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Chapitre 10 : Sous le poids du silence

Deaven 

            La colère autour de moi disparaît pour se transformer en une pensée plus sombre, beaucoup plus meurtrière. Tout ce que je vois, c'est ce putain de déchet qui a osé poser la main sur elle. Je ne réfléchis plus, je me contente de le marteler de coups. Encore et encore. Chaque coup résonne comme une libération dans mon corps contre cette rage folle dans mes veines..
            Ce chien a osé la toucher, la réduire à un objet sous mes yeux. 
            Ce fils de pute...
            Crève...

            Allez.. crève...
            Ma tête est pleine de cette violence qui ne veut pas se calmer. Je vais leur faire comprendre à tous. À tous ceux qui auraient l'audace de ne serait-ce qu'effleurer la moindre partie d'elle. Je veux qu'ils comprennent tous un à un, que la toucher d'un seul doigt, c'est signer leur putain d'arrêt de mort. 
            — Deaven... 
            Sa voix me traverse comme une détonation. Je m'immobilise un instant, ma respiration haletante et saccadée. Je serre les dents, le regard rivé sur l'homme qui peine à respirer. Ma main se lève à nouveau, prête à lui porter un coup. Mais son cri me transperce et m'oblige à tourner la tête vers elle. En la voyant, mon cœur rate un battement. Je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il se passe que mon corps réagit sans que j'y pense. En quelques pas, je suis à ses côtés et la rattrape avant qu'elle ne tombe complètement.           
            — Elyanna... murmuré-je d'une voix presque inaudible. Je la tiens contre moi, son corps tremblant sous l'effort pour rester éveillée : Reste avec moi. Tu m'entends ?
            Mais, elle ne réagit pas, sa tête tombe mollement contre ma poitrine. Son corps s'affaisse contre le mien. Je la soulève, mon cœur battant la chamade. Je peine à mettre des mots sur ce que je ressens. De la peur ? De la culpabilité ? De la colère ? Peut-être un peu de tout.
            Un grondement frustré s'échappe de ma gorge. Je me hâte rapidement de quitter cet endroit sans prononcer un mot. Au loin, Roy écarquille les yeux en apercevant Ely inconsciente dans mes bras.
            — La voiture, maintenant !
            Il obéit et m'ouvre la portière sans broncher. Je m'installe tout en la gardant blottie contre moi, veillant à ce que sa tête reste bien en place quand il démarre. Je l'étreins un peu plus fort, son corps si léger contre moi qu'il semble prêt à disparaître à tout moment si je la relâche.
            Sa respiration est inégale, mais bien présente. Mes bras se resserrent autour d'elle comme si ça pouvait la protéger, même des épreuves qu'elle a déjà traversées. Roy prend rapidement place dans la voiture, avant de jeter un œil dans le rétroviseur. Son expression est devenue bien plus sérieuse, mais son froncement entre les sourcils montre bien qu'il est aussi préoccupé comme moi par la situation. 
            — On fait quoi ? Hôpital ?
            — Non, rétorqué-je sèchement : Il poserait trop de questions. C'est prendre beaucoup trop de risques pour un truc qu'on peut gérer.
            Je serre les dents, la rage qui bouillonne en moi se transforme en une culpabilité écrasante. Putain, comment j'ai pu laisser ça arriver ? Je suis responsable, j'aurais dû être là. J'aurais dû la protéger avant qu'elle n'ait à traverser ça. Mais je n'ai pas été assez rapide. Pas assez attentif ! Mes doigts glissent sur sa joue avec douceur, mais la colère refait surface malgré moi. Mais au lieu de la laisser sortir, je l'absorbe en me rappelant que ce n'est pas le moment d'exploser, surtout avec elle dans cet état.
            — Ramène-nous à la planque.
            Il ne répond pas, mais la voiture prend de la vitesse avant de foncer. Mon regard se pose à nouveau sur elle, attiré instantanément par son poignet ensanglanté. Je tique, puis retire ma cravate d'un geste sec avant de la noué autour de la blessure. Ma mâchoire se serre, alors que la culpabilité me ronge encore. 
            — Tu vas t'en sortir, petite, murmuré-je presque pour moi-même à voix basse.
            Je m'incline un peu plus près, attentif à chacune de ses respirations. Les minutes qui passent semblent s'étirer à l'infini, le long du trajet.
            — On est arrivés.
            Je ne prend même pas la peine de répondre. Je sors de la voiture en la portant, sans même attendre qu'il éteigne complètement le moteur. La planque se dessine devant moi, sombre et isolée de la villa. Et c'est précisément ce qui en fait un refuge parfait pour elle. En m'approchant, je pousse la porte d'un coup d'épaule et rentre à l'intérieur.
            — Prends la trousse de secours, ordonné-je à Roy, qui disparaît aussitôt dans une autre pièce.
            Pour ma part, je l'installe doucement sur le canapé, l'allongeant avec précaution, puis reste là, incapable de m'éloigner d'elle. Chaque seconde où elle reste inconsciente est une torture, une brûlure au fond de moi. Après quelques minutes de silence, il revient avec une trousse de secours et la pose près de moi.
            — Elle va s'en sortir, elle est forte, la droite qu'elle lui a donnée le prouve. 
            Je lève les yeux vers lui, mon regard glacé le faisant reculer d'un pas.
            — Forte ou pas, ce n'est pas une excuse. Occupez-vous de ce connard. Et faites-le vite. 
            — C'est noté. 
            Il disparaît à nouveau pour me laisser seul avec elle. Chacun son tour, hein ? J'ouvre la trousse rapidement, puis commence à nettoyer la plaie sur son poignet d'un petit coton. 
            Putain de Calvin...
            Qu'est-ce que je ferais pas pour toi, connard..

            Je devrais être habitué à ce genre de situations à cause de toi, mais avec elle... C'est beaucoup plus complexe. Et j'ignore encore pourquoi. Je secoue la tête, puis commence à nettoyer la plaie soigneusement, retirant les quelques éclats restant dans la plaie. Elle ne tressaille pas une seconde, même inconsciente. Elle n'émet aucun son, aucun signe de douleur ni protestation, et ça m'irrite.
            — T'es censée rester loin de ce genre de merde...
            Je tire l'aiguille dans ma main, puis enfile le fil à l'intérieur du petit cercle ridicule. Mes mains, pourtant habituées à manier des armes, tremblent légèrement quand j'essaye de passer le fil. On pourrait croire que sa blessure me déstabilise, ou autre. Mais ce qui rend tout ça complexe, c'est elle. Je termine les deux petits points, puis enroule le bandage autour de la blessure en m'assurant que ce dernier est bien mis en place.
            Une fois terminée, mes yeux se posent de nouveau sur son visage avant que la porte s'ouvre soudainement. 
            — Ely ! s'exclame Ninia en se précipitant vers le canapé, paniquée.
            Elle se jette pratiquement à genoux, à ses côtés, avant d'inspecter son visage, son corps, puis son poignet bandé. Une fois son inspection terminée, elle lève les yeux vers moi presque accusatrice.  
             — Qu'est-ce qui s'est passé ?!
            Je croise les bras et la dévisage.
            — Ce qu'il s'est passé ? rétorqué-je amèrement : Toi, t'étais où ?
            — Je... bégaye-t-elle en cherchant ses mots : Je parlais avec Axel pendant une seconde. Je pensais qu'elle était en sécurité et..— 
            — Une seconde ? la coupé-je avec ma voix grondante : Une seconde, c'est tout ce qu'il leur fallait.
            Elle baisse les yeux avant de secouer la tête.
            — Je... je suis désolée, murmure-t-elle d'une voix brisée.
            — Désolée ne suffit pas. Si t'avais été là, ça ne serait pas arrivé. 
            — Mais, elle va bien.. ? demande-t-elle d'une voix plus douce en se mordant la lèvre.
            J'hoche lentement de la tête.
            — Elle s'en sortira.
            Mais, à quel point ça l'a brisée, cette fois ? Elle n'a même pas protesté, n'a pas versé une seule larme du trajet. Ce silence, cette absence de réaction me dérangent. N'importe quel cri aurait pu faire l'affaire, mais rien.  
            Je recule légèrement pour me fondre dans l'ombre, pendant qu'elle se morfond dans mille excuses possibles face à celle qui demeure encore inconsciente. Mon regard, lui, ne la quitte pas. Je n'arrive pas à me détacher de cette silhouette frêle. Ninia continue de se pencher sur elle, son regard oscillant entre culpabilité et inquiétude. Ses doigts effleurent ses cheveux, juste histoire de s'assurer qu'elle va bien. Pour ma part, je croise les bras, puis m'appuie contre le mur. 
            — Elle a parlé ? Elle a dit quelque chose ? demande-t-elle en levant les yeux vers moi.
            — Non, mais elle m'a demandé d'arrêter... Mon regard se perd un instant : Elle voulait que je laisse ce type. 
            Elle fronce les sourcils, clairement confuse.
            — Pourquoi ? 
            Je serre les poings, mon regard se faisant plus sombre.
            — J'en sais rien. Peut-être qu'elle est trop douce pour ce monde. Trop... vulnérable.

Ely 

            Je me tortille un peu, incapable de trouver une position qui apaise la chaleur sourde dans mon corps. Les bruits me reviennent par vagues, déferlant dans ma tête. Les coups, la voix grave de Deaven, cette rage implacable qui vibrait dans chaque syllabe. Mais ce n'est pas lui que je vois, pas vraiment. Dans mon esprit, le temps recule, les flashs se superposent, brouillés et brutaux. La violence de cette nuit me rappelle un autre soir, l'un de mes autres enfers que j'aurais préféré ne jamais connaitre.
            — Ma... Mam...an. 
            Les larmes commencent à couler pendant que mon esprit s'accroche à cette scène que je voudrais tant effacer. 
            —Tu es faible... Tu es pathétique.—
            Je ferme les yeux, mais c'est encore plus insupportable. Le bruit sec des coups de feu, suivi de cris étouffés de ma mère.. de ma sœur, de mes frères... Puis l'odeur métallique du sang qui s'infiltre dans mes narines. Tout resurgit, avec une cruauté inévitable. Mes épaules commencent à trembler d'un léger sanglot, mais ce dernier devient rapidement, de plus en plus intense. Je frémis, puis me redresse brusquement, mes mains cherchant désespérément un support sur lequel m'accrocher. Les sanglots se font plus puissants, comme si tout le poids de mon passé revenait me frapper de plein fouet là, maintenant, dans un seul et unique concentré.
            — Non ! Non... Je t'en supplie... 
            Mes mains s'agrippent au canapé comme si ma vie en dépendait. Parce que c'est le cas.. la tout de suite. Mes doigts se crispent, mes jointures blanchissent sous la tension. Et mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va éclater à l'intérieur de ma poitrine. Je ne suis plus là, plus dans ce lieu, plus dans cette vie. Je suis redevenue cette petite fille figée dans l'horreur qui était incapable de bouger et de respirer dans cette armoire.
            — Elyanna !
            Une voix familière me tire à moitié de ma torpeur, mais je ne peux répondre. Ma gorge est trop serrée, mes larmes trop abondantes. Puis je la sens.. Une main se pose doucement sur mon épaule de manière hésitante, presque effrayée.
            — Ely, regarde-moi. 
            Ninia..?
            Je la distingue à travers un brouillard de larmes, son regard empli d'inquiétude, mais elle semble si lointaine. 
            — Il est... là... Je... je n'ai rien pu faire... chuchoté-je difficilement.
            — Ely, c'est fini. Tu es en sécurité ici. C'est fini... 
            Ses mots sont doux, mais ne parviennent pas à percer l'armure de mon traumatisme. Mon esprit lutte pour revenir à la réalité et pour sortir de cet enfer. Mais les souvenirs m'encerclent et me broient. Puis, je la sens. Cette autre présence imposante qui m'observe en silence.
             Je tourne difficilement la tête, et mes yeux croisent ceux de cette ombre. Il ne dit rien. Son visage reste impassible, mais son regard... Son regard est lourd et brûlant par sa profondeur. Et pour une raison qui m'échappe, sa présence parvient à apaiser un peu mon esprit. Ma respiration devient un peu plus stable, mes sanglots s'estompent et mes mains se détendent. Pourtant, au fond de moi, je suis consciente qu'il a vu une part de moi que j'avais soigneusement dissimulée.
            Une faiblesse que je ne voulais montrer à personne. Parce qu'après tout, ça, ça me terrifie presque autant que mes souvenirs.
            Je me replie sur moi-même, mes genoux maintenant blottis contre ma poitrine. Mes bras s'enroulent autour de moi. J'aimerais disparaître. Là, tout de suite. Je ferme les yeux, mais ça n'aide pas. Rien ne m'aide... Les images continuent d'être là. Insistantes et gravées dans la toile de mes paupières. Le bruit du verre brisé, les cris étouffés, les éclats de lumière du revolver... tout revient avec une précision terrifiante. Et lorsqu'une main effleure mon épaule une nouvelle fois, je me raidis instantanément et la répousse violemment.
            — Ely, c'est moi... murmure ma meilleure amie, sa voix douce et tremblante.
            Je secoue violemment la tête, incapable de supporter le moindre contact.
            — Ne me touche pas... soufflé-je d'une voix à peine audible, mais si chargée de détresse que ça la stoppe net.
            Elle se retire alors finalement, laissant le silence retomber, lourd et pesant. L'homme ténébreux ne dit rien, mais son regard sur moi est inquisiteur. Ce regard qui semble tout voir, tout comprendre sans que je me confie me met mal à l'aise.
             Je déteste qu'il me voie ainsi, vulnérable, exposée.
            —Pathétique, Chérie. C'est le mot, non ?—
            — Arrête... murmuré-je pour moi-même, enfonçant mes ongles dans ma chair.
            — Arrêter quoi ? me demande-t-il finalement, d'une voix grave.
            — Ne me regarde pas... pas comme si... comme si j'allais me briser.
            Il ne réagit pas. Toutefois, ses yeux sombres demeurent rivés sur moi avant de s'attendrir. Ou peut-être que j'hallucine..
            — Tu n'es pas brisée.
            — C'est ça... rétorqué-je amèrement dans un rire acide qui me brûle la gorge.
            Je détourne les yeux, incapable de soutenir son regard.
            — Ely... murmure-t-il en s'approchant en avant.
            Ma gorge se serre en le voyant faire, mes muscles se crispent avant que je ne crie.
            — Ne t'approche pas ! 
            Il s'arrête brusquement, mais ne fait pas demi-tour. Il reste figé sur place, tel un mur insurmontable.
            — Je ne vais pas te toucher. 
            Je me replie un peu plus sur moi-même, mes ongles s'enfonçant dans mes bras de nouveau.
            — Je veux... être seule.
            — Non. 
            Je relève la tête incrédule, puis croise à nouveau son regard. Cette fois, il y a quelque chose de différent. De la détermination, oui, mais aussi une chaleur inattendue.
            — Tu n'as pas à affronter ça toute seule.
            Je secoue la tête, refusant de l'entendre, refusant de croire qu'il pourrait comprendre quoi que ce soit.
            — Tu ne sais rien. Rien de moi... Non, tu ne COMPRENDS RIEN !
            Il s'accroupit légèrement pour être à ma hauteur, tout en gardant ses distances.
            — Alors, dis-moi.
            Je le dévisage, mais les mots restent coincés dans ma gorge, une barrière de silence qui me protège, ou du moins essaie. 
            — Laisse... laisse-moi.. tranquille. 
            Je détourne le regard et me replonge dans cette bulle d'isolement que j'ai bâtie. Je serre mes bras un peu plus fort, tentant de me persuader que je peux résister, que je peux me préserver.
            — Je veux rentrer chez moi... maintenant... tout de suite.
            Je prononce ces mots avec une telle intensité qu'ils ressemblent plus à une supplication.
            Mon appartement.. cet espace où je me retrouve seule, où je peux exercer mon contrôle, même si ce n'est qu'une illusion. Je veux le rejoindre.. Il ne dit rien, ne fait même pas un mouvement. Il se tient là, silencieux, en attente.
            — Ely...  articule-t-il doucement. 
            Je serre les dents alors qu'une colère sourde monte en moi.
            Je veux qu'il parte.
            Je veux qu'il me laisse tranquille..

            Il fait un pas de plus, et je craque.  
            — Deaven, je te jure... je vais te... 
            Ma menace s'éteint dans ma gorge, remplacée par une envie viscérale de fuir. J'aimerais que tout s'arrête, que tout disparaisse, mais je sais que c'est impossible. Alors, je ferme les yeux, puis j'expire profondément, le souffle court. Mes mains tremblent contre mes bras, et ma tête me lance. Le silence retombe encore. Je sais qu'il attend. Qu'il ne partira pas. Qu'il ne me laissera pas. Mais à quoi ça sert ? Pourquoi rester là alors que je me referme de plus en plus sur moi-même ?
           Je me redresse brusquement, saisie par une poussée de volonté, un mouvement déterminé. J'ai l'impression que si je n'agis pas maintenant, je vais m'écrouler.
            — Je dois rentrer... à la maison... maintenant, murmuré-je à peine articulé.
            Je me tourne avec détermination et marche rapidement vers l'extérieur pour m'éloigner d'ici. À l'extérieur, le trottoir foule sous mes pieds. Chaque pas me rapproche de cette illusion de sérénité que je recherche ardemment.
             Après quelques secondes, la douleur persistante sous mon talon se fait sentir comme une vive sensation qui me rappelle que je suis trop fragile pour avancer aussi rapidement. Alors, je m'arrête un instant et, d'un geste rapide, j'enlève mes escarpins. La douleur me coupe le souffle quelques secondes avant que je ne me redresse et reprenne mon chemin.
            — Maintenant, marmonné-je encore plus fort, comme pour me convaincre que ces mots peuvent me donner la liberté que je cherche.
            Je frissonne, mais je ne m'arrête pas. Je refuse de rester ici une seconde de plus. C'est trop lourd... Beaucoup trop lourd... Mes pensées se brouillent sous l'effet de la fatigue et sûrement du restant de la drogue dans mes veines. Mais je me force de continuer, un pas après l'autre.

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