Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
LiseBrey
Share the book

Chapitre 23 : Esta

Julius avait soutenu ma candidature à l'École des Druides, et, sans grande surprise, je fus acceptée. Mon rêve se réalisait enfin. Il ne me restait plus qu’à décrocher mon diplôme pour devenir une Druidesse reconnue et puissante. L'école elle-même était un véritable joyau, regorgeant de plantes rares et précieuses, dont certaines que je n'avais jamais vues auparavant. Mais avant de commencer mon apprentissage, j’avais décidé de m’ouvrir à Julius, lui expliquant enfin pourquoi je portais un talisman ce fameux jour de pique-nique, il y a quelques mois.

Je lui avais raconté comment ma famille m’avait rejetée à cause des taches étranges qui marbraient ma peau, des marques indélébiles que, dans leur esprit superstitieux, ils considéraient comme le signe d’une malédiction ancestrale. Ces taches, irrégulières, sombres, me recouvraient les bras, le dos, et même une partie de mon visage, des souvenirs que je portais comme une carte visible de ma différence. Dès ma naissance, elles avaient suscité l’effroi. Ma mère, une femme fière et respectée au sein de notre communauté, m’avait regardée pour la première fois avec des yeux chargés de dégoût et de terreur. À leurs yeux, ces marques représentaient un mauvais présage, une corruption qui souillerait leur sang pur.

Ma famille appartenait à une lignée noble, un clan ancien qui valorisait la pureté de son ascendance. Pour eux, l'idée que leur lignée soit entachée par une enfant marquée était une insulte à leur honneur, une souillure qui risquait de les discréditer auprès des autres familles. Dans leur univers rigide, il n’y avait aucune place pour la faiblesse, aucune tolérance pour l'imperfection. Chaque membre du clan devait incarner une perfection intransigeante : beauté, pouvoir, pureté. Mais moi, avec ma peau tachée de ces marques maudites, je ne pouvais jamais répondre à ces attentes. Mon existence même, pensaient-ils, mettait en péril le fragile équilibre de leur statut social.

Je me souvenais des regards chargés de jugements, des murmures étouffés lors des rassemblements familiaux. Mes parents évitaient de me toucher, comme si j’étais porteuse d’une maladie contagieuse. Ma mère, en particulier, se montrait froide et distante. Je la voyais me fixer en secret, souvent avec une expression de frustration mélangée à de la peur. Mon père, un homme rigide et inflexible, ne prononçait presque jamais mon nom. Pour lui, je n’étais qu’un problème qu’il fallait cacher, un secret honteux.

Le jour où tout a basculé est gravé dans ma mémoire comme une cicatrice ouverte. J'étais encore une petite fille à l'époque, peut-être trois ou quatre ans. Ce matin-là, mes parents m'avaient habillée de ma plus belle robe, une tenue que je n’avais jamais portée auparavant, et m'avaient emmenée en forêt pour ce que je pensais être une promenade en famille. Au début, je m’émerveillais des arbres gigantesques et des oiseaux qui chantaient au-dessus de nos têtes. Je pensais que, peut-être pour une fois, nous allions passer du temps ensemble, comme les autres familles que je voyais parfois dans le village. Mais très vite, j'avais senti une tension dans l’air, un silence pesant entre eux.

Puis, brusquement, ils s'étaient arrêtés. Sans un mot, mon père m’avait poussée légèrement en avant, et ma mère, les yeux baissés, m’avait tourné le dos. Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais une peur sourde s’insinuait en moi. Ils m’avaient abandonnée là, au milieu des bois, sans se retourner. Je me souvenais d'avoir appelé après eux, ma voix tremblante d'incompréhension et de panique. J'avais couru vers eux, mais mes petites jambes ne pouvaient pas les rattraper. Leurs silhouettes s’éloignaient, disparaissant entre les arbres, me laissant seule dans cette forêt sombre et silencieuse.

Les heures avaient passé, et j'avais erré, terrifiée, appelant désespérément. Mes pieds nus étaient écorchés par les ronces et les pierres, et mes pleurs avaient bientôt laissé place à un silence résigné. Le soleil déclinait, plongeant la forêt dans une pénombre menaçante. Chaque craquement de branche, chaque souffle de vent semblait annoncer un danger invisible. J’étais convaincue que j’allais mourir là, dévorée par des loups ou emportée par quelque créature des bois dont on m’avait parlé dans les légendes.

C’est alors qu’il était apparu : mon père adoptif. Un homme simple, un herboriste qui parcourait souvent la forêt à la recherche de plantes rares. Il m’avait trouvée recroquevillée au pied d’un arbre, tremblante et en larmes. À ce moment-là, je n’avais plus d’espoir. Mais cet homme m’avait regardée différemment. Il n’y avait ni peur ni rejet dans ses yeux, seulement de la compassion. Il m’avait portée dans ses bras, murmurant des paroles apaisantes, et m’avait ramenée chez lui, dans une petite maisonnette cachée en lisière de forêt.

Là, pour la première fois de ma vie, je m'étais sentie aimée et acceptée. J’avais trouvé un père et une sœur. Ils ne se préoccupaient pas des taches sur ma peau, ils ne me regardaient pas comme une erreur ou une malédiction. Audric m'avait appris à aimer les plantes, à comprendre la nature, à trouver de la beauté même dans les choses les plus imparfaites. Grâce à lui, je découvris que la vie pouvait être douce, même pour quelqu’un comme moi. Mais malgré cet amour, une partie de moi restait marquée par l’abandon de ma famille biologique. Cette trahison avait creusé une blessure profonde, un gouffre de méfiance et de douleur.

Julius, en écoutant mon histoire, avait hoché la tête, son regard empreint d’une sincère empathie. Pour la première fois, il comprenait pourquoi j’avais tant de mal à faire confiance aux autres, pourquoi je me protégeais derrière des murs invisibles.

— Comment pourrais-je accorder ma confiance à qui que ce soit, Julius, si même ma propre famille m’a abandonnée ? avais-je murmuré, la voix étranglée par l’émotion.

 Il n’avait rien répondu immédiatement, mais je voyais dans ses yeux qu’il comprenait. Mes mots, mes peurs, résonnaient en lui. Nous partagions tous les deux le poids d’une enfance marquée par la solitude et la trahison, même si nos histoires étaient différentes.

Il profita de ce moment d’intimité pour partager à son tour. Lui aussi entretenait une relation difficile avec son père. Même si ce n'était pas une révélation pour moi, l’entendre d’un point de vue plus personnel me permit de voir les choses différemment. Sa mère, quant à elle, était morte lorsqu’il était très jeune, laissant son père libre de manipuler Julius à sa guise. En discutant de nos blessures, nous commencions à guérir un peu. C'est le cœur plus léger que je partis pour l'École des Druides.

Je continuais de rendre visite à Julius régulièrement. Un jour, alors que nous partagions un café, un messager vint m'annoncer que ma sœur était de retour au château des Blackcoffin. Mon cœur s’emplit de joie. Cela faisait plus d’un an que je ne l'avais pas vue, et elle me manquait terriblement. Sans perdre de temps, je me mis en route, bravant la neige et le vent sur mon cheval. Julius comprit immédiatement que, même si je l’appréciais, rien n’était plus important que ma sœur. Lorsque je la retrouvai, je me jetai dans ses bras, couverte de neige, et la chaleur de sa peau dissipa immédiatement le froid qui m’entourait.

J’avais tant de choses à lui raconter, notamment à quel point l'École des Druides me convenait. Même si j'étais initialement entrée en première année, il devint rapidement évident que mon expérience avec les plantes dépassait de loin celle des autres élèves. Après quelques semaines, la direction décida de me promouvoir directement en dernière année. Dans quelques semaines seulement, je serais diplômée.

Isis, toujours si bienveillante, rayonnait de fierté pour moi, ce qui me réchauffa encore plus le cœur.

— J’en reviens pas ! Tu réalises ? Moi, une des plus grandes druidesses du continent ! m'exclamai-je, l’excitation dans la voix. — Papa doit être tellement fier de toi, répondit Isis, sincèrement heureuse. — Oh, il l’est ! Il a même versé une petite larme quand je lui ai annoncé. — Je suis vraiment contente pour toi. Et après ton diplôme, tu comptes continuer vers le titre de Druidesse Royale ? — Je ne pense pas. Je vais faire un tour chez les Fae. Julius m’a dit qu’ils ont des druides incroyables. Si je peux apprendre d’eux, pourquoi m’en priver ? répondis-je.

Isis me lança un regard malicieux, levant les sourcils avec enthousiasme.

— Et Julius, alors ? Vous en êtes où tous les deux ? — Lui et moi ? Rien du tout ! On est amis, c’est tout, répliquai-je, faussement indignée. Ne va pas t’imaginer des choses. — Tant qu’il est gentil avec toi, c’est tout ce qui compte, dit-elle avec douceur. — Il l’est, bien plus qu'il ne le laisse paraître.

Nous continuions à discuter sans relâche, passant des banalités à des sujets plus profonds. Nous parlions de tout et de rien, jusqu’à ce que j’aborde un sujet plus sombre : Julia, la conseillère de Julius. Isis avait presque oublié son existence, mais pas moi. J’avais appris qu’elle était responsable de l’attaque menée par la chasseuse de vampires rousse.

— Elle voulait être reconnue pour son pouvoir, mais elle a choisi la mauvaise manière pour y parvenir. Julius l’a écartée, mais il ne voulait pas la perdre non plus, alors il l’a envoyée gérer un village du clan Grimkiller. Elle a ce qu’elle voulait : du pouvoir, mais Julius n’a plus à s’en soucier, et le village est entre des mains compétentes, expliquai-je.

Isis sembla surprise.

— Je ne l’aurais pas imaginé aussi clément. Et qu’a pensé Astra de tout ça ? — Pour être honnête, je n’ai pas vraiment reparlé à Astra depuis… votre rupture, avouai-je.

C’est alors qu’Isis me révéla, sans en faire tout un drame, qu’elle et Astra étaient à nouveau ensemble. Sa manière de le dire, avec tant de simplicité, me laissa sans voix. Ma sœur avait une capacité incroyable à me surprendre, toujours. En l’observant de plus près, je remarquai quelque chose de différent en elle. Ses muscles étaient plus définis, et son côté vampirique s’était intensifié. Ses yeux, d’un doré lumineux autrefois, tiraient maintenant vers le rouge. Ce n’étaient pas tout à fait des yeux de vampire, mais ils n’étaient plus complètement humains non plus. Je voulais lui en parler, mais je décidai de ne pas le faire. Isis avait dû faire des sacrifices pour acquérir cette force, et je ne voulais pas qu’elle se sente coupable.

Même si elle était désormais une demi-vampire, elle restait ma sœur, et la peur que j’avais eue de la perdre s’était révélée infondée. Boire du sang n’avait pas changé sa nature profonde. Elle était toujours la même Isis, fidèle à elle-même, et cela me rassurait énormément.

Avec l’accord d’Astra, je m’installai au château durant mes jours de repos. Je passais tout mon temps avec ma sœur, sachant que ni elle ni moi ne resterions ici bien longtemps. Mais, au fil des jours, je remarquai qu’Isis semblait préoccupée. Astra me confia que ma sœur faisait des cauchemars terribles toutes les nuits. Isis refusait d’en parler, mais je n’allais pas la laisser se renfermer.

À force d’insister, Isis finit par tout me révéler : le démon se rapprochait. Elle le voyait dans ses cauchemars, mais aussi à l’état de veille, comme une ombre sinistre dans les recoins du château. Elle sentait que l’attaque était proche.

Astra, toujours aussi pragmatique, décida d’évacuer le château le jour même. Le combat aurait lieu ici, sur un terrain que nous connaissions, loin des habitations.

À peine avions-nous fini l’évacuation que le château résonna d’un fracas assourdissant. La première chose qui me frappa fut l’odeur. Un relent de pourriture indescriptible emplit l’air. Tout le monde, d’un même geste, se boucha le nez. Nous nous précipitâmes, ma sœur, Astra, les gardes et moi, vers la source du bruit. Nous savions tous ce que cela signifiait. Le démon était là, et il avait choisi son moment.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet