La salle du trône de l’Enfer était semblable à une cathédrale sans vitraux. Les vents entraient par les ouvertures, sifflant la rage et le désespoir de milliards d’âmes emprisonnées, traînant l’odeur de milliers d’années de cendres et de souffrance. Les immenses arches fulgineuses s’entrecroisaient au-dessus de la tête de Haziel, si hautes qu’il lui aurait fallu se décrocher le cou pour apercevoir le plafond. Ses pas, précédés par ceux de Méphistophélès, résonnaient sur l’or du sol, tâché de mystérieuses traces pourpres. Et bien que des centaines de cierges charbonneux étaient allumés, il y faisait très sombre. Au loin, flamboyaient les lueurs rouges des feux infernaux.
En son centre, en lieu et place de l’autel, Satan surplombait nonchalamment le tout du haut de son trône. Il était étrangement sobre, taillé à même un bloc massif de roche noire. Dans ses veines rougeoyait encore la géhenne des entrailles de l’Enfer dont il était issu. En s’approchant, Haziel s’aperçut que des aspérités de la pierre s’écoulaient un liquide rouge carmin, jusqu’au sol. Les archidémons réunis autour piétinaient dedans sans s’en soucier. Méphistophélès s’agenouilla devant son monarque, avant de se relever pour annoncer :
— Haziel, Prince déchu, Monarque de rien.
Il se décala pour se mettre à la gauche du trône. L’archange s’inclina à son tour, marchant dans le sang. C’était la première fois qu’il revoyait Lucifer depuis qu’il avait refusé de faire partie de son Enfer. S’il reconnaissait chacun de ses traits pour en avoir si souvent rêvé, il ne restait plus grand-chose de l’archange lumineux qu’il aimait. Sa chevelure et ses six ailes s’étant tant noircies qu’elles absorbaient la lumière autour d’elle. Sa peau aussi, Haziel avait l’impression de contempler un ciel dont toutes les étoiles seraient mortes. Et pourtant, dans ses yeux brûlait toujours l’astre qu’il avait été. Était-ce un autre crime contre le Paradis, si Haziel le trouvait toujours aussi beau ?
Les autres séraphins devenus archidémons avaient changé aussi. Des plumes devenues noires, ou même plus de plumes du tout, des cornes, des crocs, des queues. Pourtant, Haziel reconnut chacun d’entre eux. Il avait aimé chacun d’eux comme un camarade, il avait ri, mangé, chanté et dansé avec certains. Il avait combattu à leurs côtés, pleuré à leurs blessures.
Mais de tout ce qu’ils avaient partagé, il ne restait plus grand-chose. Tous le dévisageaient avec une curiosité certaine et une hostilité plus ou moins affichée. Il se redressa. Il n’y avait pas d’ailes rouges parmi eux.
— Je ne m’attendais pas à un tel accueil. Le Diable et ces sept… six Princes. Où est Asmodée ?
— Ce n’est pas tous les jours que nous recevons la visite d’un archange, fut-il déchu. Toutefois, les Luxurieuse Altesses ont décliné mon invitation à se joindre à nous.
Satan se pencha vers lui. Le Monarque infernal ne portait pas de couronne. Inutile, quand ses cornes d’opale noire s’unissaient en un cercle parfait, version pervertie de l’auréole qui avait été la sienne.
— Que puis-je pour toi, Haziel ? Quelle primordiale affaire te pousse à revenir dans cet Enfer qui t’inspire tant d’horreur ?
— Je ne suis pas le seul à l’avoir en horreur, si j’en crois le nombre de démons qui ont rejoint la Terre ces derniers siècles. Et tu refuses de les laisser s’en aller en paix.
Satan se renfonça dans son trône. Haziel était obligé de lever la tête pour pouvoir le regarder dans les yeux.
— C’est donc de cela qu’il est question ? Je ne peux laisser s’en aller les criminels pour tes beaux yeux, aussi splendides soient-ils. L’existence même de l’Enfer n’aurait plus grand sens si l’on y entrait et sortait aussi facilement qu’un oiseau dans son nid.
— Pour la plupart, leur seul crime est d’avoir déserté ton royaume. Pour eux, je réclame le droit de partir sans avoir tes armées à leurs trousses.
— Et pourquoi ferai-je ça ? Nous nous sommes battus pour être libres, et vois où ça nous a menés. Si des démons veulent la liberté, qu’ils luttent encore pour la mériter.
— Pourtant, moi, tu m’as laissé partir.
Les six archidémons, qui avaient jusqu’à présent suivi la joute en silence, s’animèrent.
— Il est vrai, Satan, que tu as toi-même créé un dangereux précédent en laissant Haziel nous quitter, bourdonna Belzébuth à la tête de mouche.
— Et le voilà qu’il revient, demandant encore plus, ricana Mammon aux six queues.
— Demandant la paix, comme s’il en était encore l’Archange, cracha Belphégor au corps velu.
— Demandant une faveur, comme s’il n’avait pas trahi l’Enfer, après avoir trahi le Paradis, susurra Azazel aux six cornes.
— Qu’espère-t-il ? Amoindrir nos principautés, pour finalement nous supplanter avec les déchus réunis sous sa bannière ? gronda Bélial aux ailes de géhenne.
— Peut-être est-il temps de réparer ce qui a été fait ? D’en faire l’un des nôtres, comme cela aurait dû être depuis le début ? siffla Léviathan aux écailles coupantes.
Prince des profondeurs de l’Enfer, il était devenu ce monstrueux serpent aquatique qui faisait trembler les marins de toutes mers. Il glissa jusqu’à Haziel, tournant autour, quand Satan se leva. Léviathan revint aussitôt s’enrouler sur lui-même, pendant que le silence se faisait.
— Il suffit. Haziel est mon hôte, et en Enfer comme ailleurs, l’hospitalité a un sens. Vous étiez moins vindicatifs envers lui, quand il pleurait pour vous sur le champ de bataille. Rappelez-vous où est votre place. — Il le toisa ensuite. — Et souviens-toi aussi où est la tienne. Tu as été à mes côtés lors de notre révolte, et sans ta compassion, nos adelphes auraient pris bien plus des nôtres. Par égard pour ton rôle dans notre Chute, je t’ai laissé t’enterrer sur Terre comme tu le souhaitais. Tu aurais pu avoir tellement plus, mais maintenant, tu n’es plus rien. Et tu ne mérites rien d’autre.
Haziel n’avait pas bronché sous les intimidations. La cause qu’il était venu défendre était bien plus importante que sa personne.
— Oui, j’ai participé à notre Chute, parce que je croyais, et que je crois toujours, que personne ne devrait dicter notre place dans la Création. Ni Sa Déité, ni le Diable. Je ne te dois rien, Monarque de l’Enfer, si tu ne m’avais pas laissé partir, je me serais battu jusqu’à ce que tu n’aies d’autres choix. Tout comme d’autres finiront par le faire, si tu t’obstines à vouloir les garder sous ta coupe. D’autres adelphes se battant encore et toujours, pour les mêmes raisons. Mais par ta faute cette fois, affaiblissant l’Enfer, tout comme nous avons affaibli le Paradis. Es-tu sûr que c’est ce que tu veux ? Il n’était guère utile de te révolter contre Sa Déité si c’est pour en devenir une pâle imitation, Étoile du Matin.
Les deux se défièrent du regard, refusant de céder, jusqu’à ce que le Diable éclatât de rire, à gorge déployée. Ses Princes l’imitèrent, plus incertains.
— Quel beau discours, mon archange tombé. Tu dis vrai sur un point toutefois : nous faisons le jeu des anges à nous battre entre nous.
Il descendit lentement de son trône, drapé majestueusement de ses ailes. D’en dessous sortait une longue queue, se terminant par une pointe en cœur inversé aussi étincelante que ses cornes. Elle se balançait doucement, au rythme de ses pas. Il s’arrêta au pied des marches.
— Nous avons entendu ta demande, écouté tes arguments, Haziel, aussi ridicules soient-ils. Mais je me refuse à prendre cette décision seul, pas quand toutes les principautés sont concernées. Je remets donc la décision entre vos mains, mes Princes infernaux. L’Enfer doit-il, oui ou non, laisser partir ses fuyards ?
Il eut un geste grandiloquent, englobant les six qui se mirent aussitôt à proclamer leur avis.
— Pas tous à la fois, gonda Satan. Bélial ?
Bélial tapa du poing sur sa cuisse.
— Contre. Tout démon qui part est un démon en moins pour nos légions. Si les anges sont assez stupides pour laisser les leurs déserter, c’est bénéfique pour nous, ce serait stupide de les imiter.
Azazel secoua la tête.
— Je ne suis pas d’accord avec toi. Que partent les faibles qui craignent le pouvoir et la puissance. Nous n’avons pas besoin d’eux. Pour.
Mammon renchérit.
— Pour également. Cela fera plus d’âmes et de place pour ceux qui le méritent vraiment.
Belzébuth vrombit de frustration en voyant le tour que prenaient les votes.
— Contre. Ce sera nous les faibles, si nous les laissons partir sans les punir comme il se doit.
Belphégor bailla.
— Pour. Haziel a raison : pourquoi nous épuiser à traquer ceux qui ne veulent pas participer à la grandeur de l’Enfer ? Qu’ils le rejoignent vivre une misérable éternité parmi ces ennuyants humains.
La queue de Léviathan claqua dans l’air.
— Haziel ne peut même plus pleurer pour vous attendrir, et pourtant, il vous a enjôlé avec ses belles paroles. Nous devrions lui faire ce cadeau alors que lui et les siens n’ont rien à nous offrir ? Contre !
Satan leva une main, et tous se turent à nouveau. Il eut un sourire pour Haziel, dont les ailes gonflées montraient à quel point il était tendu. Le Diable, lui, paraissait beaucoup s’amuser.
— Une égalité. Quel dommage que ses Luxurieuses Altesses aient refusé de se joindre à nous. — Il fit mine de réfléchir, une main posée sur sa joue. — Enfin, il est connu qu’elles ont toujours eu un faible pour Haziel. Avant d’être notre Succube parmi les succubes, le Grand Lilith n’a-t-il pas été son unique séraphin au Paradis ? Et ironiquement, leur principauté est de celles dont les démons sont les plus fidèles. Je pense donc qu’Asmodée aurait voté pour. Ce qui nous fait… Quatre pour et trois contre. — Il frappa trois fois dans ses mains, chaque coup résonnant un peu plus fort que le précédent. — Qu’il en soit ainsi. L’Enfer, à l’image du Paradis, ne pourchassera pas ses déchus.
Un éclair aurait très pu se fracasser contre le plafond, au vu du vacarme que sa décision déclencha. Léviathan se dressa, paraissant prêt à balayer tout le monde de sa queue, tandis que Bélial et Belzébuth semblaient sur le point d’en venir aux mains. La pression qui serrait le cœur de Haziel depuis des mois, l’empêchant jusqu’à dormir, s’était relâchée. Il n’avait pas le temps de savourer sa victoire toutefois. Ailes déployées désormais, il était prêt à s’envoler.
Un bruit strident domina soudainement le reste, si désagréable que tous portèrent leurs mains à leurs oreilles, sauf Léviathan, qui s’envola loin de la source du bruit. La pointe de la queue de Lucifer rayait l’or du sol, s’enfonçant suffisamment pour laisser des stries. Il s’était placé entre Haziel et les archidémons. Cette petite comédie commençait à le lasser.
— Tester la démocratie des humains était fort amusant, mais maintenant, je dois discuter des détails avec notre archange déchu. Je m’entretiendrai avec chacun d’entre vous, après. Samaël, que l’on serve en attendant un festin digne des huit principautés infernales. Laissez-nous à présent.
Samaël, que Haziel n’avait pas remarqué, surgit de derrière une des colonnes, suivi de la Petite Lilith. Belzébuth leva son proboscis, mais Satan l’incendia du regard.
— Tout de suite. Méphisto, préviens Asmodée que sa présence est requise ici.
Méphistosphélès n’avait pas bougé de toutes les négociations. Tout comme les deux autres, il n’avait guère eu envie de se mêler à une querelle impliquant leur monarque, ses Princes, et son ancien amant. Les trois démons s’inclinèrent devant le Diable, avant d’accompagner les Princes hors de la salle du trône. Côte à côte, Satan et Haziel les regardèrent s’en aller. Ce dernier, en espérant ne pas les revoir de si tôt. Il préférait se souvenir d’eux tels qu’ils avaient été au Paradis. L’immense et lourde porte se referma sur eux.
***
— Bien, maintenant que nous sommes seuls… Qu’as-tu à m’offrir pour la sécurité de tes chers déchus ?
Haziel se tourna vers lui, lui faisant à nouveau face. En le voyant remonter vers son trône derrière Méphistophélès, Lucifer avait été frappé de voir à quel point que lui n’avait pas changé, contrairement à eux tous. Les deux cornes pointant au sommet de son front n’avaient pas poussé d’un centimètre. Sa peau était restée grise, de ce gris qu’ont certaines perles. Et, il l’avait vu lorsque Haziel s’était tourné vers la porte, aucun autre appendice n’avait poussé sur son corps. Quant à ses ailes et ses doux cheveux, ils avaient toujours leurs reflets d’or, tout comme ses yeux. Lucifer se rappelait, au Paradis, quand les rayons du soleil les faisaient étinceler à en rendre jaloux les diamants les plus purs. Puis Sa Déité avait brûlé leurs ailes, et l’or s’était terni. Mais aux yeux de Lucifer, une seule de ses plumes si délicatement ciselées éclipsait toujours l’entièreté des anges du Paradis.
Il n’avait qu’à glisser une main dans le dos de Haziel, pour pouvoir les caresser à nouveau, ne serait-ce qu’une seconde. Mais s’il le faisait, il n’était pas sûr de réussir à le laisser partir à nouveau. Et puis, l’air indigné de Haziel indiquait qu’il n’était pas disposé à ce genre de frivolités. Mais le Diable ne l’avait pas fait venir pour ça.
— C’était ton intention depuis le début, souffla le Prince déchu.
— Bien sûr. Comment l’as-tu formulé déjà ? Je ne suis pas une pâle copie de Sa Déité. Ceux qui ont chuté peuvent bien aller s’écraser où ils veulent. Et d’un point de vue plus pragmatique, je n’ai aucun intérêt à continuer à punir les fuyards si cela ne les dissuade pas. Il est bien plus plaisant de te faire plier à mes désirs, pour une fois.
Lucifer souriait. C’était plus fort que lui, malgré la torture que c’était de l’avoir à portée de main sans pouvoir le toucher, sans pouvoir lui dire tout ce qu’il avait à lui dire. Haziel n’avait pas changé. On lisait toujours en lui comme dans un livre ouvert. Haziel avait toujours été le livre préféré de l’archange de la Connaissance.
— Je savais que la situation finirait par t’être insupportable. Si tu n’avais pas été l’archange de la Paix, tu aurais pu être celui de la Justice.
— Mais alors, pourquoi toute cette représentation ?
— Je garde le beau rôle. Je laisse les autres se chamailler comme ils ont l’habitude de le faire, sans donner l’impression que je te favorise.
— Et si la majorité avait voté contre ?
— Haziel, de toi à moi, la seule raison pour laquelle je suis encore sur ce trône est qu’ils sont incapables de s’unir. Sur rien. Et la fuite de quelques centaines, ou même milliers de démons, n’a aucune importance. Sauf pour toi. Je te le redemande donc encore une fois : qu’as-tu à m’offrir en échange ?
— Rien, Lucifer. Rien qui ne puisse intéresser l’Enfer ou son monarque.
Le mépris que Haziel ne cherchait même plus à dissimuler le blessa. Tant mieux, il voulait le blesser et il voulait être blessé. C’était toujours mieux que de se rappeler leur amour et de sentir son cœur se fissurer à nouveau.
— C’est Satan, surtout pour celui qui vient me demander d’épargner les siens.
Haziel avait brisé son cœur en dix mille éclats coupants et sanglants. Lucifer n’avait pas oublié. Satan n’avait pas pardonné. Sa queue se balançait nerveusement.
— Et à quoi es-tu prêt ?
— Pour eux ? À tout.
— Même à régner sur l’Enfer à mes côtés ?
— Oui.
— Pourquoi ?
Il avait rugi sa question sans le vouloir. Pourquoi était-il prêt à cela pour ces misérables démons qui n’étaient rien, rien du tout ! Pourquoi était-il prêt à cela pour eux, et pas pour lui ? Sa queue se darda sous le menton de l’archange déchu. Haziel ne cilla pas, même quand une goutte de sang perla là où la pointe l’avait piqué. Il lui répondit doucement, très doucement.
— Parce que nous leur avons fait espérer la liberté, et que nous avons seulement causé leur Chute.
Pour la première fois depuis le début, Lucifer le regarda dans les yeux. Ils étaient d’or liquide, tout comme les traînées que ses pleurs avaient laissées sur ses joues, au Huitième Jour. Leur pureté ressortait d’autant plus maintenant, avec sa peau qui avait pris la teinte d’un ciel d’orage. Dans leur chute, la lumière qu’On leur avait offerte leur avait été reprise, mais On n’avait pu éteindre celle qui resplendissait à l’intérieur de Haziel. Délicatement, Lucifer retira la pointe de sa queue de sous son menton, retirant au passage le peu de sang qui avait coulé. Encore une fois, il avait perdu. Mais sous l’amertume, il y avait des défaites qui avaient des goûts de victoire.
— Acceptes-tu de passer un pacte avec le Diable, Haziel ?
— Je l’accepte.
— À genoux devant moi.
Haziel s’agenouilla dans le sang qui s’écoulait sans cesse du trône. Le sang que l’humanité versait à cause de ses Péchés. Il leva la tête vers Lucifer. Ainsi, il ressemblait à un de ces humains en train de prier.
— Les démons pourront quitter l’Enfer. Tous comme les anges qui t’ont rejoint, ils deviendront des déchus. Ils perdront tous les pouvoirs que je leur ai accordés sur les âmes de l’Humanité. Mais ils seront libres.
Haziel ferma les yeux, avant de les rouvrir. Lucifer savait ce qu’il avait songé. La même pensée avait traversé son esprit alors que les mots franchissaient ses lèvres. Non, ils ne le seront pas. Aucun d’entre eux ne le serait jamais vraiment. Mais c’était le mieux qu’ils pouvaient leur offrir.
— Et un jour, je viendrai te réclamer une faveur. Et ce jour-là, tu ne me la refuseras pas, quelle qu’elle soit.
— Je l’accepte.
— Alors, que ma volonté soit faite, en Enfer comme sur Terre.
Lucifer lui tendit la main. Haziel la prit et il l’aida à se relever. L’accord était scellé. Un instant, leurs doigts se caressèrent, puis le Diable le lâcha. Il continua, car c’était ce qui devait être fait. C’étaient les rôles qu’ils s’étaient donnés.
— Tous les démons emprisonnés seront libérés. Cela prendra plus de temps dans certaines principautés que dans d’autres, mais cela sera fait. Quant aux démons fuyant sur Terre pour échapper à un crime commis en Enfer, ils seront poursuivis sans relâche. Cela te convient-il ?
— Ça me paraît juste.
Une dernière fois, Lucifer le contempla. Son visage, ses ailes, sa bouche. Ses yeux. Pour eux, il aurait embrasé la Création toute entière.
— Tu peux t’en aller.
L’archange parut sur le point de rajouter quelque chose, mais Satan lui tourna le dos pour remonter sur son trône. Lucifer ne se retourna que lorsqu’il entendit la porte se refermer sur lui. Il n’avait pas voulu le voir partir une deuxième fois. Il s’assit sur la pierre brûlante qui lui sembla si froide. Il regarda la main que Haziel avait touchée et porta à ses lèvres ses doigts qu’il avait caressés. Ce n’est que là que le Diable s’autorisa à pleurer.