Avec nos gobelets fumants entre les mains, nous déambulons lentement dans les allées qui se vident peu à peu. L'effervescence de la journée cède la place à une sérénité presque magique. Les lumières des guirlandes se reflètent dans les pavés mouillés, et une douce musique de Noël continue de flotter dans l'air, comme pour accompagner nos pas.
— C'est drôle, dit-il d'une voix pleine de nostalgie. Je n'avais pas réalisé à quel point ces moments-là me manquaient.
Je ne réponds pas tout de suite, me concentrant sur le liquide chaud qui réchauffe mes mains gelées. Le poids de ses mots me touche, mais il me déstabilise aussi.
— Moi non plus, murmuré-je finalement.
Il se tourne vers moi, et je sens son regard percer mes pensées.
— Léa... Je sais que tout ça est soudain. Que ce n'est peut-être pas ce à quoi tu t'attendais en revenant ici. Mais je ne peux pas faire semblant. Pas avec toi.
Je lève les yeux, hésitante.
— Je ne sais pas, Raph... Tout ça me dépasse un peu.
Il s'arrête et me fait face, posant doucement sa main sur mon bras.
— Je ne veux pas te brusquer. Mais je veux que tu saches que je suis là. Pas juste pour aujourd'hui ou parce que c'est Noël. Je suis là pour toi, pour tout ce qu'on pourrait encore vivre ensemble.
Je sens mon cœur se serrer, tiraillé entre l'envie de me laisser porter par ses mots et la peur de tout ce que cela pourrait impliquer.
— Ferme les yeux, m'ordonne-t-il.
Je le sens passer derrière moi et soulever mes cheveux.
— Raph, qu'est-ce que tu fais ? demandé-je, troublée par son geste inattendu.
— Fais-moi confiance, murmure-t-il doucement.
Obéissant malgré le tourbillon d'émotions qui m'envahit. Je sens ses mains effleurer ma nuque tandis qu'il ajuste quelque chose. Une sensation froide et légère glisse sur ma peau.
— Tu peux ouvrir les yeux, maintenant.
J'ouvre lentement les paupières et baisse le regard. Un collier délicat, orné d'un petit pendentif en forme d'étoile scintillante, repose sur ma poitrine. Je suis à la fois stupéfaite et émue.
— Raph... je... murmuré-je, incapable de trouver mes mots.
— Voici le point numéro cinq de notre liste, « Offrir un cadeau à quelqu'un sans raison » et si ce quelqu'un ne doit pas être nous...
Sans finir sa phrase, il attrape ma main et m'entraine avec lui, il récupère un pain au chocolat dans son sac et l'offre à un enfant qui pleurait à un stande de doudou.
— Ce cadeau sera pour cet enfant.
Mes yeux se remplissent de larmes que je ne parviens pas à retenir. Je me retourne lentement pour lui faire face et lui saute dans les bras. Je me blottis contre son torse et son odeur m'enivre.
— Je l'ai acheté tout à l'heure pendant que tu attendais le vin chaud, quad je t'ai dit que j'allais aux toilettes. J'avais repéré ce collier ce matin quand nous sommes passé devant la boutique. Il m'a tout de suite fait penser a toi. Une étoile qui brille.
— Merci Raph, ça représente beaucoup pour moi.
S'il savait ce qu'il me fait ressentir.
— Je crois que je ne l'enlèverais jamais.
Je suis contente qu'il ne voit pas mes yeux, parce que quelques larmes en débordent. Pour faire diversion j'attrape rapidement notre liste dans ma poche et la déplie pour voire ou nous en sommes.
4. Regarder un film de Noël au chaud sous une couverture avec un chocolat chaud.
6. Décorer le sapin en écoutant des chansons de Noël.
8. Se promener dans les rues illuminées le soir, sans but.
9. Se réveiller tôt pour voir le lever du soleil après une nuit de neige.
— Je crois bien que nous arrivons au bout de ce que nous pouvons faire ici, je lui explique voyant une grande partie des cases de la liste coché. Les seuls points qu'il reste sont à faire à l'intérieur.
— Regarde le point numéro huit. Je crois qu'il est temps de faire une petite balade au bord du lac. Les rues qui le longent sont magnifique.
Il n'a pas tort j'avais zappé ce point. Nous nous mettons en marche et je ne peux m'empêcher de porter une main à mon cou pour toucher le collier. Quelle est sa réelle signification ? Je voudrais pouvoir lire dans les pensées de Raph pour savoir.
Je tourne la tête vers lui qui marche juste à côté de moi. Nos épaules se frôle et c'est le seul contact que nous avons mais le sentir si près de moi me réchauffe le cœur. Je profite qu'il regarde le lac pour l'observer. Ses traits sont détendus, il parait plus serein que ces derniers jours. Sa relation avec Jasmine lui pesait-elle ? Et nous où en sommes-nous ?
Je donnerais tout pour pouvoir m'infiltrer dans son cerveau et savoir ce qui s'y passe. Mes frissons me ramènent à la réalité, il commence à faire vraiment froid.
— Tu as froid ? Tu veux qu'on rentre ?
J'acquiesce avec un sourire. Fidèle à sa nature attentionnée, Raphaël passe un bras derrière mon dos, m'attirant doucement contre lui pour tenter de me réchauffer. Ses mains frottent les miennes avec tendresse, et, blottie contre lui, je ressens un profond sentiment d'appartenance.
En arrivant à la maison, je jette un coup d'œil à l'horloge accrochée au mur. Dix-huit heure trente. Il va falloir que je me dépêche si je veux que tout soit prêt pour demain.
Je pose mon sac près de la porte et retire mon manteau, laissant l'air chaleureux de l'auberge m'envelopper. Raphaël me suit de près, secouant la neige qui s'est accumulée sur ses épaules.
— Bon, on s'y met ? demande-t-il, déjà prêt à se retrousser les manches.
Je souris, amusée par son énergie inépuisable.
— Tu es sûr que tu veux m'aider ? Avec tout ce que tu as déjà fait pour nous tu peux rentrer te reposer si tu veux ...
— Léa, on parle de décorer l'auberge pour Noël. C'est interdit de procrastiner sur ce genre de mission.
Je ris doucement, touchée par son enthousiasme contagieux.
— Très bien, mais on va devoir être efficaces.
Nous nous mettons rapidement au travail, attrapant les sacs de course dans le coffre pour les éparpiller dans l'auberge. Par chance il n'y a qu'un seul couple présent ce soir, nous n'allons pas déranger grand monde.
Nous commençons par installer le grand sapin au centre de la salle commune. Tandis que Raphaël s'occupe des guirlandes lumineuses, je décore les branches avec des boules et des rubans rouges et or. L'ambiance se remplit d'un mélange de concentration et de rires, surtout lorsqu'une guirlande rebelle refuse de rester en place.
— Arrête de bouger, Raph, râlé-je en essayant d'accrocher une étoile sur le sommet du sapin.
— C'est toi qui bouges, rétorque-t-il, un sourire au coin des lèvres.
Nous continuons à travailler en musique, Raphaël ayant allumé une playlist de chansons de Noël qui accompagne parfaitement l'atmosphère. La pièce prend peu à peu vie sous les lumières scintillantes et les décorations festives.
— Je crois que nous pouvons maintenant cocher le sixième point, madame Morel.
— Très juste, Monsieur Prater.
Quand la salle est presque terminée, je me recule pour admirer le résultat.
— Pas mal, dit Raph en passant un bras autour de mes épaules. On forme une bonne équipe, non ?
Je me tourne vers lui, touchée par la fierté dans sa voix.
— Oui, on forme une très bonne équipe.
Un silence confortable s'installe entre nous alors que nous contemplons notre travail. Le sapin brille au centre de la pièce, et les guirlandes illuminent les poutres du plafond d'une lueur douce et chaleureuse.
— Il reste les chambres à vérifier, rappelle Raph, rompant le silence. On devrait mettre une petite touche de Noël là aussi, non ?
Je hoche la tête.
— Excellente idée.
Nous montons ensemble à l'étage avec quelques décorations restantes, ajoutant des petits détails dans chaque chambre : une branche de houx ici, une étoile scintillante là. Nous prenons soin de ne rien oublier, même si la fatigue commence à se faire sentir.
Quand enfin tout est prêt, il est presque minuit. Raphaël s'étire avec un soupir satisfait.
— Mission accomplie.
Je souris, les yeux encore émerveillés par l'auberge transformée.
— Merci, Raph. Sans toi, je n'y serais jamais arrivée.
Il me regarde avec douceur, et son sourire s'élargit.
— Tu te débrouilles très bien toute seule, Léa. Mais je suis content d'avoir pu t'aider.
— Je ne vais jamais réussir à dormir, que dirais-tu de s'occuper du point numéro quatre ?
— Avec plaisir !
— Va t'installer dans le canapé à la maison je vais préparer les chocolats chauds.
En arrivant dans la cuisine, je mets le lait à chauffer et règle le minuteur. Profitant du temps d'attente, je saisis mon téléphone pour vérifier les notifications. Un nouveau message s'affiche. Intriguée, je touche l'écran pour l'ouvrir.
À la lecture des mots, un frisson glacé parcourt mon échine. Trois mots seulement, mais leur violence me coupe le souffle :
« Espèce de salope. »
Le message provient d'un numéro inconnu. Mon cœur s'emballe aussitôt, et ma respiration se bloque. Je reste figée, les doigts tremblants, incapable de détourner les yeux de l'écran.
Une vague de panique monte en moi. Qui pourrait m'envoyer un tel message ? Pourquoi cette haine ? Mes pensées s'embrouillent, chaque possibilité me plongeant un peu plus dans l'angoisse. Mon souffle devient court, irrégulier, et je sens les prémices d'une crise de panique m'envahir.
Je m'appuie sur le plan de travail pour ne pas vaciller, mais le poids de ces mots me cloue sur place. Qui peut bien me détester à ce point ?
Le minuteur sonne, je contrôle ma respiration et reviens sur terre. Je récupère les deux tasses, rajoute le chocolat dedans et me dirige vers le canaper. J'y trouve Raph qui a déjà allumé la télé et déplié la couverture. Je pose les deux tasses sur la table et m'assois à ses côtés.
— Tu as un film précis en tête ?
— Non vas-y je te laisse choisir, je lui laisse le choix.
Je n'ai pas la tête à choisir un film, cependant j'ai vite réfléchi et j'ai décidé de ne rien lui dire. De toute façon c'est surement quelqu'un de Paris, ça ne le concerne pas.
— Jasmine ne va pas s'inquiéter que tu ne rentres pas ?
— Nous n'habitons pas ensemble et nous ne sommes plus en couple, donc non il n'y a aucun problème.
Après tout ce temps, ils n'habitent pas ensemble. C'est assez bizarre, on dirait que leur relation n'était pas vraiment sérieuse.
Je me blottis dans le fond du canapé et Raph lance le film après avoir cherché durant dix bonnes minutes. Nous sommes encore une fois tellement proche que je sens son odeur ? C'est réconfortant. Je me sens en sécurité près de lui.
Alors que le film commence, je tente de me concentrer sur l'écran, mais les mots du message tournent en boucle dans ma tête. Espèce de salope. Chaque fois qu'ils résonnent dans mon esprit, je sens une pointe de douleur au creux de mon estomac.
Raph, de son côté, semble détendu. Il s'appuie contre le canapé, une main posée négligemment sur l'accoudoir, tandis que l'autre tient sa tasse de chocolat chaud. J'envie cette légèreté qu'il semble avoir retrouvée, mais je n'arrive pas à m'y abandonner complètement.
À un moment, il tourne la tête vers moi, remarquant sans doute mon silence inhabituel.
— Ça va ? me demande-t-il doucement, son regard empli de bienveillance.
Je sursaute presque à sa question. J'hésite une fraction de seconde, cherchant mes mots.
— Oui, oui, ça va... juste un peu fatiguée, je suppose, dis-je avec un sourire forcé.
Il fronce légèrement les sourcils, comme s'il pressentait que ce n'était pas toute la vérité, mais il n'insiste pas.
— Si tu veux qu'on arrête le film et qu'on fasse autre chose, dis-le, hein.
— Non, ça va, vraiment. C'est parfait comme ça, je te promets.
Pour renforcer mes propos, je m'appuie légèrement contre lui, posant ma tête sur son épaule. C'est un geste naturel, qui ne nécessite aucune explication. Il ne bouge pas, mais je sens son corps se détendre, comme s'il acceptait pleinement ce moment.
Le film continue, mais mon esprit vagabonde. Je me demande qui aurait pu m'envoyer un message aussi cruel. Un ancien collègue ? Une connaissance oubliée ? Ou pire... quelqu'un qui m'en veut réellement pour une raison obscure ?
Je sers un peu plus fort la tasse entre mes mains, le chocolat chaud maintenant tiède. Sentant mon trouble, Raph bouge légèrement, son bras venant doucement entourer mes épaules.
— Hé, ça va aller, murmure-t-il, sans savoir à quel point ces mots me touchent.
Je ferme les yeux un instant, profitant de la chaleur de son étreinte. Je veux croire qu'il a raison, que tout va s'arranger, mais au fond de moi, une petite voix reste inquiète.