— J'ai une idée ! s'exclame Raph en tendant la main vers moi. Donne-moi la liste !
Interloquée, je lui tends le papier, sans comprendre où il veut en venir. Le voyant attraper un stylo dans sa poche, je commence à deviner son intention.
11. Prendre une photo avec le Père Noël !!
Le sourire jusqu'aux oreilles, il me fixe avec insistance, visiblement en quête de mon approbation. Je le regarde, mi-amusée, mi-surprise, incapable de réprimer un sourire. Prendre une photo avec le Père Noël ? À nos âges ? C'est exactement le genre de chose qu'on aurait fait sans réfléchir à seize ans. Et visiblement, l'enthousiasme de Raph est resté intact.
— Tu es sérieux ? dis-je en riant, mes yeux rivés sur le numéro onze fraîchement inscrit.
— Complètement, répond-il, son regard malicieux étincelant. Allez, ne sois pas rabat-joie, c'est l'esprit de Noël, non ?
Je finis par céder, emportée par son énergie contagieuse. Après tout, un peu de folie et de magie de Noël ne pourraient pas faire de mal.
— Bon, d'accord, dis-je en croisant les bras, mais si on fait ça, tu joues le jeu à fond !
Sans me quitter des yeux, il attrape ma main et m'entraîne à travers le marché. Les chalets scintillent sous les guirlandes lumineuses, et l'air est imprégné d'un mélange envoûtant de cannelle, de pain d'épices et de vin chaud. Au détour d'une allée, nous repérons la fameuse cabane du Père Noël, nichée sous une arche lumineuse en forme d'étoiles.
Un grand Père Noël à la barbe impeccable et au sourire chaleureux accueille les enfants alignés en file indienne. Nous avançons jusqu'à lui, et avant même que j'aie le temps de protester, Raph m'entraîne dans l'espace photo.
— Père Noël, on vient pour notre photo annuelle ! lance-t-il avec un sourire complice. On peut ?
Le Père Noël éclate de rire, visiblement amusé de voir deux adultes dans la file.
— Bien sûr, jeunes gens ! Venez immortaliser votre esprit de Noël !
Raph m'attire doucement à lui, et sans réfléchir, je me blottis contre lui, son bras glissant autour de ma taille. Un flash illumine la scène, et quelques secondes plus tard, le photographe nous tend le cliché.
Je récupère la photo rapidement envahie par la curiosité, mais en la regardant, mon cœur se serre. Ce n'est pas juste une image de Noël : c'est une capture d'un moment rare, un concentré de légèreté, d'insouciance, et de ce lien indéfinissable qui nous unit encore. Je glisse la photo dans mon portefeuille, la rangeant comme un trésor précieux.
Une larme échappe malgré moi et roule sur ma joue. Heureusement, Raph ne semble pas l'avoir remarquée. Il est déjà en quête de la prochaine étape de notre aventure dans le monde des lutins. Sur un coup de tête, je lui attrape la main et la serre dans la mienne cherchant le réconfort dont j'ai besoin à cet instant.
Il s'arrête, surpris, mais ne la retire pas. Au contraire, il resserre doucement sa prise, un sourire attendri éclairant son visage.
— Toujours aussi sensible, hein ? murmure-t-il, son regard bienveillant posé sur moi.
J'acquiesce, incapable de prononcer un mot. Les émotions tourbillonnent en moi : nostalgie, gratitude, et cette étrange sensation de retrouver une part de moi-même oubliée. Raphaël me regarde avec cette compréhension silencieuse qui n'a jamais failli. Pendant un instant, tout semble suspendu : les rires des enfants, les lumières chatoyantes, l'odeur enveloppante des épices... Tout se fond en un cocon lumineux et intemporel.
— Un café pour se réchauffer, ça te dit ? propose-t-il enfin, sa voix douce me ramenant à la réalité.
Je lui souris, le cœur plus léger, et hoche la tête.
— Oui, ça me dit.
Il m'entraîne de nouveau à travers le marché, sa main toujours dans la mienne. On se dirige vers un petit chalet en bois d'où s'échappent des volutes de vapeur parfumées. Une pancarte annonce fièrement : "Chocolat chaud maison et café de Noël."
— Un café au lait avec beaucoup de chantilly et un chocolat chaud avec du caramel, commande Raph avec son sourire charmeur. Et une gaufre au sucre.
— Raph ! protesté-je, mi-sérieuse, mi-amusée. La gaufre, ce n'était pas prévu !
— Oh, arrête, c'est pour partager. Considère ça comme... le numéro douze !
Je ris doucement et le laisse faire. Quelques minutes plus tard, on s'installe sur un banc près d'un brasero. Les flammes dansent doucement, projetant des ombres vacillantes sur nos visages.
— Tiens, goûte, dit-il en tendant son gobelet fumant. C'est peut-être un peu sucré pour toi, mais ça colle à l'ambiance.
Je prends une petite gorgée, savourant le mélange réconfortant et plein de douceur. Il avait raison : c'est un peu trop sucré, mais étonnamment, ça ne me dérange pas.
— Alors, qu'est-ce qui t'a poussé à faire cette liste avec moi ? demandé-je en brisant le silence.
Il repose son gobelet et me fixe, sérieux pour une fois.
— Je crois que j'avais besoin d'un prétexte, avoue-t-il. Un prétexte pour... te retrouver.
Sa confession me laisse sans voix. Je baisse les yeux, cherchant mes mots, mais il poursuit, comme s'il avait besoin de vider son sac.
— Tu sais, on s'est éloignés, toi et moi. La vie, les choix, tout ça. Mais chaque année à Noël, je me surprends à penser à toi. À ce qu'on était capables de faire ensemble. Aux moments où tout semblait possible.
Il marque une pause, et je sens mon cœur se serrer.
— Je ne dis pas ça pour te mettre mal à l'aise, ajoute-t-il rapidement. Juste... ce marché, ces listes, c'est un peu ma façon de me rappeler qu'on n'a pas vraiment tout perdu.
Je le regarde, émue. Les mots me manquent. Alors, je me contente de poser ma main sur la sienne. Un geste simple, mais chargé de tout ce que je n'arrive pas à dire. Je pensais être la seule à ressentir quelque chose.
— Raph... murmuré-je finalement. Tu sais, je crois que moi aussi j'avais besoin de ça.
Son visage s'illumine d'un sourire sincère, et pour un instant, l'univers semble se recentrer autour de nous. Le temps ralentit, et le bruit du marché devient un murmure lointain.
— Alors, on continue ? me demande-t-il doucement, le regard pétillant. La liste n'est pas encore terminée.
Je ris, mais me rappelle de Jasmine. Il ne peut pas dire de telles chose alors qu'il partage sa vie avec une autre femme.
— Je ne sais pas, il est peut-être temps de rentrer...
— Pourquoi ? Tu ne t'amuses pas, tu n'es pas bien là avec moi ? m'interroge-t-il.
J'ai l'impression de vivre des montagnes russes avec mes émotions. Les larmes au bord des yeux, je le ramène à son tour à la réalité.
— Je ne peux pas faire ça à Jasmine, je ne peux pas être aussi proche d'un homme presque marié.
Les yeux dans le vide, perdue, je commence à me lever pour retourner à la voiture. Au dernier moment sa main attrape mon poignet et je me retrouve de nouveau assise là où je me trouvais quelques secondes plus tôt.
— Il est possible que j'ai involontairement omis de te donner une petite précision.
Les yeux dans les yeux, il me sourit comme à son habitude, mais cette fois il y a quelque chose de différent.
— Quand je suis rentré hier soir, nous avons décidé d'avoir une vraie discussion avec Jasmine. Nous n'en avions pas eu depuis tellement longtemps que c'était plus que nécessaire. Nous avons discuté longuement et finalement nous avons pris la décision de nous séparer. Ça n'allait plus entre nous et ton retour ici nous a ouvert les yeux à tous les deux. Il est évident que la flamme entre toi et moi, Léa, ne s'est jamais éteinte et Jasmine l'a compris.
Je panique totalement, être la source de leur problème n'était pas dans mes plans. Je ne voulais pas les séparer.
— Ce ... ce n'était pas ce que je voulais dire quand je vous ai dit de discuter, je voulais que vous arrangiez les choses pas l'inverse. Je ne veux pas être le problème.
Comprenant surement ma peine, Raph se penche sur la table et attrape mes mains dans les siennes.
— Tu ne comprends donc pas. Léa tu n'es pas le problème tu es la solution. Ton retour nous a juste éclairé. Il n'y avait plus d'amour entre elle et moi, juste de l'habitude. Nous nous sommes séparés d'un commun accord.
Il ne me laisse pas le temps de lui répondre.
— Et donc je suis libre de faire ce que je veux, nous ne faisons rien de mal, déclare mon ex petit copain en m'embrassant la main. Bon aller on y va ? Sinon on aura le temps de rien faire finalement.
— D'accord, mais cette fois, c'est moi qui choisis l'activité.
— Tout ce que tu veux, répond-il avec un clin d'œil. Après tout, c'est Noël.
Main dans la main, nous nous levons, passant d'abord par la voiture pour déposer nos premiers achats.
Après avoir rangé nos achats dans le coffre de la voiture, nous retournons sur la place illuminée. L'air est vif, mais la magie de Noël rend tout plus supportable. Les chalets, les guirlandes scintillantes, les rires des enfants : tout semble s'entremêler dans une symphonie réconfortante.
— Alors, qu'est-ce que tu as en tête ? demande Raph en me regardant avec curiosité.
Je prends un moment pour réfléchir, scrutant les stands qui s'étendent autour de nous. Mon regard s'arrête sur un petit restaurant très cosy.
— Et si on allait manger une raclette ?
— Très bonne idée, en plus je crois que dans ce restaurant ce sont les appareils traditionnels, tu sais ceux où tu mets directement la moitié ou le quart de la meule.
J'acquiesce sachant exactement de quoi il parle car c'est celui-ci que mes parents utilisent à l'auberge. Nous nous installons face à face et de tout le repas, je ne réussis pas une seule fois à le quitter des yeux. Je l'observe et tout ce que je vois c'est le garçon que j'ai quitté il y a dix ans mais en encore mieux. Il est plus beau, plus posé et plus mature. Nous sommes adultes maintenant. La discutons tourne autour de sujets légers et d'anecdotes rigolotes mais pas nous n'abordons pas le sujet Jasmine ni même ce qu'il y a entre nous et ça me va bien.
J'attrape la liste dans ma poche et la pose sur la table alors que nous finissons nos assiettes.
2. Passer une après-midi à la patinoire.
4. Regarder un film de Noël au chaud sous une couverture avec un chocolat chaud.
5. Offrir un cadeau à quelqu'un sans raison.
6. Décorer le sapin en écoutant des chansons de Noël.
8. Se promener dans les rues illuminées le soir, sans but.
9. Se réveiller tôt pour voir le lever du soleil après une nuit de neige.
— Que fait-on maintenant cher co-pilote.
Raphaël rigole a l'attribution que je lui ai donné.
— Qui te dit que ce n'est pas moi le pilote, madame.
— C'est moi qui ai organisé la journée, je rétorque en lui tirant la langue.
— Tu n'as pas totalement tort.
Son regard semble chercher quelque chose autour de nous, ses yeux s'arrêtent sur quelque chose et je suis son regard. La patinoire. On va rigoler.
— La patinoire ça te dis ? demande-t-il avec un sourire espiègle.
Les lumières se reflètent sur la glace, et les patineurs, maladroits ou élégants, virevoltent au rythme d'une douce musique de Noël.
— La patinoire ? je répète, faussement inquiète. Tu te souviens de ce qui s'est passé la dernière fois qu'on a tenté ça ?
Je ris en me rappelant l'image de Raph, il y a des années, s'étalant de tout son long après avoir essayé de prendre de la vitesse pour m'impressionner.
— Justement, c'est l'occasion de prendre ta revanche, rétorque-t-il en me tirant par le bras.
Après avoir payé chacun notre part de raclette, nous nous dirigeons vers la cabane pour louer des patins, et en quelques minutes, nous sommes prêts. La glace est fraîche et glissante sous nos pieds, et je m'accroche à la rambarde pour m'habituer aux patins.
— Tu te débrouilles toujours aussi bien, plaisante Raph en passant devant moi avec une assurance feinte.
— Attends un peu que je trouve mon équilibre, riposté-je en riant.
Quelques tours plus tard, je me sens suffisamment confiante pour lâcher la barrière et me lancer. Raph patine à reculons face à moi, un sourire moqueur mais encourageant aux lèvres.
— Tu vois ? Tu n'as rien perdu, lance-t-il en tendant la main pour m'aider.
— Toi en revanche tu t'es entrainé !
Je saisis sa main, mais il en profite pour accélérer, m'entraînant dans un tourbillon. Surprise, je manque de perdre l'équilibre et m'accroche à lui en riant aux éclats.
— Raph ! Tu veux ma mort ou quoi ?
— Jamais de la vie, répond-il en ralentissant et en m'aidant à retrouver mes appuis. Mais regarde, tu t'en sors mieux que la plupart des gens ici.
Je relève les yeux, et nos regards se croisent. Une chaleur familière s'installe, plus intense que le froid environnant. Ce moment suspendu, au milieu de la patinoire, semble hors du temps.
— Merci, dis-je finalement, ma voix plus douce.
— Pour quoi ?
— Pour tout ça. Pour aujourd'hui. Pour... être là.
Il ne répond pas immédiatement, mais son regard en dit long. Et comme pour briser l'intensité du moment, il finit par esquisser un sourire taquin.
Je tente de me défaire de lui pour ne pas perdre totalement pied. Si je reste dans ses bras je risque de faire une connerie. Je fais un pas, puis un autre quand tout à coup une femme me rentre dedans et nous fait toutes les deux tomber par terre. Plus de peur que de mal, nous rions toute les deux aux éclats.
Raph qui avait l'air inquiet au début, rigole avec nous et s'approche pour m'aider à me relever. Désolée, la jeune femme s'excuse et s'éloigne de nous. Ne pouvant pas cacher notre hilarité, nous éclatons de rire, et je sens une légèreté que je n'avais pas ressentie depuis des années.
Quand nous quittons finalement la patinoire, nos visages rougis par l'effort et le froid, Raph insiste pour nous offrir un vin chaud à emporter.