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Anne-pendragon
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Chapitre 17

Élisabeth

Dix jours se sont écoulés depuis le départ de Zéphyr. L'ambiance est plus tendue que jamais au château Brisevent. Bien que tout le monde s'efforce de dissimuler son inquiétude derrière des sourires forcés, l'angoisse est palpable. Margaret, mon amie indéfectible, continue de veiller sur moi, ses encouragements constants et ses blagues légères illuminant mes journées sombres. Elle me rappelle souvent à quel point elle se sent chanceuse de m'avoir à ses côtés, surtout après avoir eu "une mauvaise grippe" à son arrivée ici. Sa positivité est une bouffée d'air frais, une qualité inestimable que je savoure. Nous devrions tous avoir une Margaret dans notre vie.

Pour Lior, rien n'a vraiment changé. Sa joie innocente et son énergie débordante sont une source de réconfort. Il est ravi de ma présence et montre une attention touchante lors de nos leçons. Parfois, il vient dormir avec moi, prétextant n'avoir pas reçu son bisou du soir de son père. Son besoin de proximité me fait chaud au cœur, bien que je soupçonne qu'il en rajoute un peu pour passer plus de temps avec moi.

En revanche, la situation avec Sophia est bien différente. Depuis le départ de Zéphyr, elle est devenue une énigme. Elle est froide, ses réponses sont courtes et tranchantes, et nos échanges se réduisent au strict minimum. Ce matin, je descends en cuisine pour l'aider, espérant briser la glace.

Je commence à éplucher les navets en silence. Sophia me jette de rapides coups d'œil, comme si elle redoutait ma présence. À un moment, nos bras se touchent par accident. Elle sursaute, ses yeux s'élargissent de terreur, et le plat qu'elle tenait s'écrase à ses pieds, se brisant en mille morceaux.

- Tu vas bien ? je demande, la voix tremblante d'inquiétude.

Sophia évite mon regard. Elle murmure, ramassant les débris d'une main tremblante :

- Oui, ne t'en fais pas, je ne sais pas ce qui m'a pris.

Je m'agenouille pour l'aider. Le silence pesant est presque assourdissant. Elle s'éloigne de moi, ses mouvements brusques et maladroits. Je cherche à capter son regard, mais elle le fuit obstinément.

- C'est parce que je t'ai touché le bras ? Ma voix est à peine un souffle, mais la tension est palpable. Tu es sérieuse ?

Un silence glacial s'installe. Sophia finit par murmurer, sans lever les yeux :

- Je ne l'ai pas fait exprès, Élisabeth.

Sa voix est si faible, si empreinte de gêne et de peur, que cela me blesse plus que je ne veuille l'admettre. Un nœud se forme dans mon estomac. Pourquoi cela me dérange-t-il autant ? Elle a peut-être raison de me fuir. Après tout, je suis différente, une malédiction vivante. Si j'étais à sa place, aurais-je réagi autrement ?

Je me relève lentement, sentant le poids de l'incompréhension et de la tristesse m'écraser. Je jette les débris dans la poubelle, les gestes automatiques.

- Ce n'est pas grave, je comprends, dis-je enfin, plus pour me convaincre moi-même que pour elle.

Je quitte la cuisine rapidement, les larmes menaçant de déborder. En remontant le couloir, je croise Margaret qui ouvre la porte d'entrée pour prendre le courrier. Elle se tourne vers moi, un sourire réconfortant sur les lèvres, mais je sens la lourdeur de mon cœur l'emporter sur la joie de la voir.

- Il t'est adressé, Lizzie, dit-elle en me tendant une enveloppe scellée à la cire rouge.

Je saisis l'enveloppe avec une précipitation désespérée, mes doigts tremblants légèrement. La cire rouge qui la scelle brille sous la lumière, ajoutant une gravité à son contenu. J'entends Margaret se rapprocher, sa curiosité palpable. Elle se poste derrière moi, ses grands yeux bleus scintillant d'excitation et d'inquiétude.

L'enveloppe craque sous mes doigts alors que je l'ouvre avec précaution, comme si son contenu pouvait révéler un secret lourd de conséquences. Le papier à l'intérieur est épais, marqué du sceau royal. Mon cœur bat à tout rompre tandis que je déplie la lettre, les mots de Zéphyr dansant devant mes yeux.

*********

Bonjour Élisabeth,

J'ai rencontré Sa Majesté le roi et nous faisons route vers le château. Il souhaite vous rencontrer, Lior et toi. Pourriez-vous préparer une chambre pour le roi ? Nous serons là bientôt. Le roi sera accompagné d'une dizaine de gardes, qui séjourneront dans les jardins du domaine.

Demande à Will d'aller au marché et de prendre ce qu'il faut pour nourrir tout le monde et qu'ils commandent les plus belles pièces de viande.

Ne t'inquiète pas, le roi va nous aider.

J'espère te revoir sourire à nouveau et ne plus avoir à essuyer tes larmes.

Tendrement, Zéphyr.

******

En lisant ces mots, je ressens à la fois un profond soulagement et une nervosité croissante. La perspective de la visite du roi est à la fois exaltante et terrifiante. Je sens Margaret se pencher plus près, ses yeux parcourant la lettre par-dessus mon épaule.

- Tu n'étais pas censée lire ça ! je m'écrie surprise et suis gênée.

Je sens mes joues devenir brûlantes, la rougeur montant jusqu'à mes tempes. Margaret me regarde, ses yeux brillants de malice. Elle laisse échapper un rire clair, un éclat sonore dans l'atmosphère tendue du château.

- Oh là là, c'est chaud ! s'exclame-t-elle en riant, son visage s'éclairant d'un sourire espiègle.

Je la fixe, perplexe.

- Mais de quoi parles-tu ? Il est simplement très attentionné, comme toujours. Ma voix vacille entre la défensive et la confusion.

Margaret lève un sourcil, un sourire en coin étirant ses lèvres.

- Mais oui, j'attends que ça, moi, qu'un homme s'occupe d'essuyer mes larmes et de me faire sourire, poursuit-elle en me lançant un regard malicieux, ses yeux pétillant d'amusement.

Je la regarde, abasourdie par ses insinuations. Mon cœur s'allège malgré tout, et je ne peux m'empêcher de rire. Son taquinage est si typique d'elle, toujours prête à apporter un peu de lumière dans les moments sombres.

- Tu n'en rates pas une ! dis-je en lui donnant un léger coup de coude dans les côtes, essayant de masquer mon embarras.

Margaret fait semblant de grimacer, portant une main à son côté comme si je l'avais vraiment blessée.

- Mais tu me fais mal en plus ! proteste-t-elle en me rendant un coup de coude plus léger, son rire devenant contagieux.

Nous éclatons de rire toutes les deux, oubliant un instant les préoccupations et les peurs qui nous entourent. Ce moment de légèreté est une bouffée d'air frais dans l'atmosphère étouffante du château.

Nous informons Will et Sophia de l'arrivée imminente de sa majesté le roi Roderick... Potentiellement mon père. À l'évocation de ce nom, un frisson parcourt mon échine, une combinaison troublante d'excitation et d'appréhension. La perspective de rencontrer le roi, cet homme dont le titre seul impose respect et crainte, m'envahit d'un tourbillon d'émotions contradictoires. Que va-t-il penser de moi ? Que va-t-il découvrir ? Et surtout, comment vais-je me comporter face à lui, ce père que je n'ai jamais connu ?

Je croise le regard de Margaret, qui tente de m'offrir un sourire réconfortant. Son soutien indéfectible est un ancrage dans cette mer de tourments. Nous descendons ensemble, la lettre de Zéphyr encore serrée dans ma main, vers la cuisine où Will s'active à préparer le déjeuner. Sophia lui a probablement demandé de l'aide suite à l'incident... Will lève les yeux de ses casseroles en nous voyant entrer, son expression passant de la concentration à la curiosité.

- Will, commence Margaret avec un sérieux inhabituel, nous devons te parler.

Will fronce les sourcils, posant délicatement la louche avant de nous faire face. Son visage, habituellement jovial, se tend légèrement en anticipation de nos paroles.

- Sa Majesté le roi Roderick va arriver bientôt, dis-je, ma voix tremblant légèrement malgré mes efforts pour paraître calme. Zéphyr a demandé que nous préparions tout pour sa venue, y compris une chambre pour le roi et des provisions pour ses gardes.

Les yeux de Will s'élargissent, une lueur de surprise traversant son regard.

- Le roi ? Ici ? répète-t-il, presque incrédule.

- Et il viendrait avec toute une escorte... ajoute Margaret

Son regard se perd un instant, absorbé par la gravité de l'annonce. Puis il secoue la tête, se redressant comme s'il se ressaisissait.

- D'accord, nous devons nous organiser. Il va nous falloir beaucoup de provisions, dit-il finalement, son ton pragmatique reprenant le dessus. Je vais aller au marché dès que possible.

Son professionnalisme m'impressionne toujours. Malgré la surprise, il se met rapidement en mode de gestion de crise. Sophia, en revanche, est restée figée depuis l'annonce. Elle se tenait près de l'évier, ses mains à moitié plongées dans l'eau savonneuse. Ses yeux sont grands ouverts, et son teint a pâli.

- Sophia, dis-je doucement, en m'approchant d'elle. Ça va aller. Nous devons juste nous préparer.

Elle cligne des yeux, revenant lentement à la réalité. Ses mains tremblent légèrement lorsqu'elle les retire de l'eau, laissant échapper quelques gouttes.

- Le roi... ici... murmure-t-elle, comme pour elle-même. Et... toi, Élisabeth. Il va te rencontrer.

Ses mots résonnent en moi, amplifiant l'angoisse que j'essaie de contenir. La possibilité qu'il puisse être mon père n'a jamais semblé aussi réelle, ni aussi effrayante. Que pensera-t-il de sa fille, née d'une union interdite ? Que dira-t-il en découvrant ma véritable nature ?

- Oui, je réponds finalement, ma voix douce mais résolue. Il va me rencontrer.

Un silence pesant s'installe, seulement interrompu par le clapotis de l'eau dans l'évier. La gravité de la situation semble submerger Sophia, qui évite encore de croiser mon regard. Je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de douleur face à son retrait, à cette distance nouvelle entre nous depuis le départ de Zéphyr.

Will rompt le silence en tapant des mains, comme pour rassembler nos esprits dispersés.

- Bon, il n'y a pas de temps à perdre, déclare-t-il avec détermination. Je vais au marché tout de suite. Margaret, peux-tu préparer les chambres ? Et toi, Élisabeth, pourrais-tu t'occuper de ce dont les gardes auront besoin ?

Je hoche la tête, reconnaissante pour cette direction claire. Will se tourne vers moi, son expression s'adoucissant légèrement.

- Ne t'inquiète pas, Élisabeth, dit-il doucement. Tout va bien se passer.

Ses paroles sont rassurantes, mais une partie de moi ne peut s'empêcher de douter. L'arrivée du roi bouleversera sans aucun doute notre existence paisible à Brisevent. Pourtant, au fond de moi, il y a une lueur d'espoir, que cette rencontre apporte enfin des réponses, et peut-être, une nouvelle chance de bonheur.

Nous nous mettons tous au travail, l'atmosphère lourde de préparation et d'anticipation. Le château, habituellement calme et serein, s'anime soudainement d'une activité frénétique. Nous courons dans tous les sens, nettoyant, arrangeant, préparant. Chaque coin de Brisevent doit être parfait, chaque détail minutieusement orchestré pour accueillir Sa Majesté. Pourtant, au milieu de cette frénésie, une seule pensée me hante : que va-t-il se passer lorsque le roi franchira nos portes ?

Alors que l'annonce de l'arrivée imminente du roi Roderick se répand dans le château, une agitation fiévreuse s'empare de nous tous. Nous nous précipitons pour transformer le domaine en un sanctuaire digne de la royauté. Will se hâte d'organiser l'approvisionnement en nourriture et en équipements pour les gardes royaux, son visage concentré et déterminé alors qu'il passe commande pour les meilleures pièces de viande et les vins les plus fins. Sa maîtrise de la situation est un point d'ancrage dans le chaos ambiant.

Dans la cuisine, Sophia supervise la préparation des chambres et des espaces communs. Bien que ses gestes soient précis et son ton autoritaire, je peux percevoir une tension dans ses yeux. Elle s'assure que chaque détail soit parfait, ajustant les nappes et vérifiant les arrangements floraux avec une minutie presque obsessionnelle. Sa présence est à la fois rassurante et un rappel constant de la gravité de l'événement à venir.

Dehors, dans les jardins du domaine, l'effervescence est palpable. Quelques soldats, arrivés en avance, sont vêtus de leurs armures étincelantes et s'activent à monter des tentes militaires. Leur discipline et leur efficacité forment un spectacle impressionnant, témoignant de leur dévotion envers leur souverain. Leurs gestes synchronisés et la précision avec laquelle ils plantent chaque piquet, dressent chaque toile, ajoutent une note solennelle à l'atmosphère déjà chargée d'anticipation.

Pendant ce temps, Margaret et moi-même, accompagnées de Lior, supervisons les préparatifs à l'intérieur du château. La chambre qui accueillera le roi est parée de ses plus beaux atours. Les tapisseries, soigneusement dépoussiérées, racontent des histoires de chevaliers et de batailles glorieuses, et les bougies parfumées répandent dans l'air une douce fragrance de lavande et de jasmin. Chaque recoin du château est scruté et embelli, chaque détail peaufiné dans l'espoir de rendre l'accueil aussi parfait que possible.

Mon cœur bat plus vite à chaque instant. Je ne peux m'empêcher de me demander comment cette visite bouleversera notre quotidien tranquille. La possibilité que Roderick soit mon père rend chaque seconde d'attente encore plus insupportable. Que pensera-t-il de moi ? Quelle sera sa réaction en me voyant, moi, une potentielle fille perdue, née d'une union clandestine ?

Alors que nous nous affairons à nos tâches, une fanfare retentit soudainement à l'extérieur, brisant le calme relatif de l'après-midi. Le son des trompettes résonne dans l'air, annonçant l'arrivée imminente du cortège royal. Le cœur battant, nous nous précipitons vers les fenêtres pour apercevoir les premiers signes de l'arrivée du roi. Les cavaliers revêtus des couleurs royales et les étendards flottant au vent témoignent de la majesté de leur souverain.

Le bruit des sabots résonne puissamment dans la cour du château, chaque frappe répercutant l'autorité du roi. Nous retenons notre souffle, les yeux rivés sur la procession qui s'avance avec une grâce imposante. Le carrosse royal, richement décoré, s'immobilise avec élégance au centre de la cour, et une tension palpable envahit l'air.

Le roi Roderick descend du carrosse avec une prestance qui en impose à tous. Sa stature imposante, ses cheveux grisonnants et sa cape royale, brodée d'or, lui confèrent une allure majestueuse. À ses côtés, Zéphyr rayonne d'une assurance tranquille, son regard cherchant immédiatement le mien. Mon cœur s'emballe à sa vue, une vague de soulagement mêlée de nervosité m'envahissant.

Nous nous inclinons tous face à l'arrivée du roi. Will, avec une voix ferme mais empreinte de respect, s'avance le premier.

- Votre Majesté, bienvenue à Brisevent, déclare-t-il. Nous sommes honorés de vous recevoir en ces lieux et nous espérons que votre séjour sera des plus agréables.

Le roi esquisse un léger sourire, puis se tourne vers Zéphyr, ses yeux scrutant attentivement les alentours du château.

- Un autre hybride, décidément, vous les amassez ! dit-il, son ton mi-amusé, mi-interrogatif.

Will reste neutre face au commentaire maladroit du roi, un léger froncement de sourcils trahissant son inconfort. Quant à moi, je reste figée sur place, subjuguée par la présence imposante de Roderick. Une surprise mêlée d'excitation et d'appréhension se bousculent dans mon esprit alors que je le contemple. Ses yeux émeraude, semblables aux miens et à ceux de Lior, semblent percer mon âme.

Zéphyr, quant à lui, m'adresse un sourire complice, un éclat de tendresse dans son regard. Ce simple geste me rassure et me donne le courage d'affronter cette rencontre tant redoutée. Son soutien est pour moi un précieux réconfort dans ce moment chargé d'émotions.

Le roi Roderick, d'un pas assuré, parcourt la cour du château, ses yeux scrutant chaque détail, chaque visage. Lorsqu'il se tourne finalement vers moi, une lueur d'étonnement passe dans ses yeux, suivie d'une expression indéchiffrable.

- Élisabeth, dit-il d'une voix calme mais autoritaire. Il me tarde de faire votre connaissance, ainsi que celle de Lior.

Zéphyr s'avance alors vers moi, un sourire bienveillant aux lèvres, se tenant légèrement en retrait comme pour me laisser briller sous l'attention royale.

- Votre Majesté, dis-je en m'efforçant de paraître digne et respectueuse. Permettez-moi de vous présenter Lior, mon neveu.

Le roi observe Lior avec intérêt, ses yeux scrutant chaque trait de son visage comme s'il cherchait à y déceler des indices. Lior, les yeux écarquillés, se dandine nerveusement sur ses pieds, essayant de faire une révérence maladroite mais finissant par trébucher légèrement. Un rouge vif monte à ses joues alors qu'il se rattrape de justesse, les bras écartés pour retrouver son équilibre.

- Pardon, Votre Majesté, murmure-t-il en baissant les yeux, ses mains devenant moites alors qu'il serre les pans de sa tunique.

Un silence pesant s'installe, et je retiens mon souffle, redoutant la réaction du roi. Mais Roderick ne montre aucun signe de mécontentement. Au lieu de cela, un sourire discret mais sincère éclaire son visage. Il s'accroupit légèrement pour être à la hauteur de Lior, posant une main rassurante sur son épaule.

- Ce n'est rien, mon garçon, dit-il avec une douceur inattendue. Je vois en toi un potentiel que tu n'imagines même pas encore.

Les yeux de Lior s'illuminent de surprise. Il tente un sourire timide en réponse, ses joues toujours teintées de rouge.

- Merci, Votre Majesté, balbutie-t-il, osant enfin lever les yeux pour rencontrer le regard du roi.

Roderick se redresse, son visage redevenu impassible, mais ses yeux adoptent un éclat réfléchi, presque calculateur, comme s'il pesait chaque possibilité que cette rencontre pourrait offrir. Je sens un poids se soulever de mes épaules. Peut-être que tout se passera mieux que je ne l'avais craint. Peut-être que cette rencontre, si intimidante soit-elle, ouvrira la voie à une nouvelle compréhension, à une nouvelle chance pour nous tous.

Une fois le roi Roderick confortablement installé dans le fauteuil majestueux près de la cheminée du petit salon, Zéphyr, avec une délicatesse attentive, demande à Margaret de veiller sur Lior dans sa chambre. Il crée ainsi un espace propice à une conversation confidentielle entre le roi, Zéphyr, et moi. Mon esprit bouillonne, chaque fibre de mon être tendue par l'appréhension. Un capitaine du roi, discret mais vigilant, se tient en arrière-plan, surveillant la situation avec une attention constante.

Je m'efforce de me rappeler du protocole que j'ai lu dans le livre, m'assurant de ne commettre aucune erreur qui pourrait offenser Sa Majesté. Car il en va de ma tête, au sens propre comme au figuré, si par mégarde, je commettais l'impensable de nommer le roi Roderick par son prénom ou pire, papa avec un sarcasme involontaire. De plus, je dois attendre que le roi entame la conversation... Un silence enveloppe la pièce alors que les prunelles scrutatrices du roi se fixent intensément sur moi, comme en quête des mots justes à prononcer.

- Élisabeth, commence-t-il finalement d'une voix calme mais empreinte d'autorité. Zéphyr m'a raconté votre histoire. Je dois admettre que j'ai eu du mal à y croire au départ. L'idée d'avoir un enfant illégitime était déjà improbable, mais des jumelles... Mon épouse et moi-même tentons de concevoir un héritier depuis près de deux siècles.

Deux siècles d'efforts pour concevoir un enfant ! Les paroles de Zéphyr sur la difficulté de procréer chez les faës prennent soudainement une nouvelle dimension.

- J'ai été surpris de voir qu'il portait la marque de ma famille, continue le roi, ses yeux brillants d'une lueur étrange.

- Quelle marque ? je demande, ma curiosité prenant le dessus sur ma confusion.

- Une malédiction, pour simplifier, répond-il, lisant la peur dans mes yeux. Dans ma famille, nous avons la capacité de détecter les marques laissées sur les individus. Nous les ressentons comme on perçoit un parfum. Zéphyr l'a portait à son arrivée au palais.

Je me tourne vers Zéphyr, cherchant des réponses. Son sourire compatissant ne parvient pas à dissimuler une tension sous-jacente.

- Est-ce qu'il va mourir ? j'ose demander, craignant le pire.

- Non, je l'ai retiré, répond le roi, apaisant en partie mes angoisses.

Un soupir de soulagement m'échappe, mais l'inquiétude persiste.

- Cependant, poursuit-il, j'ai remarqué que plusieurs membres du personnel et deux des soldats qui m'ont accueilli étaient également marqués... C'est pour cela que je suis ici.

- Et mon fils ? interroge Zéphyr avec une inquiétude palpable.

- Étonnamment, il n'est pas marqué, rétorque le roi, une lueur de surprise dans la voix. Je ferai enlever la marque aux personnes que vous avez involontairement infectées. C'est pourquoi, Élisabeth, je ne peux vous laisser ici.

- Pardon ? je balbutie, abasourdie.

- Vous viendrez avec moi au palais. Nous repartons demain. Il est hors de question que vous restiez ici et risquiez de contaminer d'autres personnes. Cet orphelinat... C'est vraiment épouvantable. Je comprends que vous soyez dépassée, mais vous devez réaliser que la sécurité de tous est en jeu.

- Mais pourquoi ? je demande, désespérée de comprendre.

- J'espère pouvoir vous aider à maîtriser vos pouvoirs, Élisabeth, poursuit-il, un soupçon d'espoir dans le regard. Vous ne ressentez pas ces marques ? Le soldat ici présent, Thorne, l'un de mes plus fidèles capitaines, est marqué depuis son passage ici. Il est arrivé sur le domaine il y a quelques jours en éclaireur...

Je fixe le capitaine Thorne, sous le choc. Sa carrure imposante et son aura de puissance tranquille m'intimident.

- Je... je suis vraiment désolée ! je m'excuse, désespérée.

Le soldat me fixe intensément, ce qui me fait froid dans le dos.

- Thorne, approchez, ordonne le roi.

Thorne s'avance et s'incline devant le roi. Sa présence est impressionnante, marquée par une loyauté indéfectible envers son souverain.

- Fermez les yeux, Élisabeth. Essayez de ressentir cette marque, son essence, instruit le roi.

Thorne serre la mâchoire, visiblement peu enchanté d'être utilisé comme cobaye. Un sourire amusé éclaire le visage du roi devant la réticence de son soldat.

- Ne vous en faites pas, Thorne, ce n'est rien de bien méchant. Un simple rhume tout au plus... Vous n'êtes pas resté suffisamment longtemps, je vous ferai retirer cette marque de toute façon. C'est juste un essai.

Je ferme les yeux, essayant de me concentrer. Je perçois l'odeur du cidre que Sophia a apporté plus tôt, celle du bois brûlé de la cheminée, et l'odeur corporelle du soldat mêlée à une brise fraîche aux arômes de bois sauvage. J'ouvre les yeux, rougissante, réalisant que je n'ai pas réussi à sentir la marque et que l'odeur qui m'a finalement captivée était celle de Zéphyr.

- Je suis navrée, je murmure, embarrassée.

- C'est plus subtil qu'une simple odeur. Vous devez la percevoir comme une aura, explique le roi.

- Je n'y arrive pas, j'avoue, dépitée.

- C'est tout à fait normal, cela peut prendre du temps...

Je regarde Zéphyr. Il semble préoccupé, peut-être par l'idée que je dois quitter le château. Je refuse de mettre en danger les vies de ceux qui m'entourent, mais l'idée de partir m'angoisse.

- Votre Majesté, j'ose de ma voix tremblante, pourriez-vous me parler de ma mère ?

Le roi soupire, son regard se perdant dans le vide.

- Je ne suis pas certain que ce soit une histoire agréable, Élisabeth. Je l'ai rencontrée dans une auberge où elle travaillait avec sa sœur, lors d'une expédition. Nous y avons été retenus plusieurs jours à cause de la météo. Elle était douce, charmante... Ses cheveux roux flamboyants m'ont fasciné, je l'avoue. À l'époque, j'étais encore prince héritier et je cherchais à expérimenter avec une humaine, mes soldats avaient vanté cette expérience...

Il s'éclaircit la gorge.

- Sa sœur aînée était très insistante envers moi, mais j'ai été attiré par l'innocence de votre mère. Daphné était si différente... Après notre départ, je n'ai plus eu de nouvelles. Je vous assure, je n'ai jamais eu vent de votre naissance.

Je me souviens des récits des voyageurs qui passaient par Blanchefleur. Ils parlaient de la transition historique, lorsque Roderick a pris le pouvoir il y a vingt ans, succédant à son père après cinq siècles de règne. Les failles de cette longue gouvernance, particulièrement visibles dans les relations avec les humains, avaient provoqué de nombreuses tensions. Roderick avait passé des siècles à observer son père, apprenant les leçons et les erreurs, se préparant à diriger avec sagesse et fermeté. Chaque geste, chaque regard de lui semble calculé et réfléchi. Il n'est pas seulement un roi, mais un stratège vigilant.

- Mais pourquoi sa sœur aînée ne m'a-t-elle pas informé ? Par peur, peut-être... s'interroge le roi.

- Rosemary est une personne... très spéciale, j'interviens.

- Beaucoup de vies auraient pu être épargnées, et cela vous aurait évité de grandir dans un orphelinat et de vivre telle une servante, si elle l'avait fait..., réplique le roi avec une nuance de tristesse et de regret dans la voix.

- Et qu'auriez-vous fait de deux hybrides ? je l'interroge spontanément.

Zéphyr se tourne vers moi, ses yeux remplis de reproches, secouant lentement la tête. J'ai franchi une ligne invisible. Le roi n'a pas de compte à rendre, surtout pas à moi. Je baisse les yeux, la honte brûlant mes joues. Le roi Roderick se lève lentement, son mouvement empli de gravité. Nous nous levons tous, comme si une règle non dite venait de s'imposer.

- Je ne peux répondre à cette question sans y avoir été confronté..., dit-il finalement, sa voix trahissant une fatigue nouvelle. Je vais me retirer dans mes appartements pour dîner. Le voyage a été long, et je préfère me reposer.

- Bien, Votre Majesté, dit Zéphyr en s'inclinant.

Je fais de même, imitant son geste.

- Will vous conduira dans vos quartiers. poursuit-il.

Zéphyr appelle Will pour conduire le roi dans ses appartements. Une fois le roi et Will partis, le capitaine les suit, laissant Zéphyr et moi seuls dans le petit salon.

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