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Chapitre 26 - Sortie Shopping

Les pas de Penelope la guidèrent jusqu’au terrain d’entrainement. Et pour une fois, elle y était vêtue d’une façon un peu plus féminine. Les exercices de tir n’étaient pas à l’ordre du jour. Elle n’en avait pas besoin, l’archerie étant un don propre aux Quincy. Mais elle en avait fait pas mal ces derniers temps, même si à l’écart des gardes. 

Gardes qui étaient en ce moment même au beau milieu d’un entraînement. Et elle allait à leur rencontre. Elle voulait sortir en ville et il était hors de question qu’elle soit accompagnée de Derrick ou Reynold. Le premier était fort occupé de toute façon, quant au second, c’était tout bonnement impensable ! Elle ne le supportait pas. Trop infantile et focalisé sur une Penelope qui n’existait plus, ensevelie sous le sort d’un jeu cruel envers la pauvre Quincy enfermée dans ses chairs, obligée à vivre la vie d’une autre. Et avec ce jeune homme prétentieux, déjà adulte, ce qui rendait les choses encore pire, cela mettait sa patience à rude épreuve. 

Alors qu’elle allait faire remarquer sa présence, elle nota la présence d’Eckles. Il portait la tenue des gardes, bien que sans l’insigne de fonction qui allait de pair. Un apprenti ? Elle retint un sourire. Si tel était le cas, le Love-Interest resterait accessible un long moment. Un avec qui elle avait une chance…

Un qui se faisait aussi quelque peu malmener, pensa-t-elle en observant le jeune homme avec encore plus d’attention.

Penelope tendit l’oreille. 

— Franchement, perds pas ton temps avec cette fille. Elle n’est pas la vraie fille des Eckhart. 

— Et alors ? demanda Eckles, les sourcils froncés. 

— Quand la vraie fille du Duc reviendra, cette usurpatrice ne sera même pas capable de s’occuper d’elle-même. Ne t’accroche pas à une corde déjà effilochée. Surtout qu’elle n’aura aucune pensée pour toi quand Lady Yvonne reviendra. 

Eckles se redressa et fusilla le chevalier qui devait être sans doute son instructeur. 

— Un chevalier ne devrait pas insulter une Lady.

Le sourire fleurit sur le visage de Penelope. Elle n’avait pas pu le retenir cette fois. Eckles était vraiment dévoué. Ou en tout cas, il avait son sens de l’honneur et du devoir. D’autant plus étonnant quand on réfléchissait au fait qu’il venait de Delman et qu’il était désormais dans l’Empire. Qu’il s’apprêtait à servir une famille de l’Empire même ! Que du chemin parcouru sur les terres de la nation ennemie…

— Pourquoi pas ? Il n’y a pas de danger de dire du mal d’un maître qui n’est pas là. 

Penelope serra les poings. Une pareille phrase ne devait pas passer. Elle ne passerait pas. Elle s’avança sur le terrain d'entraînement, entre les quelques gardes qui se figèrent une fois sa présence remarquée. 

Une fois dans le dos du chevalier médisant, elle toussota. 

— Mademoiselle ! s’exclama le garde, surpris par sa présence. 

Elle pencha la tête et offrit un sourire à Eckles. 

— Bonjour, Eckles. 

— Bonjour, Milady. 

— Quel plaisir de vous revoir, et quelle surprise, avec la tenue des gardes de la famille Eckhart !

— Oui, répondit-il avec un sourire discret. Le Duc m’a fait une proposition que je n’ai pas pu refuser. 

— Oh… Je vois. Ravie que vous ayez trouvé une situation qui vous sied !

Le regard de la jeune femme se fit soudain plus acéré quand elle le reporta sur le premier chevalier. 

— Ton nom, garde ? 

— M… Mark Alvert. 

— Et de quelle division es-tu ? 

— Troisième division, second peloton. 

— Je vois. 

Elle observa les gardes autour d’elle, les jugeant de son regard glacé. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas offert un tel regard à quelqu’un. Même Reynold ne l’avait plus tellement, elle était plus blasée et déçue en sa présence. 

— Je prends note, dit-elle lentement, articulant chaque syllabe. Etes-vous son instructeur ? 

— Hmmm… Oui, Madame. 

— Bien. Bien. Je toucherai quelques mots au Duc sur votre travail et sur l’enseignement que vous donnez. 

Le garde sourit, pensant qu’elle lui annonçait une bonne nouvelle. Elle ne le laissa pas sur ses lauriers, préférant clairement lui faire prendre conscience de la route de charbons ardents sur laquelle il marchait et menait ses troupes. 

— Quels étaient vos mots déjà ? Ah, oui : ‘Il n’y a pas de danger de dire du mal d’un maître qui n’est pas là.‘ Je me doutais bien que, personnellement, je ne pouvais pas faire confiance aux gardes de la famille mais de tels propos viennent à menacer la sécurité des autres membres de ce Duché. Il va sans dire que le Duc en sera informé. 

— Mad… Mademoiselle ! paniqua Mark. C’est… C’est un terrible malentendu. 

— Vous le réglerez avec Derrick et le Duc. Non avec moi. Mais peut-être qu’un redressement ou quelques exclusions de gardes de ce peloton qui n’ont pas daigné corriger vos propos seraient, à mon humble avis, une bonne chose. La Famille Eckhart n’a pas besoin de gardes qui n’ont pas à cœur leur devoir. 

Elle ouvrit l’éventail qu’elle avait dans la main et s’éventa un peu pour laisser planer la menace sur le terrain d'entraînement. Elle sentit la peur et la crainte s’insinuer dans le cœur des gardes. 

Elle se tourna vers Eckles et lui tendit la main. 

— Cher ami, puisque vous êtes bien le seul ici à me défendre, je suppose que vous êtes le mieux placé pour être mon garde aujourd’hui. Je pense pouvoir vous faire confiance dehors et laisser ma vie entre vos mains. Puis-je vous demander de m’accompagner en ville ? Je dois faire quelques emplettes. Avec tout ce qu’il s’est passé ces derniers temps, et les rumeurs de cet archer qui s’est attaqué à des nobles, je crains ne pas trop me sentir en sécurité toute seule. 

C’était un mensonge évidemment, mais elle savait que si elle sortait seule, Derrick mais aussi le Duc lui en ferait voir des vertes et des pas mûres, sans parler d’un possible nouvel enfermement dans sa chambre. Ce dont elle préférait éviter. 

— Lady Penelope, intervint Mark. Eckles n’est encore qu’un apprenti. Il n’a…

— Il a déjà fait ses preuves à mon égard. Quant à vous, par vos propos déplacés, vous avez déjà manqué une fois à votre devoir. Quiconque manque une fois à son devoir, manquera encore à son devoir. Je ne tiens pas à être sous votre garde quand cela arrivera ! 

Un panneau du système du jeu clignota et une notification apparut. 

Vos relations avec les habitants du manoir se sont détériorées. 

Votre réputation a diminué de 5 points. 

Total des points : 15 points


Cela lui était bien égal. Elle avait raison. Et dans son for intérieur, en dessous de la haine qu’il devait éprouver envers la jeune Penelope, il devait s’en rendre compte lui aussi. Même s’il était sans doute dans le déni. 

Et elle tiendrait sa promesse, elle tiendrait le Duc informé. 

Penelope jeta à Mark le regard le plus méprisant qu’elle avait en réserve avant de se tourner à nouveau vers Eckles. 

— Nous y allons ? 

— Oui, Milady, dit-il en lui prenant la main. 

☆*☆*☆*☆*☆*☆

Penelope marchait en bordure du lac qui longeait la cité. Elle tirait lentement Eckles par la main. C’était un peu osé mais quand elle était descendue du fiacre, elle ne l’avait juste pas lâchée. Et elle l’avait guidé jusque-là. 

Elle n’avait pas réfléchi. Ou du moins, pas à cela. Elle était plongée dans ses pensées depuis qu’ils avaient quitté la dernière échoppe qu’ils avaient visitée. 

Elles n’avaient pas été nombreuses. Penelope recherchait des objets particuliers, et surtout, utiles qui pourraient l’aider dans la quête des pourcentages avec les Love-Interest mais aussi pour sa survie personnelle. Elle avait aussi pensé à Emilie, bien sûr. Sa servante attitrée avait regagné le capital confiance qu’elle avait perdu dès le début du jeu. 

Elle avait trouvé les cadeaux discrets parfaits non pas dans une bijouterie ou dans un prêt à porter ou une idée à confier à un couturier mais bien chez un marchand d’armes et d’armures. Penelope avait pénétré dans ce magasin juste par la présence des quelques arcs et flèches de la devanture. Cela ne valait certes pas son Blitzbogen mais ils avaient le mérite d’être pour une bonne partie de qualité. Ou du moins d’une qualité correcte pour le prix affiché. Quant aux flèches… Elle en avait des carquois en vois-tu, en voilà avec pour certains des empennages discrets et d’autres bien plus stylisés, en bois d’hêtre, de chêne ou de bouleau. Elle avait même noté l’écriteau qui disait “Fabrication de flèches sur mesure.” Elle n’en avait pas commandé, ayant tout ce qu’il lui fallait au Duché pour paraître en public. Elle n’avait pas besoin d’un nombre incalculable de flèches. 

Puis elle avait noté quelque chose sur Eckles qui l’accompagnait. Il n’avait pas d’épée. Certes, il reluquait les arcs avec bien plus d’intérêts que les lames tranchantes exposées mais il était son garde. Et tout garde de l’Empire se devait d’avoir une épée. 

— Comme le chevalier Marc l’a dit ce matin, je ne suis qu’un apprenti, lui avait-il répondu quand elle l’avait questionné sur le sujet. 

Et quand elle avait voulu lui acheter une épée, il s’était rebiffé et avait clairement refusé. Mais cela ne l’avait pas arrêtée. Elle devait continuer de jouer son rôle de la femme qui lui devait la vie. Qu’était-ce qu’un cadeau pour le remercier ? Bon, certes, ce n’était pas une fleur ou un foulard qu’elle avait à l’esprit comme n’importe quelle femme de la noblesse. Mais elle n’était pas comme toutes ces femmes. Elle avait un intérêt certain pour l’action et certaines armes. Surtout l’arc. 

Comme Eckles… 

Mais il avait surtout besoin d’une épée pour assurer, au moins de façade, sa fonction. Alors elle en avait acheté une. Et elle avait bien l’intention de la lui offrir. 

Elle décida de s’arrêter sur un banc à quelques mètres de la berge, à l’ombre de deux grands saules pleureurs. Elle s’y installa et frotta quelques plis de sa robe avant de se tourner vers Eckles. Il se tenait toujours là, debout, à une distance respectueuse maintenant qu’elle lui avait lâché la main. 

Penelope sort d’un sac qu’elle avait emporté une pâtisserie et la lui tendit. 

— Tenez, sourit-elle. 

— Sans… sans façon, Mademoiselle. Merci. 

Elle lut pourtant son envie. Sans parler de son ventre qui gargouillait discrètement. 

— Est-ce que le fait que je suis une fille de bonne famille que vous refusez, Eckles ? 

— Je… non !

— Je sais que vous haïssez l’Empire pour ce qu’il a fait à votre nation, lui dit-elle doucement, sans jugement. Et je comprends, je crois. Pas facile de vivre dans un milieu hostile où le moindre faux pas pourrait causer votre mort. 

Elle soupira et observa deux cygnes glisser paresseusement sur la surface du lac. Elle porta la pâtisserie à sa bouche et la grignota, pensive. 

— Que savez-vous exactement de ce que je ressens ?

Ses yeux étaient soudain bien plus dangereux et incendiaires. Tout comme son aura. Elle n’en prit pas peur pour autant. Elle s’y attendait même un peu. Pourtant c’était en lui qu’elle avait confiance, de façade, par rapport aux autres chevaliers. Et c’était aussi la personne qu’elle avait à séduire pour sortir de cet enfer… 

— De ce que vous ressentez, pas grand-chose, répondit-elle honnêtement. Mais étant dans une situation un peu près similaire bien que dans un autre contexte, je sais ce que moi je ressens. 

Il releva un sourcil. 

— Je ne suis pas née noble, Eckles. J’ai été adoptée par le Duc à l’âge de douze ans, juste après qu’il ait perdu sa fille. 

Elle soupira. Ses doigts brisèrent en deux la pâtisserie qui s’émietta peu à peu sur la serviette posée sur ses genoux. 

— Yvonne a disparu lors du Festival. Le même festival où l’on s’est rencontré. Où vous m’avez sauvée. Je pense que c’est en partie pour ça que le Duc vous a autant en estime. Et que mes frères vous supportent assez bien. Surtout Derrick. 

— Et vous ? 

Penelope le regarda avec surprise. Il était plein de doute et de suspicion.

— Moi ? 

Il hocha la tête. 

— Je vous apprécie, Eckles. Déjà parce que vous m’avez sauvée sans même me connaître alors que ces gens vous pourchassaient vous. Mais une fois que vous êtes arrivé au Duché et que vous avez intégré les rangs des chevaliers… 

— Apprenti. 

— Peu m’importe votre rang, Eckles, le rabroua-t-elle doucement. Ce qui a de l’importance à mes yeux, c’est votre respect. Même envers une personne de la noblesse que vous détestez tant. Vous respectez l’étiquette, même envers moi, la chienne enragée des Eckhart. 

— Vous n’avez rien d’une chienne enragée. 

— Parce que je me suis assagie. Vous m’auriez rencontrée l’an dernier, vous n’auriez peut-être pas le même discours. 

Le visage de Penelope s’assombrit quelque peu. 

— Cela dit, j’étais insupportable parce qu’on me menait la vie dure partout, tout le temps et qu’on ne m’écoutait jamais quand j’avais besoin d’aide ou que l’on redresse un tort à mon égard. Même mon père… 

Eckles fronça les sourcils, curieux et intrigué. Penelope écarta ces pensées sombres qui, étrangement, devenaient peu à peu son ressenti plutôt que de la comédie et afficha une expression plus légère. 

— Enfin, c’est du passé. J’ai pris le taureau par les cornes et je me défends de façon bien plus adulte et mature. Et si un imbécile vient me frotter d’un peu trop près alors que j’ai un arc dans les mains, je l’épingle au mur du Duché ! plaisanta-t-elle pour dérider le survivant de Delman. 

Ce dernier sourit. C’était discret, plein d’amusement. Son regard était un peu plus pétillant. Son aura, plus légère. 

Penelope lui tendit le sachet où elle avait d’autres pâtisseries. 

— Mangez, l’invita-t-elle. Après tout, ici, nul besoin d’étiquette. Nous ne sommes que deux roturiers sous déguisement qui savourent des pâtisseries au bord du lac. 

Il retint un soupir et attrapa le sachet. Il en sortit un croissant encore tiède et le mangea lentement. Quelques secondes plus tard, il la rejoignait sur le banc. 

Le silence était paisible. Le bruissement des feuilles était comme une douce symphonie dans leurs oreilles, accompagnée par le doux clapotis de l’eau à quelques pas devant eux. Au loin, Penelope percevait quelques rires d’enfants qui jouaient dans le lac et le cri d’un adulte inquiet. 

Elle avait bien besoin d’un moment pareil. C’était propice à la réflexion. Mais aussi, d’une certaine façon, à la séduction. Mais elle n’était pas encore passée à ce mode là encore. Cela viendrait certes, mais elle cherchait surtout pour le moment à se faire apprécier de ses Love-Interest et non de se faire aimer. L’amour sans connaissance ne pouvait pas être bénéfique. Elle en avait déjà fait les frais dans le monde réel. Et si cela allait lui faire probablement mal à son petit coeur en quittant ces personnes qui n’existent pas et qu’elle apprenait peu à peu à aimer – Penelope pensait notamment à Emilie – elle se doutait que pour eux, tout était vrai et Penelope, à la fin, serait toujours là. 

Elle devrait peut-être d’ailleurs tenir un journal ou écrire une lettre pour elle. Ou peut-être les deux, afin qu’elle puisse reprendre les choses là où elle-même se serait arrêtée. 

Comme tout bon moment avait une fin, celle de ce repos hors du temps et des tracas arriva bien assez vite. Elle avait le pourcentage d’affinité d’Eckles à faire augmenter. 

Elle y jeta un œil. 

29 %. 

Elle ignorait quand il avait encore augmenté mais elle n’allait pas s’en plaindre. Toute progression était bonne à prendre. 

Penelope se tourna vers le dernier paquet qu’elle avait emmené. Il était petit, tenant dans la paume de sa main. Elle le posa sur les genoux d’Eckles. Il baissa les yeux, surpris. Il attrapa la boîte d’un geste vif quand elle menaça de tomber. 

— Qu’est-ce que c’est ? 

— Un gage de ma gratitude pour m’avoir sauvée, répondit-elle. 

— Inutile. 

— Rendre un présent à une dame est malpoli, Eckles, rétorqua-t-elle en souriant. Par ailleurs, il pourrait s’avérer utile. 

Il releva un sourcil alors qu’il ouvrait la boîte, une lueur de curiosité brillant dans son regard. Sur le coussin de soie blanche reposait un médaillon. Il avait comme particularité sa forme qui ressemblait en tout point à une épée. Noire et stylisée, elle avait été conseillée et presque laissée pour trois fois rien par le vendeur qui ne parvenait pas à s’en débarrasser. La raison : personne n’avait le mana nécessaire pour lui rendre sa véritable taille. 

Sauf que Penelope était sensible aux énergies. Eckles en dégageait énormément, peut-être même sans s’en rendre compte. Elle ne doutait pas un instant qu’il pouvait invoquer l’épée pour qu’elle gagne sa taille réelle. 

— Elle est magique, l’informa-t-elle alors qu’il la prenait par la chaîne. 

La petite épée noire tournait lentement dans le vide sous le regard du Delman. 

— Vous plaisantez ?

— Non. Je le ressens. Comme je ressens la puissance que vous dégagez. Je suis sûre que le Duc l’a remarqué lui aussi. Vous avez un don, Eckles. Il serait dommage de ne pas le tailler et le forger. 

— A l’escrime, grimaça-t-il. 

— Ce n’est pas parce que nous préférons l’arc que nous devrions négliger les autres armes. Et je pense que vous en êtes arrivé à la même conclusion sinon, vous ne seriez pas resté au Duché. 

Un silence se posa quelques secondes avant qu’elle ne reprenne avec un sourire. 

— Essayez-la pour voir. 

Eckles lui jeta un regard avant de prendre l’épée par la garde minuscule. Une lumière éclatante perça une micro-seconde et sous les yeux ébahis d’Eckles et appréciateurs de Penelope, une longue lame noire s’imposa. Elle devait être lourde. Pourtant, il arriva à la mouvoir sans le moindre souci. Elle l’observa bouger et la manipuler. Ronds et moulinets avant d’essayer quelques estocs. 

— Elle est parfaite, dit-elle avec un large sourire. 

Penelope était satisfaite d’avoir suivi les recommandations du vendeur et surtout de l’avoir eu pour dix fois moins le prix qu’elle aurait dû lui coûter. 

Eckles arrêta de s’agiter et glissa un doigt sur le plat de la lame qui ne reflétait même pas son reflet. 

— Maintenant, même si vous n’êtes encore qu’un apprenti, au moins vous aurez une épée à portée de main pour vous défendre, et aussi me défendre quand nous sortirons du Duché. 

— Nous ? 

— Eckles. Avec ce que vous avez entendu ce matin, vous savez que je ne suis pas respectée par les autres chevaliers. Certes j’ai fait passer ça pour de l’irrespect face à toute la famille Eckhart pour garder une certaine façade. Et oui, j’en informerai le Duc car c’est important. 

Elle souffla et agita ses pieds dans la terre pour y dessiner distraitement la croix des Quincy. 

— D’autant plus que si je ne le fais pas, on ne me prendra plus au sérieux quand je menace. Quand je dis quelque chose, je le fais. Je n’ai qu’une parole. Je ne suis certes pas à l’abri d’une erreur mais je tiens à respecter ma propre parole. 

— C’est… honorable. 

— Je le pense aussi. Il est important de pouvoir assumer ses paroles et ses actes. Au moins pour soi-même. Mais cela ne va pas m’aider auprès des chevaliers. 

Eckles fronça les sourcils. 

— Que voulez-vous dire, Lady Penelope ? 

— Une fois que mon père sera mis au courant, les chevaliers vont payer pour leurs médisances. Peut-être même très sévèrement. Cela va détériorer encore mes relations avec eux. Déjà qu’elles ne sont pas au beau fixe… 

Elle porta son regard sur l’horizon et observa les arbres de l’autre côté du lac sans les voir. 

— Si je sors dehors avec l’un d’eux en ma compagnie et qu’il arrive quelque chose… Je ne sais pas… une agression quelconque d’un citadin ou une attaque de plus large envergure, que sais-je… je n’ai absolument aucune certitude concernant les chevaliers, ils pourraient… m’abandonner à mon sort et juste prétendre être tristes et affligés devant le Duc une fois qu’il ne reste de moi qu’un cadavre sur un sol imbibé de sang. 

— Vous présentez de biens sinistres tableaux, commenta doucement Eckles. 

— Même hypothétiques, avec ce que vous avez entendu ce matin, osez dire que mes propos ne sont pas réalistes. Je suis… prudente en ce qui concerne ma vie. 

— Et c’est pour ça que vous remettez votre vie entre mes mains, moi, un apprenti ? 

Penelope se redressa et fit quelques pas pour réduire la distance entre eux. Elle croisa son regard gris. Il la surplombait d’une tête. Sa carrure aurait pu être menaçante. Pourtant elle se sentait à l’aise en sa présence, autant qu’avec Callisto. Il était vrai lui aussi. Prudent, certes, mais vrai. 

— Eckles, tu m’as sauvée sans me connaître. Tu m’as défendue encore aujourd’hui, risquant d’être mal vu de ton instructeur, pour moi mais aussi pour le devoir peut-être. Plus encore, tu es un survivant de Delman. Tu tires parfaitement à l’arc et comme nous avons pu le voir, parce que je le sens, tu as un don certain qu’il te reste à forger. A mes yeux, je suis plus en sécurité en ta présence qu’auprès des chevaliers ou même mes frères. Parce que tu sonnes vrai et sincère. 

La surprise se lisait sur le visage du Delman et au-dessus de sa tête, le pourcentage d’affection clignota. 

35 %.

Penelope avait fait tomber le mur. Il n’y avait plus d’étiquette. Du moins dans l’ordre du privé, elle n’en voulait pas. Elle voulait se faire un ami. Ou du moins essayer. C’était la première étape avant l’amour. D’autant plus qu’elle ne savait pas qui elle choisirait. 

Pourtant, elle ressentit une boule se former dans son ventre. Elle le voyait vrai et sincère et elle souhaitait l’être également. Au moins avec une personne. Une seule… Elle ne pouvait pas, pour ne pas paraître folle, elle devait garder le secret. Elle était fausse. 

Mais l’était-elle encore vraiment depuis tout ce temps ? Elle n’en était plus très certaine non plus. 

Eckles leva les yeux vers le ciel et avisa la hauteur du soleil. 

— Nous devrions rentrer, conseilla-t-il. Ou le Duc va commencer à s’inquiéter de ne pas vous voir vous présenter pour le souper. 

Elle hocha la tête, un sourire accroché sur ses lèvres. Elle lui prit la main et ils rebroussèrent le chemin vers la ville pour chercher une nouvelle carriole et retourner au Duché. 

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