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LiseBrey
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Chapitre 13 : Isis

Le bal était un véritable enchantement. Jamais, dans mon village perdu au milieu des montagnes, je n’aurais imaginé voir un tel déploiement de faste et de richesse. Les invités étaient vêtus de somptueuses tenues, brodées de fils d’or et d’argent, scintillant sous la lumière des chandeliers. Les décorations florales, d’une rare élégance, envahissaient la salle de parfums enivrants, créant un décor à couper le souffle. Astra n’avait rien laissé au hasard. Chaque détail avait été minutieusement préparé, et tout cela pour une seule nuit. Une fortune dépensée pour quelques heures d'amusement. Cela me dépassait, mais je ne pouvais qu’en profiter.

Les festivités battaient leur plein. Tout le monde avait bu juste assez pour être détendu et joyeux, mais pas encore assez pour sombrer dans la vulgarité. C’était le moment parfait, celui où les rires résonnaient sans excès et où les conversations s’épanouissaient sans tensions. Alors que je me laissais entraîner dans cette ambiance festive, Astra s’approcha de moi. Son allure imposante, renforcée par la beauté de sa robe sombre, me fit soudain vaciller.

— Accordes-moi une danse, dit-elle d’une voix douce mais ferme.

Mon cœur s’emballa. Tout mon corps se tendit, mes mains devinrent moites. Depuis mon arrivée au château, j’avais réussi à mettre de la distance entre nous, à garder mes sentiments sous contrôle. Mais là, il n’y avait plus d’échappatoire. Cette femme me troublait profondément. Chaque fois qu’elle s’approchait de moi, son aura m'enveloppait, me laissant sans voix, comme un papillon pris dans une toile invisible. Elle était plus qu’impressionnante, elle était charismatique, envoûtante, et j’étais captivée, impuissante face à ce magnétisme. Pourtant, je n’aimais pas cette sensation de perdre pied, cette impression de n’être plus maîtresse de mes pensées.

Je ne pouvais cependant pas refuser. C’était elle, l’hôte de cette soirée grandiose, et elle m’avait demandé personnellement de danser. Avec une nervosité mal contenue, j’acceptai, sachant déjà que cette danse ne serait pas anodine. Dès le premier pas, je me sentis envahie par son parfum : un mélange envoûtant de rose noire et d’épices, une fragrance lourde de mystère et de pouvoir. Ses mains, douces mais fermes, se posèrent sur ma taille, m’attirant à elle avec une assurance qui me fit frissonner. Nous étions si proches que je pouvais sentir son souffle effleurer mon visage.

Le temps sembla se suspendre. Ce moment, pourtant si bref, me parut une éternité délicieuse et troublante à la fois. La musique, les rires autour de nous, tout devint lointain. Il ne restait plus que nous deux, plongées dans cette danse silencieuse. Je me laissais porter, incapable de penser à autre chose qu’à la chaleur de son corps contre le mien. Mais alors que je croyais que la danse se terminerait là, Astra prit mes mains dans les siennes et me regarda avec intensité.

— Viens avec moi dans le jardin, murmura-t-elle.

Je ne pouvais pas refuser. L’idée de prolonger ce moment, d’être encore avec elle, me plaisait trop. Je la suivis sans un mot. Elle me guida à travers le château jusqu’à un petit jardin caché que je n’avais pas encore vu. L’endroit était comme sorti d’un rêve : un cercle parfait de roses noires entourait une fontaine de pierre blanche. Le bruit de l’eau qui s’écoulait doucement ajoutait une atmosphère apaisante, presque irréelle. Tout autour de nous, les étoiles semblaient veiller, comme des spectatrices silencieuses. L’ambiance était étrange, à la fois romantique et oppressante. Peut-être était-ce l’obscurité, ou simplement ma propre anxiété, mais je sentais quelque chose de lourd planer sur nous.

Le silence s’installa, lourd et pesant. J’attendais qu’elle parle, que cette marche secrète ait un sens. Mon cœur battait à tout rompre, mes pensées se bousculaient, mais aucune ne parvenait à se fixer.

— Je sais que c’est un peu étrange de t’avoir prise à l’écart comme cela, commença Astra d’une voix hésitante, mais j’aimerais être honnête avec toi.

— Je t’écoute, répondis-je, la gorge serrée.

— Avant toute chose, sache que toi et ta sœur serez toujours en sécurité ici, quoi qu’il arrive, quoi que je dise, ajouta-t-elle en me fixant droit dans les yeux.

Son regard, habituellement si assuré, se faisait plus fragile, plus humain. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais mon ventre se nouait de plus en plus. Ses mots me faisaient redouter une confession que je n’étais pas sûre de vouloir entendre.

Puis, lentement, elle se tourna face à moi, posant ses mains sur les miennes. Le geste était doux, presque solennel. Je sentais l’angoisse monter en moi, comme si ce simple contact allait tout changer. Elle semblait chercher ses mots, son visage se contractant sous l’effort de trouver comment formuler ce qu’elle avait sur le cœur. Puis, presque en un souffle, elle lâcha la vérité.

— J’ai des sentiments pour toi.

Le monde s’effondra autour de moi. Mon cœur cessa de battre, tout mon sang sembla quitter mon corps. Je me sentais glacée, vide, comme si on venait de me retirer quelque chose d’essentiel. Tout s’effaça, tout disparut, sauf le visage d’Astra devant moi, rougi par la gêne. Je la voyais parler, ses lèvres bougeant, mais le son de sa voix me parvenait comme à travers un épais brouillard. Mes oreilles bourdonnaient, mes doigts picotaient. Elle continuait à parler, me disant qu’elle savait que ce n’était probablement pas réciproque, qu’elle voulait être sincère, qu’elle était désolée.

Je ne réagissais pas. Mon esprit flottait, incapable de traiter cette avalanche d’émotions. Je la voyais interpréter mon silence comme un rejet ou pire, de l’incompréhension. Peut-être était-ce vrai, en partie. Mais ce que je ressentais n’était pas de la colère. C’était un mélange de soulagement et de confusion. J’avais refoulé mes propres sentiments pendant si longtemps, persuadée que tout cela n’était qu’une distraction, qu’Astra était inaccessible pour moi. Et maintenant, elle se tenait là, me révélant qu’elle ressentait la même chose.

Instinctivement, je serrai ses mains, rompant enfin mon mutisme. Elle se tut immédiatement, ses yeux s’écarquillant de surprise. D’une voix tremblante, à peine audible, je murmurai :

— Moi aussi.

Son expression changea du tout au tout. Ses yeux s’ouvrirent en grand, et elle serra mes mains plus fort, comme pour s’assurer qu’elle avait bien entendu. Mais quelque chose ne tournait pas rond. Je sentais qu’il y avait une barrière entre nous, une distance invisible mais réelle.

— Quel est le problème ? Si nous ressentons la même chose, pourquoi ce n’est pas… une bonne nouvelle ? demandai-je, le cœur lourd.

Astra soupira, son visage se durcissant légèrement.

— Je dois t’avouer quelque chose. J’ai eu une relation compliquée avec Julius, expliqua-t-elle, sa voix teintée de regrets. Tout se passait bien entre nous, jusqu’à ce que je découvre qu’il me mentait depuis le début. Il ne s’était mis avec moi que pour ses propres intérêts, pas par amour. Et maintenant… c’est difficile pour moi d’envisager une nouvelle relation. Je ne sais pas si je pourrai refaire confiance à quelqu’un. Même si je te dis que je peux essayer, je ne veux pas prendre le risque d’échouer et de te faire souffrir.

Je restai silencieuse, écoutant attentivement ses paroles. La trahison, je la connaissais bien. Elle laissait des cicatrices invisibles, mais toujours présentes. Je comprenais ce qu’elle ressentait, cette peur de replonger dans quelque chose d’aussi incertain. Moi aussi, je me sentais piégée dans une situation qui semblait tout droit sortie d'une tragédie. Un amour réciproque, mais impossible. Mon cœur me faisait mal, et je sentais mes yeux s’humidifier malgré moi. Ce n’était pas juste.

Alors, c’est avec une amertume partagée que nous retournâmes dans la salle du bal, chacune portant le poids de cette révélation comme un fardeau trop lourd. Le reste de ma soirée fut un tourbillon de danse et de vin, de conversations sans queue ni tête, dans une tentative désespérée d’étouffer mes sentiments. J’essayais de danser jusqu’à l’épuisement, de boire jusqu’à oublier, mais rien n’y faisait. Astra restait dans mes pensées, omniprésente, indétrônable.

Je ne la revis plus de la soirée, et je ne la cherchais pas non plus. Il vaut mieux ainsi. Nous étions toutes deux trop bouleversées pour faire face à la réalité. C'était censé être une nuit de fête, de bonne humeur. Je m’efforçais de respecter cela, même si mon cœur criait au désespoir.

Quand les derniers invités, ivres morts, s’effondrèrent sur les canapés et les bancs du château, je sortis sur le balcon pour respirer l’air frais de la nuit. Le vent glacé mordit ma peau, mais cela m’apaisa. J’avais trop chaud. Mon cœur, lui, brûlait encore plus fort. Je me maudissais intérieurement, furieuse de ne pas réussir à la sortir de ma tête. Je m’énervais contre moi-même, consciente de mon ridicule. Depuis quand étais-je incapable de maîtriser mes émotions ?

Perdue dans mes pensées, je ne remarquai pas tout de suite la présence à mes côtés. Ce n’est qu’au dernier moment, en me retournant, que je me retrouvai face à face avec une créature sortie tout droit de mes pires cauchemars.

Elle n’était pas humaine. Son visage était un masque de chair translucide, sans nez, sans lèvres, laissant entrevoir des muscles secs sous la peau tendue. Ses yeux, deux abîmes blancs, semblaient vouloir happer mon âme si je les fixais trop longtemps. Ses canines, longues et acérées, se rapprochèrent dangereusement de mon cou. J’eus à peine le temps de reculer pour éviter qu’elles ne se referment sur ma gorge.

L’odeur putride qui émanait de son corps glabre me donna la nausée. Il avançait vers moi d’un pas lent, un sourire tordu dévoilant une langue pointue et humide. Il ne parla pas, mais je sentis sa voix résonner dans mon esprit, glaciale et menaçante.

— Je te retrouve enfin, descendante de Carmella.

Un frisson glacé parcourut tout mon corps. Je compris instantanément de qui il s’agissait : le démon. Celui dont ma mère m’avait parlé dans ses lettres, me mettant en garde contre lui si jamais je venais au Royaume des Ombres. Elle avait été vague dans ses descriptions, mais en cet instant, je savais qu’elle m’avait dissimulé la véritable horreur de cette créature. Si elle m’avait dit ce à quoi je m’exposais, peut-être aurais-je renoncé.

Prise de panique, je criai de toutes mes forces : "DÉGAGE !"

Mon cri résonna comme une onde de choc, projetant la créature en arrière. Mais avant même qu’elle ne touche le sol, elle disparut dans un nuage de fumée noire. Mon corps tout entier tremblait encore lorsque j’entendis des pas précipités. Astra surgit du jardin, le visage empreint d’inquiétude, elle cherchait l’origine de ce cris. De mon côté, ce qui attira immédiatement mon attention, c’était le sang qui maculait sa robe et ses mains.

Sans réfléchir, mes pieds me portèrent vers elle. Je me retrouvai face à Astra, et je compris aussitôt d’où venait ce sang. Elle s’était nourrie. Pas d’une coupe élégante comme je l’avais vu faire auparavant, mais directement à la source. Elle avait tué. L’idée me frappa de plein fouet, et je restai silencieuse, choquée.

— Il fallait que je pense à autre chose, dit-elle, sa voix blanche et cassée. Il fallait que je te sorte de ma tête.

— Et pour ça, tu as tué quelqu’un ? répondis-je d’un ton sec.

— Je me suis enivrée, comme toi avec le vin. Le sang fonctionne mieux sur nous.

Elle tentait de se justifier, mais je n’écoutais plus vraiment. Tout ce à quoi je pouvais penser, c’était l’image d’Astra, couverte de sang, et moi, en train de la désirer encore plus. C’était pathétique, mais c’était la réalité.

— Plus important, qui a crié ainsi ? ajouta-t-elle.

Je soufflai un rire amer avant de m’asseoir sur le sol, l’herbe glacée craquant sous mon poids.

— C’était moi, répondis-je. Mais je n’ai pas envie d’en parler maintenant.

Astra me regarda, visiblement troublée. Je pris une longue inspiration avant de murmurer, le regard perdu dans le ciel nocturne.

— Regarde-nous : deux dépravées qui fuient l’amour.

Elle ne répondit pas. Nous restâmes là, assises côte à côte, enveloppées par la nuit glaciale, trop accablées pour dire quoi que ce soit de plus. C’était pathétique, oui, mais aussi étrangement apaisant.

Je m’allongeai sur le sol, sentant la fraîcheur des brins d’herbe gelés contre ma peau brûlante. Le silence était lourd, presque pesant, mais il y avait quelque chose de réconfortant dans cette tranquillité partagée. Astra se pencha alors au-dessus de moi, son visage à quelques centimètres du mien. Je pouvais sentir son souffle, chaud et légèrement ferreux, contre ma peau.

— Tu es magnifique ce soir, murmura-t-elle.

Je la regardai, fascinée par l’intensité de son regard.

— Toi aussi, répondis-je simplement.

Elle se rapprocha encore, ses mains s’appuyant de chaque côté de ma tête. Son visage se fit plus proche, si près que je pouvais voir chaque éclat de lumière dans ses yeux. Mon cœur battait à tout rompre, et je savais ce qui allait arriver. Mais je ne pouvais ni ne voulais l’arrêter.

— Au diable les conventions, au diable ma santé mentale, murmura-t-elle.

Astra s’approcha lentement, jusqu’à ce que nos deux corps se touchent. Je sentis la chaleur de sa peau contre la mienne, une chaleur étrange pour un être de la nuit, mais qui éveillait en moi des sensations enfouies. Je pouvais sentir son souffle, chaud et légèrement métallique, un rappel que le sang n’était jamais loin de ses lèvres. Ses yeux, deux éclats rouges, plongeaient dans les miens avec une intensité presque hypnotique.

— Laisse-moi t’embrasser, murmura-t-elle d’une voix à peine audible, comme un souffle secret qu’elle ne voulait partager qu’avec moi.

Je n’eus pas la force de résister. J’acquiesçai doucement, laissant mes sentiments prendre le contrôle, balayant d’un coup toutes mes hésitations, mes peurs. Lorsque ses lèvres rencontrèrent les miennes, un feu nouveau s’alluma en moi, un feu sombre, brûlant, mais étrangement apaisant. Ses lèvres étaient chaudes, comme si elles contenaient le pouvoir du sang qu’elle venait de boire. Chaque baiser était un mélange de douceur et de fureur, un tourbillon qui emportait toute ma conscience.

À chaque instant, elle me serrait plus fort contre elle, son corps pressé contre le mien. Je pouvais sentir la pression de sa poitrine contre la mienne, ses hanches se mouvant contre les miennes dans un rythme secret que seules nos âmes semblaient comprendre. Le monde autour de nous s’effaça. Il ne restait plus que cette danse charnelle, ce lien brûlant qui nous unissait, quelque chose de primitif, d’irrésistible.

Ses baisers descendirent lentement de mes lèvres à mon cou, puis plus bas, embrassant chaque centimètre de ma peau. Chaque contact me faisait frissonner, me faisait imploser. Je ne pouvais penser à rien d’autre qu’à elle, à ses mains qui exploraient mon corps, à ses lèvres qui marquaient chaque parcelle de ma peau d’une chaleur délicieuse et dévorante. Elle me possédait, et je ne voulais pas m’échapper.

Cette nuit-là, nous fîmes l’amour sous les étoiles, réchauffant la terre glacée sous nos corps. Les roses noires qui nous entouraient semblaient veiller sur nous, témoins silencieux de cette folie, de cette passion irrépressible qui nous dévorait toutes deux. Il n’y avait plus de retenue, plus de raisonnements, seulement deux corps qui se cherchaient, qui se trouvaient, qui se noyaient l’un dans l’autre.

Le lendemain matin, je fus réveillée par la douce caresse des doigts d’Astra sur ma peau. Elle nous avait recouvertes d’une couverture, me protégeant de la fraîcheur de la nuit. La lune brillait encore intensément dans le ciel, ses rayons baignaient le jardin d’une lumière argentée. Je pouvais voir chaque détail du visage d’Astra, ses traits apaisés, presque sereins, après la tempête de la nuit précédente.

— Bien le bonjour, très chère, susurra-t-elle d’une voix calme, presque musicale.

Je clignai des yeux, encore sous l’effet de la fatigue.

— Bonjour… J’ai dormi longtemps ? murmurai-je.

— Non, juste quelques heures, répondit-elle en me caressant les cheveux, un sourire doux sur ses lèvres. Écoute, j’ai pris une décision.

Je me redressai légèrement, surprise par le sérieux soudain de son ton.

— Je suis prête à être en couple avec toi, si tu le veux.

Ses mots résonnèrent en moi comme une douce mélodie, mais une ombre vint assombrir ma joie. Julius. Leur histoire inachevée planait toujours dans l’air, comme un fantôme menaçant.

— Et ton passé avec Julius ? demandai-je, l’angoisse perlant dans ma voix.

Astra détourna un instant le regard, ses sourcils se fronçant légèrement.

— Comme tu l’as dit, c’est du passé. Je ne veux plus laisser Julius avoir de l’influence sur ma vie. Il m’a déjà trop manipulée, trop blessée. Je ne veux pas passer à côté de ce que nous pourrions vivre à cause de lui.

Je soupirai. Mon esprit se tournait déjà vers ma quête. Il y avait des questions encore sans réponse, des mystères à élucider dans le monde des humains. Mon père, ma sœur Esta, tous étaient encore des pièces de ce puzzle inachevé.

— Mais je dois repartir, Astra. Il y a mon père, il y a Esta, répondis-je avec une pointe d’incertitude.

Elle posa sa main sur la mienne, son regard se faisant plus doux.

— Je sais. Mais je te propose un pacte, dit-elle en plantant ses yeux dans les miens. Tant que tu seras ici, je te donnerai tout mon amour. Et quand tu auras trouvé les réponses à tes questions, nous mettrons fin à notre relation. Ce sera notre accord.

Je laissai échapper un rire nerveux.

— Est-ce que ça veut dire que tu feras tout pour que je ne trouve jamais ces réponses ? plaisantai-je.

Astra sourit et secoua la tête, amusée.

— Non, bien sûr que non, répondit-elle en riant doucement. Je vais t’aider, comme je l’aurais fait même sans tout ça, ajouta-t-elle en désignant nos deux corps nus, encore enlacés sous la couverture.

— Donc on part pour un amour à durée limitée, dis-je en hochant la tête.

Astra me regarda intensément.

— Quand on sait que quelque chose va se finir, on fait toujours le maximum pour en profiter tant que ça dure, répondit-elle. Je ne pourrais pas te voir tous les jours, t’aider dans tes recherches, vivre sous le même toit que toi, en sachant que tu m’aimes aussi, et que nous ne pouvons pas être ensemble. Ce serait insupportable.

Je réfléchis un instant, puis acquiesçai.

— Je suis d’accord. Je préfère profiter de chaque moment et être triste à la fin, plutôt que de vivre dans le regret.

Nos paroles scellèrent notre accord. Autour de nous, le château reprenait vie. Les invités commençaient à partir, et les domestiques s’affairaient à nettoyer les vestiges de la nuit. Il était temps de quitter cet instant volé à la réalité, de retourner dans nos vies respectives.

En rejoignant ma chambre, je m’attendais à trouver un peu de solitude pour rassembler mes pensées. Mais à peine avais-je ouvert la porte que je trouvai Esta, assise sur mon lit, les bras croisés, une expression faussement contrariée sur le visage.

— Tu sais qu’on a une vue parfaite sur le jardin depuis ma fenêtre ? lança-t-elle avec un sourire amusé.

Je me figeai, mes joues s’empourprant de honte. Je n’y avais même pas pensé. J’avais pratiqué le coït en plein air, sans me soucier de la discrétion. La réalité me frappa soudain : est-ce que tout le château avait vu ?

— Heureusement, Astra a utilisé ses pouvoirs pour vous dissimuler dans une brume particulièrement épaisse, continua Esta en appuyant sur le dernier mot. Mais ça ne change rien au fait que vous vous soyez réveillées collées-serrées… et nues.

Je la regardai, gênée mais amusée par la situation.

— Donc je n’ai pas besoin de t’annoncer la grande nouvelle, plaisantai-je.

Esta secoua la tête avec un sourire malicieux.

— Ni à moi, ni à tout le reste du château.

Je soupirai, à la fois soulagée et embarrassée. Esta, malgré son air moqueur, semblait sincèrement inquiète.

— Es-tu sûre que c’est une bonne idée ? demanda-t-elle, son ton devenant plus sérieux.

Je pris une profonde inspiration avant de répondre.

— Oui, ne t’en fais pas. On sait que ça ne peut pas durer éternellement, mais on a fait ça en connaissance de cause. On veut juste profiter du temps qu’on a.

Esta resta silencieuse un moment, avant de hocher lentement la tête. Je voyais bien qu’elle comprenait, mais je pouvais aussi lire dans ses yeux qu’elle redoutait le moment où cette relation prendrait fin. Elle imaginait déjà devoir ramasser les morceaux de mon cœur brisé.

Néanmoins, même si je comprenais la crainte de ma sœur, je me laissais porter par l’amour. Quelques jours après cette nuit incroyable, Astra m’invita à un rendez-vous. Elle m’avait expliqué qu’elle voulait faire les choses bien. Que nous avions brulé certaines étapes alors elle m’invitait à les accomplir ce soir. De ce fait, je la rejoignis dans son jardin privé, les mains moites et le cœur battant la chamade. La lune était haute dans le ciel, pleine et éclatante, baignant tout le domaine Blackcoffin d'une lumière douce et argentée. Une brume légère flottait sur les jardins silencieux, enveloppant doucement les statues de pierre qui semblaient veiller sur nous. Le vent portait avec lui une fraîcheur apaisante, une brise douce qui contrastait avec les émotions brûlantes en moi. À mes côtés, Astra marchait avec grâce, sa présence réconfortante apaisant le tumulte dans mon cœur.

Je jetais un coup d'œil vers elle, observant la façon dont ses doigts effleuraient les pétales des roses noires en passant, comme si chaque fleur méritait une attention particulière. Il y avait tant de délicatesse dans ses gestes, une tendresse que je n’aurais jamais imaginée trouver chez un vampire. Et pourtant, ce contraste, cette douce ambiguïté qui émanait d'elle, c’était exactement ce qui m’avait attirée. Elle était une créature de la nuit, une figure de mystère, mais avec moi, elle était douce, aimante, et étrangement humaine dans son affection.

Je me surprenais souvent à la contempler avec des yeux nouveaux, à laisser ce sentiment grandir en moi. Cette attirance, au départ, n’était qu’une simple étincelle, un éclair de curiosité. Mais maintenant, il était évident que c’était bien plus que cela. Mon cœur battait différemment quand j’étais avec elle, une chaleur douce, presque incandescente, qui faisait vibrer tout mon être. C’était un amour que je n’avais jamais connu avant, quelque chose qui, malgré tout ce que j’avais traversé, semblait pur et indéfectible.

— Tu penses à quoi ? murmura Astra, ses yeux ambrés brillant sous la lumière de la lune, comme si elle pouvait lire dans mes pensées.

Je lui souris, un sourire timide, un peu perdu dans mes propres réflexions. Je n’avais pas besoin de répondre. Astra connaissait déjà les réponses.

Elle me prit la main avec une tendresse inattendue. Sa peau, si froide au toucher, me rappelait constamment qu'elle était différente. Mais à cet instant, cette froideur était réconfortante. Je savais que, sous cette façade glaciale, il y avait un cœur qui battait pour moi, un amour qui défiait toutes les peurs que nous avions accumulées.

— Viens, j’ai quelque chose à te montrer, murmura-t-elle, un sourire énigmatique aux lèvres.

Intriguée, je la suivis sans hésiter. Nous quittâmes les jardins du château pour nous enfoncer dans le village. À chaque pas, je me sentais de plus en plus transportée dans un autre monde, un monde où l'obscurité et la lumière semblaient coexister, s'harmoniser d'une manière presque surnaturelle. Les vieux arbres tordus bordant le chemin semblaient murmurer des secrets dans le vent, et les ombres dansaient autour de nous, comme des spectres observant silencieusement notre passage.

Le village des Blackcoffin était paisible, presque endormi sous la lueur lunaire. Contrairement à tout ce que j’avais entendu sur les vampires, ces êtres n’étaient pas des monstres. Ils étaient là, vivant, respirant, partageant une existence faite de communauté, d’histoires et de liens. Je les observais, fascinée par la simplicité de leurs gestes, par la manière dont ils échangeaient des sourires et des rires, semblables aux humains, mais toujours conscients de leur immortalité.

Astra s'arrêta devant une vieille demeure, éclairée seulement par quelques lanternes tamisées. Elle se tourna vers moi, le visage serein.

— Ici, c’est notre foyer, notre refuge, dit-elle doucement. Nous avons nos propres batailles, nos propres histoires, mais nous avons appris à vivre ensemble, à créer quelque chose de plus grand que nous.

Ses paroles résonnèrent en moi. Pour la première fois, je comprenais vraiment ce que signifiait être vampire. Ce n’était pas seulement une question de survie, de lutte éternelle contre la lumière. C’était aussi une question de communauté, de protection et d’amour. Astra n’était pas seulement une vampire ; elle était la protectrice de ces êtres, leur guide. Et moi, je faisais partie de cet univers, que je l’accepte ou non.

Alors que nous continuions à marcher, je ne pouvais m’empêcher de penser à Julius. Son souvenir, bien que lointain, me laissait un goût amer. Il s’était servi de moi, jouant avec mes émotions comme un marionnettiste cruel. Mais ici, à côté d’Astra, tout cela semblait appartenir à une autre vie, un autre monde. Julius ne comptait plus. Ce qui comptait maintenant, c’était cette femme qui marchait à mes côtés, celle qui avait ouvert son cœur malgré ses peurs et ses cicatrices.

Je serrai un peu plus fort la main d’Astra, me tournant vers elle avec des yeux brillants de certitude.

— Je sais que tu as traversé des épreuves difficiles, dis-je doucement, mes mots à peine un murmure dans la nuit. Et je sais que ce n’est pas facile pour toi de faire confiance. Mais je veux que tu saches que je suis là. Je t’aime… plus que je ne pensais aimer un jour.

Mes paroles semblèrent surprendre Astra. Elle s’arrêta net, se tournant vers moi avec une expression indéchiffrable. Puis, lentement, un sourire ému s’étira sur ses lèvres. Elle ferma brièvement les yeux, comme si elle savourait ce moment, avant de me répondre dans un souffle.

— Moi aussi, Isis… je t’aime.

Ce fut un instant parfait, un moment suspendu dans le temps, où le monde semblait s’effacer autour de nous. Je m’avançai doucement et nos lèvres se rencontrèrent dans un baiser tendre, empreint de toute la douceur et la passion que nous avions accumulées. C’était un baiser qui symbolisait tout ce que nous avions traversé, tout ce que nous étions prêtes à affronter ensemble.

Quand nos lèvres se séparèrent, nous restâmes un moment à nous regarder, silencieuses, mais pleinement conscientes de ce qui venait de se passer. Une nouvelle étape avait été franchie, un lien plus profond s’était créé entre nous.

— Viens, murmura Astra, brisant doucement le silence. J’ai encore quelque chose à te montrer.

Elle me guida vers les hauteurs du village, là où un vieux château en ruine se dressait, surplombant tout le domaine. De cette hauteur, nous pouvions voir le village tout entier, baigné dans la lumière argentée de la lune, semblant presque irréel dans sa tranquillité.

Je posai ma tête contre l’épaule d’Astra, un sentiment de paix m’envahissant. Malgré tous les dangers, malgré les incertitudes qui planaient sur nous, à cet instant précis, tout était parfait. Dans cette obscurité, au milieu de ce monde rempli de mystères et de peurs, j’avais trouvé quelque chose de précieux : l’amour. Un amour sincère, inébranlable, qui brillait comme une étoile dans la nuit la plus profonde.

Et je savais, dans mon cœur, que tant que nous étions ensemble, nous pourrions affronter toutes les ténèbres à venir.

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