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1 - Prologue
2 - Chapitre Un : Purgatoire & retrouvailles
3 - Chapitre Deux : Vieux couple & jeunes chats
4 - Il y a longtemps : Entre la Chute & Florence
5 - Chapitre Trois : Insomnie & sorcière
6 - Chapitre Quatre : Ciel & Dhampire
7 - Chapitre Cinq : Roadtrip & baignoire
8 - Il y a longtemps : Le Neuvième Jour
9 - Chapitre Six : Bal & jet privé
10 - Chapitre Sept : Humaines & départ
11 - Chapitre Huit : Mouches & désappointement
12 - Chapitre Neuf : Archidémon & archange
13 - Il y a longtemps : La Chute
14 - Chapitre Dix : Inquiétudes & plan
15 - Chapitre Onze : Haziel & Lucifer
16 - Chapitre Douze : Astre & Las Vegas
17 - Chapitre Treize : Cage & damnés
18 - Il y a longtemps : Quelque part après le Neuvième Jour
19 - Chapitre Quatorze : Confrontation & bazooka
20 - Chapitre Quinze : Pâquerettes & trous noirs
21 - Chapitre Seize : Jugement & couronne
22 - Chapitre Dix-Sept : Epée & larmes
23 - Il y a longtemps : Avant le Huitième Jour
24 - Chapitre Dix-Huit : Trompette & révélation
25 - Chapitre Dix-neuf : Au revoir & faveur
26 - Epilogue
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Chapitre Six : Bal & jet privé

C’est au bras l’un de l’autre que les deux anciens archanges célestes arrivèrent au bal annuel de l’Opéra de Vienne. Haziel ne goûtait que peu aux événements publics. Il évitait de se mêler à l’Humanité plus que nécessaire et préférait les entrevues privées à ce genre de déballage devant les caméras. Lucifer n’avait pas les mêmes réserves. Il paradait, tête haute et sourire étincelant, exhibant son partenaire comme une pierre précieuse. Il était fier d’avoir un tel être à son bras et n’allait pas se priver de le montrer.

Haziel trouva rapidement ça lassant. Lucifer l’empêchait de se concentrer sur la recherche de Jäger.

— Tiens-toi tranquille.

— Et les priver du spectacle de notre splendeur ? Ce serait cruel, mon injuste archange. Où se trouve notre magicien ?

— Je l’ignore. Séparons-nous, nous le trouverons plus rapidement. Je prends le rez-de-chaussée et les sous-sols, je te laisse les étages.

— Je te retrouve à la salle de bal.

Les sous-sols accueillaient d’autres genres musicaux. Il fut rapide de voir que l’homme qu’il recherchait ne se trouvait pas parmi les spectateurs, ni qu’il ne profitait pas des services proposés au rez-de-chaussée. Lorsque Haziel monta au premier étage, où se trouvait le bal à proprement parler, il ne le vit pas plus parmi les danseurs. Lucifer non plus.

Haziel sentait l’inquiétude monter de minute en minute. L’ambiance aussi changeait. C’était subtil, mais l’air se faisait plus lourd, les voix tout autour de lui plus coupantes. Les pas des danseurs devenaient saccadés, impétueux, la musique se chargeait d’une agressivité de moins en moins contenue. Un rire glacial résonna d’une des loges au-dessus de lui. Il leva machinalement les yeux. Elle était occupée par de morgues et pâles personnes, lesquelles contemplaient la salle une coupe de vin à la main. D’où il était, Haziel avait une parfaite vue en contre-plongée sur leurs longues canines. L’aristocratie nocturne aussi était de sortie. Une main se posa sur sa taille, le faisant sursauter. Il se retourna sur Lucifer incliné devant lui, paume tendue.

— Me feriez-vous l’honneur de m’accorder cette danse, ma Sublime Altesse ?

— Tout l’honneur serait pour moi, votre Infernale Majesté.

Avec un sourire gracieux et aucune hésitation, Haziel posa sa main dans la sienne, se laissant attirer sur la piste de danse. La version la plus énervée de la Valse des Fleurs que le Prince déchu ait entendue s’y jouait. Il plaça sa dextre sur l’épaule de Lucifer, et Lucifer plaça la sienne contre son omoplate, là d’où jaillissait la plus grande de ses paires d’ailes lorsqu’il ne se camouflait pas en humain. Ils se mirent à valser parmi les couples à couteaux tirés.

— Aucune trace de lui en bas.

— Je ne l’ai pas vu aux étages non plus. J’ai mis un point d’honneur à visiter chacun des bars.

— Il me semblait avoir entendu crier dans les hauteurs. Heureux que tu t’amuses. Il nous reste les loges.

Leurs yeux se levèrent pour observer les étages qui se dressaient au-dessus de la piste. Le bruit d’une claque résonna, suivi d’une deuxième. Puis d’autres bruits de coups qui tombaient, des habits qui se déchiraient, des injures grondées, et pas qu’en allemand. Indifférents au chaos naissant, leurs regards allaient et venaient entre eux et les loges. Leurs hanches se touchaient, parfois.

— Te rappelles-tu, lorsque nous dansions au-dessus de la mer, sur le chant des oiseaux ?

— Ou sur les rayons de la Lune, dans les murmures du vent.

Si Haziel vivait toujours que lorsque la Terre ne serait plus que poussière, il s’en rappellerait encore. Ces moments à chanter, accompagnés de harpes de flûtes. À s’envoler dans le ciel, à tournoyer dans les airs comme si ni le haut, ni le bas, ni le temps n’existaient plus.

— Cela me manque, de ne plus voler à tes côtés.

Ils prononcèrent cette phrase en même temps, sur le même ton songeur. Ils éclatèrent de rire. Le morceau de Tchaikovsky se terminait, remplacé par la Seconde Valse de Shostakovich. Protégé par la volonté de Lucifer d’empêcher que la musique ne s’arrête, l’orchestre était épargné par le carnage qu’était devenu le bal. L’élite se battait dans des giclées de sang et de tissus précieux déchirés, devant les caméras autrichiennes. Sous les cris, la musique était difficilement audible. Cela n’empêcha pas Lucifer d’emporter Haziel dans une valse viennoise endiablée. Ils virevoltaient à travers les humains devenus fous, piétinant touffes de cheveux et bijoux arrachés, le tulle de la robe voletant telles les flammes d’un brasier. Contre son torse, Haziel sentait le faux cœur de Lucifer battre.

— Nous pourrons voler et danser ensemble, après l’Apocalypse.

— Sur les cendres de la Terre et les cadavres de l’Humanité ? Que tu es romantique.

— Rien n’est trop beau pour toi, mon riant archange.

Peut-être que leurs deux cadavres compteraient aussi parmi ceux de l’Apocalypse. Ça n’empêchait pas que Haziel gloussait encore lorsqu’il aperçut enfin un homme ressemblant à la photo qu’il avait trouvée sur Internet.

— Je crois que je l’ai repéré. Cinquième loge à gauche, troisième rangée.

Lucifer le fit tourner pour le voir à son tour. Adrian Jäger était tranquillement assis, les toisant depuis son balcon. Il leva son verre en leur direction.

— Il semble t’avoir reconnu, lui aussi.

Ils valsèrent jusqu’au bord de la piste, puis se faufilèrent entre les autres invités. Tous ne se battaient pas. Certains résistaient mieux que d’autres à ce qui se passait ici. Ils couraient, cherchant à s’enfuir, ou au contraire essayaient d’aider. La police devait déjà être en route. Mieux ne valait pas s’éterniser ici. À quelques mètres de la loge, Haziel passa une main dans ses cheveux pour se recoiffer.

— Laisse-moi parler.

Il tira le rideau. L’homme à l’intérieur se leva. Haziel entra en premier, le Diable le suivant de près.

— Herr Jäger. Je suis…

— Enchanté de faire ma connaissance ? Je comprends.

Le moins que l’on puisse dire était qu’Adrian savait occuper l’espace. D’une stature imposante, il parlait fort et faisait des mouvements bien trop amples. Son costume en soie noire et la grosse Rolex dorée sertie de diamants ne faisaient qu’empirer son ostentation. Il saisit les doigts de Haziel pour déposer un baiser sur le dos de sa main, s’y attardant un peu plus que les convenances ne l’exigeaient. Des fois, Haziel regrettait que son apparence humaine ne soit pas plus masculine. Et il pouvait littéralement sentir le rictus de colère de Lucifer derrière son dos.

— Et je sais qui vous êtes. Le seul et unique Archange Déchu en personne ! Depuis le temps que j’entends parler de vous, je ne peux pas croire que nous nous rencontrions que maintenant. Et à qui d’autre ai-je le plaisir ?

L’Autrichien libéra sa main pour se tourner vers son compagnon. Il tendit sa main pour l’embrasser aussi, mais Lucifer le devança et tendit la sienne pour la serrer. Ce fut autour d’Adrian de sourire jaune sous la force que mit Lucifer. Il devait ne pas avoir oublié le ratage d’hier, car il se présenta lui-même :

— Abyssion.

— Quelle poigne vigoureuse ! Asseyez-vous, faites pas de chichis, il faut bien que ces deux mille cinq cent euros servent à quelque chose. Et appelez-moi Adrian, Herr Jäger c’est mon père.

D’un grand geste du bras, il désigna les fauteuils recouverts de velours. Il avait dû être en charmante compagnie, car un des verres portait des traces de rouge à lèvres. Haziel n’ayant aucune envie de s’attarder plus que nécessaire auprès de cet homme, il refusa poliment.

— À vrai dire, nous sommes pressés. Désolé de vous déranger pendant une telle soirée, mais…

Adrian s’esclaffa, confirmant ce que Haziel avait soupçonné à sa tête lorsque Lucifer avait écrasé ses doigts. Sous l’affabilité apparente, il n’y avait en lui que dégoût et rancœur, associés à un fort sentiment de supériorité.

— Ne vous excusez pas de me donner le meilleur spectacle que j’ai vu depuis longtemps. Vous avez vu l’ouverture ? Tous ces petits aristos qui faisaient des manières, comme si leur place dans ce monde ne leur était pas donnée depuis la naissance… Maintenant, ils se foutent maintenant sur la gueule, sous les yeux du monde entier, comme les saloperies de pourceaux qu’ils sont. Ça doit être à vous que je le dois ?

Lucifer pencha la tête pour renifler son épaule.

— Je n’ai pas quitté l’Enfer depuis très longtemps, sa folie doit encore me coller à la peau.

— Abyssion… Je ne connaissais pas ce nom. Et pourtant, je suis un des plus grands démonologues de ce temps, même en Enfer vous avez dû entendre parler de moi. Vous ne devez pas être très important.

Il commençait à être clair qu’Adrian n’aimait rien de plus que le son de sa propre voix. Ça aurait pu être drôle si ce n’était pas aussi pitoyable. Haziel posa sa paume sur le bras de Lucifer et s’empressa d’enchaîner avant que le Diable ne le jette par-dessus la rambarde.

— C’est justement pour votre connaissance en démonologie que nous souhaitons vous parler.

— Si ce n’est que ça…

Adrian claqua des doigts. Haziel se sentit arraché au monde et, un clignement d’yeux plus tard, ils étaient tous les trois dans la cabine d’un jet privé. Le magicien appuya sur un bouton, avant de se poser sur le siège le plus proche.

— Nous serions mieux ici. On m’attend à Las Vegas, mais je peux bien faire un détour pour vous ramener à Florence. Asseyez-vous, on va décoller.

Le magicien avait un sourire railleur devant leur surprise et Haziel la nausée d’avoir été déplacé aussi vite. Cette fois-ci, il ne refusa pas et s’installa dans une des places en face de l’Autrichien. Lucifer prit l’autre. En effet, l’avion roulait déjà sur la piste. Il fallait plus qu’un tour, certes impressionnant, pour bouleverser Haziel cependant. Il se reprit vite.

— Vous ne semblez pas étonné de me voir. On dirait même que vous vous y attendiez.

— Après le bordel qu’il y a eu dans votre ville ? Bien sûr, Prince déchu ! Vous avez l’air d’avoir un sacré problème de démons, et vous n’êtes toujours pas en odeur de sainteté auprès des anges, après votre petite chute.

Adrian ne cherchait même plus à cacher l’aigreur couplée de dédain que lui inspirait l’ancien prince du Paradis. Pourquoi, le concerné n’en avait aucune idée, et il s’en moquait. Ce n’est pas comme s’il comptait le revoir une fois son renseignement obtenu. Ils étaient maintenant dans les airs, la LED indiquant qu’ils devaient rester assis s’était éteinte. Adrian se leva pour les toiser de haut. Ça échoua lamentablement lorsque Lucifer se leva aussi. Aussi imposant qu’était l’Autrichien, il le dépassait d’une bonne tête. L’humain aurait dû voir là le signe qu’il devrait se calmer, il l’ignora royalement.

— Par conséquent, il est normal que vous vous tourniez ailleurs pour chercher de l’aide, et vous l’avez dit, je suis le meilleur dans mon domaine. — Il fixa sa montre pendant deux bonnes secondes. — Nous arriverons à Florence dans une heure environ. Parce que c’est vous, je veux bien la prendre de mon précieux temps. Nous ne sommes pas tous immortels.

Un rictus mauvais, respirant l’arrogance, s’épanouit sur ses lèvres.

— Mais dites-moi… Ce n’est pas trop humiliant pour une grande altesse comme vous de devoir ramper devant un misérable humain comme moi, votre Altesse déchue ?

Le Diable répondit à la place de l’archange, d’une voix doucereuse dégoulinante de fiel. Cette voix qui était la dernière chose que bien des âmes damnées avaient entendue, avant d’amèrement regretter leur immortalité.

— Si j’avais connaissance de ma propre mortalité, je parlerai mieux en présence d’un sujet de l’Enfer. Je ferai même tout pour m’attirer ses faveurs.

Même Haziel, qui savait qu’il n’avait rien à craindre de lui, sentit qu’un frisson glacé remontait le long de la colonne vertébrale. Durant un instant, la température parut flirter avec le négatif. Quant à Adrian, il avait automatiquement reculé. Pour essayer de retrouver une contenance, il enleva la veste de son costume. Il avait retrouvé sa fausse amabilité.

— Je ne faisais que poser la question, ce n’est pas tous les jours que des êtres bibliques frappent à ma porte. Enfin, façon de parler… Mais où sont mes bonnes manières : je ne vous ai même pas proposé un verre. J’espère que ce pauvre vin trouvera grâce à vos yeux.

Il en sort trois, en cristal. Quant au ‘pauvre’ vin, il était de ceux qu’on trouvait dans la cave du Purgatorio, pour les clients les plus prestigieux. Il les servit. Haziel nota qu’il évitait avec soin de regarder Lucifer. Les deux se rassirent. Adrian siffla son verre d’une traite, avant de s’en resservir aussitôt un autre tout en mirant par le hublot. Ça attendrit l’archange déchu. C’était peut-être la seule fois que Lucifer se trouverait dans le ciel avant de retourner en Enfer. Qu’il profite donc.

— Je ne sais toujours pas comment, en quoi je peux vous être utile ?

— Mon problème de démons, comme vous dites, est lié à l’Église Noire des Mouches. Je sais que vous vous êtes occupé de renforcer ces protections. J’ai besoin de connaître son emplacement actuel.

— Il est vrai que je peux aisément percer ce que j’ai créé, je n’ai aucun intérêt à faire ça. La satisfaction de mes clients est ma priorité et leur confiance ma récompense.

Adrian récitait ça comme un commercial miteux, sans aucune once de conviction. Et même s’il en avait mis, personne ici n’y aurait cru. Haziel insista. L’agacement s’entendait dans sa voix, et ça l’énerva d’autant plus. L’autre pouvait l’insulter si ça lui faisait plaisir, mais pas lui faire perdre son temps.

— Je ne vous le demanderai pas, si ce n’était pas absolument crucial de la trouver. Il en va de la sécurité de Florence et des déchus.

— Et il en va de ma réputation, vous…

— Combien ?

Satan entrait dans la danse à son tour, également irrité. Adrian haussa un sourcil.

— Plaît-il ?

— Je connais les humains dans votre genre. Vous grouillez dans chaque Principauté infernale. Pour vous, tout à un prix. Quel est le vôtre ?

— Ah, vous , vous parlez en homme d’affaires, ça me plaît, railla Adrian.

Il faisait tourner son verre de vin, prenant un certain plaisir à les faire mariner.

— Après tout, il n’y a aucune clause dans mon contrat qui m’interdit de rechercher leur Église une fois dissimulée. Ou de partager cette information. Mais ça va vous coûter cher. Ma réputation va en prendre un coup et ils ne vont pas apprécier. Il faut bien que j’assure mes arrières.

Hazel se pinça l’arête du nez.

— L’argent n’est pas un problème.

Il n’en fallait pas plus pour qu’Adrian redevienne acerbe. Il claqua son verre sur la table.

— Ouais, et je pourrais vous le faire cracher. Vous êtes comme un de ses porcs, vous arrivez au bras d’un joli minois, vous étalez votre prestige et votre nom en attendant à ce que je me mette en quatre pour vous. Je ne doute pas que vous ayez du fric. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse.

— Dites-nous ce que vous souhaitez alors, qu’on en finisse.

Haziel ne prenait plus la peine de cacher son mépris non plus. Adrian tourna son siège vers eux et se pencha vers l’archange déchu. Lucifer tendit le bras. La bouteille de vin arriva dans sa main.

— À ce qu’il paraît, vous avez un des fils de Lavr chez vous. Ramenez-le-moi. Son père sera très reconnaissant si je peux le lui livrer.

— Non.

Haziel se leva pendant que le Diable se resservait un verre.

— Son fils est sous ma protection et le restera.

Pour la première fois depuis que Lucifer le connaissait, il vit Haziel être menaçant. Celui-ci articula chaque mot avec soin, les chargeant chacun de la promesse d’une mort rapide, mais peut-être pas sans douleur, si le magicien se décidait tout de même à s’en prendre à Sacha.

— Et si vous vous approchez du Purgatorio, je vous détruirai.

Adrian jaillit de son siège. Il gifla Haziel, si fort que lorsque le dos de sa main heurta sa pommette, il l’envoya valdinguer contre son siège.

— Tu crois pouvoir me menacer, pauvre petit ange de merde ! éructa-t-il. Tu crois…

Lucifer se jeta sur lui, toujours son verre à la main. Il le plaqua au sol. Adrian eut beau se débattre et lancer tous les sorts qui lui passaient par la tête, rien n’y fit. Sa force n’était rien comparée à celle du Diable et la magie s’éteignait dès qu’elle l’effleurait. Le Diable éclata le ballon du verre. Il allait enfoncer le bout pointu du pied dans son orbite, mais Haziel attrapa son poignet.

— J’en ai très envie aussi, mais il nous est plus utile vif que mort.

Sa joue était ouverte et douloureuse et son dos le lançait, pourtant, l’archange déchu avait retrouvé son calme. Contrairement à Adrian, dont la rage qui s’était emparée de lui surpassait l’instinct de survie.

— Même pas capable de faire le sale boulot toi-même, hein la sainte nitouche du Paradis ? Un ange qui agresse un humain, attend que ça se sache ! T’es foutu ! La Terre, elle appartient aux ho...

Lassé, le Diable serra sa main autour de sa gorge, jusqu’à ce que le magicien n’ait plus assez d’air pour s’égosiller. Il le força à tourner la tête, pour qu’il fixe Haziel, qui s’était agenouillé à côté de lui.

— Je vais t’expliquer très simplement pour que tu comprennes. — Effectivement, l’ancien Prince de la Paix parlait doucement, comme si Adrian était un enfant ne comprenant rien aux divisions. — J’ai peut-être été un ange, mais je suis un déchu maintenant. Et pour moi, ta puante petite personne n’est que l’outil le plus rapide, parmi tant d’autres, pour arriver à mes fins. Faire couler le sang, surtout d’un être aussi abject que toi, ne me causerait aucun souci moral. Tu m’insultes, tu me lances ta richesse et tes pouvoirs à la figure, obtenus en abusant de tes semblables et en t’associant à des monstres tels que Lavr. La seule raison pour laquelle tu as encore ta hideuse tête sur tes épaules est parce que tu es trop insignifiant pour que je m’abaisse à me salir ainsi. Dans cinquante ans, tu seras mort. Dans cent ans, tous les humains vivant actuellement sur cette Terre, même ceux qui naissent pendant que nous parlons, seront morts. Tu n’existeras plus dans aucune mémoire. Et pour moi, ces cent ans ne seront en comparaison qu’un battement de cils.

En voyant le visage très rouge de l’Autrichien virer doucement au violet, il se releva, époussetant ses jambes.

— Lâche-le. Il va vraiment mourir sinon.

Lucifer obéit, pour se redresser aussi. La colère l’avait quitté, remplacée par un amusement qui étirait ses lèvres en un grand sourire.

— Très inspirant. Si tu veux venir apprendre à mes armées un jour, tu es la bienvenue.

Haziel sortit son smartphone de sa poche, pendant que l’humain toussait et inspirait goulûment l’air à leurs pieds. Lucifer avait pris un autre verre et une autre bouteille de vin, ayant renversé l’autre tout à l’heure.

— Je viens de virer trente millions de dollars sur ton compte. À toi de voir si tu veux descendre de cet avion en vie pour en profiter.

Pendant que l’humain faisait son tour – impliquant des marmonnements dans une langue aussi morte que l’empire où elle avait été parlé, de la fumée noire et malodorante, et un peu de sang – Lucifer buvait d’un air ennuyé, en regardant à travers le hublot et Haziel répondait à quelques mails avec smartphone. Ils était presque arrivé lorsque Herr Jäger s’adressa à eux :

— L’Église est actuellement au pied du Stromboli.

— A-t-elle d’autres défenses magiques ? J’espère que tu as compris que tu n’as pas intérêt à me mentir.

— Elle n’est invisible qu’aux yeux de ceux qui ne cherchent pas à la trouver. Vous la verrez. Il faudra étaler votre sang sur la porte. Du sang pour les mouches, votre âme pour Belzébuth.

À cet instant, la LED indiquant qu’il fallait s’attacher se ralluma. L’avion amorça la descente. Adrian bouillonnait dans son coin. L’orgueilleux magicien n’était plus qu’une boule de rage humiliée. Il ne pouvait plus que jurer entre ses dents :

— Tu paieras pour ça.

Haziel dissimula un bâillement derrière sa main. Contrairement à Lucifer, toujours aussi frais qu’à son réveil malgré les litres d’alcool hors de prix qu’il avait engloutis tout au long de la journée, lui ne pouvait pas tirer sa force de l’Enfer ou des âmes humaines.

— J’ai déjà payé. Trente millions de dollars. Profite plutôt de la vision de Florence illuminée la nuit. C’est tout ce que tu verras d’elle, désormais. À moins que tu ne veuilles voir ton espérance de vie devenir encore plus ridicule qu’elle ne l’est déjà.

L’avion atterrit, Haziel sortit le premier. Le Diable prit le temps de finir le verre qu’il avait entamé, avant de le suivre. Il se retourna une dernière fois, sur la première marche. La cruauté de son sourire n’avait d’égal que l’ardeur des flammes qui dansaient dans ses yeux.

— Et crois-moi, petit magicien, si le Diable est impatient de t’accueillir en sa demeure, toi, tu n’as nulle hâte de te retrouver en Enfer.

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