Je savais que l'avoir dans ma classe ne serait pas de tout repos, mais j'espérais au moins qu'il saurait se tenir en cours.
Quand la sonnerie retentit, je prends une grande inspiration. Autant régler ça tout de suite.
- Je peux savoir ce qui te prend ?
Il lève les yeux au ciel et affiche son air faussement innocent.
- Rien, je vois juste ma meuf flirter sous mon nez, mais tout va bien.
Je le fixe, abasourdie.
- Quoi ?! Mais ça va pas ! Il me demandait juste les cours qu'il a manqués, Valentin ! C'est mon voisin de table, c'est normal !
- Il a qu'à demander au prof.
- Oh, écoute, j'en ai marre de tes petites scènes en permanence. Il est hors de question que je passe l'année comme ça ! Je dois me concentrer sur les cours, alors quand t'auras fini de faire ton gamin, tu me feras signe.
- C'est bon, bébé t'énerve pas... Je fais pas de scène, c'est juste que ça m'énerve quand les mecs te parlent. Je sais très bien ce qu'ils ont en tête. T'es beaucoup trop belle pour qu'ils soient juste des amis. T'es à moi, je partage pas.
Je serre les dents.
- Et avoir confiance en moi, c'est trop demandé ? Vraiment, Valentin, arrête ce genre de réactions, ça me saoule.
- Je vais essayer, mon cœur, promis... Mais fais pas la gueule, hein...
Il s'approche pour m'embrasser. Et comme toujours, je laisse passer.
La journée se déroule sans encombre jusqu'à 17h.
Nous sommes séparés en deux groupes pour le cours d'espagnol, et cette fois, j'ai un peu de chance : le classement alphabétique me met dans le premier groupe, tandis que Valentin est dans le second. Ça me laisse au moins une heure de répit.
Mme Estepa, qui m'enseigne l'espagnol depuis la seconde, aime organiser des plans de classe. Je m'y attends, et bien sûr elle fait comme d'habitude.
- Restez debout, je vais vous appeler par table. Ce seront vos places pour toute l'année. Premier rang, côté fenêtre : Antoine Chloé et August Pierre, allez vous asseoir.
Alves Mia et Beaulieu Benjamin, deuxième rang.
Je soupire intérieurement. Heureusement que Valentin n'est pas là.
- Si tous les profs font leurs plans de classe avec la liste, on va beaucoup se voir cette année, dit Benjamin en riant.
- On dirait bien, oui.
- J'espère que ton copain pourra supporter ça sans faire d'histoires.
Je le regarde, surprise. Comment il sait ?
- Je vous ai vus après le cours de maths, explique-t-il en haussant les épaules.
- Ah... désolée. C'est vrai qu'il est assez jaloux.
- J'aurais dit totalement possessif.
Je n'essaie même pas de le contredire.
- Vous êtes ensemble depuis longtemps ?
- Ça fait quatre ans.
Il arque un sourcil, impressionné.
- Wah. C'est rare, si jeunes. C'est bien... mais ça doit pas être facile, avec son caractère.
- Non, c'est pas toujours évident...
- Silencio, ahora !
Le cours reprend. L'heure passe vite, et contre toute attente, Benjamin est agréable comme voisin. Il a l'air sympa, et au moins, il ne monopolise pas la parole.
À la sortie, Julia et moi cherchons Solène parmi la foule. Mon regard s'arrête net sur une silhouette familière. Valentin. Trop proche d'une fille. Bien trop proche. Surtout de cette fille là, qui rôde comme un vautour autour de sa proie depuis fin d'année dernière. Elle a déjà été source de dispute.
Mon cœur cogne dans ma poitrine et mes jambes avancent d'elles-mêmes.
- Ça va ?!
Valentin se tourne vers moi avec un sourire innocent et le vautour disparaît, avant que la tempête s'abatte sur elle aussi.
- Ah, ça y est, vous avez fini ?
- Oui. Pourquoi, t'as pas eu assez de temps avec elle ?!
Son sourire disparaît aussitôt.
- Mais bébé, je parle juste.
- Ah ouais ? Et après, c'est toi qui fais des scènes pour un mec qui me demande ses cours ? Alors que toi, tu dragues ouvertement devant tout le monde ?!
- Je drague pas, arrête un peu...
- Ah ouais ? Et tu fais quoi, alors ?
- Je parle. J'ai pas le droit ?
- Si. Et moi aussi, du coup.
Je n'attends pas sa réponse. Je tourne les talons et m'en vais, écoeurée.
J'ai eu ma dose pour aujourd'hui.