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Chapitre 25 - Rumeurs & Larmes

Penelope coupa lentement son morceau de steak. Depuis quelques jours, elle mangeait tous les midis en compagnie de la famille ducale. Juste assez pour être en la présence de son père mais pas trop pour les importuner. Et pour chaque repas, Pennel veillait personnellement à ce qu’elle ait des couverts dignes de ce nom. 

— Alors ? Comment s’est passé ta ronde en ville, Derrick ? 

— Très bien, Père. Les rues sont un peu plus sûres. 

— Et les rumeurs ? demanda Reynold. J’ai entendu dire qu’il y avait une sauterelle géante sur les toits. 

Penelope regarda ses frères avec surprise. 

— Ce n’est pas une sauterelle. C’est impossible. Mais il y a bien un homme qui bondit de toit en toit. 

— Sérieusement ? 

— Je crois l’avoir vu hier soir. 

— A quoi ressemblait-il ? 

Derrick réfléchit quelques instants en mâchant un morceau de pomme de terre. 

— Pas très grand. Mince. Il était habillé en blanc. 

Penelope se figea quelques secondes avant de reprendre plus lentement la dégustation de son plat. Ils parlaient d’elle. 

La sauterelle des toits… Pas terrible comme surnom. 

— Sais-tu qui cela peut être ? s’enquit le Duc. 

— Non, Père. Je n’ai pas pu voir son visage. Il le cachait sous une capuche. Mais ce n’est pas la première fois que j’en entends parler. Quelques nobles se sont plaints de lui. Il serait apparemment un archer hors pair. 

Reynold se tourna vers Penelope. 

— Tu devrais lui lancer un concours, lui dit-il. Peut-être qu’il gagnerait tes faveurs. 

Elle retint un soupir alors qu’elle terminait sa bouchée. 

— J’avais proposé ce concours pour éviter à Derrick et Eckles de s’entretuer pour une leçon de tir à l’arc dont je n’avais de toute façon pas besoin. 

Elle se frotta la bouche avec dignité. 

— Une façon pacifiste de déjouer un conflit tout en apaisant la testostérone que ces mâles dominants dégageaient autour d’eux pour prouver être le meilleur, ajouta-t-elle ensuite en les regardant. Quelle chance qu’il n’y avait pas le Prince Callisto ou il y aurait eu un meurtre. 

Elle attrapa son verre d’eau pour se désaltérer. Elle entendit un petit rire discret. Elle leva les yeux, surprise. Les yeux du Duc brillaient d’amusement. Les pourcentages au-dessus de Derrick et Reynold clignotèrent en même temps. Ils passèrent respectivement à 21 et 11 %. 1 % de plus alors qu’ils observaient leur père. Il riait. C’était petit, discret. Mais elle devait admettre ne l’avoir jamais entendu rire. Elle ne l’avait même jamais vu heureux. C’était comme s’il portait constamment le poids du monde sur ses épaules. 

— Père, puis-je vous demander quelque chose ? demanda-t-elle doucement. 

— Bien sûr, Penelope. 

— J’aimerais me rendre en ville pour faire quelques emplettes. 

— De quoi est-ce que tu as encore besoin ? railla Reynold. 

— De la semence de petits curieux, répliqua-t-elle sur un ton neutre, contrastant avec son regard sombre. 

— Eh ! s’indigna-t-il. 

Elle leva les mains. 

— C’est toi, le petit curieux, Reynold. 

— Je ne te permets pas !

— Tu préfères Mr. P. ? 

Il grogna. 

— Non. 

— Alors ne te plains pas. 

Il y eut un silence de quelques secondes durant lesquelles Reynold resta renfrogné. Derrick jeta un regard à Penelope mais elle secoua la tête. Non, il n’aurait pas une réponse d’elle. 

— C’était un accident, OK ! s’emporta Reynold. Un accident ! Tu m’en voudras encore pendant combien de temps ?!

— Aussi longtemps que pour le premier coup monté que tu m’as fait, rétorqua Penelope avec calme. Car si on y réfléchit bien, certaines choses, tu en es responsable. 

— Quel coup monté ? demanda le Duc, les sourcils froncés. 

La joie avait disparu de son visage, remplacée par cette expression inquiète et perplexe. Penelope le regarda. L’idée de lui sortir toute la vérité en cet instant l’effleura. Elle y songea même sérieusement, notamment pour faire du tort à Reynold. Mais ce n’était finalement pas une bonne idée. Pourquoi retourner de vieilles plaies qui ne pouvaient ne lui apporter que des ennuis ? Autant montrer que des faits cachés existaient sans les nommer pour laisser les coupables éventuellement commettre une erreur et se dénoncer. 

Ce serait tellement plus délectable à regarder. La chute serait d’autant plus belle ici qu’il tomberait de haut après toutes ces années. 

— A lui d’avouer ses erreurs, Père. Non à moi de les rapporter. 

Elle but une gorgée de son verre d’eau pour réfléchir à comment argumenter. 

— D’autant plus que l’on m’a considérée comme une menteuse à ce sujet dès le départ. Je ne tiens pas à me battre sur un terrain que je sais perdu depuis longtemps. Je préfère de loin choisir mes batailles avec plus de discernement. Cela ne m’empêche pas de lancer des pics au principal concerné qui, lui, connait la vérité mais… 

Elle soupira et offrit un sourire à la fois sincère et suffisant. 

— Avec un peu de chance, un jour il craquera et se révélera pour le menteur et manipulateur qu’il a été dès le départ. 

Penelope fit tourner l’eau dans le fond de son verre. Elle se serait plongée un long moment dans sa contemplation si le Duc n’avait pas pris la parole. 

— C’est… fourbe et ingénieux de ta part, Penelope. 

Elle leva la tête. 

— Merci, Père. 

— Depuis quand es-tu devenue aussi sage ? 

— Depuis que j’ai eu peur d’être jetée dehors par Lord Derrick. 

Cela avait été son impression dès son arrivée dans ce monde. La menace de l’expulsion et de la mort. Elle montrait ici clairement, même sans le dire, son manque de confiance envers les fils Eckhart. Chose qu’elle avait déjà verbalisé pour Derrick il n’y avait pas si longtemps encore, dans cette pièce même alors qu’elle se battait pour de la nourriture. 

— Quoi ?!

Le choc du Duc eut le mérite d’être sincère. Il n’était sans doute pas au courant de cette menace qui planait sur elle, réelle et dangereuse. La mort de la vilaine… Son rejet total. Tout avait commencé avec ses propres fils. 

Elle jeta un regard à Derrick et le vit un peu plus pâle que d’habitude. La surprise s’était peinte sur ses traits à un point tel qu’elle aurait presque pu douter de sa sincérité. Sauf qu’elle avait trop perdu le mode difficile des mains de Derrick lui-même pour pouvoir le croire sur parole. Elle ne pouvait tout bonnement pas remettre sa vie entre les mains de la famille Eckhart. 

Elle ne le pourrait sans doute jamais. 

— Jamais je n’aurais fait cela, Penelope ! dit-il d’une voix blanche. 

Une fois encore, elle aurait pu le croire. Si il n’y avait pas eu son expérience. Que ce jeu était cruel de jouer avec ses perceptions et ses impressions. Mais elle ne se laisserait pas avoir. Pas cette fois, pas alors que sa survie était en jeu. 

— Pardonnez-moi de l’avoir cru dans ce cas, dit-elle alors en levant les mains. Quand vous m’avez consignée dans ma chambre, j’ai eu ce sentiment d’incertitude qui m’a rongé de l’intérieur. Et rien ne l’a fait partir depuis. 

Le Duc voulut parler mais elle leva la main pour lui faire comprendre qu’elle voulait s’exprimer, mettre des mots sur ce qu’elle ressentait, une fois pour toutes. Qu’on l’écoute avant que les rumeurs et les ragots déforment ses propos et la fassent encore passer pour une vilaine et une ingrate. 

Elle n’en avait pas peur. Pas du tout. Mais elle voulait que le Duc entende ses propos à elle et non des termes rapportés. La présence de ses fils n’était qu’un petit bonus à ses yeux, insignifiants qui empêcherait le Duc de prendre la décision de répéter ou cacher son malaise. Tout éclatait au grand jour, avec une sincérité accablante pour le Duché. 

— J’ai compris que mon comportement y était pour beaucoup et qu’il générait la haine de ma famille. Et sûrement aussi d’autres personnes. Alors j’ai fait le tour de la question et j’ai fait un long travail sur moi-même. Dorénavant, je préfère… 

Les mots la prirent à la gorge, lui coupant le souffle tant elle en souffrait pour une vie qui n’était pourtant pas la sienne. La douleur de la petite Penelope, ses conséquences, ainsi que les quelques rêves qui étaient venus perturber son sommeil avait fait son petit bout de chemin dans son cœur. 

Elle déglutit. 

— Même si je dois perdre la famille qui m’a accueillie à cause de mes erreurs passées, je ferai de mon mieux pour que plus jamais je ne sois rejetée peu importe le sort qui m’attendra en ces murs. Je ferai de mon mieux pour toujours être droite et sincère tout en ne bafouant pas mon honneur et mes valeurs et ce même s’ils ne valent rien à vos yeux. Je veux trouver un chemin où je peux rester moi-même sans être… 

Elle inspira profondément. Malgré elle, des larmes s’échappèrent et roulèrent sur ses joues. 

— Je veux pouvoir être moi-même sans avoir à craindre que mes proches me tuent à chaque détour de couloir. Je veux pouvoir être moi-même sans devoir m’isoler pour ma propre sécurité. Je ne veux pas être seule. Mais si je dois le faire pour survivre, je suis prête à faire ce sacrifice. 

Elle frotta ses larmes et se leva. 

— Pardonnez-moi, murmura-t-elle ensuite, la gorge nouée par les pleurs qu’elle retenait. 

— Penelope, dit le Duc. 

Elle quitta les lieux sans se retourner et retourna dans sa chambre où elle s’enferma. Elle souhaitait rester seule. 

Depuis quand était-elle devenue si émotive ? Depuis quand son coeur se serrait-il de la sorte ? Ce n’était pas sa vie et pourtant…

Elle soupira bruyamment, emmitouflée dans sa couverture. Cela faisait plusieurs mois qu’elle était enfermée dans ce maudit jeu. Son subconscient avait peut-être intégré la possibilité que jamais elle ne partirait. Et cela l’effrayait un peu. 

Penelope se sentait si seule. Unique Quincy dans ce monde qui voulait sa mort parce qu’elle était la vilaine, le chien enragé de la famille Eckhart. 

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