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AmbreFauchon
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Chapitre IV: A quel point es-tu blessé ?

Il ne savait pas où il se trouvait. Pas encore.

Xu Moyao marchait en avant, chaque pas s'enfonçant légèrement dans le sol vaporeux, silencieux. Il n'avait ni armure, ni épée, et son souffle était lourd.

Il entendit un murmure. Très faible. Derrière lui ? Devant ? Il se retourna, mais la brume demeurait inchangée, uniforme, sans repères. Le murmure revint, plus clair cette fois. Un mot, peut-être un nom. Trop bref pour le saisir.

Puis il les vit.

D'abord un seul. Un homme, debout, vêtu de haillons tachés de boue et de sang. Son visage portait une étrange expression, entre le reproche et la résignation. Xu Moyao s'arrêta. Son cœur manqua un battement,  non, ce n'était pas possible. Et pourtant, il en était certain. C'était le premier soldat qu'il avait tué. Le premier homme dont il avait ôté la vie de ses propres mains.

Une deuxième silhouette apparut. Puis une troisième. Ils émergeaient un à un de la brume, comme invoqués par le regard. Des soldats. Tous le fixaient.

Il fit un pas en arrière. Mais les ombres ne bougèrent pas. Elles se contentaient de le regarder. Silencieuses.

Et Xu comprit.

Cet endroit n'était pas un champ. C'était un souvenir. Ou un jugement. Et ces visages, il les avait vus autrefois, tordus de douleur, de peur, ou simplement sans vie. Il se souvenait de chacun de leurs noms. Et il savait pourquoi ils étaient là. À cause de lui.

Son souffle se raccourcit.

Il tenta d'avancer, de toucher l'un des morts, de dire quelque chose, n'importe quoi. Mais au lieu de se rapprocher, la brume se retira avec eux. Comme si ce monde de rêve refusait tout contact.

Puis les murmures revinrent. Plus forts. Déchirants. Des cris, des pleurs, des prières de mères qu'il n'avait jamais entendues, mais qu'il portait en lui. Des échos de douleurs qu'il n'avait jamais ressenties, mais qu'il avait causées. Chaque son, une lame dans le cœur.

Il s'effondra à genoux dans la poussière. Brisé.

Mais même là, ses mots étaient perdus. Il se couvrit les oreilles, mais le vacarme ne cessait pas. Les morts le fixaient toujours.

Une silhouette s'avança. Bien plus petite que les autres. Un enfant, pensa Xu Moyao.
La silhouette tendit une main vers lui, toujours silencieuse.
-« Je suis désolé... je ne me souviens même pas de toi », murmura Xu Moyao. À l'idée qu'il ait pu tuer un enfant innocent, son âme trembla, comme si quelque chose de sacré en lui s'était fissuré, irrémédiablement. Le petit garçon agita doucement sa main, comme pour insister. Après une hésitation, Xu la prit ; sa main était froide, comme celle d'un cadavre.

Xu Moyao baissa la tête, les yeux fixés sur la petite main dans la sienne.
Il marchait sans savoir où il allait. Chaque pas semblait l'enfoncer plus profondément dans un abîme sans fin. Ses larmes tombaient en silence, et à chaque pas, une nouvelle coulait. Il ne faisait aucun effort pour les retenir.
L'enfant marchait à ses côtés sans un mot, comme s'il savait. Comme s'il comprenait tout.

Xu avait tué tant d'innocents que le nombre s'était perdu dans sa mémoire. Et parmi eux... un enfant. Un enfant.
Les larmes qu'il versait maintenant naissaient de cette seule vérité, irréversible, impardonnable.
Le monde autour de lui était une toile de souffrance qu'il avait tissée de ses propres mains. Et maintenant, tout ce qu'il pouvait faire, c'était pleurer pour eux. Pour ceux qu'il avait pris. Pour ceux qu'il n'avait pas pu sauver.
Il serra un peu plus fort la main de l'enfant, cherchant la chaleur en elle, comme si cette petite étincelle d'innocence pouvait apaiser les ténèbres dans son cœur.

Mais au fond de lui, il savait,  rien n'allégerait jamais ce fardeau. Aucun pardon, aucun réconfort ne pourrait effacer ce qu'il avait fait. Chaque pas faisait naître de nouveaux visages, de nouveaux corps. Ennemis. Innocents. Une marée humaine sans fin.

L'enfant le guidait, et au loin, Xu aperçut une silhouette familière.
Un jeune homme, une lance plantée dans sa poitrine. Il tenait encore son sabre, et un faible sourire flottait sur ses lèvres.

— "Zhang..."

Xu fit un pas en avant, le bras tendu.
Mais le sol se déroba sous ses pieds.

Il tomba. Dans un vide sans fin, les voix le poursuivant alors qu'il plongeait. Et juste avant que l'obscurité ne l'avale complètement, il entendit une dernière phrase, claire comme du cristal :

— "Adieu, petit frère."

Il se réveilla en haletant, à bout de souffle, le visage trempé de sueur, mais pas seulement.
Des larmes brillaient au coin de ses yeux.

La réalité était revenue. Mais le poids sur sa poitrine était toujours là.
Il lui fallut un long moment pour revenir à lui. Enfin, il remarqua le médecin assis à son chevet, une serviette à la main, prêt à essuyer ses larmes, un sourire chaleureux sur le visage. Il croisa son regard, sans résistance. Son souffle se calma lentement, et il parvint à parler :
-« Je n'ai pas besoin de votre pitié. »
D'un geste lent, il tenta d'écarter la main du médecin, toujours suspendue en l'air.
-« Mon général, vous êtes blessé, mais votre fierté vous empêche de l'admettre, n'est-ce pas ? » Xu Moyao réalisa qu'à leur première rencontre, la voix du médecin était froide et ferme, elle était désormais plus douce, plus chaleureuse. Le médecin insista de nouveau pour essuyer ses larmes, mais cette fois, Xu Moyao ne l'en empêcha pas.

Plus tard dans la journée, Li Wuxin testait un onguent, et Lu Xiaoquian venait parfois lui apporter des herbes fraîches ou du thé, souriant doucement au général à chaque passage.

-« Parle-moi un peu de toi. »
Li Wuxin leva la tête, intrigué.Son ton était presque moqueur.
-« J'ai dit ce que j'ai dit. » Le général sembla regretter ses mots.
-« Et pourquoi donc ? » Li Wuxin était maintenant vraiment curieux. Cet homme si fier venait de lui poser cette question...
-« Tu es l'homme qui m'a sauvé, n'est-ce pas ? Je te dois la vie. »
Malgré sa faiblesse, il se redressa, les jambes tremblantes sous lui, puis s'agenouilla en silence, la tête baissée avec respect, sa posture parfaite malgré la douleur.
« Je te dois la vie. Permets-moi, je t'en prie, de rester à tes côtés et de te servir jusqu'à ce que ma dette soit remboursée, peu importe le temps que cela prendra. Ma vie t'appartient. »
Puis, un doux froissement d'étoffe.

Le médecin s'avança sans un mot. Il s'agenouilla doucement, face au général. Sans hésitation. Juste une résolution tranquille.

Surpris, Xu Moyao leva lentement les yeux.

Leurs regards se croisèrent, deux mondes, l'un chargé de sang, l'autre de compassion.

Aucun ne bougea. Deux silhouettes à genoux dans le silence. Li Wuxin fut le premier à rompre ce silence.
« Je ne t'ai pas sauvé pour t'enchaîner à moi. Je t'ai sauvé parce que je suis médecin ; c'est simplement ce que je fais. »

Ils terminèrent la journée ainsi, en silence, éclairés seulement par la flamme vacillante d'une bougie. Li Wuxin ne parla pas.

Le lendemain matin, Xu Moyao se réveilla en haletant.

La douleur était pire. Plus vive, plus profonde, comme un feu sous sa peau. Son souffle tremblait dans sa poitrine, et une sueur froide collait à son corps.

Le médecin fut à ses côtés en quelques secondes, les sourcils froncés, les mains déjà en train de vérifier son pouls, sa température, l'état de ses blessures.

« Tu ne devrais pas souffrir autant », murmura-t-il, presque pour lui-même. « Les blessures guérissent pourtant... »

Mais la fièvre racontait une autre histoire. Haute, implacable, brûlante .

« Il faut le refroidir. Lu Xiaoquian, prépare vite un bain d'eau froide. »

« Oui, Shinzun », dit-elle en courant.

Quand le moment vint, avec Xu Moyao presque effondré contre lui, il le guida lentement vers le bain improvisé. Pas à pas, il soutenait le corps chancelant du général, portant presque tout son poids en silence.

Le corps de Xu Moyao était lourd, bien trop lourd pour quelqu'un d'aussi mince come Li Wuxin. Un poids mort de fièvre et d'épuisement, enveloppé de muscles. Le médecin peinait, les bras passés sous les épaules du général, le souffle court.

« Tu n'aides pas », murmura-t-il, sachant pertinemment que l'homme était presque inconscient.

Il essaya encore. Rien. Sa prise glissa. Le général s'affaissa sur le côté, les entraînant tous deux vers le sol dans une chute discrète et peu digne.

Un moment de silence. Puis un soupir.

« ... Très bien. »

N'ayant pas d'autre choix, il se plaça derrière Xu Moyao, passa un bras autour de sa poitrine, et commença à le traîner vers le bain.

Le sol était glissant, le chemin maladroit. L'eau éclaboussait. Les serviettes étaient repoussées. Mais il ne s'arrêta pas. Pas à pas , il tira le corps du général en avant, le souffle court d'effort, le cœur battant non de peur, mais d'urgence.

Quand ils atteignirent enfin le bord du bain, il n'hésita pas.

Il entra avec lui.

Tout habillé.

L'eau monta autour d'eux alors qu'ils s'enfonçaient, le général à moitié soutenu contre lui, la chaleur rencontrant le froid de l'eau. L'eau tournoyait lentement autour de leurs silhouettes emmêlées.

Le médecin le maintenait stable, une main derrière sa nuque, l'autre agrippant son épaule pour l'empêcher de glisser sous l'eau.

« La prochaine fois », murmura-t-il, plus pour lui-même que pour Xu Moyao, « essaie d'être au moins un peu coopératif. »

Il n'y eut pas de réponse, seulement le faible son de la respiration du général, irrégulière mais vivante.

Et dans le silence qui suivit, l'eau commença lentement à faire baisser sa température corporelle. Le général était à moitié conscient, la tête légèrement penchée, les lèvres entrouvertes, la respiration superficielle.

Il n'y avait ni gêne, ni hésitation.

Il le baignait doucement, méthodiquement, épongant la chaleur, la sueur, l'odeur de la maladie. Son toucher était précis, clinique.

Il ne parlait pas. Il observait simplement, mesurant chaque souffle, chaque tressaillement de douleur sur le visage de Xu Moyao, cherchant des signes d'amélioration ou d'échec.

Le général ne parlait pas non plus. Il était trop loin dans la brume.

Ils restèrent dans le bain plus longtemps que prévu, l'eau, volontairement froide, mordant leur peau. Elle avait fait son travail : la fièvre de Xu Moyao commençait à tomber.

Le général reposait à moitié conscient, son corps mou contre la poitrine du médecin, la respiration n'étant plus brûlante. Mais le médecin tremblait maintenant, trempé, ses vêtements alourdis par l'eau glacée.

Ses dents se serraient pour ne pas claquer.

Ils restèrent dans le bain un long moment. Li Wuxin, parfois, puisait de l'eau dans ses mains et la versait sur le front du général. Chaque muscle de son corps lui faisait mal, mais il ne s'arrêtait pas.

Avec des mouvements lents et délibérés, il souleva Xu Moyao hors du bain, ses bras tendus sous le poids de l'homme inconscient.

L'air froid les frappa alors qu'il le sortait, des flocons de neige tombant sur eux, mais il n'y avait pas de temps à perdre. Dans la tente, Li Wuxin enveloppa Xu Moyao dans une épaisse serviette, ses mains douces en séchant la peau du général, même si ses propres mains tremblaient d'épuisement.

Il était trempé, son propre corps dégoulinant, mais cela n'avait pas d'importance. Xu Moyao avait besoin de soins, même dans son propre épuisement, la concentration du médecin était absolue.

La disciple entra dans la pièce à ce moment-là, les yeux s'écarquillant à la vue de son maître, trempé, les vêtements collant à son corps.

« Shinzun ! » s'exclama-t-elle en se précipitant vers lui. « Que s'est-il passé ? » Elle prit une serviette sèche et la posa sur l'épaule de son maître.

La voix du médecin était rauque.
« Aide-moi juste à le mettre au lit. »

Elle hocha rapidement la tête, se déplaçant pour aider, mais ses yeux revinrent vers son maître, l'inquiétude toujours visible sur son visage.
« Êtes-vous sûr que ça va ? »

Le médecin leva les yeux, son expression tendue, croisant son regard, et il sourit.
« J'ai froid. » Une goutte d'eau glissa sur son visage. Il quitta la tente et y revint quelques instants plus tard.

La tente était maintenant plus chaude. La bassine de charbon dans le coin sifflait doucement, combattant le froid avec une lueur orange douce. La neige murmurait toujours contre la toile, étouffée et lointaine.

Xu Moyao reposait immobile sur la couche, enveloppé dans des couches de tissu sec. Sa peau était encore pâle, humide par endroits, mais la fièvre avait commencé à diminuer. Sa respiration était lente, régulière, plus saccadée.

Li Wuxin s'agenouilla à ses côtés, maintenant à peine sec et vêtu de vêtements propres, les manches retroussées, les cheveux encore dégoulinants du bain. Il bougeait avec une précision méthodique, vérifiant les bandages un par un. Aucun signe d'infection. Il pressa le dos de sa main contre le front du général, puis contre le sien, comparant les températures.

Encore chaud. Mais pas brûlant.

Il expira, juste à peine.

D'une petite boîte en bois, il prit des onguents frais et de la gaze. Ses doigts, bien que raides de froid, travaillaient rapidement, déroulant, nettoyant, rebandant. Son toucher était stable, jamais brutal. Pas doux non plus, juste exact. Comme on traite quelque chose qu'on n'ose pas abîmer, même si c'est déjà brisé.

Le général bougea une fois, son front se contractant, un faible son s'échappant de sa gorge. Li Wuxin s'arrêta. Il ne parla pas. Il observa simplement.

Puis les yeux de Xu Moyao s'ouvrirent légèrement. Pas complètement. Juste assez pour trouver la silhouette au-dessus de lui.

Leurs regards se croisèrent.

Les lèvres du général bougèrent, sèches, faibles, inaudibles.

Li Wuxin se pencha, ne captant qu'un souffle de respiration, aucun mot. Sa main se déplaça vers la poitrine du général, le stabilisant. Le battement de cœur en dessous était faible, mais présent.

Il resta ainsi un moment, penché, écoutant un silence qui n'avait rien à dire. Puis il retourna à sa tâche.

Un nouveau bandage. Une touche d'onguent. Une pression soigneuse ici, un pli propre là. C'était un travail lent, mais délibéré. Presque rituel.

Il ne regarda plus directement Xu Moyao, mais il remarqua quand l'homme cligna des yeux. Quand sa respiration hésita. Quand une seule larme glissa du coin de son œil et disparut dans l'oreiller.

Peut-être rêvait-il encore.

Li Wuxin ne demanda pas.

Quand ce fut terminé, il s'assit en arrière, ses mains enfin immobiles. Il les regarda, rouges de froid, tremblantes légèrement. Il les frotta une fois contre l'autre, puis tira la couverture plus haut sur les épaules du général.

« Tu aurais pu mourir, tu sais. »

Puis il s'assit à côté du lit, sur le sol, le dos droit malgré sa fatigue.

Il resterait là, juste un peu plus longtemps.

Au cas où.

Salut tout le monde, merci d'avoir lu le deuxiéme chapitre de mon livre , n'hésitez pas a liker et dire ce que vous en pensez en commentaire. For the readers , the english version is also avaible !

Les dessin sont fait avec mon amie Cisoul ! n'hésitez pas a la soutenir en commentiare

By à la prochaine fois ! 💕

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