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Chapitre 14

Cela faisait une bonne semaine que son entraînement avait commencé, il eut quelques difficultés à convaincre Nora que c’était la meilleure chose à faire. Mais Etsumi, à son plus grand étonnement, était intervenue dans leur conflit pour proposer son aide, suivies d’Ajaris, de Jamila et, sûrement à cause de son intervention pendant le dîner, Ulios qui assistait certes Nora, mais toujours dans un silence gênant. Ajaris, Esthia et Kali venaient de temps à autre, leurs premières missions les énervaient bien plus que de coutume. « Ils nous prennent pour des messagers ou quoi ? », les mots d’Esthia avaient eu don de le faire rire, même si le Stir lui avait rappelé que c’était l’usage d’administrer de petites quêtes avant les grandes. 

– Enfin, on mérite un peu mieux que ça, quand même ! râla Etsumi. On est capables d’un peu plus que de porter des mots à des commerçants !

Nora la dévisagea alors qu’il s’épongeait le visage, la sueur dégoulinait sur sa peau et sa nuque juste après leur combat – dont il était l’évident perdant, sa transpiration venait simplement des fortes températures extérieures. 

– C’est moi qui donne ce genre de missions, pesta-t-il, car il est important de garder un bon contact entre le palais et les commerces. Qui plus est, tu devais aussi rapporter toute étrangeté qui conduirait, je ne sais pas, à une trahison, un complot ? Ce genre de petites choses sont les plus importantes, puisque tout feu ne part que d’une flamme. 

– Mais tu…

Un temps passa, rien qu’une seconde, et Etsumi se retrouva à genoux, à terre, le visage tourné vers le sol, la mine déconfite, ses gestes contrôlés. Tous ceux présents autour hoquetèrent de surprise, sauf Maximilien, toujours essoufflé et allongé sur l’herbe, les bras et les jambes étalés de part et d’autre. 

– Le fait que je sois assez gentil pour vous laisser vous plaindre n’est pas une preuve de mon amitié pour que tu sois insolente à ce point, rabroua Nora, alors abstiens-toi de t’approprier une place qui n’est pas la tienne. 

– Quoi ? Mais pourquoi Max… 

Sa phrase ne put être terminée, mise en suspens par le regard meurtrier du Stir : malheureusement, à quelques reprises, Maximilien avait tutoyé Nora sans s’en rendre compte devant les autres. Certaines fois, cela passait inaperçu, mais il avait suffi d’un moment où Etsumi avait un peu trop laissé traîner ses oreilles pour se faire griller. Maximilien ne s’empêcha pas de glousser dans son coin, jusqu’à attirer Nora jusqu’à lui. 

– Et toi, fit ce dernier en s’approchant, lève-toi et bois un coup, nous reprenons l’entraînement dans dix minutes. 

Sa main agrippa son bras pour le relever, lui arrachant un petit gémissement de douleur à cause d’hématomes restants sur sa peau – ses blessures avaient quasiment guéri. Pris de court par sa plainte, Nora remonta la manche de son haut noir serré et l’examina silencieusement. Ses doigts parcouraient le bleu et le jaune de ces marques douloureuses, sans appuyer. 

– Ton état s’améliore, finit-il par conclure, mais je n’aimerais pas te faire du mal en poussant trop loin un combat, peut-être qu’il faudrait…

– Deuxième Stir, coupa Maximilien, je vais très bien et ce n’est pas en me ménageant que je vais arriver à un bon résultat. Tu… Vous n’aurez qu’à me soigner après, me mettre de la pommade ou que sais-je, mais je ne vais pas arrêter de m’entraîner. Vous m’avez bien montré que j’avais quelques lacunes quand il s’agissait du corps à corps.

Même s’il avait clamé qu’il se débrouillait, après avoir combattu contre Nora, toutes ses bonnes croyances avaient – encore – volé en éclat : son niveau frôlait plus le débutant que le professionnel. Le visage morose de son allié n’était pas rassurant, mais il croyait fermement en une amélioration à venir. 

– S’il te plaît, supplia Maximilien dans un murmure, arrête de me regarder comme si j’étais une petite bête sans défense… 

– Tu n’es pas faible, je le sais. 

La douceur de la serviette sur son visage l’obligea à fermer les yeux, puis un liquide glacé inonda son visage et ses cheveux et ses paupières se rouvrirent, en étant outré par l’action de Nora.

– Vous venez de… me jeter de l’eau ? s’offusqua-t-il.

– Oui, parce qu’il fait chaud, que ta condition est instable et que tu commences à trop parler. 

Le Stir s’amusa à frotter ses cheveux pour les sécher et un soupir franchit ses lèvres, même si ses traits se détendirent. 

– Je vois bien que tu n’as rien de faible, Max, mais tu ne peux pas me dire que tes capacités jouent en ta faveur. Parce que si au bout de trois mois, tu ne parviens pas à battre mon frère…

– Je meurs, soupira Maximilien, sauf qu’il peut se passer énormément de choses en trois mois, alors autant ne pas se focaliser sur le résultat pour l’instant. 

Plus pour se convaincre lui-même qu’autre chose, ce mantra le suivrait pendant tout ce temps, jusqu’à trouver la meilleure solution possible. Nora posa sa main sur son épaule et la laissa tomber le long de son bras, résigné par la détermination dont il faisait preuve. 

– Repose-toi, je viendrai t’ausculter en fin de journée, Kelior est occupé avec mon père aujourd’hui. 

Et il partit rejoindre Almagar, qui venait d’arriver. Il trouvait cela un peu étrange le fait que le médecin en chef fût constamment avec le Skal, sûrement à cause d’une maladie ou autre… 

Maximilien le suivit du regard, envoûté par la posture droite et sérieuse de son partenaire, qui ne cessait de l’aider sans comprendre pourquoi, mais une tape dans son dos l’interrompit. 

– Eh bah, petit privilégié, tu te débrouilles pas mal, pour un débutant ! 

Etsumi se tenait à ses côtés, Kali juste derrière elle accompagné de Jamila, tous deux les yeux pétillants de malice.

– C’est tellement rare de le voir aussi tranquille avec quelqu’un ! ricana la petite elfe. Je crois qu’il t’apprécie plus qu’il ne veut bien le dire ! 

– Sauf que ça instaure une différence de traitement…, maugréa la kitsune. 

Elle n’avait pas tort, mais il n’y pouvait rien. Puis son impertinence revenait inévitablement après une longue séance de jérémiades. Même si Maximilien restait insolent, cela venait toujours avec des justifications – comme se faire battre par le souverain. Mais le comportement de Nora demeurait un mystère qu’il aimerait résoudre et il était sûr que ce n’était pas lié à de futiles sentiments. 

Le Skal était la justice, une justice que l’un de ses fils semblait désapprouver, alors peut-être servait-il d’exemple de victime de la tyrannie contre ceux qui ne méritaient pas d’être châtiés pour le crime des autres.

Cela lui suffisait amplement, une relation froide et distante, il n’avait qu’un seul but : Sarcoce. Le reste n’avait pas d’importance, maintenant ou après. 

– Vous vous trompez, soupira Maximilien, ce n’est en rien de l’affection, mais simplement une relation d’intérêts. Il m’aide à m’en sortir et je suppose que je vais devoir jouer un rôle pour accuser le manque d’impartialité de son père. Vous avez bien vu comme il nous traite depuis le début…  

– Oui, enfin, tu es le seul à lui parler avec tant d’effronterie, pointa Jamila, regarde ce qu’il a fait à cette pauvre Etsumi juste en contrôlant son esprit… Rien que pour un tutoiement, chose que tu as l’air de faire parfois avec lui !

« Si elle savait que c’était tout le temps quand nous sommes que tous les deux… », mais il préféra garder cette information pour lui, trop dangereuse à délivrer au risque de se faire tuer pour de bon par les partisans de Theol et peut-être par le chef des Qhuan, Daryl, qui semblait être un très bon ami du souverain. 

Pendant qu’ils discutaient, leurs pas les conduisirent dans l’herbe, hors du cercle de combat, et ils s’assirent près des autres, Maximilien secoua la tête, quelques gouttes goûtaient de ses cheveux. 

– Il a pitié de mon ignorance et je ne cherche pas à lui manquer de respect, je lui dis uniquement ce que je pense. 

– Parce que je le voulais, moi ? rouspéta Etsumi. 

– Je ne pense pas qu’il apprécie qu’on lui hurle dessus en se plaignant de tout et n’importe quoi, précisa Ajaris, en train d’éplucher une pomme. 

 La kitsune fit volte-face, les sourcils contractés par l’agacement.

– Mes plaintes sont légitimes ! 

– Tu penses qu’elles le sont, mais tu ne fais que râler contre une personne qui a autre chose à faire que d’écouter les demandes d’une fugitive. 

– Une fugitive ? coupa Maximilien, surpris. Tu as fui quelqu’un ou quelque chose ?

Toutes les têtes pivotèrent vers lui, Esthia haussa un sourcil avec une mine blasée. 

– Qu’est-ce que c’est ennuyeux de parler avec une personne qui ne sait rien de ce monde. 

– Pardon ?

– Laisse-le, soupira Ajaris, il est encore agacé de n’être qu’un vulgaire pion pour le bon fonctionnement de Laven. 

Prêt à bondir sur lui, Nora s’interposa d’un coup, retenant Esthia d’un bras. Son regard se posa sur tout le petit groupe et s’arrêta sur lui. 

– Etsumi est une princesse d’un clan important de Takita, les Belial, commença-t-il à expliquer, elle s’est simplement échappée de son mariage. 

– Forcé, souligna-t-elle. 

– Avec un vieil homme qui pourrait être son père, effectivement. 

– Donc Laven serait plus un asile qu’une prison ? 

Plus encore, ce serait une protection idéale pour eux et il se rendait compte que seul son cas ressemblait plus à un enfermement qu’une préservation. Pourtant, Etsumi ne partageait pas réellement son point de vue. 

– Cet endroit n’est en rien un asile ! 

– Etsu , intervint pour la première fois Ajaris. 

– Cela ne vous dérange cependant pas d’être protégé par nos lois.

L’intervention soudaine d’Ulios les fit sursauter à l’unisson tandis qu’il s’approchait pour ranger certaines armes sur les établis mis en place. Le chef se tourna vers eux, sa grande taille l’impressionnait, dépassant sûrement les deux mètres. Sa voix rauque et lente lui conférait une autorité naturelle, peut-être un peu trop quand il voyait Esthia ou Etsumi ne faire aucun commentaire malvenu.

– Vous êtes tous sous la protection des lois de Laven, reprit Ulios, vous êtes nourris, logés, blanchis et tous les problèmes que vous avez fuis ne peuvent pas vous atteindre, je suppose. Tout ce que vous devez faire, c’est accomplir de petites missions. Si ce n’est pas un asile, ce n’est certainement pas une prison. Sinon, vous ne seriez pas tous ici à parler, à vous plaindre devant un Stir ou devant moi. 

Sa réplique suffit à faire taire la kitsune, qui leva un doigt, mais ne trouva rien à redire. Esthia détourna simplement le regard, les bras croisés et le nez retroussé tandis qu’Ajaris et Ajaris soupirèrent à l’unisson, les épaules affaissées. 

– Nous sommes tous venus ici de notre plein gré, car nous savions qu’une des lois de Laven consistait à enfermer toute personne indisposée à entrer sur leur territoire, expliqua l’elfe. 

– Comme une absence de carte, d’accord confirmant votre venue ? essaya Maximilien.

– C’est ça, cet emprisonnement débouche sur un travail forcé pour payer son intrusion, jusqu’à ce que le Skal ait décidé de nous laisser partir. Il est convenu, entre tous les pays, de ne pas s’interposer dans leurs lois, donc personne ne pourrait venir nous chercher ici au risque de créer une guerre inutilement. 

Il confirma ses doutes quant à leur présence ici : c’était volontaire et, plus encore, nécessaire. Ce qui rendait les plaintes d’Etsumi injustifiées. Ulios secoua la tête, il lança un regard en biais au petit groupe, surtout à la kitsune qui tenta du mieux qu’elle put pour se cacher derrière les autres.

– Estime-toi heureuse que ce ne soit pas Daryl Qhuan ou Chrestian Valtorès à ma place, ta tête n’aurait pas tenu longtemps. Quand tu te plains, fais en sorte que ce soit justifié. 

Toute l’aura qu’il dégageait suffisait à faire baisser les têtes et à faire pâlir Estumi, au point qu’elle n’osa pas répliquer. Cela suffit au chef des Feliaris qui prit congé en lançant une dernière parole à Maximilien : 

– Et toi, surveille ton comportement. Le deuxième Stir est souple sur les règles avec toi, mais ce n’est pas mon cas. 

Sur ces mots, il passa la porte du palais et s’engouffra dans l’or des lieux jusqu’à disparaître. La kitsune marmonna juste un « idiot » alors qu’Ajaris la dévisageait, comme dépassé par son attitude enfantine. Maintenant, après toute cette discussion, il commençait à mieux comprendre pourquoi tant de personnes s’étaient retrouvées ici au début et tant de questions lui trottaient en tête. Maximilien aurait vraiment aimé en savoir plus sur le passé de chacun d’entre eux, mais Nora l’attrapa par le col et le traîna jusqu’au terrain. 

– Eh ! Je voulais encore discuter avec eux !

– Tu penses avoir le temps de te laisser aller à ce genre d’activités quand ta vie est comptée ? 

Son ton sérieux et ses airs durs le rendaient quasiment divin avec les rayons du soleil qui venaient pénétrer sa peau olive et ses cheveux, attachés en un chignon bas. Maximilien, par réflexe, posa sa main sur son torse visible – il portait une tunique en tissu et un pantalon, quelques bijoux çà et là –, où se situait son cœur.

– Je vais y arriver, je suis sûr qu’une solution s’offrira à nous. J’ai confiance en la justice du destin. 

Pourtant, le silence fut sa seule réponse. Il pensait faire mouche avec sa volonté de fer, il ne pensait pas y parvenir à ce point. Mais quand ses yeux se levèrent vers Nora, il constata que celui-ci parut perturbé et le rouge aux joues. Un rire provint de derrière lui, celui d’Almagar. 

– J’ai fait quelque chose de mal ? 

– Pourquoi fais-tu ce geste ? bafouilla Nora, en enlevant sa paume de son torse.

– Pour te témoigner de ma détermination et que tu dois me faire confiance de tout ton cœur, on le fait souvent chez moi… 

Et ses paroles accentuèrent l’embarras de son homologue jusqu’à le voir perdre totalement ses moyens, son visage balançait entre le rouge et le pâle. 

– D’accord, oui, c’est logique, bégaya-t-il, reprenons l’entraînement. 

Il recula pour aller se préparer tandis que Maximilien se tourna vers Almagar, abasourdi par sa réaction atypique. 

– Mais qu’est-ce que j’ai fait ? 

– Chez toi, la main sur le cœur signifie sûrement « fais-moi confiance », mais chez nous, c’est plus quelque chose comme… « je suis à toi et je t’offre mon corps ». 

L’hilarité d’Etsumi ne lui échappa pas alors que, à son tour, son visage s’échauffa sous la gêne provoquée. Kali s’approcha d’eux, perdu. 

– Pourquoi il voudrait donner son corps ? Pour être mangé ? 

– Kali, ne pose pas de questions, soupira Esthia.

Cela suffit à Maximilien pour retourner au combat, tout son corps brûlait de honte après cette altercation tout simplement ridicule. 

Les coutumes entre chaque culture étaient un calvaire sans nom, en fin de compte. 

⋅•⋅⊰∙∘☽༓☾∘∙⊱⋅•⋅

– Mon geste n’avait rien à voir avec une quelconque envie sexuelle. 

Ses mots flottèrent dans l’air pendant quelques secondes, alors que Nora se contentait de lui appliquer de la pommade sur ses hématomes, en faisant attention de ne pas lui faire mal. Ses doigts se crispèrent sur sa peau, ce qui le fit couiner. 

– Tu m’as fait mal, espèce de brute. 

– Cesse de sortir des âneries pendant que je te soigne alors, j’avais très bien compris que tu ne parlais pas de coucher avec moi, soupira Nora. J’ai juste été… surpris. Maintenant, mets-toi sur le ventre. 

Torse nu, il obéit à son nouveau mentor et se prélassa sur le lit médical, la texture froide sur sa peau lui provoqua quelques frissons. Les blessures restantes cicatrisaient bien grâce à l’aide de Nora, qui remplissait à merveille son rôle de gardien. Sa tête tournée vers lui, les yeux mi-clos alors que la fatigue se languissait de son sommeil, Maximilien le contemplait, et l’odeur de lavande imprégnait tout son être comme un remède à toutes ses peines. Le Stir le remarqua et il devina aisément ses pensées. 

– Tu me renifles encore ? 

– Je ne suis pas un chien, s’insurgea-t-il. 

– Peut-être, mais j’ai l’impression que ton sens de l’odorat est un peu trop développé. 

Même si c’était une part de la vérité, il ne voulait pas lui dire que, en tant qu’ancien futur Pilier, tous ses sens étaient naturellement décuplés.

– Sûrement, ou c’est aussi ton odeur qui est exceptionnellement forte… 

– Tu es le premier à me faire remarquer que je sens la lavande et le jasmin, sourit furtivement Nora. 

– Alors j’ai effectivement un bon odorat. Si je ne peux pas te retrouver grâce à ton Kin, je n’aurais qu’à lever le nez. 

À peine eut-il fini sa phrase que ses membres se figèrent à cause de la bêtise qu’il venait de dire : seul un autre possesseur de Kin pouvait le détecter. Ceux qui n’en avaient pas se retrouvaient sans possibilité de les repérer. Et Nora ne manqua pas cette information. 

– … Tu ne peux pas me retrouver grâce à mon Kin vu que tu n’en possèdes pas. 

À son plus grand soulagement, il ne chercha pas à creuser la conversation vers un sujet dangereux et il ignora – volontairement ou non – ses mots pour revenir aux flagrances qu’il dégageait :

– Tu ne cesses de me complimenter sur mon parfum, je vais finir par croire que je suis tellement laid à tes yeux que tu te focalises uniquement sur ça. 

– N’essaye pas de me soutirer des compliments sur ton physique juste en te mettant en position de victime, deuxième Stir, ricana Maximilien. 

– Je n’oserai pas. 

Le rictus moqueur sur ses lèvres ne lui échappa pas. Maximilien avala sa salive dont un arrière-goût de faim se propagea et son ventre grogna légèrement à cette pensée. Même s’il n’était pas un grand gourmand, manger restait vital dans ces conditions.

– Nous irons manger une fois que je t’aurais appliqué toute la pommade, rassura Nora. 

Sa tranquillité et son altruisme le concernant interrogeaient souvent Maximilien : lui, un fervent ennemi des Catals, il se donnait pour mission de le protéger et de lui éviter la mort. Pourquoi ? Il n’y gagnait rien, mis à part la colère des autres. Peut-être était-ce enfin le moment d’obtenir certains éclaircissements…

– Nora, murmura-t-il, je ne voudrais pas paraître impoli…

– Tu l’es depuis notre première rencontre, précisa son homologue.

– Mais, ignora Max, j’aimerais te poser quelques questions, je suis toujours dubitatif sur tes intentions. Pourquoi vouloir absolument me prendre son ton aile et me défendre face à ton père alors que je suis un Catal ? Ça n’a aucun sens. Puis c’est assez risqué de protéger un ennemi de ton peuple quand il y a si peu de soldats ou de serviteurs dans le palais… 

Les yeux curieux du Stir le détaillèrent sans ménagement, il répondit sans chercher à tergiverser : 

– C’est purement une stratégie de mon père pour le nombre de personnes dans le palais. Moins de serviteurs il y aura, moins les trahisons fuseront. Il se limite au strict minimum. 

– Il ne s’est jamais dit que, peu importe le nombre, les trahisons peuvent survenir de nulle part ? maugréa Maximilien. Vous êtes souvent victimes de ce genre de choses ? 

– Mon père n’est pas le dirigeant parfait, mais il aime se convaincre du contraire. Et oui, beaucoup tentent désespérément de nous évincer, que ce soit chez les nobles ou le petit peuple. Nous représentons la puissance, la richesse, l’excellence, qui ne convoiterait pas nos biens ? 

Le manque de modestie actuel de Nora contrastait avec sa manière d’être en temps habituel, mais il appréciait un peu ce côté fier. 

– Certes, souffla Max avec un petit sourire, mais personne n’a jamais réussi étant donné que vous avez prospéré pendant des siècles, non ? 

– Les tentatives d’assassinat et de rébellions ont toutes échoué, affirma Nora, mais avec la dernière attaque sur Laven, je ne me sens pas vraiment rassuré. 

– Malgré toutes tes capacités ? 

– Oui, soupira-t-il, quelque chose cloche dans ce palais, je ne saurais dire quoi, mais des informations « s’échappent » trop facilement. Les attaques qui provenaient du ciel ont réussi à détruire nos barrières magiques avec une aisance suspecte, comme s’ils savaient exactement où frapper et avec quoi. 

Cela faisait effectivement penser à une taupe dans la foule, tentant de mettre à mal leur famille. Même s’il se doutait qu’autre chose se tramait derrière, mais impossible de mettre le doigt dessus. 

– Un traître, je présume. 

– C’est même certain, pesta Nora. 

– Qui te dit que ce n’est pas moi ? Tu ne m’as pas répondu concernant tes intentions à mon propos.

Depuis le début, l’attitude du Stir à son égard n’avait rien de normal : une sollicitude acquise d’un regard, une générosité incompréhensible alors que tous le redoutaient pour son statut de Catal, jusqu’à le repousser, l’insulter et l’isoler. Quand Nora détourna le regard, hésitant sur sa réponse, il sut qu’il lui cachait ses véritables intentions. 

– J’ai touché un sujet houleux ? Pourquoi tu ne dis plus rien, d’un coup ? 

– Je sais que tu n’es pas celui que je recherche, avoua-t-il, toujours les yeux fuyants. 

S’il désirait paraître encore plus suspect, il y parvenait très bien. Comment pouvait-il être si confiant à propos de son innocence ? Entre son altruisme étrange et sa foi en lui, son comportement ne l’enchantait guère. 

– Je sais que tu m’avais dit que je ne ferais pas un bon espion si j’étais vraiment votre taupe, mais je peux tout aussi bien recenser d’importantes informations confidentielles, les envoyer à mes chefs. Même sans pouvoirs. Puis je tiens à te rappeler qu’aucun d’entre vous n’a réussi à pénétrer dans mon esprit pour lire mes souvenirs et que vos potions ne marchent pas sur moi, ce qui est encore plus étrange, non ? Alors je ne comprends pas comment tu peux mettre ma potentielle culpabilité de côté. 

Ce n’était pas qu’il voulait le convaincre d’être le coupable de toute cette pagaille, mais Maximilien le poussait dans ses retranchements pour comprendre sa logique, ce qui se cachait derrière ce visage embarrassé. Nora guigna sur son dos, ses mains massaient délicatement ses muscles endoloris. 

– Je pense que tu te fourvoies et que tu te surestimes, Max. 

Ses mots le glacèrent, surtout à cause du ton hostile que prenait le Stir. 

– Je ne t’ai délivré aucune information secrète, je ne t’ai raconté que des histoires dont tout le monde est au courant, tonna-t-il, et tu ne peux pas être un traître vu que les attaques et les tentatives datent d’avant ton arrivée. Je te protège juste parce que… 

Sa phrase fut suspendue, il cherchait ses mots, presque une excuse. 

– Juste parce que je dois montrer à mon père que sa justice n’est pas la mienne et qu’elle ne se base que sur un ressentiment et non pas un vrai sentiment de probité. Tu t’accordes une place qui n’est pas tienne, Max, car après cette affaire, tu seras un sujet et moi ton Stir. 

« Je l’ai définitivement énervé. », et, bizarrement, cela ne lui plut absolument pas, au point de se sentir… honteux. Même s’il ressentait que quelque chose ne collait pas, seul Nora avait eu la véritable bonté de l’aider – Jamila et Almagar aussi, mais dans une moindre mesure. Les excuses se disputaient sur sa langue, mais aucune d’elles ne voulut sortir, non pas par un excès de fierté idiote, juste par peur d’irriter davantage Nora et de provoquer un conflit puéril. D’un autre côté, il était préférable de le faire, pourtant une voix lui murmurait de procéder autrement. 

Mais il ne sut pas comment. 

Et son attitude sèche ne l’aida pas à trouver une solution pour désamorcer la situation qu’il avait créée. 

Il ne savait pas pourquoi, mais il pressentait que cela n’allait pas aller en s’arrangeant… 

« Je suis vraiment le roi des idiots. »

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