Je descends rapidement les marches de l'entrée du lycée sans un regard en arrière, mes pensées tournoyant dans ma tête. Je ne réfléchis pas vraiment à ce que je suis entrain de faire. J'ai simplement répondu « J'arrive » et mes jambes ont fait le reste. Je marche vite, je cours presque machinalement vers chez lui mais une fois là-bas la maison semble vide, tout les volets sont fermés et aucune voiture n'est garée dans l'allée. La panique me gagne, si il n'est pas chez lui, où est-ce qu'il peut être ?
Je sors mon téléphone de ma poche
- T'es où ?
Je presse l'envoi et me mets à marcher sans savoir exactement où aller. J'attends, quelques secondes, peut-être une minute. Puis une vibration dans ma main.
- Derrière la salle de boxe.
Je fronce les sourcils. La salle de boxe ?
Je traverse la rue en vitesse, le cœur battant. La salle de boxe, pourquoi là-bas ?
Je n'ai jamais mit les pieds là bas mais je situe très bien le bâtiment aux murs de briques à quelques rues de chez moi. Je tourne dans une petite rue afin d'éviter de passer devant la maison, à l'heure qu'il est mon père doit déjà être au courant que j'ai séché mon dernier cours de la journée.
J'aperçois enfin la salle de boxe, un peu à l'écart derrière il y a un espace bétonnée, bordé d'une grille.
Et je le vois. Il est là.
Il est assis sur le sol, le dos appuyé contre le mur. Il porte un sweat noir et un jogging assorti. Ses cheveux sont en bataille et son regard... Son regard est vide, fixé sur un point au loin.
Je m'approche doucement. Il ne bouge pas, il sait que je suis là mais il ne réagit pas. Il ne tourne même pas la tête vers moi.
Je m'accroupis devant lui
- Benjamin ?
Il ne me regarde pas tout de suite, je distingue des cernes violacées sous ses yeux, une tension rigide dans ses épaules. Il semble épuisé. Brisé.
- Parle moi, je peux t'aider ?
Il laisse échapper un rire, sans joie, amer.
- Non tu ne peux pas.
Un silence s'installe. Il est lourd, oppressant. Je le laisse respirer, prendre son temps.
Finalement il murmure, presque trop bas pour que je l'entende
- Mon frère est mort.
Les mots tombent. Brutaux, irréels. Mon cœur rate un battement. Je reste muette, choquée, incapable d'articuler quoi que ce soit.
Il reprend, d'une voix mécanique, dénuée d'émotion.
- Il est tombé au parc, sur la tête. Ils n'ont pas pu le sauver.
Ma gorge se noue.
Je ne trouve rien à dire. Aucune phrase ne pourrait réparer ça. Aucun mot ne suffirait, je sais ce qu'il ressent. Alors je fais la seule chose qui me vient à l'esprit. Je me rapproche et passe mes bras autour de son cou pour le prendre dans mes bras.
Je m'attends à ce qu'il se crispe, qu'il recule, mais au bout de quelques secondes, je sens ses épaules s'abaisser. Comme si l'armure qu'il s'efforçait de garder s'effritait un peu. Il lâche prise.
Ses bras rejoignent mon dos et doucement je sens les larmes dévaler jusque dans mon cou. Il ne parle pas, il ne fait aucun bruit, mais je le sens trembler légèrement contre moi.
Je resserre mon étreinte. Je ferme les yeux un instant, mon propre cœur au bord de l'implosion. Je ne pleure pas, ce n'est pas mon rôle d'être faible aujourd'hui.
Je reste ainsi, sans bouger, lui offrant ce qu'il est capable de prendre. Et même si je ne peux pas effacer sa douleur, je peux au moins être là.