Je suis avec Joshua au cinéma. La semaine s'est finie lentement. Mason a suivi mes instructions et ne m'a plus approché depuis que je l'ai giflé. J'essaye de ne plus penser à lui, mais quelque chose m'en empêche. Comme un désir irréfutable d'aller le voir et de m'excuser. De plaquer mes lèvres sur les siennes encore une fois. J'extirpe ses pensées stupides de mon conscient. Je me concentre sur le film de super-héros. C'est la scène finale. L'ultime combat.
Le mien se livre dans ma tête. Mon cœur palpite, à cause de Mason, ou à cause de Joshua ? Je ne saurai le dire. Je sens mes joues s'enflammer lorsque Joshua prend ma main posée sur l'accoudoir.
On est dans un film américain ou bien ?
Je le laisse faire et enlace mes doigts aux siens. Tout est si simple avec lui. Pour une fois, j'oublie le fait que les derniers résultats de mon frère n'étaient pas bons, que ma mère doit être saoule et en pleures chez moi. Pour une fois, je m'autorise à tout oublier. Le film se termine. Nous sortons. Joshua a lâché ma main pour attraper son sac à dos et le mettre sur ses épaules. Nous sommes à présent dans le froid des rues endormies. J'ai enfilé un manteau avant de partir. Pour une fois, je ne frissonne pas malgré le vent qui souffle légèrement. Joshua déverrouille sa voiture et me dit en rigolant:
—Bon... J'ai un dernier endroit à visiter avant de te ramener à ta vie monotone et terne dénuée de sens !
—Mon Dieu ! Sauvez-moi de cet ennui mortel ! dis-je en rigolant moi aussi, avec un air théâtral.
Nos éclats de rires couvrent la musique. Le silence revient, apaisant comme un câlin. Il est confortable et n'est pas gênant. Le dernier son de Olivia Rodrigo me fait chantonner. Joshua m'observe du coin de l'œil et sourit.
Il se gare sur le bas-côté dans la forêt menant à la falaise où il est venu me chercher pour la première fois pour aller faire du shopping. Il sort et va ouvrir son coffre. Je le suis. Il en sort une couverture qu'il met dans son sac. Il prend également un sac de chips qu'il me tend.
—On n'aura pas faim avec ça !
—Je me suis dit qu'un ventre sur patte comme toi aurait besoin de recharge ! s'exclame-t-il.
—Eeh ! C'est toi qui mange le plus entre nous deux je te signale !
—C'est vrai, pouffe-t-il.
Nous nous élançons dans les bois. Je le guide à travers les racines et les grands pins. Je lui ai souvent parlé de ce coin. Il y est venu une fois il y a quelques jours pour me retrouver en pleine lecture sur le banc. Nous y avions passé une après-midi entière à parler de nos vies respectives, je souris à ce souvenir.
Nous nous installons par terre, sur la couverture qu'il étend sur l'herbe. Je jette le paquet de chips au centre de notre couchage et m'allonge. La tête vers le ciel, j'observe les étoiles. Joshua me rejoint.
—Mason t'a évité toute la semaine, il s'est passé quelque chose ?
Je soupire, voilà qu'il se met à poser des questions lui aussi ? Mais étant donné que c'est au sujet de son ami, je le comprends et réponds:
—Oui. Il n'a pas été juste envers moi.
—Comment ça ?
Il se redresse sur un coude et se tourne vers moi. Je m'assois.
—Le premier soir où nous avons travaillé ensemble pour la physique, il m'a embrassée.
—Quoi ?
Il en reste bouche bée. Ses sourcils sont froncés, il attend que je continue.
—Mais le lendemain il m'ignorait.
Il prend sa tête dans les mains et grommelle:
—Quel idiot.
—Après ça, il m'a ignoré jusqu'au jour sur le terrain de basket.
—Il y a une raison ? Pourquoi t'a-t-il ignoré ?
—Il pose trop de questions, et il a obtenu des réponses que je ne voulais pas lui donner. Il a forcé ma main et s'est retrouvé... démuni face aux réponses je suppose.
—Oly...
Il attrape ma main et la serre dans la sienne.
—Il sait aussi bien que moi que tu ne vas pas bien, ça se voit. Mais jamais je ne te forcerai à me dire quoi que ce soit.
Il me dit ça comme pour me rassurer, comme pour me prouver quelque chose.
—Mason est un crétin, c'est tout, dis-je en détournant le regard du sien.
—Comment peut-il oser t'embrasser et t'ignorer après ?
—Ça devait être une erreur pour lui.
Une erreur qu'il a réitérée il y a quelques jours...
—Ça ne devrait pas, ça a beau être mon ami j'avoue que là, je n'arrive pas à trouver d'argument pour le défendre.
—Il n'y a pas d'autres arguments que le fait que ça soit un crétin, dis-je.
Je passe une main dans mes cheveux: ce sujet de conversation ne m'enchante guère. Je tourne vers Joshua qui jette son téléphone un peu plus loin après avoir jeté un coup d'œil. Je le fixe en plein combat dans ma tête. Lui soupire avant de me regarder de nouveau. Nous nous approchons l'un de l'autre comme deux pauvres aimants. Joshua passe une main sur ma joue et approche nos lèvres.
—Tu as raison, c'est un crétin.
Sur ces mots, il pose délicatement ses lèvres sur les miennes. Comme des plumes, légères et douces. Je réponds à son baiser et pose ma main sur sa nuque. C'est tellement différent de ceux avec Mason. Son pouce caresse ma joue tandis que sa deuxième main vient se loger dans mon cou. Nous nous détachons lui de l'autre.
—Oly... souffle-t-il.
Son souffle se répercute sur ma peau.
—Jo... Qu'est-ce-que ?
—Tu n'as pas compris ? dit-il avec un sourire tendre.
Je secoue un peu la signe, faisant signe que non. Mes pensées fusent et je n'arrive pas à y mettre de l'ordre.
—Très bien. Alors...
Il rapproche son visage du mien de nouveau. Son baiser est plus passionné que le premier. Je réponds de nouveau. Des picotements se font sentir dans mon estomac.
Mais pas les papillons que j'ai avec Mason.
Je fais taire cette pensée et mets encore plus d'ardeur à notre baiser. Nous nous arrêtons essoufflés cette fois-ci. Il prend mon visage en coupe et me redemande:
—Alors tu n'as toujours pas compris ?
Je souris et passe une main dans ses cheveux bouclés.
—Je crois que je commence à comprendre.
Il m'attire à lui pour me prendre dans ses bras.
—Tu penses qu'on peut tenter ?
—On perd rien à essayer, non ?
Il me repousse doucement et me regarde.
—Non, mais tu dois savoir une petite chose...
—Dis moi.
Il semble un peu plus tendu. Il s'allonge sur le dos et je fais de même, les mains entrelacées.
—Je ne suis pas seulement attiré par les femmes en fait...
—Tu es bi ?
Il soupire, comme si me l'entendre dire était un fardeau.
—Oui, mais mes dernières relations avec des filles n'ont pas abouti très longtemps ...
—Donc je ne dois pas me faire d'idées, conclu-je.
Je lève la tête pour capter son regard:
—Tu sais, on peut juste faire plus que se fréquenter pour l'instant. On a pas à avoir d'engagement.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai besoin de Joshua, j'ai un mince espoir que ça me détournera définitivement de Mason. Je veux juste l'oublier. Il soupire une nouvelle fois, mais de soulagement.
—Tu crois ?
—Bien sûr !
Il rigole et se met sur le côté pour me faire face.
—Tu es vraiment exceptionnel, Mason devrait se mordre les doigts de te faire souffrir.
—Si tu le dis.
—D'ailleurs tu veux garder ça pour nous ou...?
—Comme tu veux, j'ai pas de soucis à m'afficher. Les gens disent bien ce qu'ils veulent.
—Comment peux-tu concevoir une relation non officielle publique sans avoir peur de passer pour une traînée ? Moi je ne risque rien, avantage du genre masculin. Mais toi... je ne veux pas que ça t'apporte des soucis.
Je passe ma main sur sa joue et déclare:
—Je me fiche de ce que disent les gens, tant que toi tu vas bien, ça me va.
Il me sourit.
—Merci Oly.
—Pour quoi ?
—Pour être aussi ouverte et gentille.
Je souris et l'embrasse une nouvelle fois. Nous basculons et je me retrouve sur lui. Notre baiser prend fin et il m'enlace. Ma tête contre son torse musclé, je vide ma tête des pensées qui se ramènent toujours à un autre brun, et à nos baisers.
—Et toi avec Mason ? dis-je.
—Il assumera d'avoir fait de la merde, dit le métisse. Et puis ce n'est pas comme s'il n'avait pas eu sa chance.
J'hoche la tête contre son torse.
—J'espère qu'il ne t'en voudra pas.
—Non je ne pense pas, c'est pas son genre.
Il passe une main dans mes cheveux.
—Il va être vexé, mais il t'évite donc il ne nous verra pas tant que ça, ça se trouve il n'en saura rien.
—J'en doute.
—Ne t'en fais pas pour ça, ça va aller.
Je ne me tracasse pas plus et me laisse aller dans ses bras. Son battement de cœur m'apaise et je somnole. Pourvu que Mason sorte de ma tête...