Nous sommes en route pour le terrain de basket. Mason m'a évité toute la journée. Je le comprends. Le baiser d'hier était peut-être une erreur. Contrairement à celui sur la plage, qui était juste un moyen de faire partir Paul une bonne fois pour toute, celui-ci paraissait sincère. Je ne sais pas vraiment pourquoi on réagit comme ça, on s'approche puis on se détache, on s'ignore. Et pourquoi me regarde-t-il si mal quand je suis avec la bande ?

Ça me rappelle une histoire de Kessy, dans notre ancien collège: un garçon embêtait tellement une fille, qu'ils sont passés d'amis à ennemis pour ensuite -de ce que m'a rapporté ma meilleure amie-, sortir ensemble. Drôle de parcours.

J'ai ressassé le baiser pendant des heures. Et à chaque fois, j'avais le ventre noué et les joues qui chauffaient. Je ne sais pas comment je le considère. Est-ce que je lui plais ? Ou bien il a fait ça par pitié ? Mon cerveau tend à penser que c'est cela. Est-ce qu'il me plaît ? Je ne sais pas. Il me fait souffrir à chaque souvenir qu'il ressasse, il replante le couteau et l'enfonce encore plus. Mais est-ce vraiment de sa faute ? Mon passé est mon pire ennemi, je n'ai pas encore fait la paix avec beaucoup de souvenirs, mais j'y travaille. Le fait que Paul est ressurgi m'a un peu secouée. La haine que j'avais enterré est revenue dès l'instant où je l'ai vu. J'espère simplement qu'il ne reviendra plus jamais. Mason m'a aidé sur ce coup-là, et je n'ai pas pris le temps de le remercier, mais avant même que j'en ai eu l'occasion il m'a interrogé, ce qui m'a... attristé ? Mais j'ai l'impression qu'il ne le voit pas. Il se contente de poser toujours plus de questions.

Mes pensées sont interrompues par Matthis qui tapote mon épaule.

—On va se mettre là-bas pour poser nos sacs, tu viens ?

—Oui, j'arrive.

Je me dirige vers Mason, à la fontaine, en train de remplir sa gourde.

—Faut qu'on parle non ?

Je suis plus que déterminée à crever l'abcès.

—Il n'y a rien à dire. Tu viens chez moi ce soir ? Il faut finir ce maudit projet.

Lui, n'a pas l'air de cet avis. Il est même plus grognon que d'habitude.

—Heu... Oui, d'accord. Quelque chose ne va pas ?

Il soupire, se redresse et me répond froidement.

—Non. Va rejoindre les gars. Je vais direct sur le terrain.

Je m'exécute tandis qu'il va au terrain où se trouve déjà Dynn et Matthis avec une balle. Je pose mon sac près du banc où Kessy et Ayden se sont installés pour regarder des vidéos.

—On te ramène ? demande Kee.

—Non, je dois aller finir le projet de physique chez Mason.

Mon meilleur ami arrête son visionnage et m'accorde toute son attention.

—Il s'est passé quelque chose hier soir ? Quand tu es arrivée, tu avais l'air bizarre, demande Ayden.

Je souffle et m'assois avec eux.

—Oui, il s'est passé quelque chose.

Ils retirent leurs écouteurs.

—Il pose beaucoup de questions sur des sujets sensibles et...

—Ça t'énerve, finit Kessy.

Elle me connaît trop bien.

—Oui.

—Tu sais, peut-être qu'il pose des questions car il s'inquiète, dit Ayden pensif.

—Sûrement mais il n'a pas compris que ça me fait plus de mal que de bien d'en parler.

—D'un autre côté, si tu n'en parles pas, même à nous, c'est peut-être bien qu'il te force la main, soupire mon meilleur ami.

Ma meilleure amie me surprend et hausse le ton:

—Non ! Elle fait ce qu'elle veut, si elle ne veut pas en parler, on ne doit pas la forcer, ça serait contre-productif, s'énerve Kessy.

—C'est votre avis, déclare son frère en battant en retraite.

—Et puis lorsque quelque chose ne va vraiment pas, j'en parle à Kessy.

—C'est vrai, affirme-t-elle.

—Ok ok ! Vous avez gagné. Et donc ? Il t'a juste posé des questions ?

Mon esprit livre une bataille pour savoir si je dois leur dire.

—On s'est embrassés.

Silence total. Puis Kessy sourit.

—Ma Oly est enfin en couple !

—J'en doute vu son comportement d'aujourd'hui, répond Ayden à ma place.

J'hoche la tête et la joie de Kee part aussi vite qu'elle est venue.

—Tu devrais lui en parler ce soir.

—Avant tout, est-ce qu'il te plaît ? demande Ayden.

—Je ne sais pas...

Je pousse un soupir. Mon cœur me hurle d'aller l'enlacer à chaque fois que je le vois mais je préfère nier devant ces deux-là.

—Je suis bien près de lui, il est tout ce qu'une fille peut rêver mais il veut toujours poser des questions. Alors qu'avec Joshua, c'est plus simple.

—Joshua ?

Son nom m'a échappé, et la comparaison que ma tête avait établie malgré moi, aussi.

—J'en connais une qui est dans un triangle amoureux ! rigole Kessy.

—Quoi ? Non ! Joshua est un ami et Mason aussi !

—Tu embrasses tes amis toi ? demande Ayden à sa sœur.

—Hmm... Laisse moi réfléchir... Non !

—Mais-

—Et tu t'assois contre tes amis à qui tu donnes ton sweat toi ? demande Kessy en me coupant.

—Non ! déclare Ayden.

Je grogne et me lève.

—C'est un guet-apens. Cette discussion est terminée. D'ailleurs parlons un peu de la vie amoureuse de Kessy...

—Il n'y a pas grand chose à dire...

—Ma Kessy ne trouve aucun garçon à sa hauteur ! déclare Ayden.

—Joshua est devenu un super pote mais je ne me vois clairement pas avec... soupire la concernée. Ce qui te laisse le champ libre !

Je ne relève pas et continue mon interrogatoire, espérant changer de sujet:

—Et Dynn, ou Matthis ?

—Oly... Tu détournes un peu trop la conversation à mon goût... Et je vous ai déjà dit que j'aimais mon célibat !

Je feins d'entendre quelqu'un m'appeler et dis:

—Ah ils m'attendent ! J'y retourne !

Ils rigolent et me laissent partir. Je pouffe face à l'absurdité de la situation. Je m'accoude à la barrière du terrain où les garçons font un match.

Joshua me remarque et me lance un sourire que je lui rends. Ayden et Kessy semblent avoir raison à son sujet. Je ne suis pas une petite fille innocente et aveugle. Il envoie clairement des signaux. De mon côté, je sais que je me sens vraiment bien avec lui mais le baiser de Mason me fait remettre toutes mes émotions en cause. J'essaye de ne plus y penser et j'attache mes cheveux dans une queue-de-cheval avant de rejoindre les garçons. Je pose ma veste sur la rambarde et m'approche.

—Je peux jouer ? dis-je assez fort pour les interpeller dans leur match.

—Ouaip ! dit Matthis en s'approchant de moi. Elle est avec nous !

—Pourquoi ? s'étonne Dynn. Vous seriez plus nombreux !

—Bah prenez-nous un joueur, déclare Joshua.

—T'es sûr de ça ? demande Matthis à son coéquipier qui nous a rejoint.

—J'ai confiance en elle, dit le métisse en me tendant son poing.

Je cogne le mien avec le sien et lui lance un clin d'œil. On s'est parfaitement bien compris. On va les écraser.