Si la salle du trône du Diable ressemblait à une cathédrale, celle de l’archidémon du Premier Cercle rappelait plutôt un grand et sinistre jardin d’hiver englouti. Derrière les immenses vitraux sans couleurs, aux formes absconses, l’eau était si opaque de suie que l’on devinait à peine les formes monstrueuses qui y nageaient.
À une telle profondeur, nulle lumière ne perçait. Mais plus qu’à aucun autre endroit, on y était proche du cœur de l’Enfer, de la géhenne liquide perpétuellement en fusion. La chaleur y était oppressante, presque asphyxiante. Elle l’était d’autant plus que les seules lumières de la salle venaient des braseros, disposés en pentagramme inversé sur un sol fait de noirs galets coupants broyés de la plage infernale. Des flammes smaragdines aux nuances grisâtres y brûlaient continuellement, alimentées par les âmes des damnés. Aux grésillements de leurs peaux qui se fendaient, se mêlaient de temps à autre des geignements plaintifs. Et l’odeur de leur chair grillée couvrait presque celle de pourriture que charriait la mer infernale.
Les brasiers projetaient leurs ombres mouvantes et glauques sur le trône de Léviathan, placé au centre du pentagramme. Ce n’était d’ailleurs pas un trône à proprement parler, mais une monumentale vague de géhenne cristallisée, que l’on devinait encore flamber à l’intérieur. Sa forme et sa taille devaient sans nul doute permettre d’accueillir les nombreuses ondulations du corps serpentin du prince de l’Envie. Toutefois, c’était Belzébuth qui était perché à son sommet lorsque Satan apparut, déchirant la toile entre les dimensions dans un fracas de fin du monde. L’archidémon s’inclina en une posture moqueuse.
— Notre bien aimée Majesté nous fait l’honneur de sa présence.
— Je ne suis pas d’humeur à jouer, Belzébuth.
Le sourire du Prince de la Gourmandise s’effaça. Il sauta avec une grâce insoupçonnée pour un être avec une tête aussi disproportionnée, ses ailes tendues ralentissant sa chute.
— Crois-tu que c’est ce que nous faisons ?
À peine ses pieds eurent touché le sol qu’il s’empara de ses marteaux.
— Je n’ai jamais joué, Satan. Et aujourd’hui, tu vas enfin me prendre au sérieux. Ce sera même la dernière chose que tu feras.
— Il est vrai que je t’ai laissé manigancer longtemps à ton aise. Mais tu as été trop gourmand. Ce qui va arriver aujourd’hui, c’est la fin de ton règne, Prince du Cinquième Cercle.
Satan irradiait d’obscurité. Elle semblait se concentrer dans le cercle parfait de ses cornes, plus que jamais ténébreuse auréole. Les étoiles mourantes dans ses yeux devinrent supernovae, alors qu’il levait le bras gauche en l’air. Les flammes des braseros s’élevèrent en un maelström jusqu’au creux de sa paume, devenant pourpres à son contact. Dans un soupir collectif, les damnés s’endormirent enfin. Il ne cherchait pas à l’effrayer, comme il l’avait fait il y a longtemps, lors de la réunion des Péchés capitaux. Belzébuth était devenu trop puissant pour ça. Ce la n’empêchait pas qu’il comptait bien lui faire passer le pire moment de sa trop longue vie.
— Que tu cherches à me renverser est une chose. Il faut bien se divertir, c’est long, une éternité. Que tu cherches à envoyer les nôtres à la mort contre le Paradis en est une autre, qui à elle seule suffirait à te faire perdre tes titres. Mais que tu t’en prennes à ce qui est mien… Je ne me satisferai pas moins que de ta tête en réparation.
— Léviathan espérait que cet humain te retarde jusqu’à l’arrivée de Michel. Personnellement, j’espérai avoir le plaisir de te fracasser moi-même.
— La prochaine fois, j’éviterai de surestimer les créatures de Sa Déité. Mais suis-je stupide... Il n’y aura pas de prochaine fois.
Le Prince de l’Envie avait aussi fait son entrée. Il glissa le long de la pièce, le frôlant, avant de se dresser jusqu’en haut de son trône. Il était le plus grand, plus grand que tous les archidémons, plus grand que tous les archanges, et pourtant, Satan ne paraissait pas petit devant lui. Les flammes dans sa main cessèrent de tourbillonner dans sa main, devenant une morgenstern de géhenne, encore plus imposante que celle qu’il avait utilisée pour défaire les anges, au Huitième Jour. Si nombreux étaient ceux qui s’étaient révoltés pour leur liberté, c’était, déjà à l’époque, l’ambition dévorante de Belzébuth qui l’avait amené à se battre à leur côté. Celui-ci n’avait jamais cherché à s’en cacher, le Diable en avait toujours eu conscience. Mais concernant Léviathan, il avait été surpris. Il pouvait au moins lui reconnaître ça, bien que jamais il ne l’avouerait à haute voix.
— Autant, je n’ai jamais eu de grandes illusions concernant Belzébuth… Autant, je ne pensais pas que tu l’étais au point de te joindre à lui pour comploter contre moi. Pourquoi ?
— Par Envie, Satan... Y aurait-il une autre raison digne de ce nom ? Tu as le pouvoir, la gloire et l’amour, quand d’autres n’ont rien. Nous verrons si tu gardes ta superbe jusqu’au bout, lorsque tu mourras en sachant Haziel entre mes crocs.
— Tu n’étais qu’une négligeable étoile dans le Firmament, et On t’a tout donné. À notre tour de briller. L’Enfer aura enfin sur son trône le dirigeant qu’elle mérite.
En les entendant vrombir et tempêter ainsi, Satan ne put que se sentir déçu devant si peu d’ambition. Le pouvoir pour le pouvoir, comme le désiraient les plus pathétiques humains peuplant le Cercle de la Vaine Gloire. Cela ne valait nullement la peine de menacer la stabilité d’un Enfer déjà très chaotique et l’entente si fragile qu’il avait avec les anges pour éviter de nouvelles morts inutiles. Et encore moins de s’en prendre à l’être le plus merveilleux de la Création. Il aurait aimé leur offrir son silence le plus méprisant, mais un dernier mystère demeurait, trop important pour être éclipsé.
— Avant que je ne vous fasse retourner à la Lumière, il y a une chose que je souhaite savoir. Comment vous y êtes-vous pris pour me voler dans mes appartements ?
Belzébuth ne se fit pas prier pour répondre, beaucoup trop satisfait d’avoir l’ascendant sur son monarque pour une fois.
— Nous nous sommes inspirés de ta précieuse Création. Tu as bardé ton palais de tellement de protections que tu en as oublié une élémentaire. Celle de fermer la fenêtre. Il a seulement suffi d’aiguiller Belphégor dans la bonne direction, de le défier de me créer un petit singe mécanique aussi malin qu’un vrai. Pas de magie, uniquement de la science. Dressé ensuite pour nous rapporter ce petit flacon si précieux pour toi.
— Et surtout, son contenu.
La gueule de Léviathan, aux crocs jaunâtres longs comme des claymores, s’ouvrit en ce qui devait être un sourire narquois. Il ressentait une joie mauvaise, à garder dans sa gorge le trésor du Diable tout près de lui, sans que celui-ci ne le sache. Belzébuth renchérit.
— Ton obsession pour Haziel a toujours été ridicule, Satan. Il est normal que ce soit elle qui cause ta perte.
— Mais n’aie crainte, je saurai prendre soin de lui quand tu ne seras plus. Je me demande s’il pleurera de plaisir, sous l’assaut de ma puissance.
Un grondement sourd sortit de la gorge du Diable. Il fendit les airs, étoile noire à la limite de l’explosion, droit vers Léviathan. Le rire de l’archidémon serpentin s’entrechoqua dans sa gorge lorsqu’il essaya de le balayer de sa queue aux dix mille écailles effilées, avec une vitesse surprenante pour sa masse. Satan l’évita de justesse, mais ce fut pour mieux se faire heurter de plein fouet par Belzébuth et ses marteaux. Des milliers de diptères de toutes sortes et de toutes tailles s’envolaient de sous ses ailes, cherchant à le recouvrir. Le monarque faisait tournoyer sa morgenstern autour de lui, les flambant toutes, minuscules étincelles rougeoyantes qui ne tardaient pas à s’éteindre. Des flots de mouches continuaient cependant à jaillir de l’archidémon, tandis que Léviathan essayait de le saisir entre ses anneaux coupants pour l’y écraser.
Chaque battement d’ailes du Diable était une bourrasque à faire se fendre les montagnes. Chaque coup de sa masse une éruption. Chacun de ses regards, un trou noir qui avalait tout. Et pourtant, il le sentait, peu à peu, il reculait sous les assauts des deux combinés. Seul, il aurait écrasé Léviathan aussi simplement qu’une couleuvre sous son talon. Quant à Belzébuth, peu importe le nombre d’âmes qu’il avait en sa possession, peu importe combien de fois ses marteaux auraient heurté ses os, ses mouches auraient piqué sa chair, Satan aurait fini par le vaincre, car sa haine le rendait trop irréfléchi et impulsif. Mais associées, la froide résolution de Léviathan à l’anéantir et la puissance de Belzébuth, second en pouvoir en Enfer, pouvait venir à bout de bien des choses, même du monarque infernal.
Des gouttes de mer tombaient sur le sol et les archidémons. Elles s’écoulaient le long des vitraux fendillés par la force des assauts. Ils tenaient sous la pression, tous comme les trois en train de se battre pour leurs avenirs.
Aveuglé par les diptères, Satan eut à peine le temps de s’écarter, les deux marteaux de Belzébuth se cognant à l’endroit où se tenait sa tête une demi-seconde avant. L’onde de choc désorienta les mouches, qui s’envolèrent erratiquement loin de son épicentre. Libéré, Satan vit le Prince de la Gourmandise à portée de main. Il tendit le bras, agrippant le trou que Haziel avait fait dans son aile, lorsqu’ils avaient combattu sur Terre. Il tira, la déchirant dans la moitié de sa largeur. Vrombissant un hurlement, il abattit ses marteaux sur son bras pour le faire lâcher. Le Diable bloqua le premier en enroulant sa queue autour de son bras pour le retenir, mais il poussa un râle de douleur en sentant le deuxième lui déboîter son coude. Il ne céda pas cependant, projetant Belzébuth au sol plutôt que de le laisser s’échapper. L’archidémon heurta le trône de Léviathan à une telle vitesse que la vague cristallisée explosa sous le choc. La géhenne s’écoula sur le sol, formant une mare de feu. Le Prince de l’Envie, qui tournoyait autour des deux pour couper toute échappatoire à leur adversaire, hurla de rage. Son corps se referma autour de Satan, cherchant à le broyer entre ses écailles. Le Diable les sentit entamer sa peau alors qu’il se contractait pour résister. La morgenstern se désagrégea dans sa main, ses flammes l’enveloppant, autant pour le protéger que pour brûler le monstre marin. Peu importait si ce combat perdu était perdu d’avance, Lucifer n’abandonnerait pas. Chaque seconde gagnée ici était une seconde qui permettait au jeune bâtard de Mammon de sauver Haziel. Une seconde, qui pouvait devenir des minutes, des heures, puis des années, des siècles, durant lesquelles la lumière de son archange continuerait à illuminer la Création. Y avait-il une meilleure raison de se battre que celle-ci ? Il essaya d’enfoncer la pointe de sa queue dans les anneaux du serpent, mais elle ne fit que sauter sur ses écailles.
Un coup de canon retentit soudainement dans toute la salle, résonnant de vitrail en vitrail. Satan sentit l’étreinte de Léviathan se relâcher, elle qui n’avait pas faibli malgré la fournaise de la géhenne. Il n’attendit pas de comprendre pour s’échapper. L’archidémon serpentin avait désormais un énorme trou béant dans la gorge, encore fumant, à travers duquel il pouvait voir de l’autre côté. Celui-ci déglutissait, dégorgeant d’un sang semblable à la mer infernale, ne s’expliquant pas le pourquoi du courant d’air qui le traversait à présent, ni l’origine de la douleur qui l’avait saisi. Il n’aurait pas à se le demander longtemps, car déjà, la perforation se refermait. À travers le liquide noir qui coulait, Satan aperçut des rigoles d’or. Ses traits se crispèrent en comprenant. Il prit de la hauteur, autant qu’il pouvait. De ses ailes, des plumes filèrent, grandissant, grossissant, devenant des pieux. Ils se plantèrent dans les trois paires d’ailes de Léviathan, l’attirant au sol où ils se fichèrent. Belzébuth eut tout juste le temps de rouler sur le côté, pour ne pas se faire écraser quand Léviathan s’abattit dans la mare de flammes, parmi les débris de son trône. La secousse fit trembler jusqu’aux fondements de son palais. Le Diable s’arracha lui-même la dernière pour la lui planter dans la gueule. Il enfonça le pieu en s’y posant gracieusement. Dans un craquement sonore, il remit son coude en place.
— Voilà qui est mieux. Je te préfère lorsque tu ne parles pas. — Il se pencha vers lui, souriant devant ses yeux haineux. — Les larmes de Haziel ne te sauveront pas toujours. Songes-y la prochaine fois que tu veux le faire pleurer.
Il descendit d’un saut, se dirigeant vers les Princes de la Luxure, qui venaient de lui sauver la mise et bien plus. Asmodée était égal à lui-même. La somme de tous les fantasmes érotiques de l’Humanité, servi par une sensualité virile à faire bander un eunuque. Les hommes auraient tué pour lui ressembler, humains et humaines auraient vendu leur âme pour une petite heure en sa compagnie. Lilith était son inégalable pendant féminin. À eux deux, uniquement parés de l’impudicité de leurs corps parfaits, ils auraient pu arrêter toutes les guerres en plongeant le monde dans une orgie sans fin, ou le réduire à feu et à sang en promettant leurs faveurs au vainqueur. Tel était le pouvoir de la Luxure.
Un bazooka, trois fois plus imposant que ceux de l’Humanité — car chez l’intendant de la Maison des Jeux, tout était trois fois plus imposant que chez les humains — reposait sur l’épaule d’Asmodée. Sans aucun doute une œuvre de Belphégor, jamais avare lorsqu’il s’agissait d’échanger ses inventions contre des âmes.
— Pardon Satan, nous sommes venus dès que nous avons reçu ton message. Mais nous avons été retardés.
Comme preuve, Lilith jeta à ses pieds un des gardes de Léviathan qui avait essayé de leur barrer la route. L’extase se lisait encore sur sa tête à moitié séparée de son corps. Un sourire carnassier, aux dents aussi blanches que pointues, se dessina sur le visage de la Succube parmi les succubes. L’unique paire d’ailes d’Asmodée, devenue parmi les plus longues de la Création, se gonfla, exposant à leurs yeux ses superbes nuances rubis.
— Tu m’excites tellement.
— Awh, toi aussi, ma petite boule de plumes !
L’arme tomba à terre alors qu’ils commencèrent à s’embrasser. Ils faisaient littéralement des étincelles, de la friction de leurs cornes qu’ils frottaient les unes contre les autres dans leurs passions. Lucifer et Belzébuth les regardèrent, le premier tout ce qu’il y a de plus blasé, le deuxième ahuri de leur présence ici. Ils claquèrent de leur langue au même moment, pour leur rappeler leur présence. Même Léviathan avait roulé des yeux.
— Trésor, je crains que ce ne soit pas le moment, soupira Asmodée.
— J’en ai bien peur. Ils sont tous si coincés en dehors de notre Cercle, le relâcha à regret Lilith.
Belzébuth s’avança aussi. Des centaines de moucherons comblaient la déchirure de son aile en s’accrochant les uns aux autres, en un résultat grouillant mais efficace. Le miel de son ton cachait bien mal son exaspération de voir arriver des renforts pour leur Monarque.
— Mes Luxurieuses Altesses. J’ignorai que vous vous joindriez à nous. As-tu si peur de m’affronter, Satan ?
— Comme tu semblais décidé à t’emparer du règne de l’Enfer, j’ai jugé utile d’avoir l’avis d’autres Princes sur la question. Estime-toi heureux que Bélial ne soit pas de la partie, il serait beaucoup trop heureux d’avoir l’occasion de te démolir.
Lucifer avait mis sa fierté de côté pour demander de l’aide aux Luxurieuses Altesses. Il aurait une dette envers eux, et il détestait cette idée, une dette en Enfer étant l’équivalent d’une chaîne autour du cou. Mais il ne s’agissait pas de lui. Il s’agissait de Haziel. Lilith et Asmodée l’aimaient aussi. Et l’amitié, dans tous les Huit Cercles, était une chose bien trop rare et précieuse pour ne pas être défendue coûte que coûte. Le Prince Lilith, qui n’était habituellement que désir et lascivité, ne chercha pas, lui, à dissimuler le dégoût que lui inspirait les manigances de Belzébuth.
— Satan est notre Monarque. Et je préfère encore devenir Archange de la Chasteté, plutôt que de devoir obéir à un être aussi immonde que toi.
— Ça va, Léviathan ? Tu as mauvaise mine. Tu devrais venir te ressourcer à la Maison des Jeux. Enfin, si Satan ne fait pas un manteau de tes écailles pour ce que tu as fait à Haziel. T’en prendre à une telle beauté, même pour un archidémon, c’est ignoble.
De sa jovialité naturelle, Asmodée raillait ouvertement son homologue, qui depuis tout à l’heure gesticulait pour essayer de se dégager des pieux, sans succès. L’archidémon sortit de sous ses ailes deux pistolets, les pointant vers lui pour le faire se tenir tranquille. Belzébuth bourdonnait de plus en plus bruyamment, sentant la situation lui échapper. Néanmoins, il était allé trop loin, avait abattu trop de cartes, pour reculer maintenant. Il aurait pu essayer de s’enfuir, mais le Diable n’aurait eu de cesse de le pourchasser. Et ce n’était pas chez les déchus qu’il pourrait trouver de l’aide désormais. S’il devait mourir aujourd’hui, il les emmènerait avec lui.
— Qu’ils viennent tous, tous les Princes infernaux, si ça te chante ! Vous vous inclinerez tous devant ma puissance !
Asmodée secoua la tête. Il tourna le canon d’une de ses armes vers lui. Lilith dégaina ses éventails, assortis à ses plumes grenat.
— Pars retrouver ton ange, Satan. Il est trop bien pour l’Enfer.
— Nous le retenons ici.
— De qui croyez-vous parler ! Je ne vais faire qu’une bouchée de vous !
— Kinky, s’esclaffa l’Incube parmi les incubes.
— Mais non merci, grimaça son prince consort.
Lucifer hocha la tête dans leur direction, pour les remercier, avant de s’envoler vers la porte. Le prince de la Gourmandise s’élança vers le Diable, faisant jaillir des nuées de mouches dans sa direction. S’envolant, Lilith créa avec ses éventails des petites tornades pour les emporter, pendant qu’Asmodée tirait sur lui pour le faire reculer. Lucifer n’eut qu’à chasser les quelques diptères qui leur avaient échappé en moulinant sa queue autour de lui. Il ne se retourna qu’une fois l’arche de la salle du trône franchie, un rictus sombre et railleur sur le visage.
— Sache ce que tu appelles obsession, Belzébuth, j’appelle cela amour. Et je ne regrette rien.
Sur ses mots, il disparut de la vue de l’archidémon, qui en hurla de rage. Asmoda rejoignit son consort dans les airs et en profita pour lui voler un baiser. Les deux toisèrent leur homologue. Ils doutaient qu’un triste sire tel que lui ne puisse jamais comprendre la beauté et la grandeur de ce sentiment.
— En parlant d’amour, tu vas te prendre le nôtre…
— … jusqu’à crier tous tes safewords !