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Violette_Armary
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Chapitre 9

Point de vue Héloïse

Une fois que j’ai rejoint Nathan dans la voiture, il démarre et nous partons en direction du centre-ville.

— Je t’emmène manger un bout, sourit-il. Tu me raconteras comment s’est passé ce matin.

— J’ai juste visité le campus, haussé-je les épaules.

— Tu n’as rencontré personne ?

— Si, Sasha, elle est adorable.

— Et bien voilà, sourit-il. C’est bien.

En même temps, tu m'as un peu forcé à me jeter dans la gueule du loup. Mais je garde ce commentaire pour moi. Il a eu raison de le faire. Néanmoins, je lui en veux toujours pour hier. Je ne sais pas ce qu’il me prépare pour cet après-midi mais cela n’augure rien de bon. Il se gare puis nous descendons. Il va pour me prendre la main sauf que je les mets dans les poches de ma veste. Il se mord les lèvres en passant une de ses mains dans sa nuque. Il m’ouvre la porte d’un petit restaurant, je le remercie d’un hochement de tête. Un serveur nous accueille, Nathan lui indique qu’il a une réservation pour deux puis nous le suivons à l’étage. Nous nous installons à une petite table à droite des escaliers où nous avons vu la salle de restauration du bas. Je commande de l’eau pétillante au citron et Nathan un soda puis je me plonge dans mon menu. Du coin de l'œil je le vois s’agiter sur sa chaise. Je me demande combien de temps il va tenir avant d’essayer de me refaire parler. Et c’est une fois les boissons servies qu’il ouvre la bouche pour parler mais je le devance : 

— Tu vas me dire que tu es encore désolé pour hier et que tu ne recommenceras plus ?

Il fronce légèrement les sourcils.

— J… en gros… oui…

— Je connais déjà la chanson Nathan.

Je plante mon regard dans le sien. Non je ne me ferais pas avoir par ses yeux bleus. Je ne me referais pas avoir. Oui il a fait beaucoup pour moi et j’en suis reconnaissante mais je me suis déjà fait avoir une fois comme ça, pas deux.

— Héloïse… je ne suis…

— Pas Théo ? Peut-être bien. Mais hier tu as agi exactement comme lui. Tu m’as fait culpabiliser pour un truc qui me concerne. Mes frères et sœurs, ce sujet comme tous les autres sujets de ma vie me concernent Nathan. Respecte au moins ça. Si je n’arrive pas à t’en parler ou si je ne veux pas t’en parler, c’est qu’il y a une raison.

Garder ton innocence, te protéger de toute cette vie que j’essaie d’oublier. Si Samuel a trouvé le moyen de retrouver les derniers membres de ma famille, je crains le pire mais cela le regarde. Quand il voudra, et s’il veut m’en parler, je l’écouterai. Mais au grand jamais je ne le forcerai. S’il ne me dit rien, c’est qu’il a ses raisons… Même si je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour lui.

Nathan me fixe. Il cligne plusieurs fois des yeux. Je suis injuste de le comparer à Théo. Mais je veux lui faire comprendre que je suis en train de changer, petit à petit. Que ça prendra le temps qu’il faut. Le serveur arrive et nous commandons, enfin je choisis le premier plat que je vois sur la carte. Une pizza calzone. Nathan prend une pizza raclette. Mais il n’ose plus me regarder dans les yeux. Il prend une gorgée de sa boisson.

— Je veux juste… te comprendre…

— Je sais… mais tu ne pourras jamais… Eh… Regarde moi Nathan…

Il relève la tête vers moi. Les rôles sont inversés, au moins pour l’instant.

— Samuel a peut-être raison, peut-être que je finirais par exploser. Mais ne joues pas à ça. Ne joues pas avec mes nerfs. Je n’ai pas apprécié ce que tu as fait hier.

Un léger sourire se dessine sur ses lèvres puis il hoche la tête.

— C’est bien Hélo, que tu dises quand tu n’apprécies pas quelque chose.

Je lui rends son sourire et les pizzas arrivent. Il change de sujet et nous mangeons en discutant sur tout et rien. Je reviens néanmoins sur l’école d’infirmière, les cours qu’il y a… Nathan écoute, il est content pour moi. Cela se voit à sa façon de me regarder. Je suis soulagée d’avoir pu aborder ce sujet avec lui. Pas certaine que je l’aurai fait si nous n’avions pas été dans un lieu public. J’ai été un peu dure avec lui en le comparant à Théo. Je veux juste qu’il comprenne qu’il ne doit pas forcer à quoique ce soit au risque de me freiner. Je veux pouvoir aller à mon rythme, sans contrainte. C’est un chemin compliqué et je sens que je suis assez tendue en ce moment. Samuel n’a pas tort sur ce point, je sais que je risque d’exploser à tout moment.

Une fois le repas terminé, nous retournons à la voiture. Nathan m’indique qu’il souhaite m’emmener quelque part. Que ce repas était juste une pause. Je fronce les sourcils et insiste pour savoir mais il ne dit rien. Il se contente de hausser les épaules avec son sourire en coin. Je ne sais pourquoi mais j’appréhende. Cependant, la route n’est pas longue. Nathan se gare sur le parking d’une salle de sport. Je fronce les sourcils en me tournant vers lui mais avant que je ne dise quoique ce soit, il me devance : 

— Je respecte ton choix de ne pas parler, mais avoue que te défouler te ferait du bien…

Je hausse les épaules. Peut-être… ou pas…je ne sais pas.

— On peut tester… oui…

Il sourit puis nous descendons de la voiture. Il va dans le coffre récupérer deux sacs et m’en donne un. Je le suis jusque dans la salle où l’odeur de sueur se fait tout de suite sentir. De la musique sort des enceintes et un gars arrive saluer Nathan. Il est immense et son marcel laisse apparaître une montagne de muscles. Je me mets automatiquement derrière Nathan en serrant mon sac contre moi. Mais qu’est-ce que je fais là ?

— Salut Liam ! J’ai réservé une salle d'entraînement.

— Celle au fond à droite. Personne ne viendra vous déranger.

— Merci mec, je te présente Héloïse au fait.

En disant cette phrase, il regarde de chaque côté de lui avant de tourner complètement vers moi. Il se décale et je me retrouve face à la montage humaine devant moi. Je lui fais un léger signe de main, Liam sourit : 

— La fameuse… ravie de faire enfin ta connaissance !

Je sens le feu monter aux joues et jette un regard en biais à Nathan qui se gratte la nuque, visiblement gêné que cette information ait fuitée. Nathan remercie Liam puis je le suis à travers le champ de bataille que mène les athlètes. La salle de sport est blindée et je suis Nathan à la trace. On arrive ensuite dans un couloir avec quatre portes, il se dirige vers celle au fond à droite, comme indiqué par Liam.

— Je te laisse entrer, change toi. Je surveille.

Je hoche la tête en me mordant les lèvres avant d’entrer. C’est une petite salle sans vitre, un mur entier est un miroir géant. Un punching-ball trône au milieu de la salle. Un banc de musculation avec un mur d’alters se trouve au fond. Je soupire en posant le sac. Je me déshabille, me change. Nathan a même pensé à prendre du démaquillant… Je souris malgré moi, me démaquille puis m’attache les cheveux en un chignon. J’ouvre alors la porte à Nathan, vêtue d’un de ses tee-shirts avec un legging. 

Il entre dans la salle, prend soin de refermer la porte derrière lui puis je me tourne afin de le laisser se changer en toute intimité. Cependant, malgré moi, je finis par jeter un coup d'œil par-dessus mon épaule. Il a enfilé un short de sport, là il est torse nu. Je me sens rougir lorsque nos yeux se croisent dans le miroir puis je détourne aussitôt la tête non sans remarquer son léger sourire.

— C’est bon Joli Coeur.

Je me retourne puis me rapproche de lui. Il a enfilé des bandes autour de ses poignets et me tend deux gants de boxe. Il m’aide à les mettre puis il me dit de frapper dans le sac. Le punching-ball est entre nous. 

— Tape dedans, me dit-il.

— Nathan… soupiré-je.

— Tape, répète-t-il.

Je le regarde. Ses yeux bleus rencontrent les miens, mon cœur s’affole. Je ne sais pas si je vais pouvoir. La boxe c’est assez violent… Et puis avec ma force de mouche… Je me mords les lèvres en sentant mes yeux se remplir d’eau. Pourquoi s’embête-t-il avec moi ? Je recule d’un pas. Ce n’est pas en frappant un sac qui va me faire aller mieux. Il doit perdre patience car il finit par frapper le sac. Je recule d’un pas, sinon je le prenais de plein fouet.

— A toi, frappe. Frappe de toutes tes forces, m’ordonne-t-il.

Je soupire et frappe le punching-ball. Mais à sa tête ce n’est pas suffisant. En même temps je n’ai pas réussi à le faire bouger d’un millimètre. 

— Tu peux mieux faire, me dit-il.

— Na…

—  Non Héloïse, me coupe-t-il la parole, tu vas frapper ce sac tellement fort que tu vas t’en faire mal aux bras. Tu vas frapper ce sac tellement fort que tu ne penseras plus qu’à la douleur physique que tu ressens. Maintenant, pour une fois, tu vas m’écouter et frapper encore et encore ce fichu sac !

Son ton est dur. Une larme solitaire roule le long de ma joue tandis que ma lèvre inférieure tremble légèrement. Je soupire en hochant la tête puis me mets en position. Il veut que je frappe ce satané sac ? Très bien, c’est ce que je vais faire. Il maintient le sac tandis que je commence à le frapper. Avec plus de force que mon premier coup. Je le frappe, encore et encore. J’évacue la rage que j’ai en moi. Ma colère envers la mort injuste de mon père, envers ma vie que m’a fait vivre ma soit disant mère… Théo. Je sens des larmes couler le long de mes joues tandis que je le revois en train de me frapper ou de me toucher. Il était mon premier véritable amour, j’ai été conne, débile de croire à ses mots. Il me donnait de l’espoir tandis que j’étais la bonniche de ma mère. Mais la vérité, c’est qu’il ne m’a jamais aimé. J’ai été sa proie, son objet, son défouloir. Je n’arrivais pas à m’en sortir. Il me faisait culpabiliser, me faisait passer pour la pire des merdes. Je le déteste, je déteste ma génitrice. Qu’ils aillent au diable. Je finis par m’effondrer à genoux, en pleurs devant ce sac. Je peux à peine respirer. Je suffoque, je me noie. Mes muscles me font mal à cause des spasmes, ma gorge me brûle tandis que je hurle comme si ma vie en dépendait. Depuis mes onze ans je n’ai plus de vie, je survis dans ce monde égoïste et malsain. Je m’accroche à Nathan qui s’est mis près de moi. J’attrape son tee-shirt en continuant de pleurer toutes les larmes de mon corps après avoir jeté ces foutus gants. Des litres d’eau se déversent. Je ne sais combien de temps passe, je sais juste que je suis dans un gouffre sans fond. Mes yeux finissent par me brûler, ils s’assèchent. Mes spasmes se calment petit à petit, je peine à retrouver une respiration normale. Et là, je ne sais pourquoi, mais dans un murmure je commence à tout raconter à Nathan. L’alcoolisme de ma mère en plus d’être une droguée. Qu’à onze ans je me suis occupée de mes demi-frères et sœurs. Ma rencontre à seize ans avec Théo. Ma première fois désastreuse. Qu’à dix-huit ans, je suis partie vivre chez lui car ma mère avait dilapidé tous mes comptes. Le placement de mes frères et soeurs, puis leur adoption. Que c’est Théo qui s’est occupé de tout car il disait que j’étais trop faible mentalement pour m’en occuper. Le premier coup, ma première fuite de chez lui. Mais n’ayant nulle part où aller je suis retournée en rampant chez lui. Le fait qu’il m’ait payé mon permis pour être sa bonniche à temps plein. Les manipulations, le fait qu’il me forçait à le faire. Le fait que mon salaire allait sur son compte en banque car c’était plus simple. Qu’il devenait de plus en plus alcoolique au fur et à mesure que le temps passait. La fausse couche que j'ai provoqué car je ne voulais pas que mon enfant grandisse dans cet environnement. Il m’écoute, me caresse doucement le dos pendant tout mon monologue. A la fin, je n’ose plus le regarder dans les yeux, j’ai honte. Honte d’avoir laissé la situation s’empirer. Je lui ai même dit ce que Théo a fait avec le livre qu’il m’a offert… Noël, le nouvel an… A la fin, je me tais. Ma voix se brise de nouveau sur la dernière phrase. Je me racle la gorge pour ravaler des larmes qui menacent de tomber. Je ne veux pas voir la pitié dans ses yeux, je ne le supporterai pas. Finalement, après quelques minutes de silence, il se racle la gorge, et d’une voix tremblante, il se met à parler : 

— Je… je comprends mieux… Je comprends mieux tes silences, que tu fasses attention au moindre choix qui s’offre à toi… Ça prendra du temps mais tu vas y arriver. J’ai confiance en toi, tu es forte…

Je secoue doucement la tête : 

— Si j’étais réellement forte, je serais partie au premier coup et ne serais jamais revenue.

— Tu l’aimais malgré tout… Ce n’est pas une faiblesse Hélo. Il faut que tu arrives à oublier les croyances qu’il t’a mises en tête. Comme le fait que tu ne méritais rien d’autre que ce que tu avais, ou que tu étais une merde. Tu mérites de trouver la paix et d’être heureuse. Je ne dis pas que cela sera facile… Le chemin sera long… Mais tu vas y arriver.

Je relève la tête vers lui. Ses yeux sont rouges, des traces de larmes sont incrustées sur ses joues. Je m’en veux de l’avoir mis dans un état pareil.

— Je t’attendrai, ajoute–t-il dans un chuchotement. Aussi longtemps qu’il le faudra, je t’attendrai.

Il remet une de mes mèches en place en disant cette phrase. Cependant, je secoue la tête : 

— Je ne peux pas te laisser dire ça. Sois heureux…

— Et je ne peux l’être que si tu es à mes côtés. J’aime que tu sois la première personne que je vois le matin. J’aime t’entendre râler jusqu’à ta première dose de caféine… 

Je souris malgré moi. Il caresse doucement ma joue.

— Joli Coeur, si jamais je fais ou dis quelque chose qui te blesse, sens toi libre de me le dire. D’accord ?

Je hoche doucement la tête.

— Avec Sam on va retrouver tes frères et sœurs, on t’emmènera les voir. Tu vas renouer avec eux, tu vas te reconstruire une vie.

Je le sers dans mes bras, le temps paraît suspendu le temps qu’on s’enlace. Son odeur boisée m’enveloppe dans une bulle réconfortante. Puis, nous finissons par nous lever. Mes jambes flageolent, Nathan récupère nos sacs puis il me prend la main avant de quitter cette pièce. Nous traversons de nouveau la salle de sport principale. Nathan fait un signe à Liam puis l’air frais nous frappe au visage. Je prends une profonde inspiration, une grande bouffée d’oxygène pure. J’ai l’impression de respirer à nouveau. J’ai l’impression, pour la première fois de ma vie, que tout peut très bien se passer. Nous montons en voiture, il démarre tandis que je regarde le paysage rural défiler sous mes yeux.

Arrivés à la maison, nous sommes accueillis par Sam qui est par terre en train de jouer avec le chat : 

— C’est toi qui sent comme un phacochère ? me regarde-t-il.

— Possible… oui…

— Va te laver P’tite Tête, c’est une infection.

Je lui réponds par un doigts d’honneur avant de me tourner vers Nathan. Il a l’air perdu dans ses pensées. Je m’approche doucement de lui : 

— Tout va bien Nath ?

Il relève la tête vers moi avec un léger sourire : 

— Oui, ne t’en fais pas pour moi Joli Coeur, va prendre une douche, ne t’occupe pas de moi.

Je hoche la tête, hésite une seconde avant de lui déposer un baiser sur sa joue. Ses yeux s’écarquillent de surprise puis je monte les escaliers afin d’aller m’enfermer dans la salle de bain où je fais couler l’eau de la baignoire. Un bain me ferait le plus grand bien après toutes ces émotions. Je n’en reviens pas d’avoir tout raconté à Nathan, je me sens… vide. Alors que je plonge dans l’eau chaude, je me demande ce à quoi pense Nathan. Est-ce qu’il ressent de la pitié ? Est-ce qu’il est en colère ? Il paraît si calme… Mais je suis certaine que cela n’est qu’une façade. Je sais qu’il faudra qu’on parle à un moment donné, mais je sais qu’il ne voudra pas. Il ne voudra pas me faire part de ses pensées sur toute mon histoire. Je pense qu’il voudra que je me concentre sur moi et pas sur lui. Je soupire en plongeant dans l’eau chaude où je reste jusqu’à ce qu’elle devienne tiède.

J’enfile un pyjama avant de sortir de la salle de bain, en haut des marches, je surprends la conversation entre Nathan et Samuel : 

— Si tu l’avais vu Sam… si jamais je le revois ce mec…

Sa voix se brise sur la fin.

— Nathan, tu ne feras rien. Ce n’est pas ton combat.

— Son combat est le mien aussi.

— Non, je ne peux pas te laisser dire ça, interviens-je.

Les garçons se tournent vers moi comme un seul homme mais seul Nathan m’importe.

— Mon combat c’est le mien, pas le tien.

Il se lève de la chaise sur laquelle il est assis pour me rejoindre.

— Ecoute, c’est la raison pour laquelle je me taisais. Je savais comment tu réagirais. Juste… oublie, d’accord ? Ce n’est pas ton histoire, mais la mienne.

— Joli Coeur… ce que tu as vécu…

— Eh Nath, je suis en vie regarde. J’étais peut-être morte à l’intérieur à un moment donné, mais je reprends vie petit à petit et ça, particulièrement grâce à toi.

Je lui essuie une larme solitaire qui coule le long de sa joue.

— Plus jamais tu n’auras à subir ça, me promet-il.

Je souris tendrement avant d’enrouler mes bras autour de lui. Il fait de même en plongeant sa tête dans mes cheveux. Il est ma safe place. Et je sais qu’il fera tout pour tenir sa promesse. En tout cas, j'ai envie d'y croire. J'ai envie que l'espoir revienne en moi.

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