Je sors du bus et rejoins ma meilleure amie devant l'entrée du centre-commercial. Il n'y a pas beaucoup de monde pour un vendredi après-midi.
Nous avons eu le droit de sortir dès le midi car il y a une demi-journée d'intégration qui se déroule au lycée pour les secondes de cette année.
—Re-coucou toi ! me salue Kessy, enjouée.
—Re-coucou, comment ça va depuis cette longue pause déjeuner ?
—Bien et toi ma chère ?
—Bien aussi. Alors, on fait quoi en premier ?
—J'aimerais bien me trouver une robe pour l'hiver, énonce Kee.
—Ouais, pour ton numéro 4 hein ? dis-je en la taquinant.
—Mais n'importe quoi ! Je veux juste être jolie pour... Mason !
J'arque un sourcil et lui lance un regard bizarre tandis que nous commençons à marcher dans le grand couloir donnant sur plusieurs magasins.
—Mason ? Vraiment ?
—Bien sûr ! Pourquoi tu y vois une objection ?
J'entends dans sa voix qu'elle se moque de moi.
—Absolument pas ! Je vais donc pouvoir draguer ouvertement Joshua !
Nous nous regardons et éclatons de rire avant d'entrer dans une boutique. Je regarde quelques vêtements et ma meilleure amie s'empresse d'aller au rayon des robes de mi-saison. Je la rejoins avec un pull bleu ciel avec une broderie en forme de rose sur le centre.
—Regarde celle-ci ! Elle irait trop bien avec tes cheveux et tes yeux !
Elle me tend une robe courte crème. On dirait un pull avec les effets de reliefs, on voit qu'elle tient chaud. Elle est mignonne, mais j'ai du mal à mettre des robes.
—Je sais pas... J'aime pas trop les robes...
—Aller ! Elle est pas trop courte en plus !
—Je vais l'essayer.
—Mission accomplie ! s'exclame-t-elle.
—Quelle mission ?
—Te trouver une robe pour ton futur rendez-vous amoureux avec ton beau brun !
Je mets du temps avant de me rendre compte qu'elle parle de Mason.
—Quoi ? Mais n'importe quoi ! Il m'évite plus qu'autre chose !
—Comment peut-il t'éviter s'il ne te voit pas ?
Touché. Mais j'ai trop d'honneur pour la laisser s'imaginer que je vais sortir avec ce garçon. J'ai bien remarqué qu'il regardait mes stories sur les réseaux sociaux et que c'était lui, l'auteur du commentaire sous ma dernière photo, mais hormis ça, nous ne nous sommes pas reparler.
—Laisse tomber Kee, ce mec n'est pas pour moi.
—Tu dis ça maintenant mais attends un peu... L'année ne fait que commencer !
Je change de sujet.
—C'est ça, et toi avec le numéro 4, ça se passe ?
—Je sais pas trop, il est pas aussi... enfin, pas comme je l'imaginais. Il a un corps d'Apollon, c'est clair. Mais en parlant avec lui j'ai bien remarqué que quelque chose n'allait pas.
—Si tu le dis. Tu n'aurais pas dû l'idéaliser.
—Je sais, mais bon vu tous les garçons que Vincent nous a présenté, je pense que l 'un d'entre eux devrait bien avoir ses chances.
—Avec toi, tout le monde a ses chances !
—Eehhh ! C'est pas cool ça !
Je rigole et elle me mène vers les cabines d'essayages. Avant que je n'y aille, elle ajoute à mes bras une jupe noir, deux hauts et une écharpe.
—Mais, tu n'es pas censé faire mon shopping !
—Tais toi et enfile ça ! réplique-t-elle en me poussant dans le petit espace.
Je me déshabille donc tout en faisant attention à enfiler les articles le plus vite possible: les cabines d'essayages sont probablement un des endroits les plus stressants. Je mets d'abord la robe et m'observe dans le miroir.
C'est moins pire que ce que je pensais, je me trouve même passable comme ça. Je pourrais aller au lycée avec, à condition d'ajouter des collants et une veste. Je sors et me montre à mon amie qui ne manque pas de montrer son extase.
—T'es magnifique comme ça ! Il te la faut !
—J'aime bien aussi.
—Aller, on prend ! Va essayer le reste !
Je pouffe face à sa jovialité et retourne me changer. J'enfile la jupe avec un haut à manches longues violet et j'y ajoute l'écharpe grise et ressort de la cabine.
Nous avons procédé comme cela dans tous les magasins suivants, même si j'ai insisté pour que Kessy essaye elle aussi des vêtements pour cet hiver. Nous avons profité des soldes de certains magasins qui faisaient des déstockages de leurs collections d'été. Kee a eu la bonne idée de me faire acheter deux autres robes, une veste et deux hauts ainsi qu'un pantalon. J'avoue que je ne fais pas du shopping comme ça tous les jours mais pour cette fois ci, je n'ai pas cassé le délire de ma meilleure amie.
Elle était visiblement très heureuse de dépenser l'argent que lui avait donné son beau-père pour son anniversaire. Notamment dans des cosmétiques bien trop onéreux. Mais j'ai tout de même cédé à sa demande de m'acheter un nouveau mascara et un baume à lèvres. On a aussi posté un selfie dans sa story, ce qui n'a pas manqué de faire réagir Vincent et ses amis qui nous ont envoyé des messages se plaignant de leur supposé abandon de notre part.
Nous avons conclu notre après-midi avec un milkshake et un cookie, qu'elle m'a payé pour honorer son pari de l'autre jour. Nous avons continué de parler des garçons, du handball, du lycée ainsi que de nos professeurs et de notre emploi du temps. Puis nous sommes rentrées chez elle, où j'ai décidé de dormir pour la nuit.
Alors que je me brosse les cheveux sur son lit, Kessy interrompt sa lecture sur son téléphone et me demande:
—Comment va Jéjé ?
—D'après les médecins, ça devrait aller avec un nouveau traitement.
Elle souffle et se redresse sur son lit. Je sens le matelas bouger tandis qu'elle s'assoit en tailleur à côté de moi.
—Et ta mère ?
—Elle fait avec.
—En s'enfilant une bouteille par soir ?
—Deux, parfois. Le jour de la rentrée elle est allée à l'école pour chercher Jeremy mais comme elle ne l'a pas trouvé, elle m'a appelé en panique.
Elle me laisse parler, elle sait que je ne dirai que ce que j'ai besoin de dire. Elle triture ses doigts et passe la main dans ses cheveux, signe qu'elle est stressée. Elle continue:
—Après l'entraînement ?
—Oui, alors que j'étais dans la voiture avec Mason.
—Ah m*rde ! Et il a rien dit ?
—Non, on n'en a pas parlé depuis. Et je ne tiens pas à le faire.
—Je comprends. Et ton père ?
—Il essaye de contenir Maman quand il est à la maison mais il lâche de plus en plus l'affaire, dis-je avec un soupir.
Elle hoche la tête.
—Ça va aller, tu sais que tu peux venir ici quand tu veux.
—Oui, merci.
Un silence plane tandis que je relance:
—Il faut qu'on attrape Marion si l'histoire avec l'autre peste persiste.
Elle rigole doucement et se lève.
—Toujours à penser aux autres avant de penser à toi-même. Tu es incroyable Oly.
Sur ces mots, elle m'enlace par le côté et je lui rends son étreinte dont j'avais grandement besoin.
On a toujours fonctionné comme ça: Kessy me parle directement lorsqu'elle ne va pas bien, car elle ne peut pas le cacher, et moi je lui parle quand j'en ai besoin.
J'ai toujours su ignorer mes problèmes et profiter des moments de bonheur que j'avais au lycée avec Kessy. Mais depuis cet été, ça devient de plus en plus compliqué de ne pas... 'craquer' ? Tout s'enchaîne et je peine à ne pas me faire emporter par mes émotions. J'ai beau chercher, je ne trouve pas de solutions à ce que je vis. Je peux juste endurer et espérer que ça se calme pour trouver une solution.