MARIA
J’ai le sentiment que cette soirée va être instructive. J’entre dans ma chambre, elle est magnifique. J’ai accès à une grande terrasse avec un jacuzzi, un lit baldaquin, une salle de bain immense avec baignoire et un dressing déjà rempli à ras bord. Quelqu’un a oublié ses affaires, on dirait !
Je me dirige vers le lit sur lequel se trouve une robe noire. Il me reste une heure pour me préparer, donc je ferais mieux de me dépêcher. Elle est sublime, près du corps, moulant parfaitement mes formes, et m’arrivant au-dessus des genoux. Elle n’est pas vulgaire, avec un col rond et ouverte dans le dos, laissant apparaître mon tatouage. J’enfile mes talons et rejoins l’acteur du jour.
— Ton ancienne petite amie n’a pas récupéré ses affaires dans le dressing.
— Est-ce que j’ai l’air d’être le genre d’homme à avoir une p’tite amie et, pire encore, autoriser une femme à s’installer chez moi ? Ces affaires sont pour toi, j’ai demandé à Gaby de t’habiller pour notre séjour.
— Attends, mais combien de temps, on va rester ici ?
— Elle est connue pour être difficile en affaire et elle aime connaître ses alliés. Je pense qu’on restera deux semaines
— QUOI ? Non ! Je ne vais pas jouer ce cinéma aussi longtemps, hors de question !
— Alors soit la meilleure dans ton rôle. Montre-lui à quel point on s’aime et à quel point tu apprécies être ma collaboratrice et ma future épouse.
Il me donne la nausée à débiter autant de conneries en si peu de temps.
— Arrête ! Tu vas me faire vomir. Oh, et au fait ! Je suis parfaitement capable de choisir mes vêtements, tu sais !
— Vu tes goûts, j’en doute.
— Tu as raison ! Continue ainsi, il te faudra à peine cinq minutes avant que cette femme te tue, espèce de connard, macho et arrogant.
Ce mec maîtrise l'art de me faire sortir de mes gonds. Avec lui, je n’arrive pas à me contrôler. Le pire, dans tout ça, c’est que ça le fait rire. J’espère une chose : qu’il meurt, et enfin, ce sera mon tour de sourire. Jamais, personne n’a réussi à me faire exploser comme lui.
— Tu es prête ? On y va.
Il prend une voix mielleuse, et je sais que je ne vais pas supporter ça, toute la soirée.
— Tu es superbe ce soir, mia cara.
— N’en fait pas trop.
— Ce n’est que le début, mon bébé.
— Arrête avec ces surnoms débiles.
Je profite du trajet en voiture pour en savoir plus sur le contrat.
— Pourquoi fais-tu tout ça ? Il est si important ce contrat ?
— Bien sûr. Il permettra à notre famille d’améliorer sa production de drogue. Si elle signe, je monterai des usines ici pour augmenter la productivité et élargir encore plus notre réseau, ne laissant aucune chance aux petits qui essaient de gagner en puissance. On ne verra plus que nos marchandises dans les rues.
Il ne pense vraiment qu’au Black Fever et à étendre son pouvoir. Je ne fais aucun commentaire, après tout, c’est dans ses gènes. Le reste du trajet, je me perds en le contemplant. Il porte un smoking noir avec une chemise blanche qui lui va comme une seconde peau. Il est vraiment très beau. J’aime quand il ancre son regard bleu dans le mien, j’adore sentir ses lèvres sur mon corps… Stop ! Je ne dois plus craquer ! Je stoppe mon observation juste au moment où la voiture s’arrête. Un sourire se dessine sur ses lèvres.
— Arrête de m’admirer, tu vas tomber amoureuse.
Je me sens rougir, mal à l’aise qu’il ait remarqué que je l’observais.
— Sérieusement, jamais, tu tiendras. On parie que dans deux jours, je serai déjà en train de jouer avec tes tétons.
D’accord, je pensais être plus résistante, mais il ne me connaît pas. Je ne lâche pas aussi facilement. Puis, on devra faire semblant, surtout en leur présence. Une fois à l’appartement, chacun de notre côté. Il ouvre sa portière et fait rapidement le tour pour ouvrir la mienne. Il m’aide à sortir et me prend par la main. Je dois garder tout mon contrôle pour ne pas lever les yeux au ciel face à tout son cinéma.
— Tu es prête ! C’est parti !
Je n’ai pas réellement le choix, vu la façon dont il emprisonne ma main.
— On se retrouvera jusqu’au plus profond des enfers !
Je le sens se tendre en entendant ma phrase, mais il ne dit rien. On entre dans le restaurant, qui est vraiment luxueux. D’immenses lustres pendent au plafond interminable, et les chaises semblent très confortables. Les tables sont rondes, couvertes de nappes blanches, dressées à la perfection avec tous ces couverts et de magnifiques bouquets de fleurs au centre. Heureusement, que les bonnes manières faisaient partie de ma formation.
Le serveur nous accompagne, Nico me lâche enfin la main, pour, à mon grand désespoir, passer son bras autour de ma taille, m’obligeant à me coller à lui.
— Ça te ferait mal de sourire !
Je me tourne vers lui. Il me regarde avec son sourire le plus hypocrite. Je me force à faire de même, mais je n’ai pas le temps de lui dire que « Oui, je souffre le martyre » qu’on arrive à notre table. Je suis surprise de découvrir une femme nommée Monica. Elle est grande, avec de longs cheveux bruns bouclés et des yeux bleu océan. Elle doit être un peu plus âgée que moi, avec un joli petit ventre rond, et elle nous accueille avec un sourire sincère. Elle est accompagnée de son mari, Enzo Peres. Lui aussi est brun, avec des cheveux coupés très courts, une barbe de trois jours et des yeux aussi noir que ceux de Soha. Tous les deux ont la peau dorée par le soleil. Ils forment un couple magnifique.
Le repas se passe bien. Nico s’est transformé en véritable gentleman : il est attentionné, gentil et drôle. Je suis stupéfaite de le voir agir ainsi avec autant de naturel. Il en profite pour promener ses mains sur mes cuisses, mon dos. Et, quand il chuchote à mon oreille des mots coquins ou des commentaires sarcastiques, je me rappelle que non, on ne l’a pas échangé pendant le trajet.
— Dites-moi, je suis curieuse, comment vous êtes-vous rencontrés ? C’est étonnant que je n’aie pas entendu parler de vos fiançailles avant ce soir.
Effectivement, il va falloir être très bon. Je pense qu’une petite mise au point n’aurait pas été de trop, si je veux sortir vivante d’ici.
— Oui ! Nous sommes plutôt discrets. Puis, notre rencontre est loin d’être banale. À la base, notre couple devait nous servir de punition, mais nous sommes finalement tombés amoureux.
Il ment très bien, sans aucun doute. Comme Tanaka me le disait, un bon mensonge a toujours une part de vérité.
— Effectivement, ce n’est pas courant. J’ai entendu dire que les Black Fever ne traitent pas très bien leurs épouses, ni les femmes en général. Et honnêtement, cela me pose un problème, car pour moi, cela est primordial. Beaucoup de mes collaborateurs sont des femmes, alors si nous devons travailler ensemble, je dois être certaine qu’elles seront respectées.
Je jubile en la voyant commencer à poser des questions sur la place des femmes dans le réseau.
— C’est vrai qu’il est difficile de changer la mentalité, mais je peux vous assurer que je fais tout pour.
La blague ! J’ai presque failli m’étouffer avec mon morceau de viande. Je m’essuie la bouche avec ma serviette, pour cacher mon rire sarcastique.
— Vous allez bien mademoiselle ?
— Oui oui! Rassurez-vous. J’ai juste avalé de travers.
Je prends une grande gorgée de vin pour masquer ma gêne.
— Il est bon ?
Me demande-t-elle avec une envie non dissimulée dans le regard.
— J’adore le vin blanc, mais malheureusement, dans mon état, je ne peux pas en boire.
— Vous en êtes à combien de mois?
— J’entame mon huitième mois.
Cette femme est adorable, mais je n’oublie pas qu’elle est la chef d’un cartel, ce qui signifie qu’elle doit être aussi dangereuse qu’aimable.
— Elle en est déjà à son cinquième verre, donc il doit être excellent ! N’est-ce pas, chéri !
Je comprends à son intonation que c’est plus une remarque qu’une simple constatation.
— D’ailleurs, tu devrais peut-être ralentir !
— Ne t’inquiète pas, mon amour, je tiens très bien l’alcool.
— Ce n’est pas l’impression que tu m’as donnée la dernière fois, je te rappelle que j’ai dû te monter dans la chambre, te déshabiller et te coucher.
J’en étais sûr, c’était lui et non Hernando. Monica nous scrute, le sourire aux lèvres, puis me dit sur le ton de la confidence :
— Ne vous inquiétez pas, ça m’est arrivé souvent.
Le repas touche à sa fin, et les véritables raisons de notre présence n’ont toujours pas été abordées.
— À quelle heure souhaitez-vous qu’on se retrouve demain pour parler affaires ?
Je croyais qu’il n’allait jamais poser la question. Je toise Monica, impatiente de savoir quand tout cela va prendre fin.
— Nous avons le temps. Nous en discuterons dans la semaine.
Entendant ces mots, je me sers un sixième verre de vin, je vais en avoir besoin. En comprenant la cause de ma soif, mon « fiancée » me regarde en souriant.
— D’ailleurs, mon mari et moi, nous nous sommes dits qu’il serait préférable que vous passiez votre séjour dans notre villa. Cela nous permettrait de faire plus ample connaissance. J’aime connaître mes futurs collaborateurs.
Je me tourne vers Nico, en le suppliant du regard. Il doit trouver n’importe quelle excuse pour refuser. Il est hors de question que je vive collé à lui, 24 heures sur 24.
— Je comprends, c’est normal. Mon amour, ça ne te dérange pas ?
Je lui serre la cuisse sous la table, en espérant qu’il renonce à cette idée. Il n’a pas l’air de saisir les signes que lui envoient mes pupilles ou le connaissant, il les ignore dans le seul but de m’emmerder.
— Et pour nos affaires ?
— J’appellerai Antonio, il les déposera chez eux !
Le con ! Je vais le tuer ! Il jubile. Sérieux! Qu’est-ce qu’il ne tourne pas rond chez lui ? S’il veut mourir, c’est son problème, mais qu’il me laisse en dehors de ça.
— Super, alors tout est arrangé, renchéri Monica.
On quitte le restaurant, direction la villa des Peres. À peine, installer au volant, Nico appelle Antonio. Je sais qu’il fait durer la communication. J’attends qu’il raccroche, il ne va rien lui manquer.
— Avant que tu ne t’énerves, je ne savais pas ce qu’elle avait prévu.
— Imaginons que tu dis la vérité, tu aurais pu trouver une excuse ! Tu crois qu’on va tenir combien de temps ainsi ? Sachant que j’ai déjà qu’une envie : t’étrangler.
— Je te l’ai dit, ce contrat est très important. Et puis si on ne veut pas être démembrés, on n’a pas le choix.
— Bien sûr que si on avait le choix ! Hurlé-je. C’est toi qui as compliqué les choses.
— Non, on n’avait pas le choix! Si on avait refusé, ça aurait accentué sa méfiance et ses doutes.
Il me rend dingue.
— Ah, parce que tu crois qu’en nous voyant vivre ensemble, toi et moi, elle ne va pas se poser des questions ? Je te jure, tu me fais chier avec tes plans merdiques.
— C’est bon, tu as fini ta crise ? On a mieux à faire. Il faut qu’on s’accorde rapidement, c’est clair qu’elle va tester notre sincérité.
Putains, ça me fait mal de l’admettre, mais il a raison.
— Je pense que sur le fond, on ne change rien. On a grandi ensemble, on oublie tout le reste. Et hop! On est tombé amoureux.
— Je suis d’accord, mais n’oublions pas qu’elle va aussi chercher à savoir si on se connaît réellement.
— Facile, tu adores le noir, tu es insociable, arrogant et grincheux. Et pour finir, ton passe-temps favori, me faire chier.
Il me sourit.
— T’inquiète! Pour moi non plus ce n’est pas difficile. Tu es ingérable et agaçante, tu as un penchant pour l’alcool et ton passetemps favori, la castration.
Notre conversation se termine ainsi. Nous sommes arrivées dans notre dernière demeure. Comment dire ? Nous sommes dans la merde jusqu’au cou.