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AmbreFauchon
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Chapitre XI: Au coeur du tumulte

La lumière filtrait à peine à travers les volets de bois, tamisée, presque timide, dessinant des bandes pâles sur le sol en pierre et les draps grossiers d'une literie inhabituelle. Li Wuxin se réveilla avec lenteur, comme tiré d'un rêve trop dense, trop lointain. Ses paupières lourdes peinaient à se lever, son souffle était tranquille, mais son esprit était encore flou, engourdi par la fièvre et les souvenirs en désordre.

Un instant, il ne sut plus qui il était. Où il se trouvait. Tout autour de lui semblait silencieux, comme suspendu dans une autre réalité. Il essaya de bouger, mais son corps protesta, pas de douleur vive, mais une fatigue profonde, celle qui s'accroche aux os. Ce fut l'odeur, bien plus que la vue ou les sons, qui lui ramena une part de lucidité. Une fragrance familière, presque imperceptible, mais terriblement persistante : du pin. Fraîche, résineuse, subtilement boisée. Une odeur qu'il connaissait mieux qu'il ne voulait l'admettre. Elle habitait les vêtements de Xu Moyao, ses épaules, ses manches... Elle l'avait souvent enveloppé dans des moments de proximité trop intimes ou accidentels. Et à cet instant, elle s'infiltrait dans les fibres du drap sur sa peau. Comme une présence invisible.

Cela le troubla. Son cœur accéléra, et ses doigts se crispèrent sur la couverture. Il tourna doucement la tête et vit Xu Moyao, assis près du lit, la tête baissée, visiblement endormi sur une chaise. Les cheveux en bataille, les bras croisés, la respiration lente. Il semblait veiller depuis des heures. Peut-être toute la nuit.

Li Wuxin le regarda longuement. Il ne s'agissait pas de simple reconnaissance. Il y avait autre chose. Quelque chose qu'il refusait de nommer depuis des mois. Quelque chose qu'il croyait avoir enterré bien avant que tout cela commence. Mais là, dans le silence de la chambre, alors que son propre corps se remettait lentement de la brûlure de la fièvre, cette chose prenait une forme plus claire. 

Xu bougea légèrement, comme s'il avait senti ce regard. "Tu es réveillé," dit-il d'une voix rauque, sans lever la tête. Puis il ouvrit les yeux, clairs, vifs malgré la fatigue. "Enfin. J'ai cru que tu allais dormir jusqu'au prochain solstice."

 Xu Moyao se leva et s'approcha, posant brièvement le dos de sa main sur le front de Li Wuxin. "J'ai dû te porter toute la route de la tente au pavillon."

Li Wuxin cligna lentement des yeux. La main de Xu avait quitté son front, mais la chaleur de son contact persistait. "Tu m'as porté ?"

Xu esquissa un sourire, presque tendre. "Je me suis dit qu'une chambre te mettrait plus à l'aise."

Un silence passa. Li Wuxin voulut répondre, mais les mots restèrent coincés quelque part entre sa gorge et sa poitrine. Il ferma brièvement les yeux.

Avant que Li Wuxin ne puisse rompre ce silence, un grondement sourd retentit au loin. Le sol vibra légèrement. Puis une autre explosion, plus proche, fit trembler les murs. Des cris se levèrent, suivis d'un son métallique : les armes. Xu Moyao se figea. Son regard changea aussitôt. 

"Reste ici," dit-il, déjà près de la porte.

"Tu vas te battre seul ?" demanda Wuxin, tentant en vain de se redresser. la mâchoire serrée, ses traits figés par une inquiétude qu'il n'avait pas su étouffer.

"Je vais juste regarder les alentoures. Mais je reviendrai." Il marqua une pause. "Je te le promets."

Il disparut dans la lumière grise du dehors.

Sur le champ de bataille, le chaos régnait. Les flèches pleuvaient comme une averse de mort. Les arbres du flanc nord brûlaient déjà, les flammes avalant les feuillages comme des bêtes affamées. Le sol, noirci par la suie et le sang, vibrait sous les pas des combattants. Au centre du tumulte, le commandant Jiang Lingxian menait la défense avec une rigueur d'acier. Sa cape bleue était souillée, son armure cabossée, mais son regard restait clair, impitoyable. À sa droite, Lan Boxiao, sa disciple, fendait l'air avec une rapidité fulgurante, ses lames dansant comme des éclairs jumeaux. 

"Ne reculez pas !" cria Jiang. "Formez le mur ! Tenez la ligne !"

À quelques dizaines de pas, Lu Xiaoquian, se frayait un chemin entre les blessés, soignant à la hâte, administrant des poudres cicatrisantes, posant ses mains sur des plaies trop profondes pour être ignorées. Elle n'était pas une guerrière. Mais aujourd'hui, elle combattait. Pas avec une épée, mais avec son savoir, ses mains, et son cœur. 

"Lu Xiaoquian, reculez, vous êtes en danger !" cria un soldat.

"Et vous, vous saignez trop pour parler !" répliqua-t-elle en plaçant un point de pression sur sa blessure.

Mais soudain, un cri déchira l'air.

"Commandant !"

Une flèche sifflante surgit de l'ombre, fendant les lignes ennemies. Jiang Lingxian tourna la tête un instant trop tard. La flèche se planta dans son poitrine gauche. Il tomba lourdement, un genou à terre, la respiration coupée.

"Maître !" hurla Lan Boxiao, se précipitant vers lui, déchirée.

Lu Xiaoquian la rejoignit, glissant à genoux à côté du corps imposant du commandant.

"Il est en vie ?" demanda Boxiao, sa voix étranglée.

Lu posa deux doigts sur sa gorge, cherchant le pouls. "Oui, mais... très faible. Je dois le stabiliser tout de suite, sinon il..."

Elle ne termina pas sa phrase. Elle ouvrit sa trousse de cuir, mélangea des herbes d'une main tremblante, appliqua une pâte directement sur la plaie. Puis elle ferma les yeux, se concentra, récitant les incantations anciennes que Wuxin lui avait appris. Boxiao sanglotait doucement, une main serrée autour de celle de son maître.

"Vous ne peux pas mourir mon commandant..." chuchota-t-elle. "Vous m'as promis de me voir progresser encore... Vous ne pouvez pas..."

Autour d'elles, le champ de bataille se resserrait. Les renforts ennemis arrivaient, le chaos reprenait. Mais avant que le désespoir ne les avale, un rugissement fendit le tumulte. Xu Moyao. Il surgit comme un éclair, son sabre fendit trois adversaires d'un seul mouvement. Derrière lui, un groupe de soldats de l'élite des Silent Sky Blades le suivait.

"Protégez-les !" ordonna-t-il. "Cercle défensif autour du commandant ! Personne ne passe !"

Il s'agenouilla aux côtés de Lu, observant la flèche. "Tu peux le sauver ?"

Lu hocha la tête, le regard fixe, les mains rouges. "Je dois le faire. Il est... important."Elle se retourna et lança un sourire pâle à celle qui détenait son cœur, laquelle lui répondit d'un regard tendre, ayant saisi toute la portée silencieuse de ses mots.

"Alors fais-le. Je tiendrai la ligne."

Et Xu, les bras couverts de sang, se releva, faisant face à la marée ennemie.

Le fracas des lames, les cris des mourants et le martèlement des bottes ennemies emplissaient l'air d'un tumulte presque irréel. Xu Moyao avançait sans hésiter, chaque mouvement de sabre traçant des arcs mortels, précis, implacables. Son visage restait impassible, mais ses yeux, eux, brûlaient d'une détermination presque féroce. Il n'y avait plus de place pour la peur, ni pour l'hésitation. Chaque seconde gagnée était une chance de plus pour Jiang de survivre, pour Wuxin de guérir, pour Xiaoquian de continuer à croire que la médecine pouvait défier la guerre.

Les Silent Sky Blades formaient un rempart autour de leurs commandant. Leurs armures légères ne résonnaient pas , elles glissaient sur le champ de bataille comme des ombres vivantes, frappant en silence, disparaissant, réapparaissant. Leur loyauté à Xu Moyao n'était plus à prouver ;  chacun d'eux ayant juré fidélité non pas à un empire, mais à une cause : la protection de ceux que les autres auraient sacrifiés.

Dans le cercle ainsi formé, Lu Xiaoquian murmurait encore ses incantations, sa main posée sur la plaie béante du commandant. La pâte qu'elle avait appliquée changeait de teinte, virant lentement du vert au brun profond, signe que les herbes agissaient. Jiang Lingxian avait repris une respiration faible, saccadée, mais régulière. C'était un mince espoir, mais un espoir quand même.

"Il est fort," souffla Lu, plus pour elle-même que pour quiconque. "Il ne veut pas mourir. Pas encore."

Lan Boxiao, toujours à genoux, les larmes traçant des sillons sur ses joues crasseuses, fixait le visage du commandant, les doigts crispés sur la garde de ses lames. "Il ne peut pas mourir," murmura-t-elle. "Il m'a tout appris. Il est... il est ma seule famille."

Lu leva les yeux vers elle, un bref instant. Un lien qui ne se disait jamais à voix haute, mais qui hurlait dans chaque geste, chaque prière silencieuse.

Une explosion retentit au sud. Une pluie de débris s'écrasa non loin d'eux, projetant de la terre et des éclats de pierre. Xu tourna la tête, analysant le nouveau front en quelques secondes.

"Ils essaient de nous encercler," dit-il à l'un de ses lieutenants. "Ils veulent couper les lignes de soins. Ne les laissez pas faire."

Le lieutenant hocha la tête et partit sans un mot, entraînant cinq soldats avec lui. Le champ de bataille était un monstre vivant, aux membres multiples, aux intentions imprévisibles. Et dans son cœur battait encore, fragile mais acharnée, la volonté de ceux qui refusaient de céder.

Un cri monta au loin , un nom, hurlé par une voix inconnue, du moin pas pour tous.

Xu se figea une seconde. Il reconnut ce timbre rauque, porté par le vent comme une menace. C'était l'un des Seigneurs de Fer, l'élite ennemie, l'élite de la Nation du nord. S'ils savaient que le commandant était là, blessé... ils n'arrêteraient pas tant qu'ils ne l'auraient pas tué.

Le silence retomba un instant sur le champ de bataille, étouffé sous la cendre et le sang. Puis le martèlement de sabots se fit entendre, lent d'abord, puis plus affirmé, jusqu'à ce qu'un cavalier solitaire émerge de la fumée, drapé dans un manteau noir aux ourlets rouges. Son destrier, massif et nerveux, piaffait en renâclant, les flancs couverts d'écume. Il avançait sans escorte, mais sa posture droite et son regard assuré disaient tout : cet homme n'avait pas besoin d'être protégé. Il était le danger.

Xu Moyao le vit avant tous les autres. Il resserra sa prise sur la garde de son sabre, son souffle ralentissant d'instinct. Les soldats autour de lui cessèrent presque de bouger,  comme si la présence de l'inconnu avait suspendu le monde.

Le cavalier s'arrêta à quelques pas des lignes de défense. Son regard balaya les visages, impassible. Puis il parla, d'une voix grave, profonde, sans hausser le ton, et pourtant, elle portait.

"Où est Li Wuxin ?"

Personne ne répondit.

Il descendit de cheval avec calme, jeta un regard à la tranchée boueuse, puis essuya ses gants d'un geste lent, presque désinvolte.

"Je ne viens pas pour tuer," reprit-il. "Pas encore. J'ai des ordres. On veut Wuxin vivant. Entier." Il marqua une pause, le regard fixé sur Xu. "Vous croyez protéger un maitre dans l'art de la médecine. Mais ce qu'il est... vaut bien davantage. Ce que ses mains savent faire, ce que son esprit retient... ce sont des secrets que même vos commandants paieraient pour posséder."

Il avança d'un pas, les bottes s'enfonçant dans la boue, sans crainte aucune.

"Ce qui nous intéresse. C'est sa médecine."

Un murmure parcourut les rangs. Le cavalier leva une main pour faire taire toute réaction.

"Li Wuxin a soigné des maladies qu'aucun des nôtres ne savait nommer. Il a arrêté le sang, inversé des poisons. Certains disent qu'il a même ramené un mourant après trois jours sans conscience. Des rumeurs, peut-être. Mais trop nombreuses pour n'être que des fables."

Il s'arrêta, croisa les bras. Son regard devint plus dur.

"Nous avons besoin de lui. Pas pour des armes. Pour la survie. Et croyez-moi : si je dois retourner ce camp pierre par pierre pour le trouver, je le ferai. Mais j'aimerais éviter ça aujourd'hui."

Il jeta un dernier regard à Xu Moyao, un mince sourire aux lèvres.

"Offrez-le-nous. Les terres du Nord pourrons lui apporter bien plus."

Xu Moyao se retourna vers Lu, "Je vais les retenir. Envoie quelqu'un à l'abri. Dites à Wuxin qu'il ne doit pas sortir, quoi qu'il arrive. S'il tombe entre leurs mains... je ne me le pardonnerais jamais "

Il n'eut pas besoin de finir.

"Je le ferai," dit-elle. "Mais pas seule."

Lan Boxiao se leva. "Je viens avec elle."

Xu acquiesça. "Alors allez. Je vous couvre."

Et déjà, il se retournait, prés à courir vers la nouvelle ligne d'assaut, son sabre levé, ses cris de commandement fendant la fumée comme un appel aux vivants. 

Mais il s'arrêta net.

Xu Moyao, les muscles prêts à bondir, sentit l'instant se figer. Le cavalier venait de faire un pas de plus, non pour dégainer, mais pour s'approcher de lui,  directement. Lentement, il fouilla dans l'intérieur de sa veste sombre, tira un rouleau de papier scellé d'un fil rouge, puis le tendit à Xu, sans un mot.

Xu ne bougea pas immédiatement. Il dévisagea l'homme, cherchant le piège, une intention dissimulée. Mais le cavalier ne tremblait pas, ne menaçait pas. Il attendait. Alors, méfiant, Xu tendit la main et saisit la lettre. Le papier était tiède, comme s'il avait été porté contre la peau. Une odeur d'encens effacé s'en dégageait, presque imperceptible.

Sans un mot de plus, le cavalier recula, tourna les talons, remonta sur son cheval en un mouvement fluide, puis repartit au galop vers les brumes du nord, avalé par la fumée.

Xu resta immobile, la lettre encore dans sa main. Même les soldats autour de lui semblaient retenir leur souffle.

Ce n'était pas une déclaration de guerre. C'était un message.
Et si la lettre venait vraiment de celui qu'il craignait... alors tout allait changer.

Salut tout le monde, merci d'avoir lu le onziéme chapitre de mon livre , n'hésitez pas a liker et dire ce que vous en pensez en commentaire. For the readers , the english version is also avaible !

Les dessin sont fait avec mon amie Cisoul ! n'hésitez pas a la soutenir en commentiare

By à la prochaine fois ! 💕

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