Je sens une présence derrière moi avant même d'entendre des pas. Pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit, n'est-ce pas ?
— Tu devrais pas être en train de te reposer ? me demande-t-il presque à reproche.
— Si... je crois, murmuré-je d'une voix faible, sans vraiment de conviction.
Sa présence se fait plus proche avant qu'il ne s'arrête juste derrière moi. Ses bras se referment autour de ma taille, sans que puisse réagir. Son souffle effleure ma nuque, dans un murmure chaud. Il ne dit rien, mais je le sens sourire, ce sourire qui en dit long, celui qu'il garde pour lui, un sourire qui pourrait aussi bien détruire que séduire. Sa main glisse lentement le long de mon ventre, me frôlant à peine mais suffisamment pour que chaque frisson devienne une promesse. Mon corps se tend presque malgré moi, face à cette proximité qui me déstabilise.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je m'assure que tu restes ici, répond-il, comme s'il parlait d'une évidence.
Je tente de me tourner pour le regarder, mais son étreinte se resserre juste assez pour m'empêcher de bouger.
— Tu crois vraiment que j'ai besoin d'un garde du corps à ce point ? demandé-je sereinement, bien que mon cœur batte un peu plus vite.
— Non, murmure-t-il près de mon oreille.
Je détourne mon regard vers l'horizon pour essayer de me recentrer, de me rappeler que je suis censée garder mes distances. Et pourtant..
— Deaven... Je n'ai pas l'habitude qu'on fasse ça.
Il ne répond pas immédiatement, mais son souffle s'arrête un instant, comme s'il réfléchissait à ses mots.
— Peut-être que tu devrais t'y habituer.
Je cligne des yeux, perplexe face à la simplicité désarmante de sa réponse. Une part de moi veut se dégager pour établir une limite, mais une autre, plus profonde, me pousse à rester immobile. Parce qu'aussi étrange que ça puisse paraître, une part de moi a envie de croire, juste un instant, qu'il dit vrai.
— C'est compliqué, murmuré-je.
Sa prise sur ma taille s'affermit comme une présence solide, qui m'invite à finir ma pensée.
— Je sais, répond-il simplement. Mais toi aussi, tu es compliquée. Pourtant, je reste.
Ces mots me désarment, et je me surprends à fermer les yeux pour inspirer. Il y a quelque chose d'inébranlable chez lui, une certitude qui contraste violemment avec mes doutes.
— T'as pas peur de te brûler les ailes, Deaven ?
— Si. Mais je m'en fiche.
Un frisson me parcourt le corps à ses mots.. Fin, est-ce uniquement ses mots, ou son souffle sur la nuque ? À bien m'en rendre compte, je pense qu'il s'agit de sa proximité qui m'atteint plus que je ne veux réellement l'admettre.
— Tu devrais pas, murmuré-je d'une voix brisée par un soupçon de fragilité. Je ne suis pas le genre de personne qui rend les choses plus simples.
— Tu crois que je le suis ?
Je ne peux m'empêcher de sourire amèrement, avant de secouer doucement la tête.
Non, Deaven n'est pas du genre à rendre quoi que ce soit simple.
— Alors on est deux, soufflé-je finalement pour moi-même.
Il ne répond rien cette fois et pose finalement son front contre mon épaule. Un geste presque imperceptible, mais qui semble déborder d'une vulnérabilité inattendue.
— D'accord.. Juste pour ce soir..
— Juste pour ce soir, répète-t-il d'une voix empreinte de douceur.
Ouais.. juste ce soir..
On verra demain.
Son étreinte se relâche progressivement avant qu'il ne relâche complètement ma taille à contrecœur de ses mains. Je me tourne enfin vers lui, pour croiser ses yeux qui m'observent de manière profonde et mystérieuse.
— Tu vas jouer le gardien toute la nuit ? lui lancé-je pour tenter de briser l'intensité du moment avec une pointe d'humour.
— Si c'est ce qu'il faut, oui, rétorque-t-il.
Je ne sais pas quoi lui répondre.. Une part de moi est tentée de repousser cet élan protecteur, mais l'autre, celle qui a trop souvent dû se battre seule, n'a pas envie de le voir partir.
Alors, je cède.
— D'accord.
Il opine de la tête d'un air satisfait. Le poids de son regard reste toutefois posé sur moi un instant avant qu'il ne fasse un pas en arrière.
— On rentre, viens, murmure-t-il en me tendant une main.
J'hésite une seconde, puis glisse finalement la mienne à l'intérieur de la sienne. La chaleur de sa paume est apaisante, même si je refuse catégoriquement de l'admettre à voix haute. Lorsqu'on rentre à nouveau, l'atmosphère tendue de la pièce me frappe immédiatement. Ninia et Tiago sont assis sur le canapé, leurs chuchotements s'interrompant à notre arrivée. Mélissa est toujours là, isolée dans un coin avec les bras croisés et son regard noir braqué sur moi, ou peut-être sur Deaven. Roy, lui, se tient en retrait avec une expression neutre.
— Alors, c'est bon, elle a enfin décidé de coopérer ? lance Tiago avec un sourire moqueur, brisant le silence.
Je lève les yeux au ciel, prête à répondre, mais il m'interrompt.
— Ferme-la, intervient Deaven d'un ton tranchant.
Le jeune homme hausse les sourcils, feignant l'innocence, mais il obéit malgré son sourire toujours accroché à ses lèvres. Ninia se lève pour s'approcher de moi, un mélange de soulagement et de reproche dans le regard.
— Ely, tu devrais vraiment te reposer. On a tous eu une journée de merde, mais toi... t'as pas besoin d'en rajouter.
Je lui offre un faible sourire, touchée par son inquiétude.
— Je vais bien, rétorqué-je, bien que mes muscles endoloris me contredisent.
— Ce n'est pas ce que ton corps dit, rétorque-t-elle en croisant les bras, un sourire en coin.
— Vous allez tous m'en vouloir si je ne vais pas m'écrouler sur un lit immédiatement ?
— Oui, répondent Ninia et Tiago en chœur, tandis que Roy esquisse un léger sourire.
— Allez viens, Ely, marmonne Deaven d'une voix fatiguée.
— Où ça ? questionné-je en fronçant les sourcils.
— Te reposer.
Je m'apprête à protester, mais le regard qu'il me lance coupe court à toute tentative. Ce n'était pas une invitation, c'est un ordre déguisé en suggestion. Alors, je lâche un soupir résigné, puis me dirige finalement vers lui. Il attrape ma main avant même que je ne proteste, puis m'entraine vers l'une des chambres attenantes.
**
Une fois dans la chambre, Deaven ferme calmement la porte derrière nous. Le cliquetis de la fermeture me fait légèrement frissonner, bien qu'il n'ait pas tourné la clé. À l'intérieur, la pièce est simple, presque dépouillée. Une petite lampe de chevet diffuse une lumière tamisée, reposant sur une table en bois usé. Les murs blancs sont nus, dépourvus de toute décoration. On pourrait penser que cet endroit a été abandonné depuis longtemps.
— Tu comptes rester là à me surveiller pendant que je dors ?
Il fait quelques pas vers moi, ses yeux sombres plongent dans les miens.
— Peut-être. Si c'est ce qu'il faut pour que tu te reposes vraiment.
— T'es vraiment têtu, tu sais ça ? soupiré-je avec un rictus en me détournant.
— Toi aussi, me répond-il avec sa voix grave, teintée d'un léger amusement. Puis il s'approche encore, posant doucement ses mains sur mes épaules. Repose-toi. Laisse-moi m'occuper de tout, juste ce soir.
Comme d'habitude, je cherche une faille dans son expression, un signe de manipulation ou de seconde intention. Mais il n'y a rien. Juste une sincérité brute qui me déstabilise plus que de raison.
— D'accord. Mais si tu veux jouer au garde du corps toute la nuit, au moins ferme-la, marmonné-je en me dirigeant vers le lit.
Seul un sourire éphémère trône sur ses lèvres, en guise de réponses. Je le sens m'observer quelques secondes, avant de finalement faire quelques pas en arrière. Il s'avance tranquillement vers la baie vitrée, puis s'installe sur un petit fauteuil. Je suis un peu soulagée à l'idée qu'il ne reste pas près de la porte comme un piquet. Je l'observe quelques minutes en silence pour jauger la situation, puis finalement je m'installe sur le bord du lit avant de me laisser tomber en arrière, les bras derrière la tête.
Les minutes s'écoulent, mais la pièce est toujours silencieuse. Enfin.. à l'exception du léger grincement du fauteuil sous son poids et du rythme régulier de sa respiration. Mais malgré ma fatigue, le sommeil ne vient pas. Peut-être parce que, pour la première fois depuis longtemps, l'incertitude quant à demain me trouble. Ou peut-être que c'est la présence de Deaven.
Les deux.
Je détourne le regard du plafond et me redresse légèrement à nouveau. Je regarde autour de moi, puis, sans réfléchir, je bascule sur le côté pour attraper mon sac. Je le pose sur le côté, puis fouille à l'intérieur pour chercher mon trésor. Mes doigts l'attrapent finalement, puis j'en sors mon paquet.
— Tu comptes vraiment faire ça ici ? me demande-t-il d'une voix grave.
Je me fige, les doigts toujours sur le paquet.
— Depuis quand ça te regarde ? rétorqué-je, sans même le regarder.
Il ne répond pas tout de suite, et le silence entre nous s'étend plus lourd, qu'il ne devrait l'être. Finalement, je l'ignore puis sors une cigarette.
— C'est mauvais pour toi.
Je laisse échapper un rire sec, sans joie, en sortant mon briquet.
— Oh, vraiment ? Tu vas jouer les moralisateurs ? Toi ?
Il reste immobile, mais son regard qui m'observe, se fait plus intense, plus sombre. Un contraste qui fait rapidement monter en moi une chaleur diffuse, un mélange d'irritation et de gêne.
Pourquoi ça me dérange autant ?
Je prends mon briquet et allume la cigarette. La flamme vacille légèrement, projetant des ombres tremblantes sur les murs.
— Voilà. On respire... chuchoté-je presque pour moi-même après la première bouffée.
La fumée s'élève en spirales paresseuses au-dessus de ma tête, et je la suis des yeux, espérant qu'elle emporte avec elle le poids de cette journée, de cette vie.
— C'est censé t'aider ?
Je tourne la tête vers lui, nos regards se croisent.
— Ouais.
Il s'appuie légèrement contre le dossier du fauteuil, ses bras croisés sur sa poitrine.
— Non. Ça te détruit.
J'hausse les épaules, tirant une autre bouffée.
— C'est un peu l'idée, non ?
Son regard s'assombrit encore plus. Presque noir. En un mouvement rapide, il se lève et traverse la pièce d'un pas décidé pour se tenir devant moi, me dominant de toute sa stature. Mais je ne détourne pas les yeux. Puis, d'un geste sec, rapide, il prend la cigarette entre mes doigts et l'écrase dans le cendrier posé sur la table de chevet. Je proteste en me redressant brusquement, prête à l'insulter, mais il se penche sur moi, son visage bien trop proche.
— Tu vaux mieux que ça, Ely.
Mon cœur rate un battement, et je reste un instant sans réponse, perturbée. Mais avant que je ne puisse réagir, il recule de quelques pas, son regard fixé sur moi alors qu'il se rassoit dans le fauteuil.
— Tu fais chier... ! grogné-je avant qu'un sourire narquois se dessine sur mes lèvres.
Il ne bouge pas, mais je sens son regard me suivre, lourd sur ma peau. Et avant même qu'ils n'agissent, je saisis rapidement le petit paquet de cigarettes posé sur la table.
Ses sourcils se froncent légèrement sous mon geste, mais je m'en fiche. Je passe rapidement en secouant le paquet devant ses yeux pour le provoquer avant de me diriger vers la terrasse. J'ouvre la porte coulissante puis la referme derrière moi avec un claquement sec. Puis, je me tourne, croise son regard à travers la vitre et lui tire la langue.
—Super, brillante démonstration de maturité. Vraiment.—
— La ferme, murmuré-je entre mes dents, en sortant une cigarette.
Je l'allume avant, pour savourer la brûlure familière de la fumée qui envahit ma gorge. Le vent léger caresse mes cheveux pendant que la fumée s'élève lentement.
—Pathétique, t'aurais pu te reposer, soigner tes blessures, mais non. Tu joues encore les héroïnes torturées. Bravo.—
— Et toi, t'es juste une foutue voix dans ma tête, alors ta gueule.
—ohhw.. Ou peut-être que tu fuis parce que tu sais qu'il te surveille, vu ton état lamentable—
Je grogne intérieurement en secouant la tête, essayant de chasser cette pensée. Mon regard glisse vers la vitre, et, bien sûr, il est toujours immobile dans le fauteuil, comme une statue.
— Super, maintenant je suis un spectacle, marmonné-je en tirant une bouffée plus profonde, plus nerveuse.
La nuit est calme, presque trop calme. Le contraste avec l'agitation intérieure qui m'étreint et me serre la poitrine. Les souvenirs, les regrets, les blessures... tout flotte dans l'air comme des fantômes dans la fumée.
—T'as peur, hein ? Cette voix revient toujours, incisive et brutale. Tu fais la maligne, mais t'as peur. De lui, de ce qu'il pense, de ce qu'il pourrait bien voir en toi.—
Je serre les dents avant d'écraser la cigarette dans le cendrier sur le rebord de la terrasse. Un frisson me traverse, bien qu'il n'ait rien à voir avec le froid de l'extérieur. C'est ce regard, son regard encore fixé sur moi, même à travers la vitre. Je lève les yeux vers lui, et dans ces yeux je peux percevoir une pointe de.. de quoi, exactement ? Frustration ? Amusement ? Inquiétude ?
— Il a sûrement pitié. Pitié d'une pauvre fille brisée qui fait semblant de tenir tête à tout le monde.—
Je serre les poings, les ongles s'enfonçant dans ma paume.
—Regarde-toi. Tu te caches derrière cette façade de sarcasme, mais au fond... tu sais que t'es rien. Rien qu'un poids pour ceux qui t'entourent. T'es bonne qu'à fuir. Bonne qu'à décevoir. —
— Ferme-la... supplié-je à peine dans un souffle.
Mais la voix ne s'arrête pas, elle s'intensifie et ses mots deviennent des lames acérées, des vérités déformées qui me déchiquettent de l'intérieur, me laissant complètement à nu.
— Il te regarde. Tu crois qu'il te protège parce qu'il tient à toi ? Non, Elyanna. C'est juste de la pitié. Il voit à quel point t'es faible, et ça le dégoûte autant que ça l'amuse. Parce que t'es incapable de te débrouiller seule, mon poussin.—
— TA GUEULE ! FERME TA GUEULE !!
Je m'effondre à genoux, mes mains agrippant mes cheveux comme si je pouvais arracher cette voix, la faire taire. Mes doigts tremblent, mes ongles s'enfoncent dans mon crâne, cherchant désespérément un soulagement à cette douleur invisible mais dévorante.
— Pathétique.
Pathétique...
Pa.thé.ti.que.—
Ce mot, ce maudit mot, s'enfonce en moi tel un poignard, me faisant souffrir à chaque instant, comme s'il torturait mes entrailles et me laissait saigner continuellement comme il le faisait.
— Arrête, arrête, ARRÊTE ! Je... t'en supplie... crié-je, ma voix brisée, oscillant entre panique et colère, alors que les souvenirs m'assaillent.
Les larmes que je retenais depuis des jours se déversent, brûlant ma peau comme du feu. Mon corps cède, et je m'effondre le souffle court, noyée dans la douleur.
Pitié..
S'il te plait..
Épargne-moi..
— Ils sont tous morts. Par ta faute, Ely. Tous..—
— S..S'il te plai..t..
— Ely ??!
Je relève difficilement la tête. Mes yeux croisent les siens. Son regard, habituellement impénétrable, vacille un instant. Une lueur d'urgence, peut-être même de peur, traverse ses yeux sombres quand ils se posent sur moi.
— Qu'est-ce qu'il y a ?!
Je ne peux pas m'exprimer, ma gorge est trop serrée par des sanglots irrésistibles. Mes mains, tremblantes et impuissantes, se laissent glisser dans mes cheveux. Il s'agenouille devant moi, sa mâchoire crispée.
— Regarde-moi, m'ordonne-t-il.
Je secoue la tête, incapable de lever les yeux vers lui cette fois.
— Ely, regarde-moi. Sa main se pose doucement sous mon menton, forçant mon regard à croiser le sien. Je suis là..
Dans ses yeux, je ne vois ni pitié ni amusement. Juste une intensité brute, une émotion que je n'arrive pas à comprendre. Sa main se fait plus ferme, mais douce. Mais la voix, elle, ne cesse pas. Elle s'insinue dans chaque silence, dans chaque souffle que je prends.
—Tu crois vraiment qu'il te sauvera ? Qu'il te protégera comme il dit ? Tu n'es rien pour lui. Juste une distraction, un poids qu'il traîne derrière lui. Il est comme tous les autres. Il te verra comme tu es, et il te fuira. —
Mes poings se serrent à nouveau, le sol froid sous mes genoux, l'acier du doute persiste comme un poison. Une partie de moi veut croire que c'est faux, que Deaven n'est pas ce genre d'homme, mais la voix... elle résonne et fait écho à des vérités trop douloureuses, trop réelles.
—Pathétique, c'est tout ce que tu es. Tu peux fuir encore et encore, mais au fond... Tu sais que tu n'échapperas jamais à ce que tu es.—
Je veux hurler, arracher ces pensées de mon esprit, mais la douleur m'écrase, m'enchaîne au sol. Chaque mot de cette voix résonne comme un écho brutal, s'étendant dans chaque recoin de ma tête, jusqu'à pénétrer mes os. Elle me consume, m'envahit, laissant derrière elle un vide glacé et insupportable.
— Il te laissera tomber. Et toi, tu seras là, seule, encore et encore.. Comme toujours.—
Mon corps tremble d'impuissance face au torrent de mots qui lacère mon esprit.. Mes lèvres se pressent l'une contre l'autre, cherchant en vain à étouffer le hurlement qui s'élève en moi. Mais ça finit par jaillir, brut et incontrôlable, un cri profond, qui semble venir directement de mes entrailles.
— Arrête... Arrê... ête halèté-je comme un supplice.
—Il te voit.—
Je me tire les cheveux une nouvelle fois, mais cette fois, ça ne suffit pas. Mon corps est secoué de tremblements sous la pression, les larmes brûlant ma peau comme du poison. Ses mains se posent sur mes bras, pleines de cette présence envahissante alors qu'il me soulève doucement, m'obligeant à lever les yeux vers lui, à affronter ce regard qui perce les ténèbres où je me cache.
— Je suis là.... murmure-t-il, cette fois avec une certitude implacable.
Mais la voix ne disparaît pas, et continue de me murmurer les mêmes atrocités que lui.
— Elyanna, regarde-moi.
Je veux détourner les yeux, me réfugier dans le silence, dans ce que la voix m'assure être ma seule vérité, mais je n'y arrive pas. Ses mains sur mes bras m'empêchent de fuir, et ses yeux... ses yeux qui me dévorent, m'obligent à les regarder.
— Tu n'as pas à tout porter seule, murmure-t-il.
Ses mots résonnent dans ma tête, mais ils ne s'accordent pas avec la voix. Cette voix qui, elle, me dit que je suis seule, que tout ça n'est qu'une illusion, que demain je serai encore là, à me battre contre mes propres démons seule. Mais lui... lui me fixe avec cette intensité qui me fait douter, qui fait vaciller cette certitude que j'avais, celle que personne ne pourrait jamais comprendre.
—C'est ça, crois-y. Mais tu sais que tu finiras par le détruire, toi aussi..—
Je fais un mouvement de recul, une partie de moi vacillant, l'autre cherchant désespérément à se maintenir debout.
— Hé..je veux juste t'aider, répète-t-il d'une voix plus douce cette fois.
Je ferme les yeux pour essayer de contenir la douleur qui s'empare de moi. Chaque pensée, chaque souvenir, chaque mot cruel résonne dans mon esprit, me pressant de manière de plus en plus insupportable. Tout devient flou, comme si un poids colossal me tirait vers un abîme sans fin. J'ai envie de crier, mais ma gorge se serre. Je veux m'échapper, mais mes jambes me trahissent. Je sens que je perds l'équilibre, prêt à abandonner, à me laisser submerger par ce fardeau écrasant. Alors, dans un geste de désespoir, je lève les yeux vers lui. Mes larmes coulent sans s'arrêter, brouillant ma vue, mais je cherche encore son regard, comme si tout pouvait s'arrêter si je parvenais à le trouver. Il ne détourne pas les yeux, et même s'il tente de dissimuler son inquiétude, je la remarque, évidente comme de l'eau claire. Il ne comprend pas tout, pas entièrement, mais il voit. Il ressent que quelque chose en moi est sur le point de se briser, cette fois définitivement.
— Frappe-moi... S'il te plaît... Deaven.. le supplié-je d'une voix brisée par la douleur. Frappe-moi.. frappe... FRAPPE-MOI ! Fais quelque chose. Fais-la taire... Je t'en supplie, parce que si tu ne le fais pas, je vais... je vais disparaître..
Je me bats contre les larmes et ce désespoir qui menace de me submerger. Ma tête tourne et ma peau brûle sous l'intensité de la souffrance. La voix, tel un poison qui s'infiltre toujours plus en profondeur, se moque au fond de mon esprit, détruisant mes derniers espoirs.
—Tu crois quoi ? Que quelqu'un va te sauver ? Pathétique... T'es déjà trop abîmée. T'es une erreur...!—
Je le fixe, mes yeux perdus dans le vide. Je vois cette lueur dans son regard. Il hésite. Il est là, figé, comme s'il observait les tourments dans ma tête. Mais, je suis prête à tout, à supplier, à m'humilier pour que cette voix disparaisse.
— Je ne peux pas le faire toute seule... Fais..fais quelque chose, je t'en supplie..
Les mots m'assaillent à chaque syllabe, et je réalise que je vais me fracturer en mille morceaux si je n'obtiens pas ce que je demande. Il n'y a plus de fierté ni de résistance. Je ressens uniquement la peur de sombrer, de me perdre totalement dans ce désordre. Le silence qui s'installe devient lourd. Je suis là, à genoux, mes mains agrippant maintenant son pull, comme si je pouvais y puiser une stabilité que je ne trouve nulle part ailleurs. Il reste figé, mais je remarque que son regard se durcit, ses muscles se tendent, comme s'il luttait contre un conflit intérieur. Je sais qu'il n'est pas du genre à céder à la panique, qu'il ne laisse jamais transparaître ses faiblesses.
— C'est ce que tu mérites... Tu mérites cette souffrance... —
— Calme-toi.. Je ne peux pas... murmure-t-il finalement inquiet.
Je secoue la tête, mais je n'ai plus la force de lutter contre lui. Mes mains tremblent toujours, mon cœur bat à tout rompre. Je veux lui dire qu'il n'y a rien à faire, que cette douleur, cette voix, ce monstre intérieur, rien ni personne ne pourra jamais les faire disparaître. Mais avant que je puisse finir, la pression de sa main sur mon bras se renforce.
— Je ne peux pas. Je ne peux pas te faire ça.
—Tu veux qu'il te sauve ? Tu crois vraiment qu'il le peut ? Tu n'es qu'une fille brisée. Et lui, il est juste un monstre de plus qui te ment depuis le début, qui te joue ! Comme tous les autres.—
Je ferme les yeux une nouvelle fois, le souffle saccadé.
— Fais-la taire... imploré-je, la voix étranglée. S'il te plaît, Deaven, fais-la taire...
Avant même que je puisse réaliser mes pensées, ses lèvres se heurtent aux miennes. La chaleur de ses lèvres s'entrelace avec les miennes, chacun de ses mouvements m'engloutit.. Tandis que ses bras m'enveloppent avec une force inébranlable. Je perds l'équilibre, emporté loin de tout ce qui pourrait encore me maintenir dans la folie. Le monde autour de nous disparaît, et il ne reste plus que la fièvre de son contact. C'est comme si, dans ce contact, tout le reste se dissolvait. Et cette sensation, brûlante et enivrante, me déconnecte de tout.
Chaque frisson, chaque souffle, chaque battement de son cœur m'enlace.
Et pendant un instant, je crois pouvoir tout oublier :
La douleur, le chaos..