[Toit – Elio & Chris]

Le ciel était dégagé, les étoiles perçaient doucement le voile de la nuit. Elio, allongé sur le dos, les bras croisés derrière la tête, fixait le vide céleste. À côté de lui, Chris grignotait des chips, les pieds ballants dans le vide.

— Elles sont bizarres, ces trois, dit Chris entre deux bouchées. Genre, elles se détestaient y'a deux semaines et là... soirée pyjama, karaoké à deux heures du mat, rires de sorcières...

Elio sourit.

— Tu préfères les entendre pleurer ?

— J'préfère quand elles nous disent ce qu'elles trafiquent au lieu de comploter dans des murmures et des sourires de tueuses.

Silence.

Puis Elio tourna lentement la tête vers lui.

— Tu crois qu'on fait bien de les entraîner là-dedans ?

Chris haussa les épaules.

— Je crois que c'est trop tard pour reculer. Et elles sont pas entraînées. Elles choisissent de rester. C'est pas pareil.

— Lisa et Lyana, oui. Mais Léna...

Chris marqua une pause, grattant l'arrière de sa tête.

— Léna est plus solide que tu crois, mec. Elle a juste pas encore compris qu'elle s'est déjà jetée dans le feu.

Elio ferma les yeux un instant. Une image lui traversa l'esprit : le regard de Léna, ce regard incertain mais déterminé. Le genre de regard qu'on voit chez ceux qui refusent d'abandonner.

— T'as peut-être raison...

— Bien sûr que j'ai raison. C'est moi le jumeau raisonnable.

— Tu veux dire bruyant et prétentieux.

— Raisonnablement bruyant, merci.

Ils rirent tous les deux, un de ces rires rares et nécessaires, le genre qui fend les murs qu'ils s'étaient construits. Puis Chris devint sérieux.

— Tu crois qu'on en sortira intacts, cette fois ?

Elio hésita.

— Non. Mais peut-être... transformés.

[Salon – Lisa, Lyana & Léna]

— Ok, dit Lyana, posant son téléphone entre elles. On a un début de plan, mais il nous manque les preuves décisives.

— On a la vidéo, rappela Léna.

— Oui, mais si on veut qu'il tombe sans emporter tout le système avec lui, il nous faut un levier. Un point de pression. Et une sortie de secours, au cas où ça foire, ajouta Lisa.

Léna, les yeux fixés sur l'écran, ouvrit un fichier audio.

— J'ai enregistré la conversation que j'ai eue avec lui avant les vacances. Il ne dit rien d'explicite, mais il sous-entend beaucoup. Écoutez.

Elle lança le fichier. La voix du professeur résonna, calme, doucereuse :

"Certains élèves sont mieux protégés en silence, Léna. Le chaos engendre la peur, et la peur crée de la docilité."

Lisa grimaça.

— Il est terrifiant.

— Il est intelligent, corrigea Lyana. Et c'est pour ça qu'on va devoir être plus malignes que lui.

Un silence. Puis Lisa tapa dans ses mains.

— Bon ! Je propose qu'on ait aussi un nom de code pour l'opération. Genre "Opération Lapin de Minuit".

— ... Quoi ?! s'étrangla Léna.

— Tu veux marquer les esprits ou pas ? demanda Lisa avec aplomb.

Lyana leva les yeux au ciel.

— Lisa, c'est pas une chasse au trésor.

— Justement. C'est une chasse à l'hypocrite. Et dans toutes les bonnes séries, y'a des noms de mission. Ça donne du panache.

— Alors va pour Opération Lapin de Minuit, soupira Léna, amusée.

Lisa leva les bras comme une générale triomphante.

— Vous voyez, je savais que j'étais la pièce manquante du génie stratégique de ce groupe.

Lyana sourit, les yeux brillants.

— Peut-être bien. Ou juste la distraction qui nous évite de devenir complètement dingues.

Les trois filles rirent. Et dans ce rire, une promesse silencieuse. Celle de tenir bon, de ne plus reculer, de finir ce qu'elles avaient commencé.