— Navré de vous déranger, Mademoiselle, dit Pennel après avoir reçu l’autorisation d’entrer. Une invitation du palais impérial est arrivée pour vous.

— Le palais impérial ? répéta Penelope, étonnée. 

— Vous êtes conviée à un banquet d’honneur qui marquera la clôture du festival.

Voilà qui était inattendu. 

— Et pourquoi m’a-t-on invitée ? J’y suis déjà allée il n’y a pas si longtemps. 

Surtout vu sa réputation et le petit incident de la dernière fois, elle ne pensait pas y retourner de si tôt. 

— Ce banquet est organisé par son altesse, le Prince Héritier. 

Voilà qui expliquait bien mieux les choses. Quand Penelope avait laissé le prince dans les jardins, il était entre amusement et curiosité. Et clairement, elle lui avait presque posé un lapin à retardement. 

Ce serait l’occasion de se racheter et d’augmenter le pourcentage d’affinité chez lui. 2 %, c’est encore très peu et très dangereux. 

— Qu’en dit mon père ? s’enquit-elle. 

— En fait, sa grâce n’est pas encore au courant. Vous seule êtes invitée. 

— Ah. 

Penelope resta pensive un moment. 

— Cela pourrait poser problème si nous ne l’informons pas. Il risque de refuser aussi vu ce qui est arrivé la dernière fois. Informe mon père de l’invitation et de mon désir d’y aller. Ajoute toutefois que s’il refuse, je respecterai sa décision mais il faudra en informer le prince… avec tact et précision. 

— Bien, Mademoiselle, dit Pennel. J’en informe tout de suite le Duc. 

☆＊☆＊☆＊☆＊☆＊☆

— As-tu perdu la raison, Penelope ? demanda Derrick. C’est le Prince Héritier qui t’a blessée ! 

— Oui. Et nous avions convenu de passer cet incident qui n’était pas volontaire et plutôt de profiter de la situation. Enfin, c’est ce que j’avais compris. 

Elle se tourna vers le Duc. 

— N’est-ce pas, Père ? 

— Oui, admit ce dernier en retenant une grimace. Mais je trouve cela prématuré. 

Penelope pinça les lèvres. 

— Avec les ennuis qui tournent autour de lui, je ne trouve pas. 

— Comment ?

— Réfléchissez, Derrick. Je suis la “mauvaise graine” de la famille Eckhart. Lui est considéré de la même façon par les siens si on en croit les menaces d’assassinat. Il ne fera pas long feu s’il ne reçoit pas de soutien. La famille Eckhart est encore neutre dans les conflits et la politique. Tant que cela n’engage que moi en apparence, personne ne soupçonnera rien. Mais cela permettrait déjà de tâter le terrain. En savoir plus, bouger nous-même, suivre le courant sans pour autant s’y plonger tête la première. 

Elle pointa la lettre d’invitation du doigt. 

— Et puis, peut-être qu’une amitié avec le prince pourrait nous être bénéfique à l’avenir, quelle qu’en soit la façon. Je croyais que je devais prouver mon utilité au Duché. Ceci est une opportunité de l’être. 

— En risquant de te mettre en danger, nota Derrick. 

— Il y aura des gardes et du monde. 

— Il y en avait aussi la dernière fois, et cela n’a pas empêché le prince de te blesser. 

Penelope devait admettre qu’elle était étonnée contre le refus presque catégorique de Derrick. Elle le pensait froid et insensible. Pourtant, ces derniers temps, il ne cessait de montrer de l’inquiétude à son égard. Le banquet d’anniversaire, la première nuit du festival, maintenant ceci. 

Est-ce que malgré ses paroles froides et ses menaces, il tenait à elle ? 

Elle avisa le pourcentage d’affinité. Non, 14 % était loin d’être suffisant. 

— Si vous avez si peur qu’il s’en prenne à nouveau à moi, dans ce cas, accompagnez-moi. Ou Reynold. Ou vous-même, Père. Ou un garde. Si jamais le prince souhaite discuter avec moi, il y aura toujours la possibilité, sans doute, d’évoquer l’incident pour faire valoir une présence protectrice et quelque peu dissuasive. 

— Tu es devenue bien sage et mature, ces derniers temps, Penelope, la complimenta le Duc. 

Elle accepta le compliment avec un sourire. 

— Je vous remercie, Père. Vos mots me touchent. 

— Vu la situation, je suppose que ton idée est la meilleure, continua-t-il. Je suis pris pour le dernier soir du Festival mais Reynold et toi, Derrick, vous pourrez l’accompagner et vous assurer de sa protection si le prince rode trop autour de votre sœur. Après tout, il n’est jamais bon de refuser une invitation au palais. 

Le regard de Derrick s’accrocha dans celui de Penelope un instant. Il finit par les fermer en soupirant. 

— Très bien, Père. Nous l’accompagnerons.