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AlexandraEndersen
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14. Matin Tranquille, Chaos Garanti

—    𝑋𝐼𝑉    —

Matin Tranquille, Chaos Garanti

Le matin se lève doucement, enveloppant le Camping de Trolldheim d'une lumière tamisée, filtrée par les arbres qui bordent la hytte. L'air frais s'insinue à travers les fenêtres entrouvertes, soulevant imperceptiblement les rideaux légers. Dans cet entre-deux fragile entre le sommeil et l'éveil, mes paupières papillonnent avant de s'entrouvrir pour capter la douceur de l'instant. Mon regard glisse vers Ørjan, toujours endormi à mes côtés. Sa respiration est profonde, régulière, presque rassurante. Il semble si paisible.

Je laisse mes yeux suivre la courbe détendue de ses traits, puis mon attention se pose sur Nocturne, sa peluche-chauve-souris, posée juste à côté de son oreiller. Sa petite tête est inclinée, comme si elle me défiait d'oser me moquer. Un sourire m'échappe. Il y a quelque chose d'à la fois absurde et touchant à voir Ørjan tenir à cette peluche comme à un talisman secret.

Je me glisse hors du lit avec lenteur, retirant prudemment mon bras de son torse. Le sol en bois est froid sous mes pieds, un contraste saisissant avec la chaleur laissée par le sommeil. Ørjan bouge légèrement, mâchonne une plainte indistincte, mais il ne se réveille pas. Je l'observe un instant de plus avant de me lever pour de bon, m'habillant en silence.

Près de la fenêtre, je prends une grande inspiration. L'air du matin est vif, empli du parfum résineux des pins et de la fraîcheur humide du lac tout proche. Tout est calme, figé dans une quiétude presque irréelle, les enfants roupillant encore profondément.

Lorsque je sors, refermant la porte de la hytte avec précaution, le silence n'est troublé que par le bruissement du vent dans les branches et le chant lointain de quelques oiseaux. Peu à peu, le camping s'éveille. Ørjan émerge de la hytte en marmonnant, son téléphone en main. Il me le tend, un petit sourire en coin.

— Henrik nous a déjà préparé le programme de la journée, dit-il en me montrant les textos de son meilleur ami.

Je jette un œil à l'écran, à moitié amusée, à moitié curieuse. Il y a toujours quelque chose d'extraordinaire dans les messages d'Henrik.

Je ne peux m'empêcher de rigoler face à cet échange, tant l'ironie et la décontraction d'Henrik sont évidentes. Leur complicité, même à travers des messages aussi directs, montre bien qu'ils se connaissent sur le bout des doigts. C'est un mélange de taquinerie et de camaraderie qui fait sourire à chaque mot.

Le paysage qui nous entoure est d'une beauté saisissante. Le lac, lisse comme un miroir, reflète le ciel azur et les pins sombres qui l'encerclent. L'air est encore frais, mais la promesse d'une journée ensoleillée flotte dans l'atmosphère. Sur la rive, le sable fin se teinte d'or sous les premiers rayons du soleil. Astrid et Henrik, fidèles à eux-mêmes, se lancent rapidement dans un concours de plongeons, tandis que Magnus, Erik et Nils s'affrontent dans une bataille d'eau sans merci.

À l'écart de l'agitation, Ørjan ouvre son vieux sac à dos et étale une couverture sur l'herbe, prenant son temps, savourant chaque mouvement comme s'il était déterminé à ancrer ce moment dans sa mémoire. Je viens m'asseoir à ses côtés, les yeux fixés sur l'horizon, où quelques nuages paresseux dérivent doucement.

— Ça te dirait de partir en canoë après avoir mangé ? me demande-t-il en repoussant une mèche de cheveux de son visage.

Je souris et hoche la tête. Ça semble être une excellente idée, même si un souvenir nous traverse simultanément : la dernière fois qu'on a tenté ce genre d'expérience, on a fini la tête sous l'eau, trempés et hilares. Mais pour l'instant, il n'y a que la quiétude du matin, la légère brise sur ma peau et le doux murmure de l'eau contre la rive.

Quand nos estomacs commencent à gronder, on remballe nos affaires et on reprend la route en direction du Camping de Trolldheim. Et surtout du restaurant !

Les pneus de ma Twingo 1, vieille compagne de route, vrombissent et sifflent sur la chaussée sinueuse, déformée par les ondulations de la route suédoise. Chaque petit caillou sous les roues se fait sentir, faisant vibrer l'habitacle dans un ballet maladroit de bruits métalliques. La suspension fatiguée grince à chaque bosse, mais je suis parfaitement à l'aise dans ce chaos mécanique. Mes mains reposent sur le volant d'un geste nonchalant, comme si cette voiture faisait partie de moi. L'air frais s'engouffre par les fenêtres ouvertes, charriant avec lui le parfum humide des arbres et de la terre.

À l'arrière, Astrid observe l'intérieur de ma voiture avec un air mi-amusé, mi-sceptique. Sans prétention, sans fioritures. Juste l'essentiel. Un cocon minimaliste qui, visiblement, ne manque pas de faire réagir ceux qui, à l'aller, étaient avec Magnus.

— Sérieusement, Amalie, t'es dans le marketing de luxe et tu roules en Twingo ? Ça fait pas très "image de marque", lâche Astrid avec un sourire en coin, ses yeux brillants de malice.

Je lève les yeux au ciel, l'expression faussement offensée, mais un sourire naît déjà sur mes lèvres.

— C'est un concept, réplique-je, mon regard malicieux croisant celui d'Astrid dans le rétroviseur. Minimalisme, retour aux sources... et surtout, zéro dette sur une bagnole hors de prix. Et puis, ma Titine m'obéit au doigt et à l'œil sans tous ces machins électroniques qui bipent pour rien !

Astrid éclate de rire, secouant la tête d'un air faussement désespéré.

— Ouais, ouais, assume juste que t'as un faible pour les caisses old school, renchérit-elle en tapotant la portière qui émet un léger grincement sous l'impact.

— Old school ? T'es gentille, intervient Henrik à côté d'elle, en souriant largement, toujours plus taquin. Moi j'appelle ça survivor mode

Un silence s'installe, le temps que je jette un coup d'œil à la route, mais il ne dure pas longtemps. Henrik reprend d'un ton faussement sérieux.

— Si par "répondre au doigt et à l'œil", tu veux dire "hurler au moindre virage", alors oui, on l'expérimente en direct, souffle-t-il, en se cramponnant au siège d'Ørjan, les dents serrées pour ne pas éclater de rire aux petites secousses qui remuent la voiture.

— Vous êtes qu'une bande d'ingrats, marmonne-je avec une fausse mine vexée.

— Nah, on admire juste ton sens du sacrifice, renchérit Astrid, avec un clin d'œil. Si ça ne tient pas, c'est que ça ne mérite pas d'être conduit, non ? 

Je grimace, mais la scène est trop ridicule pour que je puisse vraiment me fâcher. À quoi bon ? Je préfère me concentrer sur la route et sur la musique qui envahit lentement l'espace, se diffusant comme une brume légère dans l'habitacle exigu de la Twingo.

Les premières notes s'échappent des haut-parleurs, douces et mélancoliques.

♪ Not even they can stop me now... Boy, I'll be flying overhead... 

Lana Del Rey. Ma chanteuse fétiche. Sa voix, à la fois triste et envoûtante, s'élève doucement, caressant l'atmosphère d'une langueur presque irréelle. Sans y penser, je fredonne les paroles, mes doigts tapotant distraitement le volant. Un petit sourire effleure mes lèvres. Dans mon dos, Henrik pousse un soupir théâtral, exagéré à l'extrême.

— Bon sang, on dirait qu'on est en route pour une pub Chanel.

— T'as un problème avec Lana ? rétorqué-je, l'air faussement indigné et levant les yeux au ciel, amusée.

— Non, juste avec les musiques qui me donnent envie de boire un verre de vin blanc en soupirant devant une mer calme au crépuscule, marmonne-t-il, s'affalant un peu plus sur son siège, bras croisés, l'air accablé.

— Non non, c'est l'ambiance parfaite pour apprécier cette bagnole ! En mode "retraite de luxe", rajoute Astrid, calée contre la portière, en tournant la tête vers lui, un sourire goguenard pendue au coin des lèvres.

Je souffle un rire, sans quitter la route des yeux. Je commence à bien les connaitre les loustics. Ils ne vont pas s'arrêter là. Et effectivement, Henrik, visiblement pas décidé à en rester là, sort son téléphone avec un sourire triomphal. Une seconde de silence, puis... un riff de guitare explose dans l'espace confiné de la voiture.

♪ Knew I had to bite you baby when I first set eyes on you... 

Motörhead. Fort. Très fort.

L'air vibre sous l'assaut sonore. Je lâche un petit rire exaspéré, mais je riposte immédiatement. Le volume remonte de mon côté, noyant Lemmy sous la voix languide de Lana. Henrik hausse un sourcil, accepte le défi. Son doigt glisse sur l'écran, et une seconde plus tard, « Love Me Like a Reptile » reprend de plus belle.

Astrid, hilare, se penche en avant, s'emparant du volant d'une main, car je suis plus en train de râler après Henrik et gérer la radio que de conduire.

— Je vous déteste, lance-je d'un ton faussement dramatique, me retenant un rire, avant de reprendre le volant.

— Non, tu nous adores, rectifie Ørjan, imperturbable, avec un sourire tranquille.

Les trois autres éclatent de rire en même temps. La Twingo continue de grincer sur l'asphalte, tanguant légèrement à chaque secousse de la route. Dans l'air, les riffs acérés de Motörhead s'entrechoquent avec les notes aériennes de Lana Del Rey. C'est un combat sans fin, une guerre musicale où chaque chanson est une provocation et chaque surenchère, une victoire. Mais au fond, plus que la musique, c'est eux. Leur rire. Cette complicité tacite qui transforme le moindre moment en souvenir précieux. Alors, je lâche prise. Je laisse ma voiture vibrer sous le chaos sonore, la route s'étirer devant nous, et cette journée être simplement ce qu'elle est : un instant suspendu, où tout semble parfaitement à sa place.

Le dîner de ce soir aurait dû être un moment de répit après cette journée chaotique. Un instant où l'on reprend notre souffle, où l'on se recentre autour d'un repas réconfortant. Mais c'était sans compter sur les talents culinaires douteux d'Ørjan. Les premières minutes se déroulent sans encombre. Il prend les commandes avec une assurance presque professionnelle, donnant l'impression qu'il sait exactement ce qu'il fait. Une illusion à laquelle je me laisse naïvement berner. Puis les assiettes arrivent. Et le silence tombe, brutal.

Devant nous, un spectacle inquiétant. Les frites ont une allure suspecte, molles et détrempées, baignant dans une sauce dont la couleur hésite entre le brun et le gris maladif. Un mélange peu engageant, renforcé par une odeur... indescriptible.

Heu...

— Bon... appétit ? tente Ørjan, incertain.

Personne ne bouge. Personne ne respire.

Henrik, toujours le plus intrépide – ou le plus inconscient, selon les avis – finit par se désigner volontaire. Lentement, il pique une frite du bout de sa fourchette, la porte à sa bouche sous nos regards tendus... et grimace aussitôt, les traits crispés par une lutte intérieure évidente.

— C'est... c'est... commence-t-il, cherchant visiblement une formulation qui ne froisse pas trop notre chef improvisé.

— C'est une expérience, complète Astrid qui peine déjà à contenir son fou rire, venant à son secours.

Un gloussement m'échappe, vite étouffé par ma main.

— C'est quoi cette sauce, exactement ? reprend Henrik, les yeux plissés de suspicion alors qu'il se tourne vers Ørjan.

— Un mélange secret, répond-il en redressant le dos, croisant les bras, et affichant un air faussement confiant.

— Un secret qu'il faudrait peut-être enterrer, ajoute-je, moqueuse.

Un ricanement parcourt la table, mais la situation est loin d'être sauvée. Magnus, dans un élan de générosité – ou peut-être par pur désespoir – entreprend d'améliorer la situation. Il farfouille dans un sac de courses et en sort un tube de moutarde. L'étiquette à moitié effacée et la teinte douteuse du contenant laissent supposer qu'il s'agit d'une relique des années 80.

— Ça manque juste d'un peu de piquant, annonce-t-il avant d'en verser une généreuse quantité dans la sauce.

Tous les regards se figent sur le plat, fascinés, horrifiés. La moutarde ne se mélange pas : elle flotte en morceaux jaunâtres à la surface du liquide grisâtre, comme une créature mutante refusant de se dissoudre. Un silence consterné s'abat sur nous.

— Bravo, mec, tu viens de créer un nouveau genre de torture culinaire, lance Astrid avec un sourire malicieux.

— Non, corrige Henrik, l'air grave. On vient de déclencher une catastrophe biochimique.

Les rires fusent autour de la table, faisant vibrer l'atmosphère d'une légèreté contagieuse. Même Ørjan, pourtant jusque-là convaincu de son génie culinaire, finit par admettre l'ampleur du désastre. Il lève les mains en signe de reddition.

— OK, OK, j'admets. Peut-être que ce n'est pas mon plus grand chef-d'œuvre.

— Peut-être ? répète Henrik, faussement outré. Mec, on va devoir convoquer un exorciste pour cette sauce !

Les plaisanteries fusent, rebondissant d'un convive à l'autre. Nils, toujours prêt à dégainer une anecdote embarrassante, se penche légèrement en avant, l'air conspirateur.

— Tiens, en parlant de désastre... Ørjan, tu te souviens de ton fameux gâteau au chocolat pour l'anniversaire d'Astrid, l'année dernière ? Je crois que c'est ce jour-là qu'on a officiellement conclu que la cuisine, c'était pas ton domaine.

— J'étais jeune et innocent, lâche-t-il d'un haussement d'épaules avec une nonchalance feinte. J'avais mes ambitions... Et puis la recette disait "ajouter de la farine". Pas "un peu", hein, juste "ajouter". Alors j'ai ajouté. Logique. C'est pas ma faute si ça a fini en brique.

— Ah, parce que maintenant t'es vieux et inconscient ? rétorque Magnus en arquant un sourcil.

— Sérieusement, mec, t'as jamais pensé qu'un paquet entier de farine, c'était peut-être... excessif ? renchérit Erik au bord du désespoir.

Un éclat de rire secoue la tablée. Même Ørjan, faussement blessé par tant de manque de foi en ses talents, ne peut s'empêcher de sourire. Le chaos s'intensifie lorsqu'un défi stupide naît de la situation : « Celui qui mange le plus de frites molles sans grimacer gagne. » Astrid, fidèle à elle-même, se redresse avec une lueur de défi dans les yeux. Elle attrape une frite avec une lenteur dramatique avant de tourner son regard vers moi.

— J'espère que tu as un estomac en béton, Amalie. 

Un clin d'œil. Un sourire en coin.

Oh purée... À l'aide !

Je me force à croquer une frite, luttant contre l'instinct primaire qui me hurle de ne pas avaler ce truc à la texture douteuse. Mais il n'y a rien à faire : chaque bouchée est un combat. Autour de moi, les commentaires pleuvent sur l'« expérience gustative inédite » que nous vivons. Entre grimaces et éclats de rire, le défi vire rapidement à une farce générale.

Et pendant ce temps, Ørjan, l'air faussement vexé, boude son assiette.

Finalement, après tout ce chaos culinaire, on décide de fuir la table et de se réfugier dehors, emportant au passage quelques snacks bien plus sûrs. L'air nocturne est doux, encore tiède des restes de la chaleur du jour, mais une brise légère vient tempérer l'atmosphère. Je m'étire en levant les yeux vers le ciel, où les premières étoiles percent l'obscurité. Malgré la nuit qui s'installe, quelques rayons de soleil persistent à l'horizon, timides et dorés, comme s'ils refusaient de céder totalement leur place.

C'est à ce moment-là qu'Ørjan attrape discrètement ma main. Son geste est fluide, presque hésitant, comme s'il testait la réaction avant de m'attirer légèrement à l'écart. Les voix et les éclats de rire des autres s'estompent derrière nous tandis qu'on avance à pas lents, sans rien dire. Et il n'y a pas besoin de mots. Il y a cette même douceur, ce même silence vibrant que je me surprends à apprécier de plus en plus.

— Tu ne vas pas me reparler de la sauce, hein ? finit-il par murmurer, un sourire en coin.

— J'allais plutôt parler des frites. C'est une œuvre d'art incomprise, dis-je en lui lançant un regard faussement outré.

— Exactement. Dans vingt ans, on dira que j'étais un visionnaire. 

Nos regards se croisent et, sans même se concerter, on éclate de rire. Un rire léger, sincère, qui vient du fond du ventre. Puis, naturellement, on s'installe sur l'herbe, laissant nos corps se détendre sous l'influence de la nuit. Derrière nous, les autres continuent leur joyeux vacarme, mais ici, à l'abri des regards, tout semble suspendu dans une bulle de tranquillité.

Un moment passe avant que je ne brise le silence.

— Ça faisait longtemps que tu n'avais pas passé une soirée comme ça  ? 

Il garde les yeux rivés vers le ciel, son visage éclairé par la lueur diffuse de la lune. Il met un instant à répondre, comme si la question méritait réflexion.

— Peut-être trop longtemps, finit-il par murmurer.

Sa voix est calme, posée, mais il y a quelque chose derrière ces mots. Un poids invisible qu'il porte sur les épaules. Je repense à notre conversation de la veille, aux non-dits qui flottaient entre nous. Il semble être profondément affecter parce qu'il se passe avec sa famille et cela semble empiéter sur sa personnalité, je le sens. Quelque chose qui dépasse les blagues sur des frites trop cuites et les soirées entre amis.

Je me surprends à espérer. À espérer qu'un jour, il me fasse assez confiance pour se confier. Pour déposer une part de ce fardeau et, peut-être, se sentir un peu plus léger.

Le vent léger se lève, effleurant mes cheveux, et je frissonne légèrement. Il y a quelque chose de particulier ce soir, une tension à peine perceptible, suspendue entre nous comme un fil invisible prêt à se tendre. Ce n'est pas seulement la chaleur d'un moment partagé, ni même l'intimité qui s'est tissée au fil du temps. C'est autre chose. Plus profond. Mon cœur se serre un peu plus. Je sais que ce n'est pas juste de l'humour ou de la complicité qui nous lie. C'est plus. Quelque chose de fragile, d'essentiel, comme une lueur vacillante qu'on protège du vent, les mains tremblantes, par peur qu'elle ne s'éteigne. Ce sentiment, cet éclat... c'est ce qu'on a, là, maintenant. Et je le sais, c'est rare.

Ørjan reste silencieux, mais son regard se fait plus lourd, plus pensif. Il semble ailleurs, mais je sais qu'il est ici, avec moi, pleinement. Il y a quelque chose dans sa façon de respirer, dans la légère crispation de ses doigts contre son jean, dans cette tension à peine visible au coin de sa bouche. Quand enfin il tourne la tête vers moi, ses yeux accrochent les miens et le monde autour devient flou. L'air se suspend, et dans ce regard, il y a quelque chose qui me retient, qui m'empêche de bouger, d'inspirer trop fort, de rompre l'équilibre fragile de cet instant.

— Tu sais... murmure-t-il, sa voix un peu plus grave, comme s'il pesait ses mots. Je crois que, parfois, on oublie ce qui est important.

Sa mâchoire se serre un instant avant qu'il ne reprenne, plus doucement.

— On se perd dans le bruit, dans les attentes, dans tout ce qui nous entoure. Mais là, ce soir... ça me rappelle pourquoi je tiens à ces moments. Pourquoi je tiens à nous. Parce qu'il y a quelque chose ici, Amalie, entre nous... qu'on ne trouve pas tous les jours.

Je retiens mon souffle sans même m'en rendre compte. Les mots semblent soudain inutiles, dérisoires face à ce que je ressens. Alors, je me tais. J'inspire profondément et laisse le silence s'installer, un silence dense mais réconfortant. Pas de ceux qui pèsent ou qui demandent à être comblés. Non. Le genre de silence qu'on ne partage qu'avec ceux qui comptent vraiment. Celui où tout est dit, sans qu'un seul mot ne soit prononcé. Ørjan ne parle plus. Il détourne doucement la tête et lève les yeux vers le ciel, là où les étoiles commencent à s'éveiller une à une, discrètes et scintillantes, comme des éclats de vérité dissimulés dans l'obscurité.

— Si on avait le pouvoir d'arrêter le temps, tu crois qu'on en profiterait ?

Je sourcille, intriguée, avant de répondre doucement, tout en cherchant un écho dans ma propre pensée.

— Peut-être. Mais parfois, je pense que ce serait justement le pire des pièges. Parce qu'au fond, ce qui rend tout ça spécial, ce sont ces instants qu'on ne peut pas saisir, ces moments fugaces qu'on essaie de préserver.

Il me lance un sourire, presque triste, mais d'une telle tendresse que ça m'arrache un petit frisson. C'est comme si, dans ce sourire, il y avait tout ce qu'il ne disait pas, tout ce qu'il ressentait, tout ce qu'il n'arrivait pas à exprimer.

Un bruit derrière nous nous fait tourner la tête. Les autres s'approchent, leur discussion bruyante brisant momentanément cette bulle intime que nous avons créée. Mais le regard que Ørjan me lance, juste avant que l'agitation ne nous englobe de nouveau, est chargé de quelque chose que je n'arrive pas à décrire. Il y a quelque chose dedans, quelque chose d'indéfinissable, comme un message silencieux qu'il me transmet, un poids qu'il porte mais qu'il ne peut pas partager ou qu'il a peur de partager.

Alors que la soirée reprend son cours, quelque chose change. Il n'y a pas de mots pour le dire, mais je sens que nous venons de franchir une étape, quelque chose qui résonne profondément, comme des éclats de braises dans le silence de la nuit. Je l'observe du coin de l'œil, gravant cet instant dans ma mémoire. Parce que certaines nuits ne sont pas faites pour être oubliées. Elles s'inscrivent dans le temps, indélébiles, comme une trace dans le sable, qui résiste malgré tout.

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Chers lecteurs, chères lectrices,

Bon dimanche à tous ! ☀️ 

Alors, ce chapitre ? Plutôt tranquille, non ? 😄 Un petit moment de calme et de complicité entre amis, avec des rires et des petites piques bien placées ! Qui a dit que les road trips ne pouvaient pas être un cocktail explosif entre musique décalée et voitures un peu... "vintage" ? 😅 Vous avez rigolé autant que moi pendant cette scène de voiture ? Vous imaginez un duel Lana Del Rey contre Motörhead ? 🎸

Bref, un grand merci pour vos retours ! Vos commentaires me font sourire à chaque fois. 💖 

❓Avez-vous déjà eu une vieille voiture qui fait grincer chaque centimètre de route, mais vous adorez quand même ? 🚗💥

On se retrouve bientôt, pour plus de chaos, de fun, et peut-être même un peu de répit... Mais pas trop ! 🔥😉

A.E. 💖

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