RHYS
Je le regarde entrer ma cigarette encore entre mes lèvre avant de recracher la fumée.
Le pas hésitant. Le regard trop fuyant. Une chemise trop propre pour un mec comme lui. L'odeur du stress transpire à travers les pores de sa peau avant même qu'il n'ouvre la bouche.
Il pense qu'il est là pour un entretien.
Il pense encore.
La porte se referme derrière lui. Le verrou claque.
Il sursaute à peine, quand un de mes hommes lui fait signe d'avancer plus près vers moi.
— Euh... j'suis là pour le client ? C'est... c'est pour quoi au juste ? On m'a dit qu'on cherchait quelqu'un, j'ai pas trop eu les détails...
Je ne réponds pas.
Je le laisse suer. C'est fascinant, la vitesse à laquelle certains s'enfoncent tout seuls.
Je me lève.
Il me remarque vraiment à cet instant-là. Je le vois dans ses yeux : il comprend. Pas encore tout. Mais il sait que quelque chose cloche. Que ça ne sent pas la promotion.
— Isabela Fox. Ça te dit quelque chose ?
Il se fige.
Son nom suffit à faire tomber tout le vernis.
Il cligne des yeux. Se tortille. Il cherche déjà une version à servir, un mensonge rapide, peut-être une attaque en contre.
— J'sais pas ce qu'elle vous a dit, cette salope, mais elle m'a volé, OK ? Elle m'a utilisé ! C'est elle qui m'a mis dans la merde, elle m'a manipulé, elle me doit encore—
— Retiens bien ce que je vais te dire Сволочь (= salaud).
Ma voix est plus calme que moi.
À l'intérieur, tout hurle.
Il recule. Il comprend enfin que ce n'est pas une conversation. C'est un enterrement.
Je m'avance.
— Tu crois que j'ai organisé tout ça pour t'écouter baver ton venin sur elle ?
Tu crois que j'ai pas déjà tout vu, tout lu, tout remonté ?
Tu crois que je vais avaler ton histoire minable de type largué et volé ?
Je me penche vers lui.
Il sent la mort.
— J'ai passé ma nuit à revoir les bandes de surveillance de mon immeuble.
Tu sais ce que j'ai trouvé ?
Rien.
Parce qu'étrangement, pendant six minutes, les caméras ont toutes cessé d'enregistrer.
Six minutes.
Je laisse le silence le ronger un instant.
— T'es entré. Tu t'es servi d'un badge volé. Tu t'es faufilé dans l'ascenseur. Tu t'es infiltré dans son appartement.
Et t'as laissé ce putain de mot, tu t'es pris pour qui au juste Сука?
Je recule, mains dans les poches.
Je devrais lui arracher les ongles. Le laisser supplier. L'entendre pleurer.
Mais ce genre de vermine... ça ne mérite même pas une mise en scène.
— Tu pensais que j'allais laisser passer ça ?
Tu penses que tu peux t'en prendre à elle alors qu'elle dort sous mon toit ?
Tu crois que j'ai oublié ce que c'est, la peur, quand tu la vois sur le visage de quelqu'un que tu-
Je me coupe.
Non.
Il ne mérite pas cette part de moi.
Je sors mon téléphone.
Compose un numéro.
— Tu me le fais disparaître. Pas de bruit. Pas de trace.
Je raccroche.
Il s'agite. Un rat qui sent la cage se refermer.
— Attendez, j'vous jure que j'suis pas celui que vous croyez ! Je...je peux vous prouver que—
— T'as déjà eu trop de temps.
Je sort mon arme de ma ceinture et il n'a pas el temps de se débattre que la coup de canon tire sur sa jambe.
Il s'écroule au sol.
Il n'est pas morts.
Pas encore.
Il hurle de douleur et je en voit mouiller son froc.
J'aurai voulu faire durer le moment. Le voir supplier comme il a sans doute vu Isabela le supplier quand il l'a touché.
Je m'approche d'un pas nonchalant vers lui, m'accroupis à sa hauteur d'un regard dénuée de pitié.
-Tu la fais pleurer.
Et pour ça il mérite les pire souffrances que ce monde peu lui offrir.
Un de mes homme s'approche pour l'empêcher faire quoi que se soit et j'en profite pour éteindre ma cigarette sur lui, percement sa peaux de brûlure.
C'est ça. Pleur. Souffre. Est peur.
Soit effrayé comme tu as osé effrayer Isabela.
Je voudrais tellement le voir souffrir d'avantage...
Mais cet homme ne mérite pas mon temps.
Je tourne les talons.
Je ne le regarde pas quand ils viennent le chercher.
Je n'ai pas besoin de voir un homme crever quand ce n'est même pas un homme. Juste un avertissement pour ceux qui s'imaginent que toucher à elle n'est pas une condamnation.
Une chose est sûre.
Il ne la touchera plus jamais.
★★★
Je m'installe posément sur la banquette arrière de ma voiture mon portable a la main.
-Je fais un brève signe au chauffeur et il ferme la vitre arrière.
Bien.
Je compose le numéro de Lyse avant qu'elle ne décroche après un seul bipe sonore.
-Volkov? La voix féminine teinte à l'autre bout de l'objet dans un léger gisement.:
-Lyse, ça fait aussi plaisir de t'entendre.
-Qu'est-ce que tu me veux? Répond t'elle d'un ton mordant faisant ressortir son accent espagnol.
-J'aimerai savoir si tu as eu des informations sur la cargaison.
-Oh, ça... En effet il s'agissait à l'évidence d'un vole orchestré. La personne qui vous a volé sait se qu'elle fait.
-Je ne suis pas là pour parler des louanges des Мудак (=connard) qui nous ont volaient mais pour savoir si tu as plus d'infos Mendoza.
- Sí, sí, ya sé... cálmate, gonorrea. Si no me equivoco, ¿estuviste escuchando rumores, no?
« Oui, oui, je sais... calme-toi, enfoiré. Si je ne me trompe pas, t'as entendu des rumeurs, non ? »
-Да, и что? (= Oui, et alors ?)
— Pour le coup, on a eu de la chance. Le bruit s'est arrêté, et rien ne s'est ébruité sur ce qui s'est passé, m'informe-t-elle.
— Le problème, reprend-elle, le ton plus grave, c'est qu'on n'a retrouvé aucune trace de l'endroit où elle aurait pu être stockée. Ben a envoyé des agents sur le terrain pour vérifier vos hypothèses, mais il semblerait qu'on se soit trompés.
Ебануться ! (= putain de merde)
— Personne ne sait où elle est passée, et le client attend toujours. Morozov s'occupe d'eux, normalement le client recevra sa commande dans les semaines à venir, mais pour le vol...
— ... On n'a rien.
Le silence tombe, lourd, et je sens un poids peser sur mes épaules. Merde, merde, merde, merde !
Si les rumeurs sont fondées et qu'on s'est trompés de cible depuis le début, ça veut dire que...
— Comme je te l'ai dit, la personne qui vous a volé savait ce qu'elle faisait et ce que cela allait engendrer. Ce n'est pas un simple vol, Rhys. Tous les agents qui s'occupaient des conteneurs ont été retrouvés morts, une balle dans la tête...
— ... C'est un putain de message caché.