Silence.
La vidéo était finie depuis dix bonnes minutes. Et pourtant, personne ne bougeait.
Sur l'écran noir figé, le reflet des quatre visages formait une fresque troublante : quatre âmes meurtries, figées dans un mélange d'effroi et de rage.
Lisa fut la première à rompre le mutisme :
— Il était là. Depuis le début. À chaque réunion. Chaque conseil. Chaque... dénonciation qu'on a tenté de faire passer. Et on lui faisait confiance ?
Sa voix monta d'un cran, tremblante.
— On l'a salué. On l'a remercié. Bordel, je lui ai souri. Je lui ai parlé comme à un modèle !
Chris, lui, serrait les dents, appuyé contre le mur, les bras croisés. Ses yeux, d'ordinaire pétillants, n'étaient plus que deux pierres sombres.
— On aurait dû se douter. Personne ne peut être aussi lisse. Aussi parfait. C'était louche.
— Non, dit Elio d'une voix grave. Ce n'était pas louche. C'était calculé.
Tous se tournèrent vers lui. Il fixait encore l'écran, comme si l'image du professeur allait soudain avouer ses crimes à voix haute.
— Il a choisi sa place. Celle d'un homme irréprochable. Et il l'a tenue. Parce que pendant que nous on se débattait, lui il triait. Il choisissait qui pouvait parler... et qui devait se taire.
Lyana n'avait encore rien dit. Assise sur le bord du canapé, elle triturait nerveusement le bracelet qu'elle portait toujours au poignet gauche.
— Et maintenant ? demanda-t-elle d'une voix plus froide qu'à l'accoutumée. On fait quoi ?
Chris haussa les épaules :
— On le détruit. Simple.
— Ce n'est pas si simple, Lisa rétorqua. Il est apprécié. Il a des soutiens. Des parents, des collègues, la direction. S'il tombe, on tombe peut-être avec lui.
Un silence.
Puis Lyana, tout doucement :
— Et si c'était justement ça, notre moment ?
Les regards se croisèrent. Cette fois, ce n'était plus la colère qui dominait. C'était la décision. Le poids d'une croisée des chemins.
Elio, toujours impassible, se leva lentement et quitta la pièce sans un mot.
Léna, qui les observait depuis la cuisine, murmura presque pour elle-même :
— Il est en train de faire ce qu'il fait toujours quand ça le touche vraiment.
Lisa la regarda.
— C'est-à-dire ?
— Il s'enferme. Parce que s'il s'ouvre, il éclate.
Plus tard dans la nuit.
Elio était assis seul sur le toit plat, les genoux repliés, les yeux dans le vide.
Chris le rejoignit sans un mot, deux canettes à la main. Il en tendit une.
— Tiens. Pas aussi fort qu'un plan de vengeance, mais ça aide.
Elio esquissa un sourire.
— T'en as parlé à Lisa ?
— Non. Mais je sais qu'elle pleure dans la salle de bains. Et je sais que Lyana prépare déjà un plan de trois pages recto verso.
— Et toi ?
— Moi ? Je fais ce que je fais toujours. Je plaisante et je reste debout.
— Et si cette fois, on tombait ?
Chris haussa les épaules.
— Alors on tombera à quatre.