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LiseBrey
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Chapitre 11 : Eve

Je n’ai pas encore tout dit à Basil. Je sais qu'il va falloir que je le fasse, mais pas maintenant. Ce n’est pas le bon moment. Il est encore trop fragile, et avec tout ce qui lui tombe dessus en ce moment, je refuse de lui en rajouter. Pourtant, il y a tellement de choses qu’il ignore. Des choses que j’aurais dû lui dire, des vérités que je n’ai pas su prononcer. Mais comment faire quand chaque mot de plus risque de le déstabiliser encore davantage ? Non, je vais attendre. C’est mieux ainsi.

Lundi, Lucas est venu me voir. C’était la veille de son renvoi. Cette scène, je m’en souviens comme si elle s’était déroulée hier. Quand il est entré dans la pièce, il y avait quelque chose de différent en lui. Rien dans sa posture n’évoquait l’homme sûr de lui que je connaissais. Ce n’était plus le Lucas arrogant, qui traînait toujours dans le bureau avec un sourire en coin et une remarque mordante prête à être lancée. Non, cette fois, il semblait presque… hésitant. Ce n’est pas un terme que j’aurais jamais cru associer à Lucas. Mais c’était pourtant bien ce que je voyais devant moi : un homme hésitant, presque nerveux.

« Salut, Eve », avait-il dit d’une voix plus basse que d’habitude, comme si le simple fait de m’adresser la parole lui coûtait.

Je me souviens avoir froncé les sourcils en l’entendant. D’ordinaire, il m’aurait lancée une remarque pleine de sous-entendus ou même une pique légère, comme s’il cherchait à me déstabiliser. Mais cette fois, rien de tout cela. Je savais qu’il se passait quelque chose, que ce n’était pas une de ces discussions où il tentait de jouer les durs. Je l’ai invité à s’asseoir, curieuse de savoir ce qui l’amenait.

Il s’est assis en face de moi, fixant ses mains un moment avant de finalement me regarder dans les yeux. Et là, il a commencé à parler, à se livrer d’une manière que je n’avais jamais vue chez lui auparavant. Il m’a expliqué pourquoi il avait agi comme il l’avait fait, pourquoi il m’avait fait cette proposition stupide qui lui avait coûté son poste. Il m’a dit qu’il avait essayé de se montrer fort, d’avoir l’air d’un « dur », pour reprendre ses mots exacts. Il croyait qu’en faisant cela, il serait respecté, qu’on ne verrait pas ses faiblesses. Je l’ai regardé avec incompréhension. Sa réponse me paraissait tellement déconcertante.

« Pourquoi tu as besoin de te comporter ainsi ? » lui ai-je demandé, ma voix trahissant mon incompréhension. « C’est insensé, Lucas. Tu sais bien que ça ne rime à rien. »

C’est à ce moment qu’il a lâché sa bombe. Sans détour, avec une franchise presque douloureuse.

« Je suis gay. »

Je suis restée silencieuse pendant un instant, le temps que l’information fasse son chemin dans mon esprit. Je ne m’y attendais absolument pas. Pas venant de lui. Lucas, le gars qui essayait toujours de paraître plus viril que nécessaire, qui blaguait sans cesse sur les filles et semblait constamment vouloir prouver quelque chose. Tout ce comportement, toutes ces attitudes... et maintenant, tout cela faisait sens. Il se cachait derrière un masque, terrifié à l’idée que quelqu’un découvre sa vraie nature. Et pour se protéger, il jouait le rôle du macho arrogant. C’était sa manière de survivre dans un milieu où il ne se sentait pas en sécurité.

« Je sais que ça n’excuse rien », a-t-il continué, la voix lourde. « Je voulais juste que tu comprennes pourquoi j’ai agi comme ça. »

Et contre toute attente, je comprenais. Cela ne justifiait pas ce qu’il avait fait, bien sûr, mais au moins, cela expliquait pourquoi il s’était comporté de cette manière. Et à cet instant, toute la colère que j’avais ressentie envers lui s’était dissipée. Il n’était plus le collègue suffisant et détestable que j’avais cru connaître. C’était simplement un homme perdu, enfermé dans une situation qu’il ne contrôlait pas, et qui s’était débattu avec les mauvais moyens. Je ne ressentais pas de pitié, non, mais une sorte de compassion. Une compréhension profonde.

Il est parti après ça, sans faire d’histoires. Je ne l’ai pas retenu. Il y avait eu une sorte de paix silencieuse entre nous après cette conversation, une trêve tacite.

Mais maintenant, c’est moi qui porte ce fardeau. Basil l’a renvoyé en se basant sur ce qu’il savait, sur ce que je lui avais dit, et je me sens responsable. C’est à cause de moi que Lucas a perdu son travail, même si je n’avais pas d’autre choix à ce moment-là. Et même si je ne regrette pas d’avoir repoussé ses avances, je ne peux pas m’empêcher de penser que la situation aurait pu être différente si j’avais su la vérité plus tôt. Alors maintenant, je dois trouver une solution. Je me dis que c’est à moi de gérer cette situation, pas à Basil. Lui, il a agi avec les informations qu’il avait, mais il n’est pas au courant de la vraie raison qui se cache derrière le comportement de Lucas. Et je ne peux pas le laisser dans l’ignorance éternellement.

Mais ce n’est pas tout. Il y a autre chose que je n’ai pas encore eu le courage de lui dire. Il y a eu une tentative de piratage sur nos serveurs. Quelqu’un a essayé de s’en prendre à nous, de s’infiltrer dans notre système. J’ai passé des heures à lutter contre ce hacker, à défendre nos réseaux. J’ai mes soupçons sur l’identité de l’attaquant — Sasha, probablement. Mais je n’ai encore aucune preuve tangible, et sans cela, je ne peux rien affirmer. Accuser sans preuve serait un risque que je ne peux pas me permettre de prendre. Alors, pour l’instant, je garde cette information pour moi. Basil n’était pas en état d’entendre quoi que ce soit de toute façon, pas dans l’état où il était après le renvoi de Lucas.

Je lui dirai tout. Pour Lucas, pour le piratage… il mérite de savoir. Mais pas maintenant. Je ne peux pas lui imposer ces révélations alors qu’il est encore en train de récupérer, de se remettre de tout ce qui s’est passé. Je dois attendre qu’il aille mieux, que son esprit soit prêt à encaisser ces vérités.

Quand le moment sera venu, je lui dirai tout. Je prendrai le temps qu’il faut, choisirai les mots justes, et je lui expliquerai tout ce qu’il ignore. Mais pour l’instant, je vais attendre. Il a besoin de temps, et moi aussi.

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