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LeLapinaPlumes
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Interlude

— Ah, Dompérain, vous voilà !

Le ministre de la Défense était pile à l’heure, mais comme souvent, la Présidente à Vie agissait comme si être à l’heure précise c’était déjà être en retard. Chacune de ses actions était chronométrée et calculée au millimètre, y compris le repas avec son ministre préféré et vieil ami. Elle l’observa, comme elle observait avec soin tous ses visiteurs, qu’ils soient amis, alliés politiques ou rendez-vous diplomatiques. Elle avait, à la suite de son père, pris son poste à la tête de l’État et si, sous la pression de grandes puissances politiques extérieure, elle avait dû faire quelques compromis sur les lois sociétales de son pays, elle avait tout de même réussi à maintenir la paix sociale et surtout, surtout la paix parmi ses proches, les proches du système. Les riches et les puissants. Les Alphas, comme elle. Et si elle réussissait depuis plus de vingt ans à maintenir cet état, c’était aussi parce qu’elle avait appris auprès du meilleur, son père, l’ancien Président à Vie. Notamment cet art d’observer tout le monde, tout le temps, et de déceler dans le moindre mouvement de leurs corps des indices sur leurs pensées. Aussi, même Pierre, son ami de toujours, passait systématiquement sous le scanner de ses yeux.

Le ministre s’était changé, entre la fin de leur réunion et leur rendez-vous pour un dîner informel à l’Élysée. Il portait un costume noir, et une chemise noire, seul son gilet était du même gris que ses yeux. Comme toujours, il avait su mettre en valeur sa peau pâle et sa musculature Alpha, élégamment soulignée par la coupe cintrée de la veste. Il sourit à son amie et lui présenta son bras, auquel elle s’accrocha. Elle était vêtue d’une robe rouge bordeaux à dos nu, où ses nattes ornées de perles d’or dansaient librement. Le contraste avec l’austère chignon qui les retenait toute la journée était saisissant, et son ami admirait depuis leurs jeunes années la manière qu’elle avait de jouer de sa vêture et de sa posture pour faire passer des messages. Robe élégante mais manifestement assez confortable, chaussures à talons sans bride, qui pouvaient se déchausser discrètement sous la nappe ou bien d’un vigoureux coup de talon : ils allaient passer une soirée intimiste et bien accompagnés.

Ils n’allèrent pas bien loin : lorsque la Présidente à Vie souhaitait parler d’affaires personnelles, elle ne quittait pas le plus petit salon du palais. Ce soir, ils dîneraient en tête à tête, comme le ministre l’avait deviné, et le service serait assuré par seulement deux jeunes femmes. Deux Omégas absolument charmantes, qu’ils ne se priveraient pas de déshabiller du regard entre chaque plat. En attendant la fin de soirée. Pierre sourit, dévoilant discrètement une canine, et la Présidente lui fit un clin d’œil amusé. Ils avaient déjà choisi chacun leur dessert, et comme toujours sa vieille amie avait visé juste.  

Le ministre de la Défense appréciait ces repas en duo et les cadeaux qui arrivaient avec. En trente ans d’amitié, ils avaient partagé un nombre incalculable d’Omégas, y compris pendant leurs ruts. À leurs âges, ces derniers étaient de moins en moins fréquents, ce qui ne les empêchait pas de se faire régulièrement plaisir lors de soirées en tête-à-tête. Comme ce soir-là.

Pourtant, aujourd’hui, ils avaient des choses à discuter. La Présidente à Vie attaqua dès la fin des mises en bouche, sans tergiverser.

— Pierre, as-tu songé à ma proposition ?
— Absolument. J’y ai même longuement pensé.
— Dis-moi tout. Je t’écoute.

L’Alpha observa un moment son amie par-dessus le rebord de son verre, se ménageant quelques instants de réflexion supplémentaires. Et mettant en scène ses propos, pour les rendre plus prégnants, plus incisifs.

— C’est une offre plus que généreuse. Presque trop, si tu veux mon avis.

Il leva un index pour montrer qu’il n’avait pas fini d’argumenter, comme il le faisait souvent lors de leurs réunions de travail, et cela amusa la Présidente à Vie, dont les lèvres s’ourlèrent d’un sourire. Il poursuivait pourtant :

— Je pense que cette offre, bien qu’elle pointe toute l’amitié que tu me portes, risque de te porter préjudice assez rapidement. J’ai peur que l’on te critique pour ce choix, jusqu’au sein de ta famille. Un Alpha dominant digne de ce nom n’accepterait pas un tel arrangement. Aussi ai-je songé à une autre possibilité, qui nous serait peut-être plus bénéfique, ou en tous cas qui à mon sens serait plus avantageuse pour toi. Ton second fils est récessif n’est-ce pas ?

 — Oh, je vois où tu veux en venir. J’avais bien sûr pensé à cette hypothèse, mais je craignais qu’elle ne t’offense.

— Pas venant de toi. Je suis pragmatique, et Markus saura l’être également. Il n’a pas la prétention d’être utile à la reproduction, il a choisi de faire des études longues, il sait qu’il est inutile comme Oméga. Ce mariage lui sera profitable autant qu’à moi. Deux récessifs, deux seconds fils, cela me semble bien. Ils n’auront pas d’ambition hors de leur portée, et seront tous deux au service de l’État. Markus est un garçon très sage et obéissant, il ne posera aucun problème à ton Tristan. Cela permettra à ton aîné de produire un héritier avec un Oméga fertile via un mariage plutôt que via une personne oméga recrutée pour une gestation simple.

La Présidente opina légèrement, et porta de nouveau la flûte à ses lèvres. Elle observait attentivement son ami, dont le conservatisme lui avait toujours plu. Une fois encore, elle se félicita d’avoir su garder auprès d’elle un homme aussi fiable, toutes ces années. Ce mariage entre leurs familles serait une bénédiction pour eux tous. Elle insista une dernière fois :

— C’est en effet la meilleure option. Cela dit, Christopher a beau être dominant, il accepterait un récessif si c’est pour servir les intérêts de sa famille et de la nation. Louer un Oméga pour une gestation reste une possibilité si Markus préfère épouser un dominant. Vraiment. Je tiens à notre alliance.

Le ministre de la Défense chassa cette dernière remarque d’un revers de la main, et saisit dans la foulée un morceau de pain frais dans la corbeille qu’une jeune Oméga venait de déposer.

— Markus épousera qui je lui dirais. Ce n’est qu’un Oméga, et c’est un mâle. Tu sais tous les soucis qu’il nous pose, à ne jamais avoir eu de chaleurs. Tu es une des seules à savoir quelle honte il est pour notre famille. C’est un honneur que tu veuilles de lui malgré cela. Je ne ferais pas l’affront à ton fils dominant de lui imposer ça.

La Présidente le remercia d’un sourire sincère, et ses doigts aux ongles courts mais parfaitement manucurés à l’or fin glissèrent sur la cuisse d’une serveuse. Celle aux cheveux bleus, parce qu’elle savait que son ami mâle préférait les femelles plus naturelles.

— Eh bien, il ne nous reste qu’à célébrer cela dignement, alors.

Elle attira brusquement la jeune femme sur ses genoux, et de sa main libre leva sa flûte de champagne pour trinquer avec le ministre tandis que la jeune femme gloussait dans son cou et émettait des phéromones florales délicieuses.

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