Léa
Quand j'ouvre les yeux, je suis aveuglé par la lumière de la pièce. Avant même que je réussisse à dire quoi que ce soit, tous mes souvenirs me reviennent en flashback. Mon enlèvement, les coups de couteux, l'envie de vengeance de ceux que je pensais être mes amis. Et surtout la douleur. Cette même douleur qui me rappelle à l'ordre quand je tente en vain de me redresser.
Petit à petit les contours se dessinent à travers mes yeux. Une petite chambre tout en blanc meublé seulement d'un lit d'un fauteuil et d'une petite table. C'est hideux. Mon côté designer voudrait tout redécorer, mais le médecin qui entre dans la pièce me fait comprendre que je suis à l'hôpital. Il m'explique tout ce qui s'est passé depuis mon arrivée, du fait de j'ai failli mourir géniale, mais que je ne devrais pas avoir de séquelles.
— Évidemment tu te réveilles au moment où je pars chercher du café !
RAPHAËL. Pile la personne que je voulais voir. Le voyant s'approcher tout doucement je tire sa main pour le ramener à côté du lit et me blottis contre lui.
— Tu es exactement ce dont j'avais besoin, Raphaël Prater.
Son odeur est plus efficace que tous les anti-douleurs qui circulent dans mon sang.
— J'ai cru mourir, je lui avoue les larmes aux yeux.
— C'est fini maintenant, me console t-il en me caressant doucement les cheveux. Ils ne peuvent plus te faire de mal.
Un silence réconfortant s'impose, je me sens si bien dans ses bras. Je voudrais ne jamais les quitter.
— J'ai tout de même une question, qu'est ce que ton téléphone faisait devant chez moi ?
— J'ai voulu te rejoindre, j'avais un pressentiment. Ces messages me terrorisaient.
— Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant de ces messages ?
— Je ne voulais pas t'inquiéter pour rien, je ne pensais pas que ça irait aussi loin.
Je sens qu'il ne dit rien pour ne pas me brusquer mais qu'il est contrarié par ce manque de communication de ma part. Trop fatiguée pour y réfléchir je me rendors dans la chaleur de son corps collé au miens. En sécurité.
Quand je me réveille à nouveau quelques minutes (ou peut-être bien heures) plus tard, mes parents sont aussi présents aux côtés de Raphaël.
— Papa, Maman, vous êtes venus ! Je suis heureuse de vous voir !
— Nous aussi ma chérie. Nous sommes venu dès que tu as été retrouvé mais tu dormais quand nous avons enfin pu venir te voir. Je suis contente que tu sois réveillé, nous nous sommes fait du souci pour toi.
— Je suis désolée j'aurais dû vous parler des messages mais j'étais sûre de moi, je pensais que c'était un concurrent en colère. C'est pour ça que j'en ai parlé à Camille d'ailleurs.
Le silence s'installe, je sens qu'ils ne m'ont pas tout dit. D'ailleur il me semble que je n'ai pas posé LA question. J'y ai pensé dès le début mais je crois que je ne voulais pas connaître la réponse.
— Je ... heu ... Est ce qu'ils les ont attrapé ?
Le sourire en coin de Raphaël en dit long.
— Oui ils ont arrêté ces petits cons, c'est d'ailleur mon seul réconfort.
Je soupire de soulagement. Jusqu'à ce que j'entende la suite.
— Cependant je dois aller témoigner au commissariat avant qu'ils soient présentés au juge, et ça va être dur. Je veux dire de les croiser sans les tuer.
Le silence qui suit ses mots est lourd, presque suffocant. Je scrute le visage de Raphaël, cherchant une fissure dans sa façade de détermination, mais tout ce que je vois, c'est une rage contenue. Ses poings sont serrés, ses mâchoires crispées.
— Raphaël... murmuré-je, ma voix tremblante.
Il détourne le regard, comme s'il craignait que je voie l'orage dans ses yeux.
— Ils méritent pire que ce que la justice leur réserve, lâche-t-il enfin, sa voix froide et tranchante.
Un frisson me parcourt. Ce n'est pas seulement de la colère que je perçois en lui, mais une douleur profonde, viscérale.
— Ne fais pas de bêtises, je finis par dire, même si mes mots sonnent creux.
Il me regarde, et dans son regard, je devine un combat intérieur.
— T'inquiète pas, Léa. Je ne ferai rien qui puisse aggraver la situation... mais je dois les voir. Leur faire face. Ils doivent savoir que tu n'étais pas seule, que quelqu'un s'est battu pour toi.
Je hoche la tête, incapable de répondre. Une partie de moi comprend sa position, mais une autre redoute ce qu'il pourrait faire s'il perdait le contrôle.
Il reprend, plus doucement :
— Tu n'as pas à t'inquiéter pour ça. Toi, concentre-toi sur ta guérison. C'est tout ce qui compte maintenant.
Le silence s'installe à nouveau, mais cette fois, il est plus apaisant. Raphaël reste à mes côtés, fidèle, veillant sur moi comme il l'a fait depuis le début, même si je ne l'ai pas toujours vu.
Finalement, je brise le silence :
— Quand... quand tu iras là-bas, dis-leur une chose.
Il lève un sourcil, attendant que je poursuive.
— Dis-leur que je suis encore debout. Que peu importe ce qu'ils ont essayé de faire, je suis encore là. Que je vais bien !
Un léger sourire éclaire le visage de Raphaël, mais c'est un sourire empreint de gravité.
— Je leur dirai, promet-il.
Et dans ce moment, malgré la douleur, malgré la peur, je me sens plus forte. Parce que je sais que je ne suis pas seule. Parce que je sais qu'ils ont échoué.
Nous discutons un moment tous les quatres et j'en profite pour donner des instructions à mes parents pour l'avancée de l'auberge. Nous pouvons déjà commencer les petits travaux.
— En parlant de ça, j'ai une bonne nouvelle, affirme Raphaël tout souriant. J'ai vu mon père hier, tout a été validé nous pouvons commencer les travaux à partir de demain.
— Mais comment c'est possible ! J'ai déjà eu des chantiers en région parisienne, il faut des semaines avant d'avoir les accords.
C'est mon père qui prend la parole.
— Nous sommes dans une toute petite ville ma chérie, tout va beaucoup plus rapidement.
— Et puis je connais bien le Maire, complète mon petit ami avec un clin d'œil
Mes parents n'ont rien dit, mais je sens bien qu'ils ont compris la nature de ma relation avec Raphaël. Leur silence est bienveillant, presque complice, et je leur en suis reconnaissante. À ce stade, je n'ai ni l'énergie ni le courage d'expliquer quoi que ce soit.
Je suis tellement heureuse, les travaux auront finalement commencé quand je rentrerai après mon petit séjour à l'hôpital. Je ne pensais pas que nous pourrions commencer avant que je ne reparte à Paris et encore moins avant Noël. Après ces derniers jours, cette nouvelle me rebooste totalement.
Mais ce sentiment d'excitation est teinté d'inquiétude. Mes blessures sont sérieuses, et le médecin n'a pas encore donné son feu vert pour ma sortie. Noël approche à grands pas, et je refuse de le passer dans ce lit d'hôpital, aussi blanc et froid qu'il soit.
Raphaël entre dans la chambre à cet instant, portant un café fumant dans une main et un croissant dans l'autre après être parti quelques minutes.
— Je me suis dit que tu avais peut-être envie de quelque chose d'un peu plus... appétissant que ce qu'ils servent ici, dit-il avec un sourire.
Je ris doucement, touchée par son attention.
— Merci. Tu lis dans mes pensées, dis-je en tendant la main pour attraper le croissant.
Il s'assoit à mes côtés, m'observant avec un mélange de tendresse et d'inquiétude.
— Tu es sûre que ça va ? demande-t-il, hésitant.
Je hoche la tête. Mes parents sont partis acheter les produits sur la liste que je leur ai faite pour l'auberge, ils vont commencer les installations cette après-midi. Nous ne sommes plus que tous les deux. Raphaël et moi.
— Oui, vraiment. Je commence à voir le bout du tunnel, Raphaël. Je dois juste sortir d'ici avant Noël.
Il fronce légèrement les sourcils, comme s'il évaluait ma détermination.
— On va tout faire pour ça. Et si tu dois rester plus longtemps, je resterai ici avec toi. Noël peut se fêter n'importe où, tu sais.
Ses mots me réchauffent le cœur, mais je refuse de l'envisager.
— Non, Raphaël. Je veux être chez moi, avec ma famille, et toi, et commencer cette nouvelle année différemment. En plus nous avons prévu une grande fête.
Un silence s'installe. Raphaël pose sa main sur la mienne, et je sens sa chaleur, son soutien infaillible.
— Alors on y sera, dit-il simplement.
Un bruit de pas précède l'entrée du médecin. Il feuillette mon dossier, l'air concentré, avant de lever les yeux vers moi.
— Eh bien, mademoiselle Morel, j'ai de bonnes nouvelles. Si vos constantes restent stables dans les prochaines 48 heures, vous pourrez sortir d'ici juste avant Noël.
Je sens un poids énorme se lever de mes épaules.
— Merci, docteur, murmuré-je, la voix tremblante d'émotion.
Raphaël me serre doucement la main, un sourire éclatant sur le visage.
— Tu vois ? On va y arriver, dit-il.
Et pour la première fois depuis longtemps, je me sens pleinement en paix. Noël, ce sera chez moi. Et ce sera le début d'un nouveau chapitre, avec Raphaël à mes côtés.
Je pousse un soupir de soulagement jusqu'à ce que mes neurones se connectent. SI nous commençons les travaux, nous ne pourrons pas faire noël dans l'auberge.
Je me relève rapidement. Un peu trop rapidement pour mon corps qui me rappelle à l'ordre.
— Raph !
Me lançant un regard interrogatif, il attend la suite.
— Si on commence les travaux, nous ne pourrons pas faire noël dans l'auberge.
— Effectivement, mon coeur, on va trouver une solution arrête de t'inquiéter.
Mon coeur ? Mon cœur de petite fille fond complètement devant ce surnom.
— Si tu veux je peux y aller demain et leur demander de commencer par les travaux extérieurs, ça nous laissera le temps d'organiser Noël.
Il s'assoit sur mon lit et je ne peux m'empêcher de me blottir contre son torse.
— Tu es ma personne préférée, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi depuis que je suis revenue ici. Merci d'être ma bouée de sauvetage.
Pour toute réponse il m'embrasse sur le front. C'est comme ça que mes yeux se ferment et que je me rendors sereine et comblée.