Chère maman, 

Aujourd’hui, l’une des jeunes filles que j’ai aperçues la dernière fois est revenue. Tu sais, celle avec la peau bleue. Je ne me souviens même plus de son nom. Mais cette fois-ci, elle n’était pas là par hasard. Julius l’a invitée lui-même. Ça m’a laissée sans voix. Depuis que son père est mort, je ne reconnais plus cet homme. Il est devenu doux, presque mielleux. Tout ce que j’avais fait pour le comprendre, pour l’approcher et le contrôler, semble s’être effondré. J’avais passé des mois, des années même, à tenter de le manipuler, à me rendre indispensable à ses côtés, et voilà que tout ce travail s’effondre à cause d’un changement que je n’ai pas vu venir.

Julius n'est plus l’homme dur et autoritaire que j’ai appris à connaître et à exploiter. Il est différent, comme s’il avait abandonné toute ambition, toute froideur. C’est comme s’il avait tourné la page sur son passé, sur les enseignements cruels de son père, pour se transformer en quelqu’un que je ne parviens plus à cerner. J’ai perdu mon emprise sur lui, et cela me terrifie. Il était mon seul moyen de gravir les échelons, et maintenant, je me retrouve impuissante, comme si toutes mes années de calculs et de manigances étaient réduites à néant.

Je suis fatiguée, maman. Fatiguée de devoir me battre pour tout, à chaque instant. Ces gens, ces nobles qui m’entourent, sont nés avec tout ce dont ils pouvaient rêver. Ils ne connaissent pas la lutte, le besoin constant de se prouver. Ils ne comprennent pas ce que c’est de tout devoir gagner, de ne jamais avoir un instant de répit. Ils ignorent la douleur de ceux qui, comme nous, doivent se battre pour survivre. Je les regarde, ces vampires et ces chasseurs, tous riches, tous puissants, et je me demande si l’un d’eux pourrait comprendre ce que nous avons traversé. Ils ne connaissent pas notre misère, notre lutte pour exister dans ce monde impitoyable.

Je te promets que j’ai essayé. Quand l'occasion s'est présentée, j’ai tenté de kidnapper la descendante de Carmella Nebula. Si j'avais réussi, j'aurais été reconnue, enfin estimée à ma juste valeur. Je serais devenue bien plus qu’une simple assistante. J'aurais pu entrer dans les cercles les plus puissants, et nous aurions pu enfin être réunies, comme nous en avions toujours rêvé. Mais tout a basculé. Ces satanés chasseurs sont arrivés avant moi. Ils ont tout gâché, maman. Tout.

J’avais fait comme tu me l’avais appris. J’avais éteint les bougies, avancé sans bruit, usant de mon don de camouflage pour passer inaperçue. J’étais si proche du but. Je pouvais sentir le goût du succès, la promesse d’une nouvelle vie. Mais c’est là qu’elle est apparue. Une rousse, sortie de nulle part. Elle m’a devancée, ruinant tous mes efforts. Cette tête flamboyante a tout détruit en une seconde. C'était comme si le destin lui-même avait décidé de me barrer la route. Et maintenant, à cause de cette intervention inattendue, je suis toujours coincée ici, à jouer le rôle de la servante soumise.

Heureusement pour moi, Astra ne m’a pas remarquée, ou du moins, si elle l’a fait, elle n’a rien dit. Elle n’a pas mentionné ma tentative, et pour cela, je suis soulagée. Mais à quel prix, maman ? Tout ce que nous avions prévu, tous nos plans, sont en ruines. Je suis seule ici, entourée de ces monstres, et je ne sais plus quoi faire.

Je n’en peux plus de rester auprès de cet homme. Julius… C’est lui qui m’a achetée, comme on achète une vulgaire esclave. Il voulait une concubine, une femme pour réchauffer son lit. Voilà ce que je suis pour lui, maman. Rien de plus qu’un objet qu’il a acquis, une chose sans importance. Il n’a jamais eu de considération pour moi, et pourtant, j’ai tout fait pour me rendre indispensable à ses côtés. J’ai essayé de survivre, d’utiliser mon cerveau pour gagner mon indépendance, pour devenir quelqu’un dans ce monde. Si je n’avais pas été aussi intelligente, je ne sais pas où je serais aujourd’hui. Peut-être que je serais encore enchaînée à son lit, comme une poupée vide de volonté.

Mais tout cela, maman, je le fais pour toi. Il faut que je trouve une nouvelle stratégie. Il faut qu’on s’en sorte. Je ne peux plus vivre ainsi, piégée dans ce rôle d’assistante insignifiante. Nous méritons mieux. Tu mérites mieux. Je viendrai te chercher, je te le promets. Nous ne resterons pas dans cette misère éternellement. Un jour, je t’emmènerai loin d’ici, et tu vivras la vie que tu mérites, la vie que je t’ai toujours promise.

Je t’aime, maman. Je serai forte, pour toi, pour nous. Nous n’abandonnerons pas. Je trouverai un moyen de nous sortir de là. Attends-moi. Sois patiente. Notre heure viendra.

Avec tout mon amour,
Ta fille dévouée.