MARIA
J’ouvre doucement les paupières, mon crâne et mes poignets me font mal, je suis pendu par les mains, mes pieds ne touchent pas le sol, mon poids tire sur mes bras. J’émerge difficilement, je cligne plusieurs fois des yeux, ma vision est floue, sûrement à cause des coups que j’ai reçus sur la tête.
J’essaie de me remémorer mes derniers souvenirs. J’étais chez Nico. Le médecin avait fini de me recoudre. Puis Antonio. Antonio ! Des flashes brutaux me reviennent. Une dizaine d’hommes sont entrés et nous ont tirés dessus. Il a voulu me protéger… Il a été blessé…. Je parcours la pièce du regard. Où suis-je ? On dirait une cave, il n’y a personne, aucun bruit. Où est Antonio ? Je relève mon visage et découvre que je suis maintenu par des chaines puis m’aperçois que mes chevilles aussi sont liées. J’essaie de bouger, mais rapidement la douleur de ma blessure me submerge, ce qui va rendre mon évasion beaucoup plus difficile. Ma tête me tourne, je sens la chaleur de mon sang à l’arrière de mon cran. Ma plaie s’est rouverte.
— Enfin, tu te réveilles !
Des pas et une voix féminine se rapprochent, accompagnés de plusieurs hommes.
— Je commençais à perdre patience.
Sophia Greco ! Je l’observe avec attention, le Carlin et finalement un Pitt bull. La jeune femme distinguée avec une mine d’ange à laisser place à son vrai visage. Un air cruel habille ses traits, je peux voir de la folie dans son regard. C’est bien ma chance de tomber sur une psychopathe.
— Tu souhaites réellement que toute ta famille soit exterminée rien que pour un mariage annulé ? Parce que c’est ce qui va se passer. Il vous tuera tous jusqu’au dernier.
Elle rit comme une cinglée.
— Ma famille ! Je m’en fous royal. Comme de ce mariage, d’ailleurs.
— Alors pourquoi suis-je ici ?
— Mon unique but avec cette union était d’être la reine, ainsi à ton retour, je t’aurais fait exécuter. Mais il a fallu que ton père soit assassiné et que tu refasses surface avant que j’arrive à mes fins. À cause de toi, tous mes plans sont partis en fumée. Tu es un putain de parasite ! Mon rêve le plus cher, c’est de te voir agoniser. Je n’ai qu’un objectif, vengé la mort de mon frère. Il était la seule personne qui comptait pour moi.
Si je comprends bien, c’est moi qu’elle vise depuis le début… Je serai responsable du décès de son frère. Qui ça pouvait bien être ? Je fouille dans mes souvenirs, mais mon mal de crâne ainsi que toutes les douleurs de mon corps m’empêchent d’y voir clair.
— Ça te fait réfléchir ?
— Oui ! J’avoue ! Tu sais. Je suis responsable de la mort de pas mal de monde ! Lui craché-je avec un sourire méprisant.
— Tu penses être en position de faire ta maligne. Apprenez-lui le respect. Ordonne-t-elle à ses hommes.
J’ai beau essayer de me débattre, ils sont trop nombreux, je reçois des coups de poing et de pieds, de toute part. Accentuant encore plus les douleurs déjà existantes. Mon cœur bat à toute vitesse, ma vision se floute à nouveau.
— Arrêtez ! Tu es toujours avec moi ? Dit-elle d’un ton fier.
Je combats le malaise et relève la tête, plongeant mon regard dans le sien. Si je sors vivante d’ici, je vais me faire un plaisir de la torturer.
— On t’a déjà dit que tout ce que tu touches finit par mourir ? Un sourire cruel nait sur ses lèvres. Ta mère, ton mentor, Antonio… et mon frère.
La haine danse dans ses iris. Cette fille est bien décidée à me faire la peau, c’est une certitude.
— Sa mission était de te surveiller, mais il a fallu qu’il tombe amoureux de toi. Alors Francisco a envoyé des hommes pour l’éliminer. D’ailleurs, il aurait été le prochain, si tu ne t’en étais pas débarrassée.
Non, c’est impossible ! De la bile me remonte dans la bouche. Je n’arrive plus à respirer, j’ai la nausée.
— Tu l’auras compris. Mike était mon frère. Malgré tout ce qu’il a fait pour toi, tu n’as même pas été foutu de le sauver. Tu l’as laissé crever comme un chien. Salope !
« Je te surveille depuis ton plus jeune âge », la phrase de Francisco me revient en mémoire. Mike était un membre des Black. Non ! Je refuse d’y croire.
— Tu mens ! C’est impossible.
Je ne parviens pas à contrôler le tremblement de ma voix. Cette nouvelle me fait l’effet d’une bombe.
— Je me doutais que tu ne me croirais pas alors, j'ai apporté une petite photo avec moi.
Je combats de toutes mes forces les larmes qui me montent aux yeux, en découvrant mon défunt fiancé entouré de plusieurs membres des Blacks. Je suis envahie par tellement d’émotions à cet instant. D’abord la trahison : s’est-il rapproché de moi dans le seul but de me garder à l’œil ? Qui était réellement l’homme que j’ai aimé ? Puis la colère : est-ce qu’il m’a véritablement aimé un jour ? Toute notre histoire était-elle un mensonge ? Toutes ses années, la culpabilité ne m’a jamais quittée. J’ai pensé que c’était moi la cible, que j’étais responsable de sa mort, alors qu’en fait, c’était lui la cible. Et enfin, la peine, parce qu’il est décédé, parce qu’il m’a choisie, et cette constatation me fait encore plus mal. Il est mort parce qu’il m’aimait.
— Bloquez-la ! hurle-t-elle.
J’utilise le restant de mes forces en essayant de les tenir à distance, mais les coups reprennent de plus belle. Exténuée par leur attaque et la douleur, mon énergie s’épuise. Je dois avoir plusieurs côtes cassées, je sens mon sang couler sur mon visage. Ils s’arrêtent, et elle s’approche, un couteau en main. Son sourire s’élargit. Elle m’attrape par le menton, m’obligeant à la regarder. J’essaie de lutter, mais je suis trop affaiblie.
— C’est drôle, maintenant que j’y pense. Sans le savoir, tu es toujours tombée amoureuse d’hommes provenant du seul endroit que tu détestes. Quelle ironie du sort ! Tu ne trouves pas ? Et c’est à cause de ses deux mêmes personnes que tu vas mourir.
Elle soulève mon tee-shirt, révélant ma plaie tout juste recousue, et la rouvre avec la pointe de son couteau, enlevant chaque point un à un. Puis, elle étire ma chair de ses doigts, me faisant hurler de douleur. Tout tourne autour de moi.
— L’avantage, c’est que je vais faire d’une pierre de coup. Je vais venger mon frère et tuer la seule personne qui compte pour ce connard de Nico Mancini.
Je ne lâche pas son regard. Le mien, comme le sien, sont remplis de haine.
— Il va venir me chercher, soufflé-je.
— J’espère bien! je veux qu'il soit présent afin de te voir rendre ton dernier soupir.
Il n’y a rien de plus dangereux que les personnes qui n'ont plus rien à perdre, et cette fille en fait partie. Elle pose la pointe de sa lame sous mon menton.
— Tu as quelque chose à dire avant de mourir ?
— Si ton frère te voyait, il serait tellement déçu.
Elle m’enfonce son poignard dans la cuisse et le tourne. La douleur qu’elle m’inflige est insoutenable.
— Comment oses-tu parler pour lui ? Tu ne sais rien, tu ne le connaissais pas.
Je sens mes larmes couler sur mes joues quand elle plante de nouveau dans mon bras.
— Je vais prendre plaisir à te faire souffrir autant que j’ai souffert. Je vais te torturer jusqu’à ce que ton cœur lâche. Je suis curieuse de découvrir la réaction de Nico, en trouvant l’amour de sa vie baignant dans son sang. De la haine ? De la tristesse ? Ou rien, comme à son habitude ?
Elle me sourit en s’éloignant de moi.
— Tabassez-la !
La douleur devient de moins en moins vive. Mon cœur, qui battait vite dans la poitrine, prend maintenant un rythme de plus en plus faible. Mon corps est tellement endolori que je suis incapable de savoir où j’ai mal. Je suis au bord de la perte de connaissance. Ce qui signifie que je perds beaucoup de sang. Je puise dans toutes mes forces pour lutter, me répétant sans cesse la même chose pour me donner le courage. « Il me retrouvera, on se retrouve toujours. ». Il me semble entendre des tirs au loin. Est-ce mon imagination qui me joue des tours ? La voix de Sophia résonne, et les coups cessent.
— Tu es résistante! Dis-moi.
Je sais qu’elle est près de moi. Je perçois sa silhouette malgré que mes yeux soient gonflés à cause des coups que j’ai reçus. Les tirs se rapprochent, et mes lèvres s'étirent.
— Je vais effacer ton sourire, me menace-t-elle.
Au moment où elle lève son couteau en direction de mon cou, un coup de feu retentit, et elle s’effondre. Je sens qu’on me soulève et me détache. Je reconnais son odeur, sa chaleur, et le son apaisant de sa voix.
— Maria ! Tu m’entends ? Je suis là, c’est fini.
— Je savais que tu me retrouverais… comme toujours… M’a-t-il entendu ? J’ai l’impression que cette phrase est restée dans ma gorge.
— Chut ! Garde tes forces.
Je perçois l’inquiétude dans sa voix. Je ne dois pas être belle à voir. J’ai le sentiment que mes paupières sont lourdes, je suis tellement fatiguée. Des images envahissent mon esprit. C’est vrai, quand on va mourir, notre vie défile sous nos yeux, et je suis heureuse de découvrir que ce sont seulement nos meilleurs souvenirs. Je revois Tanaka, Soha, Hernando… et lui. Nico Mancini. Nos moments partagés, de notre enfance à aujourd’hui, de nos disputes à nos réconciliations. Je remercie le destin de m’avoir liée à cet homme.