Je laissai Eve à l’appartement, un baiser rapide sur le front, et pris immédiatement la route. Ce soir-là, j’avais un rendez-vous d’affaires important, mais je n’avais pas précisé à Eve de quoi il retournait. Pas par manque de confiance, mais parce que je sentais que quelque chose était différent entre nous ces derniers jours. Une certaine distance s’était installée, mais je préférais l’ignorer pour me concentrer sur mes priorités. Après tout, ce rendez-vous pourrait changer la donne pour mon entreprise.
Je me rendis directement chez mon tailleur. Ce rendez-vous demandait une tenue irréprochable, un soin particulier à chaque détail. J’avais réservé une table dans un restaurant chic, même si, en vérité, ce n’était pas nécessaire. Il s'agissait d’un rendez-vous d'affaires, pas d’un dîner galant. Mais je voulais que tout soit parfait, donner une impression impeccable, et montrer que je prenais cet accord au sérieux. Je savais que la concurrence était rude et que chaque détail comptait. Ce n’était pas simplement un contrat, c’était l’opportunité de mettre la main sur cette galerie, et ainsi de solidifier ma position dans le monde de l’art.
Lorsque j’arrivai au restaurant, elle était déjà là, assise à la table réservée. La femme en question n'était pas n'importe qui : elle était l'associée du gérant de la galerie, celle qui avait le pouvoir de sceller ou de ruiner mon ambition. Son regard perçant ne laissait aucun doute sur sa détermination, et je savais qu’elle ne se laisserait pas séduire facilement par de simples paroles.
« Bonsoir, Basil, » dit-elle en me serrant la main avec assurance. « J’espère que vous êtes prêt à discuter affaires. »
Son sourire était poli, mais je pouvais lire dans ses yeux qu’elle maîtrisait parfaitement l’art de la négociation. Je pris place en face d’elle, tout en souriant légèrement, prêt à défendre mon projet. Dès le début, elle alla droit au but, sans fioritures.
La discussion fut intense. Chaque mot, chaque phrase était minutieusement pesée. Elle n’était pas là pour faire de la figuration. En quelques minutes, elle fit monter les prix, poussant les enchères à des niveaux que je n'avais pas anticipés. Mais je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité. Chaque fois qu’elle augmentait les exigences, je trouvais un moyen de rééquilibrer la négociation, essayant de ne pas me laisser entraîner dans son jeu. Cela devenait presque une danse, une danse de pouvoir où aucun de nous ne voulait céder un pouce de terrain.
« Je comprends vos exigences, » dis-je finalement, en tentant de garder mon calme. « Mais il faut aussi prendre en compte la stabilité à long terme de cet accord. Il ne s’agit pas seulement d’un investissement ponctuel, mais d’une relation durable. »
Elle me regarda en silence, réfléchissant à mes paroles. Pendant un instant, j’eus l’impression d’avoir marqué un point. Puis, après quelques minutes supplémentaires de négociation acharnée, elle finit par se pencher en arrière et m'adressa un sourire satisfait.
« D’accord, Basil. Je pense que nous pouvons conclure un accord. Vous avez l'exclusivité sur la galerie, sous réserve, bien sûr, que vous trouviez les fonds nécessaires. »
Le soulagement m’envahit, même si je savais que la bataille était loin d’être terminée. Signer ce contrat était une victoire, mais je devais encore rassembler les fonds. Il me restait ce défi monumental à relever, mais pour le moment, je pouvais savourer cette petite victoire. Nous signâmes le contrat, et je repartis du restaurant avec un mélange d’euphorie et d’appréhension.
Le lundi suivant, je racontai tout à Raphaël. Il était visiblement heureux pour moi, se réjouissant du potentiel que cet accord représentait. « C’est un énorme pas en avant, Basil, » m’avait-il dit, son sourire éclatant. « Une fois que tu auras sécurisé les fonds, cette galerie va t’ouvrir des portes qu’on n’imagine même pas encore. »
Mais il y avait un problème : Eve ne répondait pas à mes appels. Depuis ce dîner, quelque chose s’était cassé entre nous, et je sentais que son silence en disait long. Pourtant, je n’étais pas prêt à laisser tomber. Je décidai de l’attendre à la sortie des bureaux, espérant avoir une chance de discuter avec elle en face-à-face.
Elle finit par apparaître, l’air un peu surprise de me voir là. Je la saluai avec un sourire, mais elle resta distante. « Salut, Eve. J’ai quelque chose à te proposer. Il y a une réception du Nouvel An qui se tient dans un château ce week-end, organisée par une des familles les plus influentes du milieu. Je veux que tu viennes avec moi. »
Elle me regarda longuement, puis secoua la tête. « Désolée, Basil, mais j’ai déjà quelque chose de prévu. »
Je fus pris au dépourvu. Je ne m'attendais pas à ce refus, et encore moins à son ton détaché. Elle avait l'air ailleurs, et cela me blessait. Mais je ne laissai rien paraître. « Pas de souci, une autre fois peut-être, » dis-je doucement, bien que la déception me pesait. Je ne vis pas, ou plutôt je refusai de voir, la distance qui s'était creusée entre nous.
Le soir du Nouvel An arriva, et je me rendis à la réception au château avec Raphaël. C’était un événement somptueux, organisé par une riche famille influente dans le monde de l’art et des affaires. Ce genre de soirées était toujours un mélange d'opportunités professionnelles et de mondanités. Les invités, tous vêtus de leurs plus beaux habits, discutaient, riaient et s’échangeaient des promesses d’affaires autour de coupes de champagne.
Mais malgré l’excitation ambiante, je me sentais seul. Raphaël, toujours sociable, s’était rapidement intégré dans les discussions, mais moi, mon esprit n'était pas là. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Eve, à cette distance entre nous qui ne cessait de grandir. J’aurais voulu qu’elle soit là, avec moi, partager ce moment, mais au lieu de cela, elle avait choisi de faire autre chose. Ce simple fait me blessait plus que je ne voulais l’admettre.
À un moment donné, une jeune femme s’approcha de moi, un sourire charmant aux lèvres. « Bonsoir, vous devez être Basil, non ? J’ai entendu parler de vous. »
Elle était séduisante, et visiblement intéressée à engager une conversation plus personnelle. Mais même si sa présence était flatteuse, je ne pouvais m’empêcher de penser à Eve. Je répondis poliment à ses avances, sans pour autant l’encourager davantage. Je n’étais pas là pour flirter, pas cette fois.
« Je suis désolé, mais je ne suis pas disponible ce soir, » lui dis-je finalement en souriant gentiment, mettant fin à la discussion.
Elle parut déçue mais compréhensive, et s’éloigna rapidement. À ce moment-là, je me retournai, et mon cœur manqua un battement.
Eve était là. Au milieu de cette soirée, entourée de gens que je connaissais à peine, je la vis, dans une robe élégante, se mêlant à la foule. Mon esprit fut instantanément submergé par un mélange de surprise et de confusion. Que faisait-elle ici ? Et surtout, pourquoi ne m’avait-elle rien dit ?
Je ne pouvais pas détourner le regard. Mais quelque chose me dit que cette soirée allait marquer un tournant, et pas dans le sens que j’avais espéré.