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LeLapinaPlumes
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Chapitre 7

— Je… Oui, cela me semble juste.

Je suis un idiot. Ce qu’il offre est tout à fait logique, cohérent, rationnel, et équitable pour nous deux. Il n’empêche que je ressens une sorte de pincement là, c’est désagréable. Comme si j’étais déçu. Déçu de quoi, sincèrement ? Jamais on ne m’a fait une proposition aussi honnête pour les deux parties. Et en réalité, je reste même plutôt gagnant. Alors pourquoi est-ce que je me sens quand même… désappointé ? Franchement ?

— Parfait. Dors un peu plus. Tu dois être crevé.

Il glisse dans les coussins pour se rallonger, et il m’entraîne avec lui. Il me garde entre ses bras. Pourquoi est-ce qu’il ne me lâche pas ? Comment est-ce qu’il imagine que je vais me reposer comme ça, le nez dans son odeur, l’oreille contre sa poitrine, sa chaleur contre la mienne, la peau de son torse sous la pulpe de mes doigts ? C’est beaucoup trop déroutant. Mon cœur bat trop vite, j’ai chaud, et je me sens terriblement mal à l’aise. Je vois bien que pour lui, c’est un Alpha bien dans ses baskets, c’est facile. Ce n’est pas la première fois qu’il partage son lit ou ces moments intimes avec une autre personne.

— Attends, Jasper c’est… Il faut peut-être qu’on discute des détails ?

J’ai lancé ça sans réfléchir, juste pour pouvoir m’extirper de ses bras parce que je rougis et que je ne pourrais jamais me reposer en restant contre lui. Mais il me retient.

— Quels détails ? On agit comme si nous étions en couple, non ? On parle de relation exclusive donc tu ne peux plus voir d’autres personnes tant que l’on feint ce couple et moi non plus. Sauf pendant mon rut, mais c’est logique puisque tu es censé être récessif, et moi pas. Tout le monde sait que tu ne pourrais pas supporter le rut d’un Alpha dominant.

Je secoue la tête et me redresse, pour lui échapper. Je suis presque en colère, je crois. Il se méprend totalement sur moi.

— Mais de quelle personne tu parles, enfin ? Je n’ai jamais eu de relation avec qui que ce soit, je ne risque pas de commencer maintenant ! Je ne parlais pas du tout de ça !

— Jamais ? Attends, Markus, jamais ? Tu es vierge ?

— Étais, manifestement.

— Ah. Oui. Pardon.

Il se passe la main sur le visage, comme si j’avais dit une énormité. Et… est-ce qu’il rougit un peu ? Il a l’air d’être mal à l’aise. Inquiet même, puisqu’il saisit mon menton pour me scruter intensément. Je détourne les yeux. C’est gênant.

— Quoi ? C’est si incongru que ça pour que tu me regardes comme une bête de foire ?

— Non c’est… tu n’as mal nulle part ?

— Mal ? Non. Absolument pas. Je suis un peu fatigué, mais c’est normal si on en croit la docteure Debois. Les hormones, tout ça. Pourquoi ?

Pourquoi diable a-t-il l’air aussi surpris ? C’est juste une histoire de corps qui s’emboîtent pour répondre à un besoin biologique, la plupart des gens font ça. Surtout les Alphas et les Omégas.

— C’est… Je suis… plutôt bien… bien pourvu et tu étais très pressé et… Tu es certain que tu n’as aucune douleur ? Là ?

Maintenant, c’est moi qui suis mal à l’aise. Je crois que je rougis jusqu’à la racine de mes cheveux. Je n’ai jamais été très intéressé par le sexe ou les relations amoureuses et encore moins par la nudité. Je n’ai pas vraiment de moyen de comparaison et puis… je n’ai même pas vraiment regardé ce qu’il a sous la ceinture. Déjà que voir son torse me gêne alors le reste…

Je détourne les yeux et feins d’être captivé par le motif du drap. Puis je secoue un peu la tête, en dénégation, puisque je sens ses prunelles posées sur moi et son inquiétude grandissante.

— Je t’assure que non.

Je me mords la lèvre. Pourvu qu’il n’insiste pas. Je suis déjà mortifié d’avoir avoué ça à un Alpha… J’ai vingt-sept ans, pour l’amour du ciel, évidemment que mon désintérêt pour le sexe peut surprendre. Surtout un Alpha dominant comme lui.

Pourtant, il a la délicatesse de ne pas relancer le sujet ni de m’interroger encore, et il me laisse feindre la fatigue et me tourner. D’ailleurs, je suis vraiment épuisé, et je me rendors.

***

— Markus ?

Le jeune homme se retourna, curieux de se voir interpellé par des voix inconnues dans les couloirs de l’école. Ses plus proches camarades semblaient avoir volontiers gobé les mensonges qu’il leur avait servi, prétextant un virus passager la veille du weekend pour justifier sa fièvre. L’aplomb avec lequel il avait affirmé n’avoir pas émis de phéromones, mais seulement porter sur lui celles de son amant avait fini de les convaincre. Par chance, leurs odeurs étaient assez similaires, et Jasper maîtrisait si bien les siennes qu’à peu près personne ne les connaissait jusqu’à ce lundi.

Cependant, les deux jeunes personnes qui lui faisaient face lui étaient parfaitement inconnues. Une jeune femme aux cheveux rose fluo se tenait devant lui, flanquée d’un·e Oméga dont il n’arrivait pas à définir le premier sexe. Jusqu’à ce que ce dernier prenne la parole pour le saluer. La voix, plus grave que celle d’une femme, indiquait qu’il était face à un mâle. Comme lui, mais en plus androgyne. En plus normal, en réalité. Mais il ne les connaissait pas et l’excentricité des cheveux bleu et mauve de l’un et rose de l’autre lui indiquait clairement des personnes bien plus libres que lui. Des gens qu’il ne côtoierait jamais. Sous peine de voir son père l’enfermer à double tour. Ou enfermer les jeunes gens en question, peut-être ?

— Je peux vous aider ?

— Je… Nous voulions juste… savoir si tu allais mieux. Je n’avais jamais senti de phéromones omégas si puissantes et…

Markus afficha une moue dédaigneuse. La même qu’il avait toujours lorsque quelqu’un hors de son petit cercle d’admirateurs cupides lui adressait la parole.

— Vous avez senti les celles de mon compagnon.

— Jasper ? Non, je le connais depuis toujours et…

— Eh bien manifestement pas assez. Tout le monde sait que je suis tellement récessif que je n’ai jamais manifesté le moindre signe de mon second genre.

— Je confirme ! C’était les miennes, Jul. Un peu plus possessives que ce que tu connais, je pense.

Jasper passa familièrement son bras autour des épaules de Markus et l’embrassa sur la joue. Le jeune homme dut prendre sur lui pour ne pas tressaillir de surprise. Son camarade pépiait déjà :

— Merci Julie, merci Juan, de vous inquiéter pour lui, mais il va beaucoup mieux. Je me suis bien occupé de lui, pas vrai Bébé ? Je chasse les virus comme personne ! Je te présente Julie, mon chéri. C’est ma meilleure amie, on a pour ainsi dire grandi ensemble. Quant à Juan, on se connait depuis le lycée. Tu trouveras personne d’aussi passionné par la comptabilité dans toute la promo.

Markus opina. Son regard glissa sur les deux personnes qui lui faisaient face. Julie, la fille rose, était clairement une Oméga dominante. Elle portait ses phéromones comme une parfum, et Markus réalisa ainsi qu’il pouvait les sentir. Elles étaient subtiles, fraîches, et tout comme le jeune homme qui l’accompagnait, démontrait que leur sexe biologique était anecdotique pour elleux. Ils étaient Omégas avant tout. Les veinards. La frange de la population qui adulait les Omégas était faible dans le pays, mais manifestement ces deux-là en faisaient partie. Une vrille de jalousie tordit le ventre de Markus. Il la réprima vite. Même si ces gens étaient valorisés par leurs parents, ou laissés plus libres que les Omégas des familles traditionnelles, cela ne voulait pas dire qu’ils ne souffraient pas des discriminations dont tous étaient victimes. Eux aussi risquaient constamment d’être mordus par un Alpha et devaient se protéger en portant de lourds colliers de cuir. Eux aussi seraient accusés d’avoir provoqué leur agression s’ils allaient porter plainte. Eux aussi risquaient de finir mariés sans avoir vraiment le choix, et eux aussi seraient payés environ un tiers de moins que Jasper, s’ils faisaient le même travail. Ils avaient juste des familles aimantes. Probablement. Moins stricte que la sienne, en tous cas.

Il se détourna et finit de ranger ses affaires dans son sac, en profitant pour se dégager de l’étreinte de Jasper, puis il lâcha platement :

— Merci pour votre sollicitude. J’ai juste été un peu grippé, c’est de saison. Je vais être en retard à mon cours de compta, au revoir.

Il quitta l’amphi sans un regard en arrière.

***

— Je vous demande pardon ?

La médecin a beau être calme, je crois que je vais suffoquer. Je regarde partout autour de moi, en quête de je ne sais quoi, comme si je voulais m’échapper. Comme s’il était possible de s’échapper de ce qu’elle vient de m’annoncer. Comme si j’allais pouvoir me réveiller. Je n’arrive plus à respirer, je tire sur mon col. J’ai chaud et je frissonne en même temps. Mes doigts se crispent sur l’accoudoir du fauteuil et je ferme les yeux. Cela ne peut pas être vrai. Je vois des étoiles danser devant moi. Je… Je…

— Docteure ! Il…

— Viens ! Porte-le ici !

Je sens deux bras me soulever, je sens ses phéromones, mais elles sont légèrement différentes, plus acides. Il stresse. Je… Il faut que…

De l’air frais arrive sous mon nez. Une main tiède caresse mon front. L’odeur de Jasper m’enveloppe. Mon corps est tout mou. J’ai l’impression d’être liquide. Mes yeux papillonnent.

— Markus ?

Je me redresse. On me repousse. Je suis allongé. J’ai du mal à accommoder, je ne sais pas trop où regarder. Ah. Là. Je plisse les yeux. Le visage de la docteure Debois est juste devant moi.

J’étais dans son cabinet. Nous étions venus pour les résultats de ma prise de sang. Jasper a tenu à m’accompagner. Je ne voulais pas, mais manifestement il a eu raison de me forcer la main. Sans ses phéromones, j’aurais sûrement été dans les vapes bien plus longtemps.

— Restez allongé, Markus. Je vais m’assoir à côté de vous et nous pourrons discuter. Vous avez fait une grosse chute de tension, ne bougez pas pour le moment. Jasper est près de vous.

— Je sais. Je le sens.

Littéralement. Je ne le vois pas, mais son odeur est partout. Il fait de son mieux pour m’apaiser, et cela fonctionne plutôt bien. Je réalise que j’ai tourné la tête vers lui, et qu’il a glissé sa main sous ma joue, pour que le creux de son poignet soit tout proche de mon nez. Je sais que c’est une des zones du corps qui a le plus de glandes phéromonales. Je me déteste de ressentir ce besoin-là. Je dois me maîtriser. Je dois me contrôler.

— Reprenez, Docteur, s’il vous plaît. Je suis ?

— Un Oméga extrêmement dominant. Ce qui explique votre cycle tardif. C’est assez rare, mais pas assez pour être inconnu du monde médical. C’est en général génétique, il doit y avoir des Omégas extrêmement dominants dans la famille de votre parent oméga. Cela ne se présente que chez les hommes, qui ont, en plus, leurs premières chaleurs bien après leurs vingt ans au lieu de les voir se produire pour la première fois à la fin de l’adolescence comme c’est le cas normalement.

J’inspire. J’expire. Là. Je ne peux pas me permettre de m’effondrer encore. Bon sang. Je dois absolument… il faut que… Oh, mon dieu. Qu’est-ce que je vais devenir s’ils le découvrent ? Je pourrais dire adieu à mes études. À mon indépendance. Je ne sortirais plus jamais de la maison, sauf le jour de mon mariage. Père, il…

— Markus ? Respire. Ça va aller.

— NON ÇA NE VA PAS ALLER ! TU… TU N’AS AUCUNE IDÉE DE… TU…

Deux bras m’enserrent. Mon nez contre sa poitrine, enfoui dans ses vêtements. Pas loin de son cou. Des phéromones. La mer. Son souffle calme. Le silence, brièvement. Et la voix douce de la médecin.

— J’ai bien compris que c’est un énorme problème pour vous, Markus. Mais ne cédez pas à la panique. Il existe des solutions. Je vais vous aider. Restez un moment avec Jasper. Je dois passer quelques appels pour décaler mes prochains rendez-vous. Laissez-moi prévenir mon secrétaire.

J’opine. Je ne bouge pas. Je ne pourrais pas, de toute façon. En quelques jours, je suis devenu totalement dépendant de Jasper et je déteste ça autant que j’en profite. Et comme s’il lisait dans mes pensées, il murmure :

— Eh. C’est juste le temps que tu ailles mieux. Dans quelques semaines ça sera oublié, et tu n’auras plus besoin de mes phéromones. Ni de moi.

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Il a tout gagné là...
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