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LiseBrey
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Chapitre 7 : Azura

L’horloge sonna. C’était l’heure.

Je me levai du lit sans un bruit, glissant hors des draps. La chambre était plongée dans une pénombre oppressante, à peine troublée par la lueur vacillante des chandelles presque consumées. Les murs de pierre froide semblaient resserrer leur emprise autour de moi à chaque seconde qui passait, comme si le château lui-même pressentait le danger imminent.

J’enfilai mon armure, chaque pièce métallique résonnant faiblement dans le silence. La cuirasse, usée par des années de combats, me collait à la peau comme une deuxième chair. Mon épée, dont la garde était gravée de symboles anciens et mystérieux, pendait à ma hanche, lourde de l’héritage familial. Aujourd’hui, Osian avait seize ans, l’âge où l’on bascule de l’innocence à l’obscurité. Pourtant, c’était moi qui sentais le poids de l’effroi. Une terreur viscérale, sourde, qui s’infiltrait dans mes os et me glaçait de l’intérieur.

Mon frère, lui, semblait inconscient du précipice qui se dessinait devant lui. Son arrogance juvénile lui faisait croire que ce rite n’était qu’une formalité. Il m’avait vue triompher quatre ans plus tôt, lorsque j’avais ramené la tête d’un vampire en trophée, et dans son esprit naïf, il pensait que tuer une créature de la nuit était chose aisée.

Mais il ignorait la vérité. Le souvenir de cette nuit me hantait toujours, tapi dans les recoins sombres de mon esprit. Ce n’était pas le vampire que j’avais vaincu, mais ma propre peur. Le souvenir des crocs acérés qui s’étaient approchés de ma gorge, du sang chaud qui s’était écoulé en torrents de ma plaie, me hantait encore. Puis, il y avait eu le silence glacial de la mort, un silence qui semblait s’étirer à l’infini. J’avais enfoncé une dague dans le cœur de la créature juste avant qu’elle ne puisse m’arracher à la vie. Dans ses yeux, j’avais vu l’incompréhension et la terreur. Peut-être avaient-ils reflété les miens. À ce moment-là, je n’étais qu’une jeune fille de seize ans, luttant désespérément pour survivre dans un monde où la lumière de l’innocence vacille rapidement avant de s’éteindre.

Je rassemblai mes cheveux roux en un chignon serré, fixant mon reflet dans le miroir terni par le temps. Le visage qui me renvoyait mon image était celui d’une étrangère. Mon regard était plus dur, mes traits plus marqués par les années et les combats. Sans un mot, je m’avançai vers le lit de mon frère. Il dormait paisiblement, inconscient du cauchemar qui l’attendait.

Doucement, je posai mon épée dans son fourreau sur sa poitrine, appuyant lentement, jusqu’à ce qu’il bondisse hors du lit, les yeux écarquillés par la surprise. Peut-être, pensais-je, que s’il ne montrait aucune peur, c’était parce qu’il se sentait prêt. Pourtant, une partie de moi savait que ce n’était qu’une façade.

Je préparai son armure avec des gestes automatiques, tout en lui rappelant encore une fois les règles qu’il connaissait déjà par cœur.

— Ne t’approche jamais d’un vampire sans ton arme, répétai-je d’un ton mécanique. Et surtout, n’oublie jamais leur vraie nature. Ce sont des créatures rusées, capables de trahisons inimaginables.

— Oui, je sais. Frappe avant d’être frappé, l’honneur ne vaut rien si tu es mort, répondit-il avec impatience. On me le répète depuis des années.

— Quelle est la dernière règle ? demandai-je en ajustant la dernière pièce de son armure, mes doigts tremblants légèrement.

— Éradiquer les vampires de la surface de la Terre, grogna-t-il, presque avec lassitude.

Je l’observai longuement, cherchant un signe de doute ou de peur, mais son visage restait impassible, presque trop calme.

— Tu me sembles prêt. Va dire au revoir à nos parents, je t’attends dehors.

— Tu n’as vraiment pas besoin de venir avec moi ! protesta-t-il.

— Ce sont les ordres de papa. Si tu n’es pas d’accord, va lui dire toi-même, répliquai-je sèchement, sans détourner le regard.

Ses yeux s’abaissèrent un instant, et sans un mot de plus, il quitta la pièce. Malgré son apparente confiance, je savais qu’au fond, il était soulagé que je l’accompagne. Et moi aussi, bien que je ne l’admettrais jamais.

Une heure plus tard, nous chevauchions à travers une forêt dense où les branches dénudées se tordaient comme des doigts squelettiques cherchant à nous attraper. L’air était lourd, chargé de l’odeur du bois pourri et de la terre humide, mêlé à un parfum métallique de sang séché. Le territoire des Blackcoffin s’étendait devant nous, un domaine maudit où même la lumière du jour n’arrivait pas à pénétrer.

Les arbres, noirs et tordus, formaient une haie sinistre autour du château qui se dressait au loin. Ses tours gothiques, élancées et menaçantes, perçaient les nuages bas, comme si elles voulaient transpercer les cieux eux-mêmes. Le château semblait presque vivant, chaque pierre gravée de motifs anciens et oubliés résonnait d’un passé imprégné de sang et de trahisons. Le vent sifflait à travers les arches, apportant avec lui des murmures de voix fantomatiques qui me firent frissonner.

Je rappelai à Osian les trois règles fondamentales de notre famille. Cette fois-ci, il ne protesta pas. Son visage était tendu, ses yeux fixés droit devant, comme s’il voyait déjà son ennemi. Je n’étais pas censée intervenir. Mon rôle était simplement de veiller sur lui, de garantir qu’il ne fasse pas d’erreur fatale. Osian Beausoleil, fils de la plus grande lignée de chasseurs de vampires, ne pouvait pas échouer. Il ne pouvait pas mourir. Et si je devais me sacrifier pour lui, alors qu’il en soit ainsi.

— Choisis une cible, murmurai-je, les yeux fixés sur les ombres qui dansaient entre les arbres.

— Je sais, laisse-moi me concentrer, répondit-il d’une voix rauque, tendue.

Il avançait avec détermination, sa cape battant contre ses jambes comme une bannière portée par une tempête. Nos capuchons nous dissimulaient dans l’obscurité, tandis que nos armures, conçues pour le combat rapproché, absorbaient la lumière de la lune qui filtrait à travers les nuages. Il se mouvait comme un prédateur, silencieux, chaque pas calculé. Mais quelque chose dans son attitude m’inquiétait. Une détermination froide qui allait au-delà de la simple chasse.

Et puis, je compris. Il savait déjà qui il voulait affronter. Mon cœur s’alourdit d’une terreur nouvelle. À quelques mètres de nous, le château d’Astra Lovelock se dressait, imposant, terrifiant. Cette femme, cheffe du clan Blackcoffin, était bien plus qu’une simple vampire. Elle était une force de la nuit elle-même, une créature ancienne, dont le nom seul faisait frémir même les plus aguerris des chasseurs.

— Qu’est-ce que tu fais, Osian ?, murmurai-je d’une voix blanche en le retenant par le bras. C’est ton rite initiatique, pas une mission suicide ! Trouve un vampire, tue-le, et rentrons à la maison.

— C’est ce que je vais faire, répliqua-t-il avec un sourire insolent. Maintenant, tais-toi, sœurette.

Il avança sans se retourner, et malgré moi, je le suivis, l’estomac noué par la peur. Nous franchîmes l’enceinte du château, nous mêlant aux ombres et aux murmures qui habitaient cet endroit maudit. Le vent sifflait à travers les couloirs vides, apportant avec lui des échos d’un passé funeste. Les murs de pierre étaient glacials au toucher, et chaque pas résonnait comme un appel de la mort.

Nous nous fondîmes dans la foule des membres influents du clan Blackcoffin. Les chandeliers suspendus au plafond projetaient des ombres dansantes sur les murs ornés de fresques macabres, tandis que la douce lumière des bougies créait une illusion de chaleur trompeuse. Mais cette chaleur n’était qu’un leurre ; sous la surface, le château pulsait d’une énergie sinistre, comme s’il se nourrissait des vies qu’il avait englouties. Mon cœur battait la chamade. Je devais garder mon calme. Un cœur affolé, c’est du sang frais. Et ici, le sang est la tentation suprême.

En quelques enjambées, je rejoignis Osian, qui s’approchait dangereusement des quartiers privés du château. Juste avant qu’il ne disparaisse derrière un buisson, je le retins par le bras, serrant si fort que mes ongles s’enfoncèrent dans sa peau.

— Fais demi-tour, Osian, ordonnai-je à voix basse, le regard noir.

— Dois-je te rappeler que tu n’es pas censée intervenir ? siffla-t-il entre ses dents serrées, un éclat de défi dans les yeux.

— Je suis là pour te protéger, rétorquai-je, et c’est ce que je fais.

— Tu ne comprends rien, lâche-moi ! rugit-il, sa voix résonnant plus fort que je ne l’aurais voulu.

— Parle moins fort ! Tu vas attirer l’attention sur nous !

Il se tourna vers moi, son visage crispé par la frustration.

— Je ne peux pas revenir avec un simple vampire. Je suis Osian Beausoleil, fils d’Alceste Beausoleil. Je dois être à la hauteur des attentes de tout le monde.

Ses mots résonnèrent en moi comme un coup de poing. Pour la première fois, je compris vraiment le poids qui pesait sur ses épaules. Ce n’était plus le garçon insolent que je voyais devant moi, mais un jeune homme accablé par l’héritage de notre famille. Pourtant, il ne comprenait toujours pas. La gloire ne valait rien si elle coûtait la vie.

Je le suivis dans les fourrés, ma main serrée sur le pommeau de mon épée, prête à dégainer au moindre danger. Il avançait rapidement, ses mouvements précis et calculés. Devant nous, une grande fenêtre donnait sur une pièce richement décorée. Astra Lovelock se tenait là, discutant avec deux autres figures énigmatiques. Osian se tendit, prêt à bondir.

Puis, soudainement, toutes les bougies s’éteignirent, plongeant la pièce dans l’obscurité totale. C’était notre chance. Le chaos régnait dans la salle, les vampires cherchant à s’adapter à la soudaine obscurité, alors que nous, humains, étions naturellement désavantagés. Nous nous mouvions dans les ténèbres, nos années de pratique nous permettant de naviguer sans voir clairement. Trente secondes plus tard, nous étions face à Astra Lovelock. La lumière de la lune perçait à travers les vitraux, illuminant son visage de manière presque surnaturelle.

Mais il était déjà trop tard.

Avant même que je puisse réagir, Astra se jeta sur nous avec une vitesse inhumaine. Je fus projetée en arrière, heurtant violemment une console. Un goût métallique envahit ma bouche alors que je crachais du sang. Mon frère, lui, était pris au piège sous la créature. Ses yeux injectés de sang me fixaient avec une haine pure, alors que ses crocs s’approchaient de la gorge d’Osian.

Je pensais que tout était fini, que j’allais assister à la mort de mon unique frère. Mais, dans un mouvement désespéré, Osian parvint à enfoncer une dague dans les côtes d’Astra. Elle recula d’un bond, surprise, mais loin d’être vaincue. Elle grogna, et ses muscles se recontractèrent, prête à attaquer de nouveau. Je savais que nous n’avions aucune chance. C’est alors que je vis les deux autres personnes dans la pièce. Deux jeunes filles, humaines, probablement des invitées. Elles étaient notre seule porte de sortie. Sans réfléchir, je fonçai vers elles, les saisissant violemment, les utilisant comme boucliers humains. Astra s’arrêta net, son regard se durcissant alors qu’elle comprenait mon stratagème. Elle détourna son attention d’Osian, avançant lentement vers moi, ses lèvres étirées en un sourire cruel. Mais au moment où je croyais avoir gagné un instant de répit, une noirceur s’empara de moi. Mon corps se figea, et des visions horrifiques s’imposèrent à mon esprit. Des scènes de guerre, de sang et de carnage. Des cadavres jonchaient le sol, mais ce n’étaient pas des vampires. C’étaient des humains. Mes semblables. Je me voyais les massacrer, mes mains couvertes de leur sang.

Lorsque je repris conscience, Astra avait planté ses griffes sous ma gorge, menaçant de m’égorger à la moindre respiration. Sous le choc de la vision, je relâchai les deux jeunes filles, qui tombèrent à mes pieds, inanimées. Il ne restait plus que moi et Astra. Un rapide coup d’œil me révéla que mon frère avait disparu. Il s’était enfui. Un soulagement glacial se répandit dans mes veines. Peu importe ce qu’il allait m’arriver, tant qu’Osian était sain et sauf.

Je fermai les yeux, acceptant mon sort.

Astra se rapprocha de moi, et je sentis son souffle froid contre ma peau.

— Ne t’inquiète pas, je retrouverai ton frère, murmura-t-elle à mon oreille, sa voix suintant de malice.

Mon cœur manqua un battement. Quand je rouvris les yeux, elle m’offrit un sourire glacé, avant d’ordonner à ses hommes de partir à la recherche d’Osian. Puis, sans ménagement, elle m’agrippa brutalement par le bras et me traîna à travers les couloirs obscurs du château. Les murs semblaient se refermer autour de moi, chaque pierre transpirant l’horreur accumulée au fil des siècles.

Elle me jeta sans cérémonie dans une cellule glaciale et humide, ses yeux rouges flamboyant dans l’obscurité. À vrai dire, j’étais plus surprise de découvrir que les vampires possédaient des geôles que de m’y retrouver enfermée. L’humidité de la pierre suintante imprégnait mes vêtements, et une odeur de moisissure et de mort flottait dans l’air. J’avais accepté l’idée de mourir. Cela devait être ma destinée.

Alors pourquoi m’avait-elle épargnée ?

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1 Comment

13 days
Hyper intéressant ce chapitre
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