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Petitefleur707
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CHAPITRE XVII

ISABELA

Cela fait quelques jours depuis ce qu'on pourrait appeler mon pseudo-rencard avec Rhys. Et maintenant ? Rien. Le néant.

J'en ai marre.

J'avais vraiment cru qu'on avait franchi un cap, lui et moi. Un minuscule pas, certes, mais un pas quand même. Pourtant, quand il est revenu, c'était comme si tout ce qu'on avait partagé ce soir-là... n'avait jamais existé. Comme si c'était juste un rêve que j'avais fait toute seule.

Rhaaaa. Cet homme va me rendre dingue.

Je ne sais pas s'il est simplement mal à l'aise ou si quelque chose cloche plus profondément. Peut-être qu'il culpabilise à cause de l'accident ?

Mais ce n'était même pas sa faute. Qui aurait pu prévoir qu'un homme allait s'effondrer au beau milieu de cette salle pleine de bourges parfumés à l'égo ?

Bon. J'en ai marre.

Je fulmine toute seule dans mon coin, en train de jouer avec la mousse. Merde. Je crois que j'ai complètement foiré ma chouette...

Je saisis la tasse et la pose sur le plateau en plastique noir. Je prends la direction de la table de Rhys d'un pas intentionnellement lent.

Respire, Isabela.

C'est. Rien.

On ne peut même pas appeler ça un rencard. Non ?

Je m'approche de sa table. Un pas après l'autre.

Cool.

On ne peut même pas appeler ça un vrai rencard, hein ? Non. C'était juste... un moment partagé. Rien de plus.

Je m'approche. Un pas après l'autre. Allez. Détends-toi.

C'est juste une invitation. Une simple invitation avec un type ridiculement sexy qui te fait baver depuis des semaines. Rien de grave.

Je pose le plateau devant lui et lui tends sa tasse.

— Merci.

— Pas de quoi, je réponds aussitôt.

Merde.

— C'est... un... euh...

Ne rigole pas, Isabela. Ne rigole pas...

Mais la façon dont il fronce les sourcils, intrigué par ma tentative de chouette, est tout simplement hilarante. Et franchement, je ne peux pas lui en vouloir. Je l'ai complètement ratée, cette pauvre chouette. On dirait un hibou sous anxiolytiques.

Il baisse les yeux vers la tasse. Observe. Penche légèrement la tête.

— C'est... une chouette ? demande-t-il avec un sérieux presque suspect.

Je ravale un rire nerveux.

— C'était censé en être une, ouais. Mais apparemment, j'ai assassiné le concept en chemin.

Un silence.

Puis. Un souffle. Léger. Presque imperceptible. Un coin de ses lèvres qui se soulève à peine. Un Rhys-sourire. Microscopique, donc précieux.

— Elle a l'air... fatiguée, dit-il, en relevant enfin les yeux vers moi.

Je plisse les paupières.

— Tu veux dire qu'elle a l'air morte, hein ?

Il hausse une épaule. D'un calme olympien.

— Non. Juste... à bout. Un peu comme toi, non ?

Je reste figée un quart de seconde. Il ne me quitte pas du regard. Pas moqueur. Pas cruel. Juste... lucide.

— Tu veux dire que j'ai une tête de chouette crevée ? je rétorque, les bras croisés.

Il lève un sourcil, comme s'il hésitait à confirmer.

— Une chouette badass, précise-t-il.

Je cligne des yeux. Puis j'éclate de rire. Pas un rire léger. Un vrai, franc. Celui qui secoue un peu les épaules et allège le cœur.

Et là, il me regarde comme si... comme si c'était un truc rare. Comme s'il venait de me surprendre dans une fissure de lumière.

Je baisse un peu les yeux, déstabilisée. Bordel. Je suis censée rester tranquille. Ne pas espérer. Ne pas fondre. Ne pas...

— Tu fais quoi ce soir ? je lâche, avant de pouvoir me retenir.

Il reste un instant silencieux. Me fixe. Soupèse. Évalue.

— Je suppose... que je pourrais aller admirer d'autres chouettes ratées.

Je souris.

Et voilà. Peut-être qu'on vient de faire un deuxième pas.

Je reprends un peu contenance, les mains serrées autour de mon carnet de commandes, comme si ça allait m'aider à rester digne.

— En vrai... je t'ai pas proposé ça juste pour la chouette, je murmure, les yeux plantés dans la mousse désormais silencieuse. J'ai repéré un endroit. Tout nouveau. Enfin... ça vient d'ouvrir.

Rhys relève les yeux vers moi, intrigué.

— Un café encore plus underground que celui-ci ? ironise-t-il.

Je souris.

— Pas vraiment. C'est... sous les rails du métro. Ils ont transformé un vieux passage en galerie. Des graffs, des expos éphémères, des installations bizarres. Et il paraît qu'il y a un café pop-up avec des fauteuils dépareillés et des thés aux noms incompréhensibles.

Il arque un sourcil. Pas moqueur. Juste... curieux.

— Je ne vois pas trop le rapport avec les chouettes, mais continue.

Je rigole doucement, nerveuse.

— J'y suis jamais allée. J'en entends parler depuis quelques jours, mais je sais pas. J'ose pas y aller seule. C'est un peu planqué. Un peu hors cadre. Genre... pas le genre d'endroit où on va "juste comme ça", tu vois ?

Je marque une pause. Inspire.

— Mais je me suis dit que toi, tu pourrais peut-être aimer. C'est calme. Pas de monde. Pas encore trop instagrammé. Et... ça change du verre et de l'acier.

Je redresse les yeux vers lui. Il me regarde toujours. Sérieux, comme d'habitude. Mais il ne dit pas non.

— Tu me proposes un rencard dans un tunnel, Isabela ? demande-t-il finalement, le ton neutre.

— Je te propose un détour artistique, Volkov. Le mot "rencard", c'est toi qui l'as prononcé.

Un silence. Puis, presque imperceptiblement, un rictus.

— D'accord. Je suis curieux. Et si jamais c'est une embuscade, j'ai mes propres moyens de défense.

— Évidemment. Tu vas me lancer ta chouette à la figure.

Il lève la tasse, l'observe une dernière fois, puis boit une gorgée sans lâcher mes yeux.

— Ça peut être plus efficace qu'il n'y paraît.

RHYS

Je n'avais pas prévu de me retrouver ici ce soir, à marcher côte à côte avec Isabela.

Quand je suis arrivé ce matin au café, je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'invite à un soi-disant « rencard ». Je ne savais même pas comment réagir avec elle. Elle, qui n'a pas quitté mes pensées une seule seconde depuis cette soirée-là.

Elle marche tranquillement à mes côtés, avec cet air décontracté, pendant que moi... je stresse pour un rien.

Elle a opté pour une robe simple, mais la couleur ,un violet profond, fait ressortir à merveille la chaleur de son teint. J'ai remarqué que c'est assorti au bracelet qui ne quitte jamais son poignet. Un ensemble de ficelles violettes, avec un petit médaillon en forme de méduse au bout. Depuis qu'on s'est rencontrés, je ne l'ai jamais vue sans.

Elle tourne légèrement la tête vers moi, ses yeux brillants d'une curiosité presque enfantine. Mais dans son sourire, je perçois aussi une pointe de nervosité, comme si elle ne savait pas trop comment je prendrais tout ça.

— Alors, voilà, c'est ici. Tu vois... juste là.

Elle me désigne un passage assez sombre, encadré par deux énormes poutres métalliques. Une arche d'acier rouillé. L'endroit ne ressemble à rien de ce que je connais. À peine éclairé, baigné de néons décalés, projetant des éclats bleutés, roses, parfois verts sur les murs recouverts de graffitis. La peinture est si vive qu'on dirait qu'elle palpite, comme si l'endroit respirait.

— C'est un peu sous terre, un peu planqué... Mais c'est justement ça qui le rend spécial, dit-elle, un sourire discret aux lèvres, comme fière de me faire découvrir son coin.

Elle repart sans attendre, confiante.

Et moi ? Je la suis. Un peu malgré moi. Curieux malgré tout.

Hypnotisé par l'endroit. Ou peut-être par elle.

L'entrée, disons-le, ressemble plus à un tunnel qu'à une galerie d'art. Les murs sont recouverts de graffitis colorés qui dégagent une énergie intense, une rébellion silencieuse. Je n'ai jamais été fan de tout ça, mais je dois admettre que l'atmosphère est... unique. Il y a une tension dans l'air, une sorte de vibration électrisante qui te fait sentir que tu es en dehors du monde, mais en même temps à l'intérieur d'une création.

La lumière clignote par moments, créant des ombres mouvantes sur les dessins et les installations. Des sculptures déformées, faites de métal et de plastique, s'élèvent là où on ne les attendait pas. L'odeur... c'est un mélange d'odeur de peinture fraîche, d'acier, et quelque chose de plus ancien, comme du cuir usé.

On s'arrête devant une grande toile. Le genre de tableau où tu ne sais pas si c'est de l'art ou juste une explosion de couleurs incontrôlées. Il y a quelque chose d'un peu dérangeant dans le regard de la figure dessinée, comme si elle te scrutait. Je fronce les sourcils.

— C'est... impressionnant, hein ? murmure Isabela.

Elle s'avance d'un pas, ses doigts effleurant la surface du tableau comme si elle voulait en savoir plus, comme si elle était prête à en déchiffrer le message caché. Mais moi, je reste là, en retrait. Mon regard se promène autour de l'espace, les néons, les sculptures déformées. Les autres visiteurs sont rares, et leurs visages se fondent dans l'ombre. L'endroit a une sorte de calme étrange, presque irréel. On est loin du luxe aseptisé que je connais.

Isabela, elle, semble à l'aise, comme chez elle. Elle s'arrête devant une autre installation, un ensemble de chaises abandonnées reliées par des câbles suspendus. Elle parle de l'artiste comme si elle le connaissait personnellement, son enthousiasme palpable.

Et moi, je la regarde, un peu hypnotisé par la fluidité de ses gestes, la façon dont elle se déplace dans cet endroit comme si elle appartenait à ce monde. Elle l'a repéré, cet endroit. C'est son territoire. Elle a l'air si différente ici. Pas cette image de la fille de café que je connais, mais quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui a une place dans ce monde chaotique et bruyant, et ça me perturbe.

Elle se tourne vers moi, me lançant un sourire sincère, mais un peu incertain. Elle attend, peut-être un avis. Mais je n'ai pas de mots à proprement parler. Je suis là, juste à la regarder, écoutant la résonance de la musique de fond qui se mélange aux chocs de verre et métal autour de nous.

— C'est... quelque chose, je réponds finalement, avec un ton plus neutre que je ne l'aurais voulu.

Isabela hoche la tête, apparemment satisfaite de ma réaction. Je peux voir dans ses yeux qu'elle se réjouit de m'avoir emmené ici. Elle est fière de m'avoir montré ce coin à elle.

Et pourtant, je me sens un peu hors de mon élément, et quelque part, ça me fait du bien. C'est comme si, tout à coup, les choses étaient moins nettes, moins claires, moins maîtrisées... Et j'aime bien ça.

★★★

Je m'approche un peu plus de la toile. De loin, ça ressemblait à un accident visuel. Mais de près... c'est autre chose. Il y a une structure sous le chaos. Un œil en plein centre, presque invisible sous les couches de peinture éclatées, mais qui te regarde comme s'il savait.

— Tu penses que l'artiste a fait ça consciemment ? je demande, les bras croisés. Ou c'est juste... du hasard maquillé en génie ?

Isabela me jette un regard en coin, un sourire amusé accroché aux lèvres.

— C'est peut-être ça, le génie. Faire croire qu'il y a un sens là où il n'y en a pas... ou l'inverse.

Je hoche lentement la tête. Pas faux.

Je ne suis pas sûr d'y croire, mais c'est intéressant de l'entendre parler de tout ça. Elle a une manière de voir les choses qui n'a rien à voir avec la mienne. Et pourtant, ça me force à regarder autrement. Ça me déstabilise, encore. Et je commence à croire qu'elle aime bien me faire perdre pied.

— Viens, dit-elle en me tirant doucement par la manche. On peut prendre quelque chose au bar, juste là-bas.

Je la suis. L'endroit est exigu, creusé dans le mur comme une alcôve. Le comptoir est en béton brut, les verres posés à même la surface. Derrière, une fille aux cheveux verts sert des boissons étranges aux couleurs fluo. Rien à voir avec les whiskys hors de prix que j'ai l'habitude de boire. Mais je joue le jeu.

— Surprend-moi je lui dis.

Isabela hoche la tête un sourire malicieux, puis, indique quelque chose à la serveuse.

Elle me regarde, hausse un sourcil, puis secoue un shaker comme si elle faisait de la magie noire. Elle me tend un verre contenant un liquide violet foncé, avec de la vapeur qui s'échappe en volutes.

— On appelle ça "La méduse". Fais gaffe, ça pique un peu.

Je jette un coup d'œil à Isabela.

— Tout est violet ce soir ou c'est toi qui a un thème ?

Elle rit doucement, attrapant son propre verre, un mélange turquoise électrisant.

— Peut-être que c'est toi qui commences à faire attention aux détails.

On trinque. Je goûte. C'est sucré au début, puis une brûlure monte lentement, comme une vérité qu'on aurait préférée ignorer. Je grimace à peine. Elle me dévisage avec amusement.

— Tu tiens bien mieux que ce que j'imaginais, avoue-t-elle.

— Et tu m'imaginais comment ?

— Trop carré pour ce genre d'endroit. Trop crispé. Trop "costume et briefings à 7h".

Elle n'a pas tort. Mais ce soir, je suis loin de tout ça. Loin de tout ce qui me définit, d'habitude.

Je prends une autre gorgée, plus longue. Puis je la vois sortir un petit carnet de son sac, à peine plus grand qu'une main. Elle y jette un coup d'œil rapide, puis relève les yeux vers moi, malicieuse.

— Bon. Maintenant qu'on a survécu à la méduse... on va devoir bouger.

— Bouger ? Où ça ?

— J'ai organisé quelque chose, dit-elle en rangeant son carnet. Une sorte de soirée. Enfin, j'ai... signé nos deux noms à l'avance. J'espérais que tu dirais oui.

Je fronce les sourcils.

— Isabela...

— C'est pas un truc formel, t'inquiète pas. C'est... spécial. Et c'est encore plus planqué que cet endroit.

Elle a ce sourire-là, celui qu'elle garde pour les secrets, pour les paris risqués. Et moi, je devrais dire non. Refuser de me faire embarquer plus loin.

Mais à ce stade, je crois que j'ai déjà sauté sans filet.

— T'as prévu de me traîner dans combien de repaires illégaux ce soir, exactement ?

— Deux, maximum. Promis. Mais celui-là... c'est mon préféré.

Et elle s'éloigne déjà, son verre à la main, comme si elle savait que je finirai par la suivre.

Elle n'a pas tort.

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