette étincelle d'amusement qui semble allumer son regard, comme s'il venait de trouver un trésor perdu. Ou pire, un dossier compromettant sur moi qu'il pourrait ressortir à tout moment.

Je hausse les épaules, faussement désinvolte, pour masquer la panique intérieure qui monte en moi. Pourquoi j'ai acheté ce truc déjà ? L'euphorie du camping ? Une insolation sournoise ? Un sortilège malveillant lancé par le vendeur ? Peu importe la raison, le fait est que maintenant, je suis coincée avec, et que visiblement je suis devenue le spectacle du jour.

— J'ai eu un moment d'égarement. Ça arrive à tout le monde...

Il esquisse un léger sourire, celui qui ne trompe personne. Celui qui dit « Je te vois galérer et je vais savourer chaque seconde ». Il voit bien que je mens aussi mal que Pinocchio en pleine crise existentielle, mais il décide de me laisser patauger dans ma propre absurdité.

— C'est rafraîchissant. D'habitude, tu es plus... sobre dans tes choix.

— Sobre ? Tu veux dire ennuyeuse ?

Je plisse les yeux, lui lançant un regard faussement indigné, menton légèrement relevé, bras croisés, comme si j'étais parfaitement maître de la situation. Enfin, en apparence. Parce qu'intérieurement, je suis en train de dresser la liste des mille et une façons de me venger. Histoire de récupérer le peu de dignité qui reste en moi et de faire comme si je n'étais pas à deux doigts d'enterrer ce fichu paréo sous trois mètres de sable.

— Pas du tout, réplique-t-il avec un petit rire. Juste... différente. Girly.

Le mot « girly » plane dans l'air comme un ballon d'hélium qu'on a lâché par accident – pas assez important pour que je saute pour le rattraper, mais suffisamment présent pour que je le garde dans un coin de ma tête, là où s'accumulent déjà tous les trucs vaguement dérangeants que je préfère ne pas analyser tout de suite.

Je pourrais poser des questions, mais honnêtement ? Pas sûre d'avoir envie des réponses. En vrai, il a peut-être pas tort. J'ai un côté girly, du moins si on se fie à mon style, qui oscille quelque part entre la fashionnista perchée et l'héroïne de roman persuadée que la vie est un slow-motion permanent. Alors forcément, ce paréo bariolé tranche un peu avec le tableau... Moi la première, je suis pas sûre de ce que je fabrique avec.

Ørjan sourit, l'air d'avoir découvert un trésor inédit sur moi, une pépite à ajouter dans son carnet imaginaire « Amalie : étude de cas », juste entre « Fait des choix vestimentaires discutables sous pression sociale » et « Réagit de façon excessivement dramatique aux remarques anodines ».

Autour de nous, le groupe continue de rire et discuter, bien à l'aise entre eux, en mode bande de potes sortis tout droit de la forêt, post rituel païen chelou, tandis que moi, je suis encore en train d'essayer de comprendre si je suis censée être l'intrus ou l'invitée. Ils ont l'air cool, mais y'a toujours ce petit décalage, ce moment flottant où t'es la nouvelle et eux les habitués. Un peu comme si j'avais mis un filtre rose poudré sur une photo en noir et blanc, et pas du genre esthétique, plutôt un bug visuel gênant. Je fais clairement tache au milieu de ce camaïeux de noir. Dracula semble capter ma gêne et se tourne vers moi, comme un petit chef d'orchestre qui veut à tout prix briser ce malaise.

— Amalie, voici Henrik. Il fait semblant d'être cool, mais en réalité, il est plutôt chiant. Là-bas, c'est Erik, toujours prêt à donner son avis, ce qui rend les discussions un peu interminables. Sur le tronc à gauche, tu as Magnus. Il se prend pour la sagesse incarnée, mais dès qu'un défi pointe le bout de son nez, il devient ultra compétitif. À sa droite, voici Nils. Il rigole de tout, même dans les moments les plus sérieux, ce qui peut être assez déstabilisant. Et enfin, entre ces deux-là, il y a Astrid. La seule nana du groupe, et aussi la plus respectée. Elle garde toujours son calme, mais parfois, on dirait qu'elle a déjà vécu tout ça mille fois.

— Salut tout le monde ! dis-je tout sourire, mais tout même pas cent pour-cent à l'aise.

Le fameux Henrik, un grand blond aux lunettes de soleil qui semblent avoir été cousues sur mesure pour refléter le soleil et sa propre arrogance, ricane et secoue la tête, l'air faussement détendu. Il me lance un regard moqueur, comme s'il avait un contrat avec l'univers pour être un peu trop à l'aise avec tout le monde. Il détonne au milieux de ce petit groupe avec son t-shirt vaguement froissé et son attitude de surfeur. Un peu comme moi en ce moment même. En fait, si on devait faire un classement des anomalies visuelles de la journée, Henrik et moi serions probablement ex æquo, ce qui est à la fois rassurant et terrifiant.

— Vu comment Ørjan n'arrête pas de parler de toi, j'avais hâte de découvrir qui tu es.

Je lève un sourcil en direction de mon voisin de hytte, qui se contente de hausser les épaules, son air innocent complètement en décalage avec l'indice de culpabilité qu'il essaie de cacher sous son sourire un peu trop appuyé.

Alors celle-là je l'avais pas vu venir !

Je note ça dans un coin de ma tête, décide de ne pas relever, mais une sensation bizarre s'empare de mes tripes, à la fois agréable et étrange. Henrik semble capter l'échange silencieux entre nous et se penche légèrement, son sourire taquin occupant tout l'espace autour de lui. Ce genre de sourire qui, paradoxalement, donne l'impression qu'il a l'air d'un grand-père cool en mode « je sais tout sur la vie », mais qui, dans la réalité, te fout un peu mal à l'aise.

— C'est un pari, c'est ça ? C'est lui qui t'a lancé le défi ? Non, parce que vu comment il t'a décrite, ce paréo, ça contraste un peu avec ce que tu portes d'habitude, hein ?

Je roule des yeux, exagérant ma réaction comme si j'étais une actrice dans une comédie à deux balles. Parce que franchement, je suis tellement à l'aise avec la situation que ça crève les yeux.

— C'est fou cette incapacité à croire que je puisse juste faire un truc sur un coup de tête.

— Oh, mais on veut bien te croire, Little Miss Sunshine, lance Henrik, l'air encore plus taquin, comme s'il venait de dégainer sa meilleure réplique de l'année.

Je ne sais pas si c'est une insulte déguisée ou un compliment, mais honnêtement, à ce stade, j'en ai plus rien à faire et ai surtout l'impression de participer à un concours où tout le monde essaye d'être un peu plus bizarre que les autres. Ørjan, de son côté, reste silencieux un moment, observant Henrik comme s'il essayait de comprendre s'il est vraiment aussi insupportable qu'il en a l'air, remettant sûrement en cause l'existence de leur amitié. Il secoue ensuite doucement la tête, un sourire malicieux aux lèvres.

— Je te l'avais dit, il est chiant... En tout cas, ça te va bien, finit-il par dire, son ton plus sincère tranchant avec l'amusement général.

Je le fixe un instant, essayant de déchiffrer s'il plaisante ou non, mais il semble sérieux. Et voilà, que soudainement, une vague de chaleur me monte aux joues. Pour camoufler cette gêne soudaine, je racle la gorge et porte mon attention sur l'eau scintillante du lac.

— Bon, on se baigne ? lancé-je avec l'énergie d'une personne qui préfère se terrer dans un trou plutôt que d'assumer les choix étranges de sa garde-robe.

Ørjan hoche la tête et commence à marcher vers l'eau tout en tressant ses long cheveux châtain, mais pas avant d'avoir lancé un regard en coin à Henrik, comme pour s'assurer qu'il ne va pas en rajouter une couche. Les autres refusent poliment et je suis Dracula de près, après avoir dénoué mon paréo d'un geste à la fois gracieux et légèrement dramatique, le laissant tomber sur le sable.

L'eau est fraîche, mais agréable, un vrai coup de fouet. Je frissonne légèrement en avançant, mes orteils s'enfonçant dans le sable humide, ce qui n'aide pas vraiment à masquer ma sensation de froid. Ørjan s'arrête un instant, comme indécis, avant de plonger sans prévenir, m'éclaboussant généreusement au passage. Je pousse un cri de surprise, trop rapide pour être vraiment contrôlé, avant d'éclater de rire.

— Très mature, vraiment !

Il ressort de l'eau en secouant la tête, quelques mèches rebelle plaqués sur son front, s'étant échappée de sa tresse. Pour une raison inconnue, ce détail me fait sourire. Il a l'air plus jeune comme ça, moins sûr de lui, presque maladroit. Il passe une main sur son visage, effaçant quelques gouttelettes qui glissent sur sa peau.

— T'as froid ?

— Non, je me demande juste comment je vais bien pouvoir me venger.

Un défi brille dans ses yeux, mais il ne répond rien. J'en profite pour plonger à mon tour, envoyant une gerbe d'eau dans sa direction. Il éclate de rire, et soudain, tout devient plus léger. Autour de nous, le reste du groupe s'agite sur la plage, mais à cet instant, ça n'a plus d'importance. Il cligne des yeux, surprit par l'attaque aquatique, puis secoue la tête avec un sourire en coin.

— Bien joué, admet-il en essuyant l'eau qui lui dégouline du visage d'un revers de main, l'air faussement stoïque. Mais tu réalises que tu viens de déclencher une guerre, là ?

Je hausse un sourcil, faussement innocente.

— Une guerre ? Oh non, Ørjan, je t'en prie, sois raisonnable.

— Trop tard, dit-il avant de s'élancer vers moi.

Mais avant que j'aie le temps de protester, il s'élance vers moi avec une rapidité qui défie toutes les lois de la physique aquatique. Un cri m'échappe alors qu'il tente de m'attraper, mais je virevolte dans un demi-tour chaotique, éclaboussant au passage un couple de campeurs innocents. Oups. Je prends pas le temps de m'excuser, trop occupée à fuir.

— Attends, c'est moi qui suis censée être la voix de la raison, là ? lancé-je, en essayant de garder une longueur d'avance.

— Complètement, réplique-t-il, sa voix déjà plus proche que je ne le pensais.

Je tourne la tête, et il est juste là, à quelques centimètres. Avant même que j'aie le temps de comprendre comment il a fait, il tend les bras et...

Plouf !

Je me retrouve engloutie, prise en embuscade par un vampire aquatique en pleine démonstration de supériorité territoriale. L'eau fraîche m'enveloppe, me coupant le souffle une seconde avant que je ne remonte à la surface, haletante, les cheveux plaqués sur mon visage façon créature des abysses.

— Traître ! crié-je en essuyant mes yeux.

Il rit d'une voix claire et victorieuse, et il a ce sourire mi-fier, mi-enfantin, celui qui devrait m'énerver mais qui, pour une raison absurde, me fait oublier que j'avais prévu de le noyer en représailles.

— Tu planifies ta revanche ?

Je l'observe, son air malicieux, sa façon de passer une main sur sa nuque comme s'il était soudain moins sûr de lui. Oh, la tentation est grande. Très grande. Je pourrais le couler sans sommation, juste pour sauver mon honneur. Mais un frisson me parcourt, et je grimace en sentant l'eau s'infiltrer jusque dans mes os. Contrairement à monsieur je-peux-nager-dans-un-lac-en-décembre, moi, j'ai hérité du gène « suédois frileux ».

— Plus tard, peut-être, dis-je, reprenant mon souffle comme si j'avais couru un marathon, alors qu'en réalité, j'ai juste failli me noyer dans un duel aquatique.

Ma nouvelle mission est de retrouver une température corporelle décente. L'eau est agréable, mais pour une frileuse comme moi, l'idée de rentrer dans ce lac était déjà un défi.

Ørjan rit doucement et hoche la tête, probablement amusé par mon spectacle de dauphin en pleine crise de panique, et me suit en silence. Mais au moment où je sors enfin de l'eau, avec l'élan majestueux d'un poisson pris dans un filet, il interrompt la transition glorieuse de ma sortie.

— Amalie ?

— Hm ? dis-je en m'arrêtant net, comme si ce moment était important.

— Je sais que je te l'ai déjà dis, mais... ça t'allait bien, le paréo. Enfin... c'était cool, quoi. Différent.

Je le fixe, surprise par la sincérité inattendue dans sa voix, un peu déstabilisée. Son air faussement détaché est trop évident pour être vrai, comme une tentative de cacher une petite touche de gêne. C'est... mignon. Et un peu perturbant aussi.

— Merci, murmuré-je, un sourire en coin, un peu plus confiante.

Puis, avant que je ne puisse réagir ou que mon cerveau n'ait le temps de traiter cette conversation étrange mais agréable, une voix bien trop forte et devenu bien trop familière en si peu de temps fait irruption dans l'air frais de la plage.

— Vous en avez mis, du temps ! Qu'est-ce que vous fabriquiez ? Un remake de La Petite Sirène ?

Je lève les yeux au ciel, instinctivement, comme si cela pouvait stopper le flot de sarcasmes qu'Henrik est apparemment programmé pour déverser. Quant à Ørjan, il secoue la tête avec un soupir résigné.

— Tu comprends maintenant pourquoi je dis qu'il est chiant ?

Je ris, et cette fois, je ne peux m'empêcher de remarquer que son regard s'attarde une fraction de seconde de plus sur moi avant qu'il ne détourne les yeux. Un léger frémissement traverse ma poitrine, mais je fais semblant de ne rien avoir vu et surtout ressentit.

— Oh que oui ! dis-je, amusée.

On arrive sur la plage et je sorts immédiatement ma serviette enroulée en boule dans mon sac. En m'essuyant les bras, je remarque qu'Ørjan ne fait pas comme les autres mec habituellement. Il ne secoue pas ses cheveux comme un chien mouillé, ni ne s'écroule sur sa serviette avec un soupir dramatique comme Henrik à l'instant. Non, monsieur est organisé. Il défait patiemment sa tresse, puis passe ses doigts dans ses mèches pour les remettre en ordre.

— Tu sais que t'as un rituel capillaire bien plus sophistiqué que le mien ? taquiné-je en m'asseyant à côté de lui.

Il lève un sourcil, mi-suspicieux, mi-amusé, comme s'il se demandait si je venais de lui jeter un sort ou de lui offrir un compliment empoisonné. Son regard passe de mes lèvres à mes yeux, cherchant à deviner si mon ton moqueur cache un fond de vérité ou si je prépare une de mes fameuses répliques sarcastiques. Une légère hésitation trahit sa curiosité.

— C'est une critique ou un compliment ?

— Une constatation. Mais si ça te dérange pas, est-ce que je peux prendre des notes pour améliorer ma routine ?

Il secoue doucement la tête, l'air amusé, ses lèvres se tordant en un sourire en coin qui ne laisse aucun doute sur le fait qu'il se trouve plutôt drôle. Un éclat de malice brille dans ses yeux, comme s'il est le seul à comprendre la blague qu'il se raconte à lui-même. Ce sourire, à la fois confiant et légèrement moqueur, suggère qu'il apprécie son petit effet, et qu'il sait exactement comment il va me faire réagir.

— Je pourrais te donner des conseils... mais seulement si tu me laisses tresser tes cheveux un jour.

J'éclate de rire, secouant la tête avec un sourire amusé, comme si ce qu'il venait de dire m'avait frappée de plein fouet. Un petit éclat de joie m'échappe, et je ne peux m'empêcher de le regarder un instant, le sourire toujours ancré sur mon visage.

— J'adore la façon dont tu présentes ça comme une faveur, alors qu'on sait très bien tous les deux que ça va relever du sacré challenge pour me faire ressembler à une Valkyries sortie tout droit d'un festival viking.

Il hausse les épaules, faussement innocent, comme s'il n'avait absolument rien à se reprocher. Son regard balaie brièvement mes cheveux, un sourire discret jouant sur ses lèvres avant qu'un éclair de malice ne traverse ses yeux. Il semble s'amuser de cette situation, comme s'il était l'instigateur secret d'un plan dont il est le seul à connaître l'issue.

— Peut-être-

— Hors de question, Ørjan.

Il rit doucement, puis détourne les yeux vers l'eau. Son sourire est toujours là, mais il a quelque chose de plus discret, de plus... satisfait ? Comme s'il venait de marquer un point, d'une certaine façon. Je commence tout juste à retrouver un semblant de chaleur sous ma serviette quand une ombre imposante se profile devant moi.

— Bon, c'est officiel, balance Henrik avec un sourire en coin. Vous êtes devenus inséparables.

— Exagère pas, dis-je en levant les yeux au ciel.

— Oh non, je n'exagère pas du tout, insiste-t-il en croisant les bras. Vous avez littéralement nagé ensemble, ri ensemble, et maintenant vous êtes assis là, côte à côte, loin de nous, en mode "petit couple qui profite du coucher de soleil".

— Henrik... commence Ørjan d'un ton résigné.

— Non mais vraiment, continue-t-il, imperturbable. J'ai l'impression de voir éclore sous mes yeux une romance estivale.

— Tais-toi, grogné-je, tout en lui lançant ma serviette trempée à la figure.

Il l'attrape avec une aisance déconcertante, son rire résonnant dans l'air, avant de me la renvoyer avec une rapidité qui frôle le défi.

— Awww, regardez-moi ça, elle rougit !

— Je ne rougis pas !

— Si, totalement, t'es même assortie au rouge de ton paréo.

Je fulmine, prête à répliquer, mais Henrik, implacable, continue sur sa lancée, visiblement ravi de voir ma réaction.

— Ørjan, t'as conscience que tu pourrais être dans une romance scandinave avec ce que tu viens de faire ? Genre, "le garçon secret et mystérieux qui tresse ses cheveux et fait chavirer les cœurs d'un simple regard" ?

Il prend un ton théâtral en accentuant chaque mot, et je le vois se retenir de pouffer de rire, ses épaules secouées par un léger tremblement de plaisir. Il semble carrément se délecter de la scène, comme s'il venait de découvrir un nouveau niveau de comédie. Ørjan, quant à lui, soupire et passe une main sur son visage, clairement habitué à ce genre de conneries.

— Henrik, par pitié...

— Mais non, c'est beau ! Laissez-moi savourer cet instant.

Il prend une pose triomphante, comme si le monde entier devait contempler cette scène épique. Puis, comme frappé par une révélation soudaine, il claque des doigts avec un air exagéré, comme s'il venait d'inventer une vérité universelle.

— Attends, c'est quoi déjà le proverbe ? "Celui qui tresse tes cheveux possède ton cœur" ?

— C'est absolument pas un proverbe, rétorqué-je, exaspérée.

— Bah ça devrait l'être.

Ørjan secoue la tête, un mélange d'amusement et de désespoir sur le visage. Il laisse échapper un léger soupir avant de lever les yeux au ciel, comme s'il venait de réaliser l'ampleur du désastre qu'est sa vie depuis qu'ils se connaissent.

— J'arrive pas à pas croire que je t'ai laissé vivre aussi longtemps.

— C'est réciproque, renchérit Henrik, le plus sérieusement du monde. Mais t'inquiète, je compte bien profiter de chaque seconde.

Il s'installe en tailleur devant nous, les coudes sur les genoux, l'air de quelqu'un prêt à entamer un monologue.

— Alors, Amalie, raconte-moi, quel a été le moment exact où tu as réalisé que tu étais tombée sous le charme d'Ørjan ? Est-ce le moment où il a retrouvé les clefs de ta hytte, ou votre sortie au bar ? Ah non, je sais ! C'est quand il a réparé ton évier !

Je tousse, manquant de m'étouffer avec ma propre salive, totalement surprise et horrifiée par la tournure imprévisible que prend la conversation, comme si tout à coup, il avait décidé de m'enterrer vivante sous un amas de commentaires gênants.

— Pardon ?!

— Nan mais t'inquiète, c'est normal. Il a ce petit truc, ce charisme discret, le charme de la tresse bien exécutée, tu vois ?

Je me tourne vers Ørjan, qui a l'air de regretter toutes les décisions l'ayant mené à cet instant précis. Son regard fuyant me fait comprendre qu'il se sentirait beaucoup à l'aise si la Terre pouvait simplement l'avaler à cet instant précis.

— Tu me laisses le noyer, cette fois ? demandé-je un sourire en coin.

— Honnêtement... hésite-t-il, jetant un regard pensif à Henrik.

— Hé ho ! s'indigne ce dernier. C'est pas comme ça qu'on traite son meilleur ami !

— Quand il est insupportable ? Si, répond Ørjan avec un sourire en coin.

Henrik lève les mains en signe de reddition, ses gestes exagérés comme s'il était sur le point de se livrer à un tribunal imaginaire. Il laisse un rictus malicieux se dessiner sur ses lèvres, ses yeux pétillant d'une lueur espiègle, comme s'il savait parfaitement qu'il venait d'ajouter une touche de folie à l'instant.

— Très bien, très bien, je vous laisse respirer. Mais j'attends une réponse officielle avant la fin des vacances.

Il se lève et s'éloigne nonchalamment, ses pas lents et délibérés, comme s'il savourait chaque seconde de notre frustration, comme une victoire, nous laissant là, avec notre dignité en miettes. Un peu perdu, Ørjan et moi observons sa silhouette retrouver le groupe, tout en essayant de recoller les morceaux de notre fierté.

— Tu crois qu'il est né comme ça ou qu'il a suivi une formation pour devenir aussi insupportable ? questionné-je, toujours assise sur le sable.

— Je penche pour un don naturel, répond Ørjan en haussant les épaules.

Je secoue la tête, amusée, et fixe l'eau devant nous. Une vague vient mourir doucement sur mes pieds, apportant un frisson agréable sur ma peau réchauffée par la serviette. Un silence s'installe, et je me rends compte qu'Ørjan est toujours assis près de moi, les bras posés sur ses genoux, l'air pensif.

— On a prévue de faire un feu de camp tout à l'heure, tu voudras te joindre à nous ? demande-t-il soudainement.

— Ça dépend... dis-je en tournant la tête vers lui, plissant les yeux avec suspicion. Est-ce que ce feu de camp implique des histoires effrayantes et une tentative de me faire croire qu'un monstre marin hante cette plage ?

Ørjan esquisse un sourire en coin, le genre de rictus qui annonce clairement qu'il mijote quelque chose. La lumière dorée du soleil éclaire son visage, dessinant des reflets cuivrés dans ses cheveux encore humides.

— Je ne peux ni confirmer, ni infirmer cette possibilité.

Je lâche un soupir théâtral, levant les yeux au ciel avec toute l'exagération possible, comme si l'univers entier venait de s'abattre sur mes épaules. Mes bras s'affaissent dramatique­ment, et je laisse mon regard errer vers le ciel, comme si je cherchais un peu de réconfort dans l'infini, ou du moins une réponse céleste à cette phrase.

— Super. Dans ce cas, je viendrai. Mais si quelqu'un tente de me faire sursauter, je lui jette son téléphone dans les flammes.

— Noté. Je préviendrai Henrik.

Je roule des yeux. Évidemment que ça ne pourrait qu'être lui le coupable. Je n'ai même pas besoin de réfléchir plus longtemps pour l'imaginer un sourire narquois aux lèvres, les yeux brillants de malice, prêt à surgir de derrière moi, imitant un cri de monstre d'une façon ridicule.

— Y'aura des marshmallows au moins ? Parce que si je dois risquer, pour la centième fois depuis qu'on se connait, ma dignité, autant qu'il y ait une récompense.

— On a prévu le stock, t'inquiète.

Un petit sourire satisfait se dessine sur mon visage tandis que je plonge mes pieds dans le sable chaud, savourant cette chaleur persistante qui se cache juste sous la surface. La sensation de la texture fine sous mes orteils me rappelle à quel point il y a quelque chose de réconfortant dans ce simple geste. Le vent s'est levé légèrement, faisant danser quelques mèches devant mes yeux, ajoutant une touche de liberté à l'instant présent.

— Parfait.

Un silence confortable s'installe entre nous, bercé par le doux ressac des vagues qui se brisent sur le rivage, créant une mélodie apaisante qui semble tout englober autour de nous. Ørjan garde les yeux fixés sur l'horizon, son regard perdu dans l'infini, l'air détendu, presque pensif. L'atmosphère est paisible, mais il finit par laisser échapper un petit rire, léger et amusé, en secouant doucement la tête.

— T'es toujours comme ça ?

— Comme quoi ? demandé-je en fronçant les sourcils, intriguée.

— Négociatrice hors pair pour tout ce qui concerne la bouffe.

Je hausse un sourcil, croisant les bras avec une moue provocante. Je le fixe quelques instants, mon regard à la fois amusé et légèrement défiant, comme si je venais de saisir un défi qu'il venait de me lancer.

— Ørjan, si tu ne négocies pas ta survie alimentaire dans ce genre de situation, t'as tout faux.

Il hoche la tête lentement, faussement sérieux, ses sourcils froncés de manière exagérée, comme s'il méditait profondément sur mes paroles. Mais son regard, vif et pétillant d'amusement, trahit instantanément sa fausse gravité.

— C'est une philosophie intéressante.

— Merci. Je devrais peut-être écrire un livre sur le sujet.

L'art de la négociation culinaire ?

Survivre aux feux de camp et aux abrutis qui racontent des histoires d'horreur.

— Un best-seller en perspective.

Je glousse doucement, passant une main dans mes cheveux pour les dégager de mon visage. L'air s'est légèrement rafraîchi, et l'humidité de l'eau sur ma peau commence à me donner des frissons qui remontent le long de mes bras. Je tremble un peu plus, les gouttelettes perlant sur mes jambes comme un léger rappel de la température encore bien trop fraîche pour que je puisse m'y habituer.

— Bon, je vais me bouger un peu avant de finir en glaçon.

— Bonne idée. On se retrouve au feu de camp alors ? Même endroit qu'ici ?

Je me lève en m'étirant, mes muscles engourdis par ma position assise, en répondant à ses questions d'un signe de tête positif. Une brise plus fraîche vient me chatouiller la nuque, me rappelant que la «  nuit » ne tardera pas à tomber. Je renoue mon paréo autour de ma taille avant de faire un pas en direction du campement, mais à peine ai-je avancé d'un centimètre que je sens quelque chose frôler ma cheville. Une sensation douce et gluante, furtive mais bien réelle. Un cri meurt dans ma gorge, et avant que mon cerveau ne comprenne quoi que ce soit, j'ai déjà sauté en arrière avec un bruit semblable à celui-ci d'une souris sous helium. Ørjan éclate de rire en voyant ma tête paniquée, ses épaules secouées d'un rire sincère.

— C'était une algue. Juste une algue. T'es vraiment une Girly Girl.

Je le fusille du regard, posant une main sur mon cœur qui bat beaucoup trop vite pour une simple interaction avec un bout de verdure aquatique.

— Je te déteste.

— Ah, mais j'y suis pour rien, moi ! Je te jure.

— Bah voyons ! Comme par hasard... Juste après avoir évoqué des histoires effrayantes.

— C'est Karma.

— Je vais te le montrer Karma moi...

Je plisse les yeux et, sans prévenir, je plonge mes mains dans l'eau, mes doigts se refermant autour du sable humide. Un sourire malicieux se dessine sur mon visage, et d'un geste brusque, je lève les mains et lui envoie une giclée en plein torse. L'eau éclabousse tout autour de lui, et je le regarde, fière de ma petite vengeance. Ørjan se fige une seconde, le regard surprit par cette attaque soudaine, avant de secouer la tête, l'air faussement exaspéré. Il se passe une main dans les cheveux, tout en levant les yeux au ciel.

— Très mature. Vraiment.

Je ne lui laisse pas le temps de riposter, tourne les talons, et d'un coup, je me lance à toute vitesse, éclatant de rire. Mes pieds frappent le sable humide, envoyant des éclaboussures sur le rivage à chaque foulée. Je sens la fraîcheur de l'eau qui se mêle à la chaleur de ma peau encore légèrement réchauffée par le soleil de la journée, un contraste agréable et vivifiant.

Derrière moi, je perçois son rire, clair et sans retenue, qui se mêle au doux bruit des vagues se brisant contre le bord du lac. Ses éclats de rire résonnent dans l'air du soir, un son qui semble se fondre avec la brise qui s'est légèrement levée, comme un écho qui se prolonge au-delà des vagues. C'est une sensation étrange, mais agréable. Cette fuite précipitée, ce mélange d'excitation et de liberté. Mon cœur bat plus vite, non pas à cause de la course, mais à cause de ce moment, pur et léger.







____________________________

Chers lecteurs, chères lectrices,

J'espère que vous allez bien ! ☀️

Si ce chapitre vous a fait sourire avec les mésaventures d'Amalie et son paréo psychédélique, vous n'êtes pas au bout de vos surprises ! 😅 Entre fous rires et situations gênantes, j'espère que vous avez apprécié cette petite parenthèse de légèreté. Êtes-vous d'accord avec Henrik, quant au fait qu'il se passe clairement un truc entre Amalie et Ørjan ? 🦇🌼

Un immense merci à vous tous pour votre soutien. J'espère que cette aventure vous plait toujours. Et surtout merci pour vos commentaires qui me font toujours sourire. Vous êtes sublimes ! 💖

Mais dites-moi, vous aussi, vous avez déjà eu un moment où vous vous êtes dit "Pourquoi j'ai fait ça ?" 🤦‍♀️ Genre, acheter un truc complètement décalé sous l'effet d'un excès d'enthousiasme ? 😅 Ou bien une situation embarrassante qui vous est arrivée ? J'ai hâte de lire vos anecdotes en commentaire ! 📖💬

On se retrouve la semaine prochaine pour la suite, avec une tension qui s'installe ! 🔥👀

A.E 🖤

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