Penelope sortit du bureau du Duc. Une fois la porte refermée, elle souffla, soulagée. Cela aurait pu être pire.
— Je pensais t’avoir dit de ne pas te faire remarquer.
Elle sursauta et se retourna pour faire face à Derrick qui venait vers elle. Tout en lui n’était que froideur et impériosité. Et le “0 %” juste au-dessus de sa tête envoyait des signaux d’alertes à Penelope pour qu’elle se tienne à carreaux.
Elle était peut-être libre du script mais elle n’était pas à l’abri d’une mort certaine au moindre faux pas.
— Emilie est une servante fidèle qui sert notre famille depuis dix ans. Même contre salaire, personne n’avait accepté d’être ta servante personnelle.
Penelope avait donc si mauvais caractère ?
— C’est la seule à s’être portée volontaire… et maintenant, elle va partir. Tu es contente de t’être débarrassée de ta dernière servante ?
Cette dernière phrase la fit quelque peu enrager. Elle se retint de lui cracher la responsabilité de Reynold dans cette histoire. Cela ne la ferait rien gagner. Au contraire, elle serait morte en moins de temps qu’il ne lui en fallait pour le dire.
Cela dit, le volontariat d’Emilie la touchait devant le mur de refus avec compensation financière. Alors pourquoi cette servante la traitait-elle ainsi si elle avait choisi d’être à son service ?
Alors qu’elle y réfléchissait, elle voyait que Derrick attendait d’elle une réponse. Elle activa les réponses prédéfinies au cas où…
Non. Définitivement, les réponses prédéfinies ne l’aideraient pas à gagner ce jeu. Au contraire, elle avait l’impression qu’elles ne lui feraient que perdre lentement mais sûrement. Comme si c’était là son destin.
Un destin qu’elle n’acceptait pas.
Elle se détourna du panneau de système. Et ce faisant, de Derrick.
— Tu m’ignores maintenant ?
Oups…
Bon, quitte à être la victime chez le Duc, autant l’être chez l’héritier également. Bien qu’un peu différemment. Là où le Duc semblait chercher de l’attention et un amour de père à fille depuis longtemps perdu, Derrick, lui, était plutôt du genre à vouloir la faire taire et disparaître. Il souhaitait qu’elle s’efface.
Alors elle allait s’effacer. Dans l’immédiat. D’autant plus qu’elle se souvenait d’un détail important le concernant.
— Je suis désolée de vous avoir créer tous ces problèmes, monsieur le Duc Héritier.
— Hein ?
Le choc sur son visage. Comme sur celui du Duc. Parfait. Il n’aimait pas qu’elle l’appelle “mon frère”. Elle l’avait bien compris en jouant. Elle perdait toujours des points d’affinités là. C’était la bonne carte à jouer. Et autant user du même mensonge ou du moins, un qui se rapproche de celui donné au Duc.
— C’est de ma faute, dit-elle en baissant la tête, prenant ses jupes pour s’incliner un peu. Ne renvoyez pas la servante. Je viens tout juste de demander pardon à notre père. Je ferai en sorte de ne plus vous causer de soucis. Pardonnez-moi pour cette fois.
Il se reprit bien vite pour garder les convenances. Et sans doute le contrôle. Faire ses preuves… Penelope le sentait.
— C’est la dernière fois, dit-il. La dernière fois que je te pardonne. Garde bien ça en tête.
Elle hocha la tête et fit mine de s’éloigner.
Son ventre se rappela à ses bons souvenirs. Et son corps qui défaillait… Elle allait s’effondrer. Depuis combien de temps n’avait-elle pas eu un véritable repas ?
Une main ferme lui attrapa le bras pour la soutenir.
— Il parait que tu as mangé de la nourriture avariée. As-tu besoin d’un médecin ?
Elle croisa son regard si bleu, si glaçant…
— Vous saviez… et vous… vous !
Penelope recula, s’arrachant à sa poigne bien que sans violence.
Il savait ! Et il avait essayé de couvrir la servante.
Elle inspira profondément pour se redonner contenance alors qu’elle sentait ses yeux brûler.
— Aucune importance, dit-elle en maîtrisant au mieux sa voix. Comme je viens de vous le dire, je vais tout faire pour ne plus vous causer de soucis.
Elle recula d’un pas et s’inclina avec un respect qu’il ne méritait pas.
— Veuillez m’excuser.
Et elle partit.
Il savait ! IL SAVAIT ! C’était mieux de faire porter le chapeau à sa soeur adoptive plutôt qu’à une servante.
Qu’il reste loin d’elle ! Qu’il la laisse tranquille ! Elle ferait en sorte tout ce qui lui serait possible pour que jamais il n’ait à pointer son épée sur elle.
— Ne faites pas attention à moi, murmura-t-elle ensuite en s’éloignant toujours.
Elle retourna à sa chambre où elle s’allongea dans son lit, toute habillée, les bras serrés sur son ventre. Elle ne se sentait pas bien. Mais elle allait supporter cela. Elle allait survivre à cette petite intoxication. Elle n’était pas encore aux portes de la mort.
Et quand elle se sentirait mieux, elle partirait à la recherche de nourriture. Dans l’immédiat, elle ne pourrait de toute façon rien avaler.