Très Chère Penelope Eckhart,
J’ai apprécié avoir de vos nouvelles. J’ai cru pendant un instant que vous m’aviez oublié. Ravi d’apprendre que mon présent vous convient. J’ai hâte de pouvoir vous voir en action. Participez-vous au Tournoi de Chasse ? J’ai entendu dire que la famille Eckhart serait présente cette année.
Votre Blitzbogen ? Est-ce le nom de votre arc ? A-t-il des propriétés particulières qui le différencient d’un arc traditionnel ? J’ai grand hâte de le découvrir un jour également si vous me faites assez confiance pour une démonstration, privée ou publique à votre convenance.
Je n’aurais jamais songé à un tel concours pour prouver mes compétences. J’ai taillé mes armes à la guerre et dans l’adversité. Toute insinuation d’incompétence se réglait dans la chair et le sang. Un peu extrême pour une lady, j’en conviens. Mais vous n’êtes en rien comparable aux autres ladies qu’il m’ait été donné de rencontrer. Vous ne dépendez pas nécessairement des autres pour vous défendre et je vous admire pour cela. Le propre des femmes de la noblesse est d’être des éternelles princesses en détresse. Si cela a le propre de flatter l’ego des hommes, cela peut avoir tendance à être horripilant. Tout dépend du caractère de la demoiselle en question.
Vous n’êtes pas comme ces dames de la cour et pour cela, vous attisez ma curiosité comme jamais elle ne l’a été pour la gente féminine.
Votre frère Reynold semble être bien lunatique. Un jour il vous persécute, un autre il est de connivence. Est-ce toujours ainsi ? Au moins, je comprends peut-être un peu le comportement du Duc Héritier qui est certes idiot mais compréhensible.
Quant à votre concours, si j’en ai un jour l’opportunité, ce sera avec plaisir que j’y participerai pour avoir l’opportunité, peut-être, de gagner une faveur de votre part mais surtout pouvoir passer un moment en votre compagnie pour discuter et découvrir qui est réellement Penelope Eckhart.
Car, soyons clairs, vous n’êtes en rien comme les rumeurs qui circulent à votre sujet.
Dans l’espérance d’avoir bientôt de vos nouvelles,
Cordialement,
Callisto Regulus
Penelope terminait de lire la lettre du prince quand Emilie pénétra dans sa chambre. Elle ne lui prêta d’abord aucun intérêt jusqu’à ce qu’elle entende les gouttes tomber une à une sur le carrelage.
— Cela ne t’arrive pas souvent de pénétrer dans ma chambre toute détrempée comme aujourd’hui.
— C’est pour vous donner directement des nouvelles de la mission que vous m’avez donnée.
Penelope se redressa.
— Je t’écoute.
— J’ai fait le tour de toutes les guildes. Au vu de votre demande particulière, certaines avaient demandé un temps de réflexion et je viens de récupérer les dernières réponses. La plupart sont négatives. Certaines sont suspectes et je soupçonne peut-être une arnaque. Toutefois, il y en a une que j’ai trouvé assez bizarre.
— Laquelle ?
— La dernière que j’ai consultée. Elle ne comptait qu’un seul membre. Un homme qui n’a pas bougé de sa chaise et il portait un masque de lapin blanc. Cette guilde n’a pas encore donné de réponse d’ailleurs mais c’était vraiment étrange de faire face à cet homme.
Penelope retint un sourire. Sa servante avait au moins pris contact avec le marquis Verdandi. Elle tendit la main et récupéra les feuillets qu’Emilie sortait de sa besace sous sa cape.
— Merci pour ton travail. Et je te félicite pour ton professionnalisme, lui dit-elle.
Les yeux d’Emilie brillèrent sous l’éloge. Penelope jeta un regard par la fenêtre puis aux vêtements de sa servante.
— Ca n’a pas dû être facile sous la pluie, commenta-t-elle ensuite. Va te reposer.
— Bien. Je repasserai à l’heure du souper, Mademoiselle, répondit Emilie, tout sourire, avant de quitter sa chambre.
Elle nota du coin de l'œil une nouvelle notification système.
Amélioration de votre relation avec un membre du Duché !
Votre renommée a augmenté de dix points.
Total des points : 20
Tout cela pour avoir accordé un peu de repos à sa servante et l’avoir félicité pour son travail ? C’était un peu fort et facile. A moins que cela soit juste car il s’agissait d’Emilie et qu’une relation de confiance commençait à s’installer entre elles. Elle était, après tout, sa servante attitrée. Mais tout de même !
Penelope comprenait de moins en moins ce jeu.
Elle tapota la surface de son bureau avec l’ongle de son index, songeuse. La guilde à laquelle elle voulait avoir le plus affaire n’avait pas répondu. Le Love-Interest n’avait peut-être pas mordu à l’hameçon finalement. Pourtant elle pensait Verdandi être le mieux placé pour lui fournir ce dont elle avait besoin.
Elle prit la décision d’attendre encore un peu pour sa réponse avant de finalement confirmer avec une autre guilde.
☆*☆*☆*☆*☆*☆
Penelope ajusta sa capuche pour dissimuler son visage. Elle venait d’être téléportée par le système du jeu. Un nouvel épisode venait de commencer. “Winter Verdandi, le mystérieux magicien.”
Il avait fini par prendre contact avec elle. Au travers d’un lapin magique qui parle ! Certes mignon mais il parlait ! Elle en avait presque eu une crise cardiaque !
Elle fit quelques pas et frappa à la porte marquée du lapin blanc qui lui indiquait la voie à suivre. Etrangement, la porte s’ouvrit seule alors qu’il n’y avait personne à l’intérieur. Les bureaux étaient simples, les bibliothèques bien rangées. Il n’y avait en soi rien de notable qui pourrait indiquer la présence d’un magicien.
Penelope revérifia par acquis de conscience qu’elle avait bien dans sa poche le chèque en blanc que son père lui avait donné quelques jours plus tôt. Une façon de se rattraper pour la maltraitance dont elle avait été victime par les employés du Duché même si le coupable n’était pas encore identifié officiellement. Elle avait naturellement accepté même si elle trouvait énorme l’idée d’acheter l’amour de sa fille par de l’argent.
A ses yeux, le Duc devrait plutôt se montrer plus présent et attentif. Mais elle pouvait toujours rêver.
Elle attendit quelques instants dans le bureau désert. Il n’y avait personne. Elle ne ressentait personne. Était-elle venue trop tôt ? Pourtant elle n’avait fait qu’accepter sa quête… Le jeu lui montrait une autre de ses étrangetés. A moins que…
BOUM ! BOUM BOUM ! BOUM !
Une sorte de tremblement de terre coupa ses réflexions. Sur ses gardes, elle jeta un regard par la fenêtre. A l’extérieur, tout paraissait normal. Les passants eux-mêmes ne semblaient pas inquiets ou conscients des secousses dont elle venait de faire l’expérience.
Les sourcils froncés, Penelope examina le bureau avec plus d’attention. Elle sentit quelque chose. C’était subtil et diffus, comme une sorte de barrière protectrice. Elle s’en approcha. Elle vit soudain un scintillement qui prenait peu à peu la forme d’une porte. Un portail magique ou un passage secret, il était certain qu’il y avait quelque chose de l’autre côté.
Quête cachée débloquée !
“Percez le secret du magicien !”
Vous avez découvert la pièce secrète du magicien.
Voulez-vous y entrer ?
(Récompense : objet inconnu)
— Le secret du magicien, lut-elle tout haut. Hmmm…
Elle resta songeuse un moment devant la porte. Devait-elle y entrer ou non ? C’était clairement une opportunité offerte mais serait-elle positive ? A sa connaissance, Winter Verdandi était toujours avec un pourcentage très bas, plus que probablement inférieur à celui de Reynold. Elle n’avait pas eu l’opportunité de vraiment le voir mais comme elle avait déjà eu une interaction avec lui, même inconsciente, cela devait avoir eu un impact sur le pourcentage. Mais à quel point ? Quelle était sa marge de manœuvre ?
Sa première quête cachée lui avait permis de la libérer du script prédéfini. Qu’est-ce que ce serait ici ? Un objet, certainement. Mais de quel type ?
Après encore quelques instants d’hésitation et un nouveau tremblement de terre, Penelope accepta la quête.
La porte s’effaça sur une salle. En la traversant, elle avait l’impression d’être dans une immense basilique dont les fenêtres laissaient transparaître la lueur du jour. Mais ce n’était pas cela qui lui coupait le souffle.
Penelope regarda ses mains. Elles tremblaient. Elle ferma les yeux et passa la langue sur ses lèvres. Les lieux débordaient de magie, elle le sentait. L’énergie y était si présente, si vivace. Elle ne doutait pas un instant qu’ici, en ces lieux surchargés, elle pourrait déployer une puissance presque infinie si elle le souhaitait
Un nouveau tremblement de terre la fit rouvrir les yeux et poursuivre son chemin.
— Eh ! Idiot ! Je t’ai dit de frapper à cet endroit !
Ce n’était pas Winter Verdandi. Trop jeune, trop fluet. Une voix d’enfant. Cela surprit un peu Penelope. Son fils ? Non, peu probable. Il était un Love-Interest. Par conséquent, il ne pouvait être que célibataire.
— Ici ? demanda une autre voix tout aussi enfantine.
— Non, là !
Penelope atteignit le bout du large corridor. Elle se figea devant tant de beauté. Une bibliothèque dont elle percevait à peine le plafond. Et en plus des milliers d’ouvrages, il y avait de nombreux artefacts en tous genres, allant de pierres précieuses à des ossements de dragons en passant par des bâtons et sceptres magiques. Par bien des aspects, cet endroit ressemblait à un musée.
Cinq enfants armés de sceptre entouraient un coffret enfermé dans une sorte de glaçon. Ils le bombardaient de sortilèges. De jeunes mages. Penelope resta un instant immobile. Cela expliquait pourquoi ils étaient ici. Des protégés, voire des élèves du marquis.
Elle porta son attention sur le coffret. Un panneau de notification du système apparut.
Item rare découvert !
Ancien artéfact magique
Une relique utilisée autrefois par les sorciers. L'une des nombreuses découvertes de Winter dans le Nord.
Cet objet pourrait avoir un impact sur l’affection de Winter.
Voilà qui pouvait être intéressant, pensa Penelope. Sauf qu’il y avait potentiellement un problème.
— Encore une fois !
Elle fit un pas d’hirenkyaku et s’interposa entre l’objet enfermé dans la glace et les enfants sorciers.
— Vous tenez tant que cela à détruire cet objet ? s’enquit-elle d’une voix calme.
Elle avisa les masques des enfants. Tous des animaux. Un lion, un cochon, un écureuil, un chat et un ours. Ils allaient bien de pair avec le masque de lapin de Winter. Sans aucun doute ses disciples. Cela lui faisait un peu penser à son temps en tant que disciple de son grand-oncle pour l’apprentissage de la Voie du Quincy…
Que de nostalgie…
— Hein ! Qui es-tu, Vieille Femme ?!
Penelope serra les dents. Elle était encore bien loin d’être une vieille femme. Mais il était vrai qu’avec sa capuche qui dissimulait la majorité de son visage, cela n’aidait pas à la reconnaître. Elle refusa toutefois de changer cet état de fait. Dans une guilde, il était important de garder son anonymat. D’autant plus qu’elle était la fille du Duc. Et normalement, elle n’avait rien à faire ici.
— Il est interdit aux visiteurs de venir ici, dit l’un des enfants.
— Ils ne sont normalement même pas capables de venir ici, ajouta un autre. Comment avez-vous fait ?
— Est-ce que vous êtes un ami de notre Maître ? Ouch !
— Idiot ! Comment tu as pu laisser sortir une information aussi importante ?!
Penelope soupira.
— Du calme, les enfants, dit-elle avec un sourire avenant. Quand bien même je ne saurais pas que vous êtes ses disciples, vos masques sont suffisamment bien choisis pour indiquer que vous êtes affiliés à votre Maître.
— Oh…
— Par contre, je ne pense pas qu’il serait très content d’apprendre que vous êtes sur le point de détruire cet artefact.
Les enfants échangèrent un regard.
— Mais nous ne le détruisons pas, on le sort de la glace.
— Avec autant de violence que vous faites trembler la terre jusque dans la boutique ? Peu de chance qu’il en sorte indemne de son cocon gelé.
Elle fit un pas.
— Votre Maître ne vous a-t-il pas fourni des outils pour le dégager ?
Ils restèrent silencieux quelques instants avant de lui présenter une pique et un marteau.
— Pourquoi ne les utilisez-vous pas ?
— La glace est trop dure et on n’arrive pas à la fissurer avec. Et quand on y arrive, elle se reforme presque directement.
— Si le Maître était là, il utiliserait juste un sortilège et en aurait déjà fini ! termina un autre avec assurance.
Penelope soupira. Le grand classique. Des enfants cherchant la voie de la facilité en copiant des adultes sans réellement comprendre les impacts de leurs actes.
— Je vois. Laissez-moi vous aider dans ce cas, fit-elle en récupérant les outils.
Elle frappa, enfonçant la pique dans la glace avec force. La résistance était incroyable. Elle réussit pourtant à la faire craqueler. Elle sentit immédiatement l’énergie qui cherchait à la réparer.
Elle releva un sourcil alors qu’elle s’écartait pour observer le phénomène. C’était relativement rapide.
— Vous voyez.
— Je le constate oui. Mais un tel obstacle ne signifie pas que l’on doit le faire avec autant de brutalité comme avec le sortilège que vous lanciez tout à l’heure.
Elle réfléchit quelques instants.
— J’ai une idée. Armez-vous de vos piques et marteaux et frappez comme j’ai fait. Faites attention à ne pas frapper dans l’artefact. Cela pourrait l’abîmer.
— Est-ce qu'invoquer de l’eau chaude pourrait aider ? s’enquit l’enfant à tête de lion.
Penelope sourit.
— Bien sûr. Cela ralentira la glace à se reformer.
— Et vous, qu’allez-vous faire ?
Elle sourit et fit sortir sa croix de Quincy. Un instant plus tard, elle fit apparaître le petit arc qu’elle invoquait étant enfant. Petit, il était à peine plus grand que sa paume.
— Mon arc est tout aussi pratique qu’une pique à glace.
— Wouah…
— Mais ce n’est pas dangereux.
— Seulement si je tire sur quelqu’un. Là, je vais tirer dans les fissures que vous allez faire pour les approfondir et permettre à plus d’eau chaude de pénétrer. Prêt ?
— Oui ! s’exclamèrent les enfants avec un large sourire.
Ainsi, ils mirent leurs efforts de concert pour fissurer la glace et libérer l’artefact de son écrin gelé. Penelope tira de petites flèches avec précision pour arrêter toute résorption des craquelures et récupéra les plus gros morceaux bien trop lourds pour les bras d’enfants.
Ils étaient arrivés à mi-chemin quand une énergie attira quelque peu son attention. Bien plus puissantes que celles des jeunes sorciers, elle ne douta pas un instant qu’il s’agissait de Winter Verdandi.
— Qui êtes-vous ?
Le ton était tel qu’elle ne put réprimer un frisson de lui parcourir l’échine. Elle se retourna lentement, faisant disparaître son arc pour paraître désarmée et pacifiste.
— Aucune personne normale ne devrait être capable de reconnaître et encore moins d'entrer dans cet endroit enchanté.
La première chose qu’elle avisa, ce fut son pourcentage d’affinité.
9 %.
— Etes-vous, vous aussi, une magicienne ? continua Winter.
Elle le regarda quelques secondes sans rien dire. Elle n’avait aucune idée de comment l’aborder.
8 %.
Ses yeux s’écarquillèrent. Perdait-elle vraiment… des pourcents aussi vite ?!
6 %.
Elle déglutit.
4 %.
D’une inspiration rapide, elle prépara son Blut, prête à encaisser.
3 %.
Elle fit apparaître son Blitzbogen.
— Vous osez sortir une arme en ces lieux.
— Vous semblez être de plus en plus antipathique à chaque pas que vous faites. Je m’assure une voie pour survivre. Mais que je sache, je n’ai pas encore encoché la moindre flèche. A vous de décider si vous souhaitez en avoir une pointée dans votre direction.
Il jeta un regard aux enfants. Son énergie transpira d’inquiétude au point qu’elle en avait la saveur dans sa bouche.
— Pour qui me prenez-vous ? Je n’oserai jamais m’en prendre à des enfants ! Quand bien même ils s’en prendraient à moi, je ne ferai rien de plus que les neutraliser. Mais est-ce vraiment nécessaire ?
Winter s’arrêta. Tout comme son pourcentage.
— Il serait bon que vous expliquiez tout de suite comment vous êtes entré ici.
— On l’a fait venir ! s’écria le plus âgé des enfants.
Penelope lui jeta un regard surpris. D’autant plus qu’il souriait.
— Stop, coupa-t-elle.
Elle posa une main sur son épaule.
— Le mensonge n’est pas la solution, petit, ajouta-t-elle avec douceur. Si certains sont indispensables pour survivre, ici ce n’est pas nécessaire.
— Mais…
— Je te remercie mais je n’ai pas besoin qu’un enfant prenne ma défense alors qu’il me suffit d’être sincère.
Elle fit face au magicien.
— Je suis venue à votre guilde sous invitation. Et comme il y avait un tremblement de terre, je me demandais ce qu’il se passait. Quant au reste, eh bien… je suis sensible aux énergies, de là trouver une entrée cachée, cela ne m’est pas très compliqué.
Le magicien pinça les lèvres.
— Rassurez-vous. Je ne dirai rien. J’ai conscience de l’importance du secret dans ce monde où la magie est prohibée.
Elle montra son arc.
— Mais je pense que vous pouvez comprendre que je suis dans la même situation que vous. Je l’invoque à volonté un peu comme une arme magique.
— Grâce à son arc, elle nous a aidé à dégager l'artefact de la glace, Maître ! Regardez ! Nous avons presque fini !
Les yeux du magicien se posèrent sur l’artefact. Sa baguette se baissa.
— Il semble que vous avez été d’une grande aide. Veuillez m'excuser. Il est vrai que cet endroit n'est pas ouvert à tous. Je crains d'avoir agi précipitamment. Je vous présente mes excuses.
L’aura qu’il dégageait n’était plus meurtrière. Juste… méfiante. Penelope sourit et fit disparaître son arc.
— Il n’y a pas eu mort d’homme. Il aurait été regrettable que je doive priver ces enfants de leurs protecteurs pour assurer ma propre survie.
— Vous pensez-vous si puissante que cela ?
Elle fit un pas d’hirenkyaku et se déplaça sur cinquante mètres, puis encore un autre. Puis, elle arriva juste derrière le magicien pour être dos à dos.
— Je pense être capable de vous surprendre. Et pour ce qui est de mon arc, je ne rate jamais ma cible.
Il tourna la tête dans sa direction. Son profil masqué ne dissimulait pas la surprise de son regard. Il s’éclaircit la gorge.
— Alors… je vous en prie, venez par là. Ce n'est pas ici que se déroulent les consultations pour les clients de la guilde.
Penelope fit un signe de la main aux enfants avant de suivre le magicien vers le bureau de la guilde. Quand ils y parvinrent, elle nota qu’il refermait avec encore plus de précaution et de bouclier de dissimulation.
— Cherchez peut-être à créer un bouclier qui ne diffuse pas autant d’énergie à l’avenir, sourit-elle. Pour ceux qui peuvent sentir le monde autour d’eux, cette porte brille aussi clairement qu’un phare dans l’obscurité.
Il la regarda quelques instants avant d’aviser sa porte.
— Que suggérez-vous ?
— C’est vous le magicien. Moi, je ne suis qu’une Quincy.
— Une Quincy ?
— C’est le mot qui définit ce que je suis, sourit-elle. Comme magicien définit ce que vous êtes.
Il hocha la tête.
— Je vous remercie d’avoir aidé les enfants. Mais il est désormais trop tard pour que j’accepte de nouvelles requêtes. Je vous demanderai de revenir un autre jour.
Elle releva un sourcil.
— Mais c’est vous qui m’avez invitée. Vous m’avez envoyé un message avec votre lapin blanc.
Elle soupira.
— Mais soit. Je verrai pour tenter de me libérer. Je trouve cela dommage alors que je n’étais là que pour récupérer quelques objets particulièrement… particuliers.
Penelope fit demi-tour et s’apprêtait à sortir.
— Attendez. Veuillez m’excusez. Notre clientèle, après avoir reçu une notification, nous appelle généralement un ou deux jours plus tard. Je ne m'attendais pas à ce que vous arriviez si rapidement. C'est une erreur de ma part.
Elle se retourna et avisa le pourcentage d’affinité qui commençait à clignoter.
6 %.
Très peu mais au moins, il augmentait.
— J'ai manqué de respect en vous faisant attendre alors que vous aviez si gentiment aidé les enfants. Je ne peux pas laisser partir leur sauveur de cette façon.
— Leur sauveur, vous exagérez…
— S'il vous plaît, accordez-moi la possibilité de regagner votre confiance, Milady.
— Confiance ?
Elle lui offrit un sourire.
— Il n’y a pas lieu de croire que vous ayez perdu ou même gagné ma confiance, nous ne nous connaissons pas et nous avons chacun quelque chose à protéger. Vous avez agi en conséquence pour le bien-être de vos protégés. Si vous n’aviez pas été un brin antipathique, même si cela m’a rendue anxieuse, je vous aurais mal jugé, justement pour le bien-être de ces enfants. Dans ce monde où la magie est proscrite ou presque, ils ont besoin d’un protecteur bienveillant. Vous semblez en être un.
Le pourcentage clignota une fois encore.
8 %.
Elle était presque au point de départ avec lui. Parfait.
— Avez-vous ce que je vous ai demandé ?
— J’ignore à quoi ils vous serviront puisque vous n’avez pas de magie mais oui, j’ai votre commande.
Il fit voler entre eux un coffret qui se posa sur la table. Penelope s’approcha pour l’ouvrir. Sur le velour, cinq barre de métal sculpté l'attendaient.
— Est-ce à votre convenance, Milady ?
— Je vais devoir paraître plus… agressive.
Il hocha la tête.
— Considérez-moi comme averti.
Penelope s’en saisit d’une et la brandit. Elle rassembla le reishi environnant pour le consolider et former la lame, aussi vibrante qu’une tronçonneuse. Elle sourit.
— Une épée ? demanda Winter, surpris.
— C’est un Seel Schneider, rétorqua-t-elle calmement. Cela peut s’apparenter à une épée mais ce n’en est pas une.
— Alors qu’est-ce que c’est ?
Penelope sortit sa croix Quincy. L’instant suivant, elle bandait son arc, son doigt dans la boucle de la barre.
— Une flèche, dit-elle sans décocher. Et elle est parfaite. C’est du travail de qualité. Combien est-ce que je vous dois ?
— Pour avoir aidé mes protégés, et potentiellement les protéger dans l’adversité même s’il y en avait aucune, rien du tout.
— Oh… hmmm… Vous êtes sûr ? C’est quand même beaucoup de travail et de la matière première qui a été raffinée et forgée.
— J’en suis sûr. Et j’aimerais aussi vous offrir autre chose pour avoir aidé et si vaillamment protégé mes enfants. De quoi avez-vous besoin ?
Elle releva un sourcil. Winter était un homme généreux, elle n’en doutait pas. Elle réfléchit quelques instants.
— Je n’ai besoin de rien, dit-elle. Offrez plutôt cela à vos petits protégés, ajouta-t-elle avec un sourire. Les enfants doivent toujours venir avant les adultes.
Elle rangea son Seel Schneider dans le coffret et le referma. Elle sentit le magicien se déplacer et se rapprocher dans son espace vital. En temps normal, elle aurait réagi. Plus que probablement comme Callisto mais elle resta immobile, dans l’attente.
Penelope tourna son visage pour découvrir celui du magicien à quelques centimètres du sien.
— Je n’aime pas laisser une dette impayée.
— Vous n’en avez…
— Vous savez, Milady, je suis un sorcier. Je peux faire pour vous ce que le commun des mortels ne peut pas faire.
Elle retint son sourire de devenir amer. Ce qu’elle voulait, il ne pouvait pas lui offrir ainsi. Le 100 % et la liberté ne venait pas d’un claquement de doigts. Ce serait trop facile, à la limite de la triche.
Elle secoua la tête, faisant attention à ce que son visage reste dissimulé sous sa capuche.
— Si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à me contacter.
Quête cachée terminée !
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Vous avez obtenu le secret du sorcier dans son espace caché.
(Récompense acquise : Aide du sorcier x1)
— Je tâcherai de m’en souvenir, sourit-elle en reculant doucement.
Elle nota alors que le pourcentage avait à nouveau changé sans qu’elle ne le remarque.
13 %.
Sans doute le fait qu’elle montre autant d’importance aux enfants. Tout comme lui.
— Mais je doute avoir un jour besoin de l’aide d’un sorcier en particulier. Le commun des mortels s’habitue à être incapable et cherche des alternatives. J’ai mes méthodes comme vous avez pu le constater.
— D’autant plus étonnant de la part d’une demoiselle.
— Quand le monde vous oblige à montrer les crocs, que l’on soit homme ou femme, on ne cherche pas, on le fait. Sinon ce serait baisser les bras et le laisser nous tuer. Je préfère me voir comme une battante contre l’adversité plutôt que de tendre le cou à la lame du destin.
— Soyez prudente, dans ce cas. Le destin peut être particulièrement cruel.
— Vous aussi.
Penelope sortit alors avec son paquet.
Une fois à l’extérieur du quartier de la guilde, elle soupira. Cela aurait pu être pire. Quelle chance qu’elle avait ses valeurs et son honneur de Quincy. Elle parcourut quelques mètres dans la rue avant de constater la présence de quelques gardes. Si leurs visages lui étaient inconnus, ce n’était pas le cas de la rose présente sur leurs armures. Le symbole de la famille Eckhart. Ils contrôlaient les passants en demandant leurs papiers d’identité.
Elle déglutit, sa vigilance à nouveau à son maximum. Et encore plus quand elle discerna la silhouette de Derrick à un embranchement. Elle allait avoir de gros ennuis…
Il tourna vers elle son regard. Il se figea, prêt à attraper son épée. Avec sa cape qui dissimulait son visage, elle devait paraître antipathique. Elle baissa encore plus sa capuche pour s’assurer qu’il ne la reconnaisse pas. Ce cas de figure n’arrangerait pas du tout ses affaires. Elle se retrouverait à nouveau consignée dans sa chambre et il en était hors de question.
Il fallait qu’elle s’en aille. Vite.
Derrick fit un pas en avant. Penelope ne lui laissa pas le temps d’en faire un deuxième qu’elle disparut d’un pas d’hirenkyaku. Elle réapparut sur un toit deux rues plus loin.
— Ouf ! Ce n’était pas passé loin.
Elle jeta un regard au coffret entre ses mains. Elle sourit.
— Il ne me reste plus qu’à terminer de fabriquer mes gintos et je serai à nouveau capable d’affronter tout et n’importe quoi !
Elle repartit dans un autre pas en direction du Duché. Elle y rentra dix minutes plus tard sans que personne n’ait remarqué son absence. Pas même Emilie.