Raphaël
Mathieu. Jasmine. Ils sont devenus fous.
J'ai passé en revue les autres caméras, et mes soupçons se confirment : Jasmine et Mathieu sont de mèche. Ils veulent du mal à Léa. Comment ont-ils pu en arriver là ? Mon esprit s'emballe, tentant de deviner où ils l'ont emmenée.
Chez elle ? Peu probable... mais je dois en être sûr. Je décide de commencer par là.
Sur la route, je compose le numéro de la police. Je fais un signalement complet, donnant tous les détails que j'ai pu rassembler. J'ai promis aux parents de Léa que je ferais tout pour la retrouver, et les autorités auront sûrement de meilleurs moyens que nous.
Je gare la voiture dans l'allée, puis toque à la porte. C'est sa mère qui m'ouvre la porte.
— Raphaël ! Je suis ravie de te voir, viens entre, tu veux un café ?
— Je vous remercie madame, non je voudrais juste voir Jasmine si elle est là, c'est assez urgent.
— Enfaite nous ne savons pas où elle est, elle n'est pas rentrée à la maison depuis deux jours, nous pensions que vous vous étiez réconcilier et qu'elle était chez toi mais visiblement ce n'est pas le cas, me répond la mère de mon ex l'air inquiète.
Je lui explique rapidement la situation et lui fait promettre de me contacter si elle a le moindre indice qui pourrait nous aider à retrouver Léa. Elle me manque tellement. Si jamais il lui arrivait quelque chose je ne me le pardonnerais jamais.
Je quitte la maison de Jasmine, la boule au ventre. Sa mère semblait sincèrement inquiète, mais ça ne m'apporte aucune réponse. Deux jours. Deux jours qu'elle est introuvable. Le nœud dans mon estomac se resserre. Le temps qu'elle prépare son coup ça pourrait correspondre à la disparition de Léa.
Je remonte dans ma voiture, démarrant en trombe. Les mots de sa mère résonnent dans ma tête. « Nous pensions qu'elle était avec toi. » Non, elle n'est pas avec moi. Elle est là-dehors, quelque part, avec Léa, et je n'arrive pas à comprendre comment elle a pu en arriver là.
Je prends une grande inspiration, cherchant à calmer mes nerfs. Pas de temps pour les émotions. Je dois réfléchir, agir.
Prochaine étape : Mathieu.
Je roule jusqu'à chez lui, espérant qu'il soit moins difficile à trouver. Le temps presse, chaque seconde compte. Je gare la voiture devant son immeuble et frappe à sa porte, déterminé. Personne ne répond. Je frappe plus fort, une colère froide montant en moi.
— Mathieu, ouvre ! criai-je, la voix rauque.
Toujours rien. Un voisin passe dans le couloir et me lance un regard méfiant.
— Excusez-moi, vous savez si Mathieu est là ?
Le vieil homme hausse les épaules.
— Je ne l'ai pas vu depuis hier.
Je me retiens de jurer à haute voix et retourne à ma voiture, mon esprit bouillonnant. Ils se cachent. Ils savent que je suis sur leurs traces.
Alors que je m'apprête à démarrer, mon téléphone vibre sur le tableau de bord. Un numéro inconnu. Je décroche précipitamment.
— Raphaël ? C'est l'inspecteur Leroy.
Mon cœur bat plus vite.
— Nous avons une piste. Une voiture correspondant à la description de celle de Mathieu a été repérée sur une caméra de surveillance à l'entrée d'un chemin forestier, non loin d'un chalet abandonné. L'endroit est isolé. Nous y envoyons une patrouille immédiatement. Vous ne bougez pas, compris ?
Je hoche la tête, mais je sais que je ne vais pas écouter cet ordre.
— Oui, bien sûr, dis-je machinalement, avant de raccrocher.
Un chalet dans la forêt. Mon esprit s'accroche à cette information comme une bouée. Je tape rapidement l'adresse du secteur sur mon GPS et démarre à toute allure.
Le trajet est un flou d'adrénaline et de pensées tourbillonnantes. Léa. Je dois la sauver. Je ne peux pas arriver trop tard.
Lorsque j'atteins le chemin forestier, l'endroit est plongé dans un silence presque surnaturel. Je coupe le moteur, descend de la voiture et m'avance prudemment, mon cœur tambourinant dans ma poitrine.
Au loin, j'aperçois le chalet. Une lumière vacille à travers une fenêtre. Ils sont là. Je le sens.
Je m'accroupis derrière un arbre, observant les environs. Aucune voiture. Ont-ils caché la leur ailleurs ? Peu importe. Tout ce qui compte, c'est Léa.
Mon téléphone vibre à nouveau. La police. Ils doivent être en route. Je devrais attendre, mais chaque fibre de mon être me hurle d'agir. Si je n'entre pas maintenant, il pourrait être trop tard.
Je serre les poings, prenant une profonde inspiration. Courage. Je dois y aller. Pour Léa.
J'attrape l'opinel que j'avais glissé dans ma poche plus tôt dans la journée et m'approche du chalet à pas de loup. Je pousse la porte qui n'est pas verrouillé et entre.
Il n'y a personne.
L'intérieur du chalet est sombre, éclairé seulement par une faible lumière vacillante provenant d'une lampe à huile posée sur une table bancale. L'air est lourd, imprégné d'une odeur de renfermé et de bois humide. Chaque pas que je fais sur le plancher grinçant me donne l'impression de trahir ma présence.
Je scrute la pièce, mes yeux s'habituant peu à peu à la pénombre. Un vieux canapé déchiré, une table encombrée de papiers, une cuisine rudimentaire. Pas de signe de Léa. Pas de signe de Mathieu ou Jasmine. Mais quelque chose cloche.
Sur la table, parmi les papiers éparpillés, je distingue une photo. Mon cœur se serre. C'est Léa, souriante, probablement prise lors de son dernier voyage. Elle a l'air si paisible. Quelque chose en moi bascule. Ils l'ont ici, ou ils l'ont eu ici.
Je m'avance, attrapant la photo pour la glisser dans ma poche. Puis, je remarque un carnet noir à moitié dissimulé sous une pile de journaux. Je le feuillette rapidement. Des notes. Des phrases griffonnées, désordonnées :
"Elle doit payer."
"Elle ne m'a jamais respectée."
"Elle mérite de souffrir."
Mon souffle se coupe. Ces mots dégagent une haine viscérale, presque obsessionnelle.
Soudain, un bruit me parvient. Un craquement. Je tends l'oreille, immobilisé par la peur. Deux policiers entrent derrière moi et un me chuchote :
— Vous auriez dû nous attendre.
— Je ne pouvais pas désoler.
Quatre autres policiers, suivis de l'inspecteur Leroy, entrent à leur tour dans le chalet. Ils se dispersent méthodiquement, inspectant chaque pièce, leurs lampes de poche balayant les murs et les recoins. L'ambiance est pesante, comme si les lieux eux-mêmes portaient la trace des actes monstrueux qui s'y sont déroulés.
— Par ici, m'appelle une voix grave. Ils ont trouvé quelque chose.
Je les rejoins, mon cœur battant à tout rompre. L'un des policiers pointe une trappe entrouverte au sol. Elle mène à une cave. Leroy descend en premier, suivi des autres, et je décide de les accompagner, même si mes jambes tremblent sous l'effet de l'angoisse.
L'odeur d'humidité et de métal est encore plus oppressante ici qu'à l'étage. Lorsque mes yeux s'habituent à la faible lumière, la scène qui se dévoile devant moi me glace le sang. Une énorme tache de sang gît au centre de la pièce, et juste à côté, un couteau ensanglanté repose sur le sol.
— Mon Dieu... soufflé-je, incapable de détourner le regard.
Mon esprit s'emballe. C'est Léa. Ça ne peut être qu'elle. L'idée qu'elle ait pu endurer une telle souffrance me rend malade.
— Ils étaient ici, affirme Leroy en examinant le couteau et les traces autour de la scène. Une personne a été gravement blessée, mais il n'y a pas de corps. Ça veut dire qu'ils l'ont emmenée. Vivante, peut-être.
Ces derniers mots me donnent un mince espoir, mais l'idée qu'elle puisse être dans un état critique me tord l'estomac. Je serre les poings, luttant contre le sentiment d'impuissance qui me ronge.
— Nous allons faire des analyses pour être sûr. Rentrez chez les Morel en attendant, nous vous y rejoindrons quand nous en sauront plus.
— Mais je ne peux pas rentrer ! Il faut la chercher, ça sera trop tard quand elle sera morte, je craque.
— Nous n'avons aucun indice sur l'endroit où elle peut être, y aller à l'aveugle reviendrais à chercher une aiguille dans une botte de foin. Rentrez, nous vous rejoindrons dans une ou deux heure le temps des analyses. Ne vous inquiétez pas monsieur, nous ne la laissons pas tomber.
N'ayant pas le choix je quitte la forêt et part rejoindre la maison familiale de la disparue où une autre épreuve m'attend, annoncer à sa famille les nouvelles découvertes.
Le trajet jusqu'à la maison des Morel me semble interminable. Chaque seconde passée loin des recherches me donne l'impression de l'abandonner. Je serre le volant si fort que mes phalanges blanchissent, m'efforçant de ne pas céder à la panique. Comment leur annoncer ça ? Comment leur dire qu'on a trouvé du sang, beaucoup de sang, mais pas Léa ?
Quand j'arrive devant la maison, les lumières sont allumées. À travers les rideaux, je devine des silhouettes qui bougent nerveusement. Ils m'attendent. Je coupe le moteur, prends une grande inspiration, mais ça ne suffit pas à calmer le tumulte dans ma poitrine.
Je frappe doucement à la porte. C'est la mère de Léa qui m'ouvre. Ses yeux sont rouges et gonflés, et elle semble à la fois soulagée et terrifiée de me voir.
— Alors ? Tu l'as trouvée ? demande-t-elle, pleine d'espoir.
Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard.
Elle comprend immédiatement que les nouvelles ne sont pas bonnes et me fait signe d'entrer sans un mot.
Le père de Léa se lève aussitôt en me voyant, s'approchant avec des gestes hésitants.
— Vous avez des nouvelles ?
Je déglutis difficilement, cherchant les mots justes, mais il n'y en a pas.
— Nous avons trouvé des indices dans un chalet, commencé-je, ma voix à peine audible. Du sang... beaucoup de sang. Mais pas Léa.
La mère de Léa porte une main à sa bouche, étouffant un sanglot, tandis que son mari pousse un cri animal. Je m'approche d'eux et prend leurs mains dans les miennes.
— Je ne vais pas l'abandonner, dis-je, ma voix empreinte de toute la détermination que je peux rassembler. Léa est forte, et je sais qu'elle se bat. Je ne la laisserai pas tomber.
Puis les voyant au bout du rouleau, je me dirige vers la cuisine pour leur faire des cafés, la nuit va être longue nous devons tenir. Je profite aussi de ce lapse de temps pour appeler Camille et la tenir informer comme je lui avait promis.
Une bonne heure plus tard les policiers nous rejoigne enfin. La nouvelle tombe, c'est bien le sang de Léa qui gisait sur le sol dans le chalet.
Nous devons nous dépêcher le temps est compté, avec tout ce sang en moins elle ne tiendra pas longtemps.