NICO
Quand je quitte de la chambre, je bande encore. Cette femme a un effet surprenant sur moi. Je ne parviens pas à me contenir avec elle. Elle est exceptionnelle, dure et tendre à la fois, tels un ange et un démon. Entendre ces trois mots sortir de sa bouche m’étonne toujours et me rend nerveux. Je n’ai qu’une envie : être à la hauteur. Je ne lui ai jamais dit, et elle ne me demande rien. Je n’y arrive pas, sûrement parce que je ne sais pas ce qu'aimer signifie. Je reviens dans la salle. Hernando vient vers moi, un verre à la main, son regard, comme toujours, est plein de malice.
— Promis! Personne n'a constaté votre absence.
Il pouffe de rire.
— Je me fous de ce que pensent ces gens.
— Oui, on a remarqué. J’ai cru que ton père faisait un infarctus.
— Si ça pouvait être vrai.
— Tu l’as abandonné ? Où s’est-elle perdue ?
Elle devrait être là! Où est-elle passée ? Je décide d’aller à sa recherche quand la voix de Greco m’interrompt.
— Cherche-la, ordonné-je à Hernando.
Je me tourne dans la direction de l’autre connard qui arrive sur moi avec une colère non dissimulée.
— Monsieur Greco, bonsoir !
— Arrête ton cinéma. Qu’as-tu fait à ma princesse ? Pourquoi est-elle revenue du Brésil seule et en larme ?
Je ricane en entendant le mot princesses.
— Une princesse! Vous et moi, n'avons pas la même définition de ce mot, dis-je en riant.
Il me lance un regard glacial.
— Pensez-vous qu’on peut considérer votre mercenaire comme telle ?
— Non ! Elle s’est la reine de mes enfers.
— Vous savez que si vous refusez cette union, je n’hésiterai pas à quitter l’organisation et à déclarer la guerre. Êtes-vous sûr de vouloir prendre ce risque ?
Je le fixe.
— Certains, lui dis-je avec mépris.
— Excusez-moi de vous déranger ! nous interrompt Hernando. Il s’approche et me chuchote à l’oreille : Ta reine est en train de torturer ton géniteur.
Je délaisse précipitamment M. Greco, avec Hernando sur mes talons.
— Sérieusement, quel est votre problème à tous les deux ? Vous avez le don pour foutre la merde partout où vous allez. C’est dingue !
Je monte les marches quatre à quatre. Quand j’entre dans le bureau, quatre de mes hommes la tiennent en joue. Il y a du sang de tous les côtés. Mon cœur s’emballe. Maria utilise Francisco comme bouclier, son épingle sur sa carotide. Je l’observe avec attention. Sa lèvre est fendue, son teint est blême au point que je peux apercevoir un bleu apparaitre sur sa joue. Impossible de savoir, si elle a d’autres blessures, son corps est caché par celui de l’autre connard. Lui, saigne à plusieurs endroits, victimes des multiples coups que lui a infligés la mercenaire. Quand mes yeux plongent dans le vert des siens, je vois qu’ils sont habités par la haine. Inutile de négocier, elle ne renoncera pas. Et même si elle le fait, je le tuerai de mes propres mains pour avoir osé la toucher.
— Ne tirez pas ! ordonné-je à mes hommes.
Ils me jettent des regards surpris, mais obéissent.
— C’est lui ! Me dit-elle d’une voix faible.
— Tiré bon sang, je suis votre ancien chef. Crache mon père.
— Ta gueule ! Hurle-t-elle en lui enfonçant légèrement la pointe de son arme, ce qui fait goutter du sang le long du cou de Francisco.
Je toise mes hommes, ils n’ont pas bougé, mais je sens leur hésitation.
— Regarde les papiers sur le bureau. Tout est là.
Des larmes commencent à couler sur ses joues. Son souffle est court, sa poitrine se soulève frénétiquement, ses yeux sont ternes. J’arrive à lire la souffrance dans ses iris, quelque chose ne va pas, j'en suis sûr. Pas besoin de vérifier, je lui fais confiance.
— Il a assassiné ma mère !
Je ne m’attendais pas à cette révélation.
— Et il a essayé de te tuer! Il a trahi les Black ! Il mérite son châtiment.
Je lui fais un signe de tête et elle comprend mon accord silencieux. J’aperçois le soulagement dans ses yeux. Elle enfonce sa pique dans sa carotide, il se vide de son sang en quelques minutes. Quand il s’effondre au sol, mon cœur s’affole en voyant une énorme tache de sang sur sa robe. La colère et la peur de la perdre s’emparent de moi. Je me précipite vers elle et la prends dans mes bras, elle est épuisée, à bout de force.
— Je peux marcher, ne t’inquiète pas. J’ai connu pire.
Je ressers ma prise et ordonne à Hernando d’appeler notre médecin en urgence.
— Je te ramène chez moi, le médecin nous y rejoint.
Je suis au bord de l’explosion. Elle pose sa main sur mon visage avec douceur.
— Désolé ! J’ai encore foutu le bordel. Me dit-elle en souriant.
Je lui souris en mon tour en descendant les marches à vive allure.
— Reste ici ! Me demande-t-elle.
Hors de question !
— Je te dis que ça va. Reste ici et règle cette histoire !
Elle plonge son regard dans le mien.
— Nous nous sommes débarrassés d’un de nos ennemis. Maintenant que l’annonce est officielle, occupons-nous de Greco avant que ça dégénère.
Je sais qu’elle a raison, mais je refuse de la laisser, je lui avais promis de la protéger.
— Nico, écoute-moi! Tu n’y es pour rien. C’est moi qui en ai fait qu’à ma tête comme toujours. Antonio va me ramener, et tu me rejoins dès que possible. C’est la seule solution pour qu’on soit enfin tranquilles. Tu es le chef des Balck Fever, ne l'oublie pas.
Putain ! Ça me rend fou. J’attends qu’elle pose ses pieds au sol et la maintien fermement. Il me faut puiser dans toute ma rage contre les Greco et mon père pour réussir à la confier à Antonio.
— Je t’aime, me dit-elle en m’embrassant.
Je ne réponds rien, les mots ne sortent pas. En regardant la voiture s’éloigner, je n’ai qu’une envie : la venger.
Je demande une réunion d’urgence. Comme tous les chefs de famille étaient à ce repas, nous nous rassemblons directement sur place. Seuls les Greco sont absents. Ils sont maintenant nos ennemis numéro un. Le début de la rencontre est houleux. Heureusement, les documents trouvés dans le bureau de l’ancien chef, confirment les dire de Maria et la disculpent, prouvant qu’elle a agi pour le bien de l’organisation. Il ne me reste plus qu’à persuader les autres de se lier à moi pour exterminer les Greco. Cela risque d’être beaucoup plus compliqué. J’ai intérêt à être plus que convaincant.
— Comme vous devez déjà le savoir, j’ai refusé d’épouser la fille Greco. Et pour ceux qui se posent la question, oui, c’est bien pour celle que vous appelez la mercenaire. Que vous jugiez ma décision ou non, cela n’a aucune importance. Mais sachez que si vous n’êtes pas avec moi, vous serez contre moi.
Ils me jettent tous des mauvais regards.
— Quand vous ferez votre choix, n’oubliez pas qui je suis. Parce que je suis avant tout le dirigeant des Black Fever. Et, à la différence de mon père, je me chargerais de chacun de vous moi-même. J’ai créé de nombreuses alliances partout dans le monde, du Brésil au Japon. C’est grâce à moi que notre réseau et ce qu’il est aujourd’hui. Alors, si je tombe, je vous emporterai tous avec moi.
Un brouhaha résonne dans la pièce.
— Je vous donne cinq minutes pour réfléchir.
Je me recule afin de les laisser discuter entre eux. J’essaie de rester concentré, mais mon esprit ne pense qu’à elle.
— Pas besoin de réfléchir ! s’écrie l’un d’entre eux. Tu peux compter sur notre soutien.
C’est ainsi que d’autres familles ont suivi, ne laissant plus le choix au plus réticent.
— Très bien ! Rassemblez vos hommes et attendez mes ordres.
Je ne perds pas de temps et quitte rapidement la réunion. Je n'aspire qu’à une seule chose : être auprès d’elle et sentir sa chaleur contre moi. Je n’ai jamais roulé aussi vite de ma vie. En fait, si, la fois où j'ai dû aller la chercher en haut de cette putain de colline. J’ignore Hernando qui râle à côté de moi.
— Tu as prévenu Soha ?
— Non, pas encore. J’attends d’en savoir plus. Je préfère éviter de l’inquiéter sans raison.
En descendant de la voiture, on comprend immédiatement qu’il s’est passé quelque chose. La porte d’entrée est restée grande ouverte. Nous avançons prudemment, nos pistolets en main. Ma mâchoire se serre en voyant le sang, puis tout mon corps se tend en apercevant cinq cadavres gisant sur le sol du salon. Nous nous arrêtons un instant, à l'affût du moindre bruit. Je sens la rage m’envahir en même temps que le silence m’étouffe. Où est-elle ? Une voix faible provenant de la cuisine nous parvient. Antonio est à terre, étendu dans son sang. Je m’approche de lui. Il a plusieurs plaies par balle et respire difficilement, sa poitrine se soulève rapidement, son état est critique.
— Antonio ! Où est Maria ?
J’ai l’impression que mon cœur va jaillir de ma poitrine tant il bat vite.
— Greco, dé...so...lé, souffle-t-il.
Il tousse, de l’hémoglobine sort de sa bouche. Voir mon ami ainsi décuple ma rage, chose que je n’aurais jamais crue possible.
— Tu n’y es pour rien. On va la retrouver, ne t’en fait pas.
En prononçant ces mots, je ne sais pas qui j’essaie de rassurer, lui ou moi. Il m’attrape le bras avec sa main pleine de sang. Je sens que sa force le quitte.
— Tue-les tous… me dit-il dans son dernier souffle.
J’y compte bien. Je vais les démembrer un par un.
— Appel les autres familles. On se rejoint tous chez les Greco, ordonné-je à Hernando.
Elle est vivante. Je me répète cette phrase sans cesse. C’est Maria, c’est une guerrière. Elle ne peut pas mourir.