Je me réveille en sursaut, la tête encore lourde de sommeil. En ouvrant légèrement les yeux, je constate que tout autour de moi est encore un peu flou. Je cligne plusieurs fois des yeux, avant de voir un peu plus clair. Et c'est à ce moment-là que je comprends rapidement que je suis effectivement sur le canapé de chez moi.
Où est-il ?
Je scrute la pièce, le cherchant désespérément dans chaque coin, mais tout ce qui me répond, c'est le silence. Le vide autour de moi me serre la poitrine tel un écho de son absence. Il n'est plus là.
J'ai rêvé ? Non. Ça n'avait rien de... fictif.
C'était bien trop réel.
Je me frotte les joues pour chasser la brume de ma tête.
— Qu'est-ce que... marmonne-je pour moi-même, mes mots se perdent dans l'air.
Avec difficulté, je me redresse du canapé. Mon corps résiste un peu à l'idée de se réveiller pleinement. Mais je ne m'en soucie pas. Je me redresse, puis regarde à nouveau autour de moi, cherchant une explication dans ce silence. C'est alors que je remarque ma meilleure amie se déplacer dans la cuisine. Je me contente de lever la main, un salut distrait. Elle me tend un café tout de suite, comme si elle savait exactement ce qu'il me fallait. Je la remercie d'un signe de tête, attrapant la tasse encore chaude qui me réchauffe les doigts froids. Je la fixe un instant, cherchant une réponse, une explication.
— Comment tu connais Deaven ?
Je la regarde attentivement pour observer son visage. Mais elle ne semble même pas surprise quant à ma question. Cependant, elle agit comme si elle n'avait pas entendu. Alors, je fronce les sourcils, un peu plus impatiente, puis insiste.
— Ninia... je t'ai pas dit que c'était... bizarre ? rétorqué-je en tirant une bouffée de ma cigarette.
— C'est une longue histoire, Ely.
— Une longue histoire ? répété-je en me laissant tomber sur le canapé, le regard perdu dans le vide.
J'ai l'impression que tout ce qui touche à ce type est... compliqué.
Elle s'approche, dépose un autre café sur la table sans un mot.
— Deaven, c'est... différent pour nous, commence-t-elle en s'asseyant près de moi : Je peux rien te dire, mais... il a ses raisons.
— Ses raisons ? demandé-je en haussant les sourcils, peu convaincue.
— Ouais, ses raisons.
Je tire une nouvelle bouffée sur ma cigarette, la fumée m'enveloppant presque comme un bouclier. Pourquoi j'ai l'impression qu'elle me cache quelque chose de plus important ?
—Bien sûr qu'elle ment. Regarde sa tête. —
Je pose mon regard sur elle, mes pensées se bousculent dans ma tête. Je me redresse un peu plus, puis balance finalement la cigarette dans le cendrier.
— Et moi, je fais quoi dans cette histoire ?
— Tu fais partie de quelque chose qu'il essaie de comprendre, je présume ? soupire-t-elle en se redressant à son tour.
Qu'est-ce qu'elle veut dire par 'faire partie de quelque chose' ?
Sa façon de s'exprimer me donne l'impression d'occuper une place spéciale dans sa vie, et cela me perturbe et me dépasse.
Je ferme les yeux un instant pour tenter d'éloigner les images qui envahissent mon esprit. Mais elles demeurent tenaces. Deaven, son regard, ses mouvements. Et moi, perdue au milieu de tout ça. Sauf que, moi ? Je suis simplement une personne qui essaie de naviguer à travers sa propre existence, alors je sais pas ce que je peux bien faire dans cette histoire.
Un soupir fatigué s'échappe de mes lèvres.
— T'es toujours là ? me demande-t-elle. Tu veux vraiment avoir la réponse ?
— Non. Je crois que je préfère ne pas savoir.
Je m'affale sur le canapé, mes épaules se relâchent un peu.
— T'as envie d'une soirée bar improvisée ? lancé-je, sans y penser pour changer de sujet.
Elle rigole, et la sonorité de sa voix m'apporte un peu de réconfort dans cette journée qui m'échappe depuis mon réveil.
— Pourquoi pas ? Ça pourrait nous changer un peu d'air. répond-elle en se levant du canapé pour commencer à tout préparer.
Je reste là, un peu perdue, à la regarder se déplacer avec facilité. Elle a ce don de rendre tout simple, même quand le monde autour de nous semble.. lourd.
— Je vais à la douche. C'est tout ce que je dis en me levant. Puis, sans vraiment y réfléchir, j'ajoute : Tu t'occupes du reste ?
Elle hoche la tête, sort son téléphone pour probablement envoyer des messages et monter une petite troupe pour ce soir. Je la regarde encore un instant, puis me dirige vers la salle de bain. Je glisse sous le jet d'eau chaude et ferme les yeux sous l'eau.
Un soupir plus profond m'échappe. Mais le visage de Deaven m'apparaît de nouveau, comme une ombre qui refuse de me quitter sous les paupières.
— Ely ! clame Ninia derrière la porte, me forçant à me ressaisir.
— J'arrive, deux minutes !
Je sors rapidement de la douche, me sèche, puis m'habille de vêtements simples avant de sortir de la salle de bain. En sortant de la pièce, je lui adresse un sourire nerveux en retour au sien, puis la rejoins à la sortie de l'appartement.
— T'es prête à t'éclater ce soir ?
— Toujours.
Elle monte dans la voiture, débordante d'énergie. Pour ma part, j'ouvre la porte et m'installe à ses côtés. Elle démarre aussitôt. Sur la route, la musique à l'autoradio remplit rapidement l'habitacle d'une étrange sensation, sentiment de sérénité. Fin, ça, c'est sans compter mon esprit encore ailleurs. Je n'arrête pas de ruminer, de réfléchir, de voir.. de penser.. L'image de Deaven, la chaleur de ses bras autour de mon corps, l'intensité qu'avait son regard posé sur moi. Tout ça, bah, ça tourne en boucle dans ma tête. C'est plus que perturbant quand tu sais quel type d'homme il peut être. Voyant probablement mon trouble, elle se tourne finalement vers moi sur son siège. Juste un petit coup d'oeil en gardant l'oeil sur la route.
— Ça va ? me demande-t-elle d'une voix douce, mais teintée d'inquiétude.
Je détourne les yeux, esquissant un sourire que je sais être faux.
— Ouais, ça va.
Son regard se pose à nouveau brièvement sur moi, avant de revenir rapidement devant elle. Elle sait, comme toujours, que certains silences ne méritent pas d'être brisés, que parfois il vaut mieux les laisser flotter. La voiture poursuit alors son chemin. Lorsque nous arrivons au bar, elle se gare en silence et, pendant un instant, le temps paraît suspendu. Je reste immobile, les mains sur les genoux, avant de me décider à sortir. Dès que je mets un pied dehors, le bruit me percute dans des basses. La musique est assourdissante. L'odeur de bière et de fumée, les voix qui s'entremêlent, tout est trop bruyant. Tout, déborde de vie, de bruit et de mouvement. Pourtant, au milieu de cette agitation, j'ai cette étrange distance. Comme si une barrière invisible me séparait des autres.
— Tu viens ou quoi ? demande-t-elle avec un sourire.
Elle prend mon bras dans le sien, puis m'entraîne. Je la suis en hochant vaguement la tête. En avançant, nous nous frayons un chemin à travers la foule, les rires et les conversations. Une fois à table, Ninia s'assoit à une table et commence immédiatement à discuter avec le patron du bar. Pour ma part, je reste en retrait, trop absorbée par le tumulte vibrant.
Une fois sa discussion finie, elle me tend un verre avec un sourire encourageant. Juste de quoi essayer de me mettre à l'aise, je présume.
Je ferme les yeux un instant pour essayer de me concentrer sur l'instant, de laisser mes pensées se dissiper. Ninia rit d'un rire vibrant et plein de vie en me parlant, partageant une histoire. Cependant, ses mots n'atteignent pas réellement mes oreilles. J'hoche la tête, esquissant un sourire pour lui répondre, bien que je n'entende pas grand-chose.
— Tu veux boire quelque chose ? murmure-t-elle, secouant le verre qu'elle tient.
Je la connais assez pour savoir que ce n'est pas juste une question d'offrir un verre. Elle s'inquiète. Mais, je ne veux pas que ça lui pourrisse la soirée, alors je lui adresse un sourire.
— Pas ce soir. rétorqué-je en me redressant un peu, mes doigts jouant avec le verre : Hier, c'était... assez.
Elle fronce les sourcils, mais je soupire, balayant l'air de la main comme pour effacer les derniers souvenirs de la soirée d'hier.
— Ça va.
— Mhm... marmonne-t-elle avec un regard soucieux.
Au loin, le bruit des portes qui s'ouvre attire mon attention. Ninia tourne la tête, puis fait signe en direction de son regard. Un groupe entre dans le bar, un mélange de voix et de rires qui s'élèvent au-dessus de la musique. Tiago. Il entre avec deux personnes derrière lui. L'une a un regard froid et distant, et l'homme ressemble à quelqu'un qui peut tuer sans broncher. Le genre qui dit "regarde moi encore, et je t'égorge" sans réellement prononcer.
Le petit groupe s'approche de notre table, avant de poser une main sur le dos d'une chaise.
— Ely, répond-il avec une voix un peu moqueuse. Toujours aussi mignonne, hein ?
Je grimace intérieurement en serrant les dents, puis lui adresse un léger sourire forcé.
— Salut, Tiago.
Les deux autres personnes qui se tiennent un peu à l'écart se présentent rapidement. Roy & Carry. Fin, je crois que c'est leur prénom. La petite brune, donc.. Carry, me jette un coup d'œil rapide, ses yeux scrutant chaque détail de ma posture. L'homme, Roy, de son côté semble plus intéressé par l'ambiance du bar. En voyant leur dégainer, leur posture et leur méfiance, je n'ai pas besoin de plus pour comprendre.
Il traine avec Tiago.. donc forcément avec Deaven. Ouai. C'est peut-être un grand raccourci... Fin bref, qu'est-ce que Ninia a à voir avec eux.. hum?
Je pose mon regard sur ma meilleure amie, mais je suis vite interrompu par Tiago qui prend place à côté de moi, se plaçant juste devant elle. Il pose son verre sur la table et me regarde un instant.
— T'as l'air... distante ce soir. Tu vas bien ? me demande-t-il, interrogateur.
Je ne le regarde pas tout de suite, mais son regard, lui, me scrute. Alors, je finis par le regarder, juste assez pour qu'il se sente légèrement déstabilisé.
— Ouais, je vais bien, rétorqué-je sèchement.
— Tu sais que t'es vraiment un cas, toi. Mais c'est ça que j'aime chez toi. Toujours un peu perdue, un peu fragile, glousse-il avec cette même attitude condescendante.
Fragile.. ?
Je lève les yeux au ciel, mais il ne le voit pas.
— Très drôle.
Je sais bien qu'il se fiche de ma réaction, tant qu'il peut jouer avec moi. Mais.. si seulement.. il comprenait..
Comment on dit déjà.. un manipulateur manipulé, non ?
Ma meilleure amie ne dit rien, mais elle capte le léger malaise qui plane autour de moi. Elle se penche un peu vers moi pour finalement me chuchoter à l'oreille de nouveau la même question.
Encore.......
— Ça va ?
Je soupire et lui fais un petit sourire pour la rassurer.
— Ouais. Ça va. Encore. Je me retourne de nouveau vers Tiago pour changer de sujet et garder un peu de contrôle sur cette conversation : Et toi, toujours à la tête de la boîte ?
Je pose évidemment la question, en sachant pertinemment qu'il va sauter sur l'occasion pour se vanter. Après tout, son narcissisme.. fait partie intégrante de son égo, et ça.. jusqu'au bout de ses ongles de pied.
Il hoche la tête, un air satisfait flottant sur son visage.
— Toujours. Tu sais que j'aime avoir les rênes, souffle-t-il en marquant une pause avant de reprendre : Mais toi, tu devrais vraiment sortir plus souvent. Genre, tu pourrais trouver ta place ici, tu sais. Avec nous, je veux dire.
Le sous-entendu dans sa voix est évident. Il pense que je suis un petit oiseau fragile coincé dans une cage. Et il pense sûrement qu'il suffit simplement de me tendre la main pour que je vole avec lui. Je n'ajoute rien, mais je sens déjà la lourdeur de sa présence et de ses attentes. Mais, en même temps, je sais que tout ça m'ennuie. Carry et Roy, qui étaient restés silencieux jusqu'à présent, se rapprochent légèrement. La jeune femme me fixe d'un regard froid et tranchant, comme si elle cherchait quelque chose en moi. Alors, je soutiens son regard un instant, avant de détourner les yeux, préférant ne pas en rajouter. Je ne les connais pas, mais je suis bien consciente qu'ils ne sont pas là pour être amicaux.
— T'as l'air un peu seule dans ce coin, demande l'homme aux cheveux courts d'une voix grave, sans omettre de sourire.
Je le regarde, un petit sourire en coin.
— Non, pas tellement.
— On se fait un jeu de cartes ? demande finalement ma meilleure amie pour détourner l'attention de tous.
Je garde mon regard fixé sur l'homme, histoire de ne pas laisser transparaître ce qui mijote dans ma tête. J'aime bien garder une certaine distance avec ces gens-là. Pas question de leur donner une chance de comprendre quoi que ce soit sur moi. Ninia lance un regard furtif à Roy de nouveau, comme si elle lisait entre les lignes, comme si elle parlait avec lui d'une manière que personne ne peut voir.
— Alors ? re-demande-t-elle.
Un petit éclat de rire m'échappe, un rire nerveux, comme pour désamorcer la tension qui commence à monter. Tiago est là, son regard constant sur moi, Carry et Roy qui semblent un peu plus curieux qu'ils ne le laissent paraître, et moi.. Bah je me sens à l'étroit sous leurs regards.
Ils vont pas me laisser tranquille, c'est ça ? Mouais.. ils sont tous aussi insistants dans son cercle ? Hmpf, je vois bien de qui ils peuvent tenir ça.
Je relève les yeux, un sourire sarcastique se glissant au coin de mes lèvres.
— Partante s'il y a de l'argent en jeu, rétorqué-je, en haussant les épaules.
Pas question de m'amuser gratuitement.
Ouais, j'ai besoin de fric.
— Oh, t'es vraiment trop... Toi.. s'esclaffe ma petite Nini dans un éclat de rire.
— Je suis sérieuse, rétorqué-je.
— Ok, ok,
Elle lève les bras en l'air, comme pour dire "j'abandonne". La jeune brune aux cheveux courts "Carry", attrape le jeu de cartes posé sur la table et les fait tourner entre ses doigts avec une assurance évidente.
— Un jeu de cartes avec de l'argent, hein ? T'es sûre ? Parce qu'on n'a pas l'habitude de jouer à la légère ici, lance-t-elle avant de regarder Tiago, un sourire aux lèvres.
— T'inquiète, je vais te montrer comment on fait ça, répond Tiago avec un sourire aux lèvres, les yeux toujours rivés sur moi.
Je sais que ça va être facile pour moi, même s'ils l'ignorent. Après tout, les cartes, c'est mon truc.
Un sourire furtif se glisse malgré moi sur mes lèvres. J'attrape à mon tour les cartes qu'elle distribue, les faisant glisser entre mes doigts dans un mouvement léger et fluide qui n'a rien d'innocent. Surtout quand il ne s'agit plus d'un simple jeu.
— Si on doit jouer, autant le faire sérieusement, non ? déclaré-je en laissant ma voix glisser.
Je repose légèrement mes mains sur la table, les bras croisés sous ma poitrine, comme si j'étais prête à les défier de me suivre.
Je les fixe tour à tour, sans détour, puis rétorque :
— Liar's ?