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Petitefleur707
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CHAPITRE XI

ISABELA

La lumière filtre doucement à travers les rideaux, découpant des ombres douces sur le parquet. C'est un de ces moments suspendus que j'aime tant, où le monde semble hésiter entre silence et respiration.

Le téléphone calé contre mon oreille, je verse un filet d'eau au pied d'un petit pot en terre cuite.

— Oui, oui, je t'écoute... enfin, à moitié, je murmure avec un sourire qu'on peut presque entendre dans ma voix. Je suis en train d'arroser mes filles.

Je passe les doigts sur les feuilles encore fraîches, puis m'arrête sur une en particulier. Ma préférée. Elle a cette allure étrange, gracieuse et presque... théâtrale.
Je baisse un peu la voix, comme si je lui faisais une confidence.

— Celle-là, je l'appelle "la belle endormie". Ce n'est pas son vrai nom, bien sûr, mais... elle le porte bien, tu ne trouves pas ?

Je ris doucement.
— Elle a l'air fragile, douce... et pourtant, elle est capable de beaucoup. Tu sais, dans le langage des fleurs, elle symbolise la beauté fatale. J'adore ça. C'est si... dramatique.

Un silence, une inspiration. Je sens mes pensées vagabonder. Juste un instant.

— Si je devais être une fleur, je crois que je serais elle.

Mais aussitôt, je me reprends, comme si je balayais cette idée d'un revers de main, tout en gardant le sourire.

— Ou peut-être que c'est juste parce que c'est elle que j'ai choisie comme métaphore dans mon roman. Tu sais, l'héroïne un peu paumée mais pleine de lumière, qui sourit même quand tout s'effondre. Elle s'accroche à une fleur comme à un secret. Un truc de symbolique... tu me connais.

Je lâche un petit rire, plus clair, plus doux.
— Bon, je dois filer. À plus tard, d'accord ? Et ne t'en fais pas pour moi, j'ai encore mille choses à écrire... et à arroser.

Je raccroche.
Un dernier regard vers "
la belle endormie".
Puis je m'éloigne, les bras chargés de papiers et d'idées.

★★★

Pause bien méritée. Je m'étais planquée dans le petit coin détente du café avec mon smoothie du jour, les pieds repliés sous moi sur le fauteuil moelleux. Chaol, comme toujours, m'avait rejointe avec son éternel café glacé, trois doses de sucre parce que "la vie est déjà assez amère comme ça". Je lui lançai un regard faussement désapprobateur.

— T'es au courant qu'à ce rythme-là, tu vas sucrer plus tôt que prévu ?

— Laisse-moi mourir heureux, me répondit-il avec un clin d'œil.

Je pouffe, posant ma tête contre le mur. Puis, évidemment, ses yeux se plissèrent d'un air beaucoup trop complice.

— Bon, alors... toujours pas de nouvelles du voisin sexy ?

Je faillis recracher mon smoothie.
— Chaol.

— Bah quoi ? Moi je trouve que t'as de la chance. Si j'avais un spécimen pareil en face de chez moi, je lui livrerais des cookies tous les jours en peignoir. Sans sous-vêtements. Option "oups j'ai fait tomber mon sucre".

Je ris tellement que j'en avais mal aux côtes.
— T'es infernal.

— Non mais sérieusement, Isabela... ce mec est une sculpture. Froid comme une porte de prison, ok, mais... quel art glacé.

Je levai les yeux au ciel.
— Tu veux que je t'arrange un rendez-vous avec lui, peut-être ?

— Hmm... non, je suis plus branché par un autre style. Plus... brun ténébreux, bouclettes rebelles, des bras genre "je soulève des gens", un sourire timide et des yeux qui font baisser ta tension.

Je haussai les sourcils en le regardant.
— Tu veux dire... Maël ?

Il rougit, ce qui était rarissime chez Chaol. Jackpot.

— J'veux rien dire, moi. C'est toi qui extrapoles.

Je lui tape l'épaule avec mon verre vide.

— Il est grave canon, je te l'accorde. Mais il va pas deviner que t'en pinces pour lui par télépathie. Faut agir, monsieur "j'ai de l'assurance sauf quand j'ai un crush".

Il roule des yeux, mais je vois bien qu'il hésite.

Et comme si l'univers avait décidé de faire un clin d'œil dramatique, Maël passe la porte à ce moment-là, l'air un peu essoufflé, probablement en retard pour sa pause ou pour dire bonjour.

— Hey, Isa ! Salut, Chaol !

Je fis un petit signe discret à Chaol. GO.

— Hey, Maël, t'as cinq minutes ? lance Chaol, un peu plus fort que d'habitude.

— Euh, ouais, pourquoi ?

— J'me disais... t'as envie de boire un verre un de ces soirs ? Un truc tranquille. J'connais un petit bar sympa, pas loin d'ici.

Maël eut un petit moment de bug, avant de sourire doucement.

— Sérieux ? Bah... ouais, carrément. J'dis pas non.

Et là, juste là, j'ai vu les joues de Chaol virer à la couleur framboise écrasée. J'avais envie d'applaudir, de les filmer, de faire un montage avec des cœurs et de la musique douce.

Je reste silencieuse, mais intérieurement, je suis en mode : Mission flirts confirmée, Cupidon activé.

Quand Maël s'éloigna, un petit sourire en coin aux lèvres, je me tournai vers Chaol, un sourcil levé.

— Alors ?

— Tais-toi, j'angoisse déjà.

— T'as géré. Et si tu stresses, je te fais un cappuccino avec un animal. Version anti-crise.

— Je veux un paresseux. Mon esprit animal du moment.

Je ris.
— Ça marche, capitaine cœur qui fond.

★★★

Je suis tranquillement assise sur le banc, le livre entre les mains, profitant du calme de l'après-midi. La journée a été bien chargée aujourd'hui, alors je me relaxe un peu avant de rentrer chez moi. L'air frais d'automne s'infiltre doucement dans mes cheveux, et le bruit lointain de la ville semble se fondre dans l'horizon. C'est un de ces moments où je pourrais rester des heures sans bouger, juste à observer, à penser, à être... moi.

C'est à ce moment-là que je le vois. Rhys. Il est difficile de ne pas le remarquer, même dans un endroit aussi tranquille que ce parc. Son allure est si caractéristique : costard impeccable, démarche presque trop assurée pour quelqu'un qui semble chercher une échappatoire dans ce lieu.

Je le laisse s'approcher, mes yeux suivant chacun de ses mouvements avec une discrétion parfaite. Je suis assez experte pour ne pas laisser transparaître l'intérêt qui m'anime, mais je l'observe. Chaque pas de Rhys est comme une tentative de se détacher d'un monde qu'il semble avoir du mal à quitter. C'est fascinant, en fait. Mais je ne peux pas m'empêcher de sourire en le voyant hésiter à prendre place à mes côtés.

— Isabela ? me salue-t-il, hésitant.

— Salut Rhys, je lui réponds avec un sourire.

— Je ne pensais pas tomber sur toi ici, dit-il en baissant la tête vers moi, l'air intrigué. Tu lis quoi ?

Il se laisse tomber sur le banc, mais pas trop près de moi, juste assez pour ne pas être trop à l'aise.

— Oh, ça ? C'est juste une romance sur une fille banale qui vole une cargaison de drogue... à l'un des plus grands chefs de cartel du Mexique, j'explique comme si c'était normal.

— Ah oui. Une fille très banale comme tu dis... Je ne sais pas quels sont tes passe-temps, mais personnellement, je ne catégoriserais pas ça comme "banal", se moque-t-il.

— Ahahaha, je dis sarcastiquement. Tu peux pas comprendre.

— Hm, et du coup, elle est où la romance dans cette histoire ?

— Je dirais au moment où il décide de la kidnapper, mais de ne pas lui faire de mal juste parce qu'elle a les yeux bleus, je réponds en papillonnant des yeux.

Il me regarde, incrédule, comme si je venais d'une autre planète. Et pour le coup, je me retiens vraiment de partir en fou rire.

— Ah oui... Très romantique, comme tu dis...

J'explose de rire devant son visage déconfit.

— Mais non, je blague... Enfin... Il l'a vraiment épargnée pour la couleur de ses yeux, mais... c'est beaucoup plus profond que ça, ne t'inquiète pas.

Il me lance un regard sceptique, mais ne dit rien.

— Et sinon, ça va, le travail ? me demande-t-il pour changer de sujet.

— Ouais... rien de bien passionnant, tu sais. C'est pas comme si on venait de me voler une cargaison d'armes ou autre, je rigole.

Étrangement, Rhys se tend à ma plaisanterie, comme si je venais de toucher un point sensible.

— Euh... c'est une blague hein. C'est en référence au livre, vu que c'est la mafia mexicaine et tout le tralala...

— Oui, bien sûr. Je ne suis pas idiot, répond-il.

Étrangement, j'ai l'impression que l'atmosphère vient de changer.

Je me gratte la gorge, légèrement gênée. Comment en est-on arrivé là, déjà ?

— Et toi, le boulot ? je demande, pour alléger l'ambiance. Toujours plein de réunions barbantes à en mourir ?

Il met un peu de temps à répondre, comme s'il devait d'abord revenir à la surface.

— Je ne dirais pas que mes réunions sont barbantes à en mourir, comme tu dis. Même si, ces derniers temps, j'ai failli m'endormir en pleine présentation... il tente un sourire, mais il ne monte pas jusqu'à ses yeux ...mais je dirais que ça va.

Je hoche la tête, pas tout à fait convaincue. Il y a une tension dans sa mâchoire, une raideur dans ses épaules. Son regard semble chercher autour, comme s'il surveillait quelque chose. Ou quelqu'un.

— Dis donc, t'as l'air super détendu, je lance en essayant de plaisanter à nouveau, mi-sourire aux lèvres.

Il me regarde enfin, un peu plus présent, un peu moins ailleurs. Il souffle du nez, presque amusé, mais pas totalement.

— Je fais de mon mieux.

Silence.

Je tourne une page de mon livre, plus pour me donner une contenance qu'autre chose. Je sens son regard sur moi, mais je n'ose pas relever les yeux. Il est là, mais mentalement, il semble à des kilomètres.

— Tu sais... je plaisantais vraiment. Pour l'histoire de la cargaison. C'est absurde, je sais même pas comment j'ai sorti ça, je marmonne, un peu mal à l'aise.

— Tu t'en sors bien, pour quelqu'un qui improvise, dit-il avec un ton étrange. Trop calme.

Je fronce légèrement les sourcils, et je le regarde.

— Rhys, tout va bien ?

Il me fixe un instant, comme s'il hésitait. Puis il secoue la tête.

— Bien sûr. Pourquoi ça n'irait pas ?

Je n'insiste pas. Mais j'ai ce sentiment bizarre, au creux du ventre. Comme si je venais de poser un pied sur une ligne invisible. Et que je ne verrai les conséquences que bien plus tard

Il ne répond pas tout de suite. Il regarde droit devant lui, comme s'il pouvait noyer ses pensées dans l'horizon flou du parc.

Puis, sa voix, plus basse, presque fatiguée :

— Tu ne te rends pas compte à quel point tu tombes souvent juste.

Je fronce les sourcils, un peu déstabilisée.

— Comment ça ?

Il secoue doucement la tête, un sourire en coin.

— Laisse tomber. C'est sûrement le destin. Ou ta manie de lire des scénarios improbables qui ressemblent un peu trop à la réalité.

Je le fixe, l'air faussement outrée.

— Tu veux dire que mes histoires sont improbables ? Attention, Rhys. Je pourrais très mal le prendre.

— Je dis juste qu'une fille banale qui vole une cargaison de drogue et tombe amoureuse de son ravisseur, c'est... légèrement tiré par les cheveux.

— Wow. Quel soutien. Vraiment. Tu devrais écrire des critiques littéraires.

— Tu veux que je sois honnête ou gentil ?

— Tu pourrais essayer d'être charmant, pour une fois, je souffle, amusée.

Il me jette un regard en coin, et cette fois, un vrai sourire étire ses lèvres. Léger. Presque imperceptible. Mais réel.

— Et tu penses que je ne le suis pas ?

Je fais mine de réfléchir longuement, un doigt sur le menton.

— Hmmm... Disons que ton charme est... dissimulé. Très dissimulé. Façon bunker anti-nucléaire.

Il laisse échapper un petit rire, discret, mais sincère. Je me surprends à le regarder un peu plus longtemps. Son visage s'est détendu. Ses traits sont moins fermés. Et dans ses yeux, il n'y a plus cette distance glaciale d'avant. Juste une fatigue douce, une vulnérabilité qu'il tente de cacher.

— Tu sais, dit-il après un instant, c'est rare que je me pose comme ça. Juste... être là. Respirer. C'est presque étrange.

— Tu devrais le faire plus souvent. T'as une tête de mec qui oublie qu'il est vivant.

Il sourit encore, et cette fois, il me regarde comme si j'étais la seule personne dans ce parc. Peut-être même la seule personne capable de le voir vraiment.

— T'es toujours comme ça avec les gens ? À balancer des vérités comme si c'étaient des bonbons ?

— Seulement avec ceux qui font semblant d'être invincibles.

Un silence confortable s'installe. Le genre de silence qui ne pèse pas. Il inspire profondément, comme s'il se laissait un peu aller.

Puis...

— Tu veux qu'on échange ? Ton livre absurde contre un secret.

Je lève un sourcil.

— Un secret ? Genre tu vas me dire que t'es pas vraiment PDG mais tueur à gages à tes heures perdues ?

— Tu serais surprise.

— Je suis rarement surprise. J'ai grandi avec une mère fan de séries criminelles, tu crois que quoi que ce soit peut encore m'étonner ?

Il me regarde longuement, presque avec un fond d'admiration.

— T'es pas comme les autres.

— Wow. Original. Tu comptes me sortir la suite de la phrase ? "Y'a un truc chez toi..." ?

— Non, je vais m'arrêter là. Sinon tu vas vraiment croire que je suis charmant.

— Trop tard.

Il regarde le livre entre mes mains, puis lève les yeux vers moi, un peu plus sérieux.

— Tu me le prêtes ?

Je hausse un sourcil, mi-sarcastique, mi-intriguée.

— Attends... toi ? Lire une romance ? T'es sûr que tu vas survivre à l'expérience ?

— Je suis insomniaque, lâche-t-il simplement. Il marque une pause. Et j'ai déjà relu les rapports de mes réunions trois fois cette semaine. C'est peut-être le moment de tenter autre chose. Quelque chose qui me sort la tête du vide.

Je reste silencieuse un instant. Cette phrase-là, elle me touche plus que je ne l'aurais cru. Parce qu'il ne parle pas juste d'un livre. Il parle de lui. De ce qu'il vit quand personne ne le regarde.

Alors je lui tends le bouquin avec un sourire plus doux.

— Tiens. Mais t'as intérêt à en prendre soin. C'est la troisième fois que je relis ce tome, et j'y tiens. C'est un peu mon doudou littéraire, tu vois ?

— Je ferai attention, promet-il, un peu surpris par ma confiance.

— De toute façon, je connais déjà la fin. Et puis... je te préviens, c'est pas une romance cucul. C'est une vraie tornade sentimentale. Y'a du feu, de la vengeance, des regards qui tuent... et un mec qui la kidnappe parce qu'elle a les yeux bleus.

Il esquisse un sourire, le livre toujours en main.

— Charmant. Et tu dis que c'est ce genre d'histoire qui te réconforte ?

— Exactement. Tu devrais essayer, ça endort pas, mais au moins ça fait battre un peu le cœur.

Il me fixe un moment, son expression plus douce que d'habitude.

— Merci.

— Pour le livre ?

— Pour... le reste. Le banc. Le silence. Et les dialogues absurdes.

Je ris doucement.

— De rien, insomniaque en costard. Tu me diras si tu tombes amoureux du cartel mexicain.

— Promis. Mais je garantis rien si je commence à avoir des goûts douteux après ça.

On reste là encore quelques secondes. Le vent fait danser les feuilles. Et pour une fois, le monde semble un peu moins bruyant.

Il glisse le livre dans sa veste avec soin.

Et pendant qu'il se lève, je le regarde s'éloigner avec un sourire aux lèvres.

Je crois qu'il est plus charmant qu'il ne veut le croire. Et moi, plus dangereuse qu'il ne l'imagine.

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