Je repose ma tête sur son épaule, savourant encore la chaleur de ce moment. Mais une petite voix pratique me rappelle soudain la réalité. Instinctivement, je jette un coup d'œil à ma montre, et mon cœur rate un battement.
— Raph ! m'exclamé-je, la panique perçant dans ma voix. Il est presque huit heures ! Si on traîne encore, on va être en retard pour accueillir les investisseurs !
Il cligne des yeux, visiblement pris de court, avant de se redresser d'un bond.
— Tu plaisantes ? grogne-t-il, cherchant à la hâte les clés de voiture dans sa poche.
Je secoue la tête, déjà debout et en train de secouer la neige de mon manteau.
— Non, pas du tout. On doit partir maintenant si tu veux avoir le temps de passer chez toi.
Sans perdre une seconde, nous nous dirigeons rapidement vers la voiture, glissant un peu sur la neige fraîche mais éclatant de rire malgré nous. Il démarre aussitôt, et je sens l'urgence dans sa manière de conduire, tout en restant prudent sur la route gelée. Vivant ici, il est habitué à rouler sur les routes gelées et enneigées.
— On dirait bien que tu vas découvrir mon chez moi Madame Léa.
Je me réjouis silencieusement, c'est une part du Raph adulte que je vais rencontrer. J'ai hâte de voir ou il habite. De découvrir comment il a décoré son antre personnel.
— On dirait bien que tu vas découvrir mon chez-moi, Madame Léa, dit-il en lançant un coup d'œil rapide vers moi, un sourire malicieux illuminant son visage.
Je le regarde, intriguée et amusée. Une part de moi se réjouit à l'idée de découvrir un nouvel aspect de sa vie.
— J'espère que c'est rangé, dis-je sur un ton taquin, croisant les bras pour le provoquer un peu.
— C'est toujours rangé, réplique-t-il avec un air faussement vexé. Enfin... sauf peut-être mon bureau. Mais je te prierai de ne pas juger.
Nous éclatons de rire, la tension de notre retard s'atténuant légèrement. Les paysages enneigés défilent autour de nous alors que le soleil monte doucement dans le ciel, illuminant la route verglacée. Malgré notre précipitation, l'idée de découvrir son espace personnel me remplit d'une curieuse excitation. C'est une fenêtre ouverte sur le Raph adulte, sur ses goûts et ses habitudes, sur ce qu'il a construit pour lui-même.
Nous entrons dans le centre-ville de Charvex et je suis surprise de le voire se garer devant le coffee shop que j'adore.
— Tu habites près d'ici ?
— Très près, oui, dit-il en désignant un immeuble juste en face du coffee shop. Dernier étage, avec vue sur la place.
— Oh le rêve, avoue tu as emménagé ici en pensant à moi avoue, je lui dis en plaisantant.
— Oui, répond-t-il très sérieusement en plantant ses yeux dans les miens. Je te l'ai dit, je ne t'ai jamais oublié même s'il y avait Jasmine.
Je ne sais pas quoi répondre à ça. Si j'avais des doutes quant à ses sentiments envers Jasmine maintenant j'en suis sûr, il ne l'a jamais réellement aimé.
Il pousse la porte et me tient galamment la porte, un geste simple mais charmant.
— Dernier étage, précise-t-il en appuyant sur le bouton de l'ascenseur. Promis, la vue vaut la montée.
L'ascenseur s'ouvre sur un couloir joliment entretenu. Raph sort ses clés et ouvre la porte de son appartement, me laissant entrer en premier. Je retiens un souffle de surprise.
L'espace est lumineux et moderne, tout en étant chaleureux. Un grand salon s'ouvre sur une terrasse avec des baies vitrées qui laissent entrer une lumière dorée. Une cheminée moderne trône sur un mur, entourée de photos et de petites plantes vertes. Un canapé moelleux est recouvert de coussins, et une table basse en bois clair est ornée d'un plateau rempli de bougies et d'un livre ouvert.
— C'est magnifique, Raph, murmuré-je, sincèrement impressionnée.
Il referme la porte derrière nous, déposant les cafés et la boîte de viennoiseries sur le plan de travail de la cuisine ouverte.
— Merci. J'ai voulu créer un endroit qui soit apaisant, où je peux vraiment me sentir chez moi. Mais viens voir ça, dit-il en me faisant signe de le suivre.
Il ouvre une porte qui mène à la terrasse. En sortant, je découvre une vue imprenable sur la place enneigée. Le soleil, à présent bien levé, éclaire les toits blanchis et les arbres givrés. C'est comme une scène de conte de fées.
— Alors, ça vaut le détour ? demande-t-il en glissant son café entre ses mains pour se réchauffer.
Je hoche la tête, émerveillée.
— Plus que ça. C'est magnifique.
Il me regarde, et pour un instant, je sens ce moment suspendu, comme si le froid mordant autour de nous n'existait plus. Mes mains dans ses cheveux, je profite de ce moment pour l'embrasser. La douceur de ses lèvres m'avait tellement manqué.
— Madame Morel, si vous continuer de m'embrasser comme ça je ne répondrais plus de rien et nous avons rendez-vous dans une demi-heure à l'auberge.
A contre cœur, je m'écarte de lui le temps qu'il aille prendre sa douche. Une sonnerie m'annonce l'arrivée d'un nouveau message sur mon téléphone, je l'ouvre sans même regarder de qui il provient. Grave erreur, ce message me fait bien vite redescendre de mon petit nuage. « Tôt ou tard je me vengerais, tu ne m'échapperas pas ».
Deux messages, ça ne peut pas être une erreur de destinataire. Quelqu'un en a vraiment après moi, mais qui cela peut bien être ?
Ces mots résonnent dans ma tête comme un écho sinistre, me ramenant brutalement à la réalité.
Je jette un coup d'œil rapide vers la salle de bain d'où j'entends l'eau de la douche couler. Raph ne peut pas savoir. Pas maintenant. Pas après ce moment que nous venons de partager.
Je prends une grande inspiration, essayant de calmer les tremblements qui envahissent mon corps. Mes pensées s'embrouillent tandis que j'essaie de comprendre. Qui pourrait m'en vouloir à ce point ? Est-ce lié à Paris ? À mon passé ? Ou est-ce plus récent ? Une dispute oubliée, une rancune que je n'aurais pas perçue ?
Ma main glisse instinctivement vers mon manteau posé sur le canapé. J'en sors mon carnet de notes et un stylo, une habitude que je prends toujours en cas de stress. J'écris les mots du message, les relisant encore et encore, espérant y trouver une clé, un indice. Mais rien.
Quand la douche s'arrête, je ferme rapidement le carnet et le glisse dans mon sac. Je n'ai pas envie que Raph voie mes inquiétudes. Il est si heureux ce matin, et je refuse de gâcher cette atmosphère lumineuse.
Il sort de la salle de bain, une serviette enroulée autour de sa taille et une autre dans ses mains, séchant ses cheveux humides. Un sourire étire ses lèvres en me voyant.
— Bon, je suis prêt ! Est-ce que tu veux y aller tout de suite ou tu veux encore admirer la vue quelques minutes ? dit-il, l'air taquin.
Je me force à sourire, masquant mon trouble. Je dois quand même avouer que le voir si peux habillé ne me laisse pas indifférente. Je garde cependant mon sérieux.
— Non, allons-y. On a déjà assez de retard comme ça.
Je me lève et prends mon manteau, tandis qu'il retourne dans la chambre pour finir de s'habiller. J'essaie de secouer cette sensation de malaise, mais c'est comme si une ombre pesait sur moi. Une partie de moi veut tout lui raconter, chercher du réconfort auprès de lui, mais une autre refuse de l'impliquer dans quelque chose que je ne comprends même pas moi-même.
Quelques minutes plus tard, nous sortons de son appartement, et la fraîcheur extérieure me frappe comme une bouffée d'air glacé. Mais même l'air pur n'arrive pas à dissiper l'angoisse qui me noue l'estomac.
Dans la voiture, alors que nous prenons la direction de l'auberge, je fixe la route, tentant de chasser mes pensées. Raph lance un regard dans ma direction.
— Ça va ? Tu as l'air ailleurs, remarque-t-il doucement.
Je tourne la tête vers lui, surprise par sa question.
— Oui, ça va, menti-je avec un sourire rassurant. Juste... un peu nerveuse à propos des investisseurs.
Il acquiesce, acceptant ma réponse sans insister.
— Ne t'inquiète pas. On a travaillé dur, et tout va bien se passer. Je suis là, rappelle-t-il en me lançant un sourire confiant.
Je hoche la tête, m'accrochant à ses mots comme à une bouée dans une mer agitée. Pour l'instant, c'est tout ce que je peux faire : prétendre que tout va bien, garder mon secret et prier pour que cette menace qui plane sur moi disparaisse aussi vite qu'elle est apparue.