Le lundi matin, l'air était chargé de cette électricité particulière qui précède les grands changements. Rien ne semblait avoir changé à première vue : les élèves riaient dans les couloirs, les professeurs discutaient à voix basse en salle des profs, les surveillants traînaient les pieds. Et pourtant, sous la surface... tout avait commencé à bouger.

Léna entra dans le lycée la tête haute, un dossier sous le bras. Dans ses yeux, une résolution nouvelle. Ce matin-là, elle n'était plus une simple élève studieuse. Elle était une joueuse dans la partie.

De l'autre côté du bâtiment, Lyana et Lisa s'étaient éclipsées dans une salle désaffectée à l'étage. Elles observaient les allées et venues dans la cour à travers les stores légèrement ouverts.

— Tu penses qu'elle tiendra ? demanda Lisa.

— Elle a déjà tenu plus que ce qu'on imaginait, murmura Lyana. Maintenant, elle doit aller jusqu'au bout.

Dans le hall principal, Léna croisa le professeur ciblé. Il lui sourit, chaleureux, comme toujours.

— Mademoiselle Caelan. Ce dossier pour moi ?

Elle le lui tendit, sans un mot, mais en soutenant son regard. À l'intérieur : une partie du vrai dossier, mélangé à des documents anodins, pour le pousser à baisser sa garde. Elle savait qu'il lirait. Qu'il chercherait à comprendre jusqu'où elle était allée.

— Vous semblez plus assurée, dit-il doucement. La vérité vous donne des ailes, parfois... ou vous brûle.

Léna ne répondit pas. Mais elle vit, au fond de ses yeux, un bref éclair d'inquiétude.

Premier mouvement : perturbation.
Deuxième mouvement : confusion.
Troisième mouvement : révélation.

Le plan suivait une chorégraphie précise.

Pendant ce temps, Elio et Chris étaient au sous-sol, dans la pièce sécurisée où les serveurs des caméras de surveillance étaient connectés. Lisa leur avait obtenu un accès temporaire via le réseau informatique du lycée — à peine légal, entièrement risqué.

— Voilà, souffla Chris. On peut voir ce qu'il fait dans son bureau.

— Et quand il ouvrira ce dossier... on saura, murmura Elio.

Un bip discret. L'écran s'illumina.

Le professeur ferma sa porte à clé, s'installa... et commença à lire.

[Cour extérieure – Lisa & Lyana]

— Tu te rends compte qu'on joue avec le feu ? murmura Lisa.

— Oui. Mais ce feu-là, on l'a nourri trop longtemps. Il est temps de le contrôler... ou de l'éteindre pour de bon.

— Et si on se crame au passage ?

Lyana sourit.

— Alors, au moins, on l'aura choisi.

Elles levèrent les yeux. Au loin, Léna sortait du bâtiment, l'air toujours calme, mais ses doigts tremblaient légèrement.

Lisa s'approcha d'elle.

— Comment tu te sens ?

— Comme une fille qui vient de jeter une grenade sans savoir si elle a dégoupillé.

Lisa éclata de rire.

— Bienvenue dans notre monde.