Le silence dans la pièce était aussi lourd qu’un cadavre.  

Lyana ne bougeait pas. Son regard restait fixé sur le corps au sol, les doigts tremblants, les oreilles encore bourdonnantes du coup de feu.  

Elle avait tué quelqu’un.  

Pas en légitime défense, pas dans un combat à mort où elle n’avait pas d’autre choix.  

Non.  

Elle avait tiré la première.  

L’homme était mort avant d’avoir pu l’atteindre.  

Son souffle se bloqua dans sa gorge.  

Ses jambes flanchèrent.  

Elle allait vomir.  

Ezra fut sur elle en une seconde. Il l’attrapa par les épaules et la força à le regarder.  

—   

Elle ouvrit la bouche, cherchant de l’air, mais sa poitrine était une cage de métal qui l’empêchait de bouger.  

—   

—   

Elle le fixa, horrifiée par son ton calme.  

— murmura-t-elle.  

Ezra ne la lâcha pas du regard.  

—   

Elle secoua violemment la tête, reculant d’un pas.  

—   

—   

— cria-t-elle, la voix brisée. Je l’ai tué. Il ne respirera plus jamais. Il ne reverra plus jamais sa famille, ou…  

— Ezra s’approcha lentement, comme s’il tentait d’apprivoiser un animal blessé. Ils ne t’auraient laissé aucune chance.  

Elle ferma les yeux, mais l’image du sang sur le sol restait imprimée dans son esprit.  

Quand elle les rouvrit, Ezra était toujours là, le visage impassible.  

— dit-il doucement.  

Elle frissonna.  

—   

Il devina la question avant même qu’elle ne la termine.  

—   

Un silence pesant tomba entre eux.  

Puis Ezra tendit la main.  

—   

Lyana regarda cette main tendue, hésitante.  

Elle voulait la rejeter. Elle voulait lui hurler qu’elle ne voulait pas devenir comme lui, comme eux.  

Mais la vérité, c’est qu’elle était comme eux.  

Son doigt avait pressé la détente.  

Et ce simple geste avait changé sa vie à jamais.  

Elle prit la main d’Ezra.  

***  

Ils quittèrent la station-service dans l’ombre de la nuit, marchant rapidement sur le bas-côté de la route déserte. Ezra restait à l’affût, l’arme en main, tandis que Lyana tentait de garder ses pensées sous contrôle.  

Elle pouvait encore sentir le poids du pistolet dans sa paume, l’odeur métallique du sang dans l’air.  

Elle serra les dents.  

Elle devait .  

— demanda-t-elle après plusieurs minutes de silence.  

Ezra ne ralentit pas.  

—   

— Elle fronça les sourcils. Tu veux dire… un ami ?  

Un sourire sans joie étira ses lèvres.  

—   

Elle ne sut pourquoi, mais cette réponse lui fit plus mal qu’elle ne l’aurait imaginé.  

Ils marchèrent encore un moment avant qu’une lumière au loin ne brise l’obscurité.  

Lyana plissa les yeux. Une petite maison se dressait au bout d’un chemin de terre, à peine visible derrière les arbres.  

— murmura-t-elle.  

Ezra hocha la tête.  

—   

Ils avancèrent prudemment, mais avant même qu’ils n’atteignent la porte, celle-ci s’ouvrit brutalement.  

Une femme apparut sur le seuil, un fusil de chasse pointé droit sur eux.  

—   

Lyana se figea.  

Ezra, lui, esquissa un sourire amusé.  

—   

La femme — Aileen — plissa les yeux, comme si elle hésitait entre tirer ou insulter Ezra.  

Finalement, elle baissa légèrement son arme.  

—   

Lyana sentit l’animosité entre eux, mais Ezra ne semblait pas perturbé.  

—   

Aileen haussa un sourcil et son regard se posa sur Lyana.  

— demanda-t-elle en désignant Lyana du menton.  

Avant qu’elle ne puisse répondre, Ezra déclara :  

—   

Aileen ricana.  

—   

Lyana sentit la colère monter en elle.  

— répliqua-t-elle sèchement.  

Aileen sembla enfin la regarder correctement.  

Un silence passa entre elles.  

Puis, avec un soupir, Aileen rangea son arme et recula.  

—   

Lyana échangea un regard avec Ezra avant de le suivre à l’intérieur.  

L’endroit était petit, encombré de caisses, d’armes et de matériel électronique.  

Aileen referma la porte derrière eux et croisa les bras.  

—   

Ezra haussa les épaules.  

—   

Elle roula des yeux avant de s’asseoir sur un vieux canapé.  

—   

Ezra jeta un regard à Lyana avant de répondre :  

—   

Aileen tapota ses doigts contre son genou.  

—   

Ezra sortit un petit disque dur de sa poche et le lança sur la table.  

—   

Aileen haussa un sourcil, attrapa l’objet et l’examina.  

Puis, lentement, un sourire carnassier étira ses lèvres.  

—   

Ezra ne répondit pas.  

Mais Lyana sentit, pour la première fois, que quelque chose de était en train de se jouer.  

Et qu’elle était en plein milieu.  

***  

Cette nuit-là, alors qu’elle s’endormait sur un vieux matelas dans une pièce à l’arrière de la maison, une seule pensée lui traversa l’esprit.  

Elle ne pourrait jamais revenir en arrière.  

Elle n’était plus une victime.  

Elle était une dans ce jeu mortel.  

Et il n’y avait qu’une seule façon d’en sortir vivante :