Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
LiseBrey
Share the book

Chapitre 21 : Isis

Plusieurs mois après cet événement, Alex conclut qu’il était temps pour moi de rentrer au château et de faire face à mon destin. Un an de solitude dans ces montagnes glacées à n’avoir vu personne d’autre qu’Alex. Les rochers froids avaient été mon refuge, mais aussi ma prison. J’avais transformé cet isolement en une routine où chaque jour ressemblait au précédent, marqué par l'entraînement, la douleur physique et le silence assourdissant des sommets. Un exil volontaire, mais qui m’avait lentement rongée de l’intérieur.

Le village en contrebas, malgré son charme, n’avait jamais vraiment accepté ma présence. Les habitants, superstitieux et méfiants,  voyaient en moi une étrangère, une demi-vampire, créature hybride qui n’avait pas sa place parmi eux. Les regards hostiles, les murmures à peine voilés, et les moqueries sournoises s’étaient infiltrés dans mon quotidien. Finalement, pour éviter les affrontements, je ne sortais que pour m’entraîner, enveloppée dans une cape sombre qui dissimulait mes traits et mes origines. L’isolement était devenu ma nouvelle normalité. J’étais devenue une ombre, une étrangère dans un monde auquel je n’appartenais plus.

Aujourd'hui, alors que je chevauchais en direction du château sur le dos de mon cheval, je ne pouvais m'empêcher de repenser à tout ce que j'avais vécu durant cette année. Une année où la solitude avait peu à peu grignoté mon esprit, m'arrachant des morceaux de mon humanité. Mais ce n’était pas seulement l’isolement physique qui m’avait affectée : les cauchemars étaient devenus mon véritable fardeau. Dès le début, ils se manifestaient sous la forme de brèves apparitions du démon : des silhouettes fugaces que je voyais au détour d’une rue, des ombres silencieuses glissant à mes côtés, sans jamais interagir. Mais à mesure que je m’affermissais, que je buvais davantage de sang pour maîtriser ma nature vampirique, son emprise sur mes rêves s’intensifiait. Récemment, il avait commencé à me parler dans mes cauchemars. Ses menaces résonnaient dans mon esprit chaque nuit comme une promesse macabre. Ses paroles sifflaient à travers le voile de mes rêves, m’assurant qu’il trouverait un moyen de m’atteindre, qu’il ne me laisserait jamais en paix. Chaque réveil était une lutte pour repousser l’angoisse grandissante, une bataille pour ne pas sombrer dans la terreur. Il n’abandonnerait jamais.

Je secouai la tête, tentant de chasser ces pensées sombres. Je devais me concentrer sur autre chose, sur ce qui m’attendait. Après tout ce temps, j’allais enfin revoir Esta. Ma sœur me manquait terriblement, mais Alex avait jugé qu'il valait mieux que je reste concentrée sur mon entraînement, sans distractions. Pourtant, ce n’était pas seulement Esta qui hantait mes pensées… Il y avait aussi Astra.

Le temps avait apaisé certaines de mes blessures, me permettant de voir les choses sous un angle différent. À l’époque, j’avais été consumée par la colère et la trahison, mais avec du recul, je comprenais mieux pourquoi Astra m’avait caché certaines vérités. Elle avait agi ainsi pour me protéger, pour m’aider à trouver l’héritage de ma mère, et à développer mes compétences. Je n’avais pas la maturité pour comprendre cela à l’époque. Maintenant, je savais qu’il fallait que je lui parle, que je m’excuse pour mon comportement. Mon cœur avait guéri, ou du moins c’est ce que je voulais croire. Pourtant, une part de moi redoutait cette confrontation. Et si Astra avait tourné la page ? Et si elle était devenue amère face à ma réaction ? Après tout, je l’avais rejetée brutalement, sans essayer de me mettre à sa place. Ce rejet avait dû la blesser profondément.

Lorsque j’arrivai aux portes du château, le vent glacial du territoire Blackcoffin me gifla le visage. Je m’étais habituée au climat tempéré du port, mais retourner ici signifiait affronter à nouveau ce froid mordant qui piquait la peau et brûlait les poumons. En descendant de mon cheval, une vague de nostalgie m'envahit. Le château était exactement comme dans mes souvenirs : imposant, sombre, mais étrangement familier.

Je pénétrai à l’intérieur, et tout semblait figé dans le temps. Pourtant, un sentiment de mélancolie planait dans l’air. La grande salle, avec ses hauts plafonds et ses chandeliers scintillants, était toujours aussi imposante. Mais c’était Astra qui attirait toute mon attention. Elle apparut soudain dans l’encadrement d’une porte, droite et fière, toujours aussi élégante. Elle n’avait pas changé. Ses cheveux étaient relevés en un chignon impeccable, lui donnant un air sérieux, presque sévère. Son regard, autrefois si chaleureux, était désormais froid, impénétrable. Elle me salua poliment, d’un ton distant, comme elle l’aurait fait pour une invitée de passage. Un mur s'était définitivement dressé entre nous. Je ressentis un pincement au cœur. J’avais espéré percevoir une étincelle dans son regard, quelque chose qui trahirait ses véritables émotions. Mais je ne vis que de la froideur. Il fallait que je m'excuse, que je fasse le premier pas pour briser cette glace qui nous séparait.

Je fus installée dans la même chambre que j’occupais avant de partir. Rien n’avait changé. Chaque meuble, chaque objet était à sa place, comme si Astra avait espéré que je revienne un jour. Ce détail me réchauffa légèrement le cœur, mais la douleur de notre séparation restait profondément ancrée en moi. Je pris une profonde inspiration, rassemblant mon courage, et je la rejoignis. Elle était assise derrière son grand bureau de bois sombre, les yeux rivés sur des papiers qu’elle feignait de lire. Mon arrivée ne parut pas la perturber, mais je savais qu’elle m’avait remarquée. Je restai là, debout, quelques secondes interminables, me demandant par où commencer.

— Je pense que je vais faire simple, murmurai-je, plus pour moi-même que pour elle. Je suis désolée.

Astra se figea légèrement, mais ne leva pas les yeux. Je continuai, sachant qu’elle m’écoutait.

— Je me suis comportée comme une enfant, avouai-je. Je me sentais trahie, et je n’ai pas voulu comprendre ton point de vue. J’ai eu le temps d’y réfléchir, et je voulais te dire que je regrette la façon dont j’ai mis fin à notre relation.

Elle posa lentement les documents qu’elle tenait et poussa un long soupir. Elle s'adossa à son fauteuil, détendit son corps tendu et, dans un geste lent, relâcha ses cheveux. Ils tombèrent en cascade, argentés, brillants d’un éclat presque irréel. Enfin, elle leva les yeux vers moi. Un silence pesant s'installa entre nous alors que ses prunelles réfléchissaient, sondant mon âme.

— Merci, conclut-elle simplement.

Elle se leva, contournant lentement son bureau pour se planter devant moi. Son visage était tendu, partagé entre la colère et quelque chose de plus profond. Elle semblait hésiter.

— J’ai vraiment envie de t’en vouloir, commença-t-elle enfin, d’une voix mesurée. Tu es partie en m’insultant et en rejetant toute la faute sur moi. Ensuite, tu disparais pendant un an, sans une lettre… pour revenir comme si de rien n’était.

Je hochai la tête, reconnaissant la justesse de ses reproches. Elle avait toutes les raisons de m’en vouloir.

— Je ne m’attends pas à ce que tu me pardonnes tout de suite, répondis-je calmement. Mais je devais te le dire. Je ne pouvais pas laisser les choses en suspens alors que mon opinion avait évolué.

Astra me regarda avec intensité, son regard perçant cherchant à mesurer ma sincérité.

— Et donc, reprit-elle, qu’attends-tu de moi ? Que je te pardonne et que tout redevienne comme avant ?

Je pris une grande inspiration, mes yeux cherchant les siens, déterminée à être honnête.

— Je comprendrais que tu ne veuilles plus que je reste, dis-je doucement. Je suis venue m’excuser et voir ma sœur. Je comptais repartir après, pour continuer ma lutte contre le démon et pour trouver un endroit où l’affronter sans causer trop de dommages.

Astra sembla réfléchir un instant, son expression se détendant légèrement.

— Tu comptes affronter ce démon toute seule ? demanda-t-elle doucement, bien que son ton restât sérieux.

— Ça fait plus d’un an, Astra. Les gens sont passés à autre chose. Et puis… c’est mon combat. Je ne veux pas risquer la vie d'autres personnes.

Elle me regarda, son expression adoucie par la tristesse.

— Tu n’es pas seule, Isis. Tu peux compter sur moi. Je ne vais pas te laisser mener un combat suicidaire toute seule.

Je fronçai les sourcils, perplexe. Son comportement me désorientait.

— Je t’avoue que je suis un peu perdue, admis-je. Tu m’as clairement fait comprendre que c’était fini entre nous et que je ne devais plus rien attendre de toi. Mais là, tu veux que je compte sur toi ?

Astra eut un sourire à peine perceptible, mais dans ses yeux, une lueur de douceur était venue remplacer l’inquiétude froide qu’elle avait laissée transparaître jusqu’alors. Sa voix, basse et chargée d’émotion, se fit plus intime.

— Tu n’as pas compris, en effet. Je veux que tu attendes quelque chose de moi. Bien sûr que je suis contrariée par la situation, mais mes sentiments pour toi ne se sont pas effacés. Te voir revenir... plus forte, plus sûre de toi, plus mature... c’est vraiment séduisant, murmura-t-elle en me fixant intensément.

Sans que je m’en rende compte, elle s'était rapprochée de moi, réduisant l'espace qui nous séparait à quelques centimètres. Son souffle effleurait ma peau, et l’air entre nous semblait vibrer d’une tension palpable. Mon cœur battait la chamade, et je franchis instinctivement le reste de la distance, la prenant dans mes bras. Le besoin de la sentir contre moi, de retrouver cette connexion physique et émotionnelle, me submergea. Sa peau était froide, mais son étreinte brûlante de chaleur. Son parfum entêtant me ramenait à des souvenirs que je pensais enfouis.

Elle me serra plus fort, comme si elle aussi avait attendu ce moment avec impatience, redoutant qu’il ne survienne jamais. Il y avait quelque chose de nouveau entre nous, une solidité forgée par le temps et les épreuves. Ce lien était plus conscient, plus mûr. Ce n’était plus le désir fougueux d’un an auparavant, mais une compréhension mutuelle, un respect reconstruit sur les ruines du passé. Je pouvais sentir que cette fois, notre relation avait évolué, prenant une forme plus profonde et plus équilibrée.

Nous passâmes la soirée dans son bureau. La pièce était silencieuse, enveloppée de l’éclat vacillant des bougies. Le crépitement du feu dans la cheminée accompagnait notre conversation. Je lui racontai tout : l’isolement dans les montagnes, les cauchemars incessants qui avaient assiégé mes nuits, la présence oppressante du démon qui ne cessait de m’attaquer dans mes rêves. Je lui décrivis le piège qu’il m’avait tendu dans la Montagne Interdite, les combats contre les créatures sauvages qui peuplaient ces terres maudites. Astra m’écoutait attentivement, posant des questions précises, ses yeux reflétant à la fois l'inquiétude et l'admiration.

C’était la première fois depuis longtemps que je me sentais vraiment comprise. Nous échangions sans barrière, sans non-dits. Astra n'était plus seulement une cheffe de clan distante ou l’amante que j'avais quittée en colère. Elle était devenue une alliée, un pilier.

— La maison a joué son rôle, dit-elle enfin, brisant le silence qui s’était installé après mon récit. Elle t’a protégée physiquement, mais je suis plus préoccupée par ses apparitions dans tes cauchemars. Ce démon... il cherche à te briser de l’intérieur. Si tu n’es pas assez forte mentalement, il pourrait t’anéantir sans jamais avoir besoin de te toucher.

Ses mots résonnaient comme une mise en garde. Astra avait mené des recherches pendant mon absence. Elle avait découvert que le pacte qui liait ma mère au démon s'était maintenant transféré à moi. Ce n’était plus seulement une menace vague et lointaine, mais un contrat sanglant qui signait ma mort. Il n’y avait plus de retour en arrière.

Je sentis une pression monter dans ma poitrine, mais cette vérité ne faisait que renforcer ma détermination. Peu importait ce lien, peu importait que ce soit un pacte ou une malédiction. Je devais tuer ce démon. Astra le savait. Le seul moyen d'en finir avec cette menace était d'éliminer la source du mal.

Nous discutâmes pendant des heures, jusque tard dans la nuit. La tension initiale entre nous s'était muée en une alliance solide, une relation où l'amour et la lutte pour la survie se mêlaient étrangement. Nous savions toutes deux que cette mission était une épreuve de plus dans une vie déjà marquée par la violence et les trahisons. Astra avait rassemblé les informations nécessaires, et nous en arrivâmes à la conclusion inévitable : pour vaincre le démon, je ne pourrais pas me battre seule.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet