Point de vue : Léna

Quand la porte s'est refermée derrière moi, j'ai su que ce n'était pas une coïncidence.

Lisa était déjà là, appuyée contre une table, les bras croisés. Un calme trompeur dans les yeux. Et Lyana, debout, silhouette droite et rigide comme une épée, fermait à clé sans un mot.

Je me retournai lentement.

« Je suppose qu'on va parler. »

Silence.

Puis Lisa prit la parole, sans détour :

« Tu vas trop loin, Léna. »

Je haussai un sourcil. Mon cœur battait vite, mais je ne laissai rien paraître.

« J'essaie juste de comprendre. De faire ce qui est juste. »

Lyana s'avança. Sa voix était froide, chirurgicale :

«Ce qui est "juste" n'est pas toujours ce qui est "utile". Ni ce qui est "permis". »

Elle posa un dossier sur la table. Le mien.

« Tu as commencé une enquête sur Samuel. Tu crois avoir vu clair. Tu crois avoir fait justice. »

Elle me fixa dans les yeux, et pour la première fois, je sentis une fissure dans son masque.

«Mais tu ne sais rien. »

Lisa soupira, se rapprochant à son tour.

« Ce qu'on fait... ce n'est pas un jeu, Léna. Chaque action a un prix. Chaque victime protégée, chaque coup porté, chaque silence gardé... On ne le fait pas par envie. On le fait parce qu'on n'a plus le luxe d'attendre que quelqu'un d'autre agisse. »

Je les regardai toutes les deux.

Deux visages. Deux méthodes. Une même cause.

Et moi, au milieu.

« Alors pourquoi m'avoir laissée continuer ? Pourquoi m'avoir donné ce dossier ? »

Lyana répondit, sans détour :

« Parce que tu es une variable. Incontrôlable. Mais peut-être utile. »

Lisa ajouta, plus douce :

« Et parce que... t'as eu du cran. Fallait voir jusqu'où tu tiendrais. »

Je déglutis. Quelque chose brûlait en moi. Pas de la peur. Pas vraiment.

Une forme de rage.

«Vous m'avez testée. »

« On teste toujours les pions avant de les faire reines, dit Lyana. »

Silence.

Puis elle s'approcha lentement, me tendant une feuille. Une nouvelle cible. Une autre injustice à corriger.

« La question, Léna, c'est : tu veux quoi maintenant ? Être spectatrice ? Ou choisir ton camp ? »

Je pris la feuille.

Et je ne répondis pas.

Pas encore.