Je n’avais aucune intention d’aller à ce rendez-vous. Je ne voulais pas me retrouver seule avec Arthur après ce qui s’était passé, et l’idée de me retrouver piégée une nouvelle fois me terrorisait. Alors, ce samedi, je m’étais décidée à rester chez moi. Je n’avais même pas répondu à ses messages ni à ses appels, espérant qu’il comprendrait l’allusion. Je pensais que, sans nouvelles de ma part, il laisserait tomber. J’essayais de me convaincre que c’était la meilleure solution.
Mais la vie a cette façon de vous surprendre quand vous vous y attendez le moins. En début d’après-midi, je décidai de sortir rapidement pour faire quelques courses. J’avais besoin d’un moment à l’extérieur pour me vider la tête. Peut-être que cela m’aiderait à trouver une manière plus claire de gérer cette situation. Mais en sortant de l’immeuble, mon cœur s’arrêta. Là, devant l’entrée, adossé à sa voiture, se tenait Arthur.
Il portait un sourire suffisant, celui qui m’avait déjà mise mal à l’aise la dernière fois. Mon instinct me hurlait de faire demi-tour, de rentrer chez moi et de ne plus jamais ressortir. Mais c’était trop tard, il m’avait vue.
« Salut, Eve ! » dit-il d’un ton décontracté, comme si rien ne s’était passé. « Je me suis dit que tu ne répondais pas, alors j’ai décidé de t’attendre ici. »
Je restai immobile un instant, incapable de prononcer un mot. Comment avait-il osé m’attendre en bas de chez moi comme ça, sans prévenir ? C’était une intrusion flagrante dans ma vie privée, mais il agissait comme si c’était la chose la plus normale du monde.
« J’allais faire quelques courses », répondis-je finalement, avec une voix que j’espérais plus assurée qu’elle ne l’était en réalité.
« Parfait, on fera ça plus tard. D’abord, je t’emmène dîner », annonça-t-il avec un sourire triomphant, ignorant totalement mon refus implicite.
Je savais que dire non ici, dans la rue, ne servirait à rien. Il avait décidé qu’il ne me laisserait pas tranquille, pas tant qu’il n’aurait pas obtenu ce qu’il voulait. Alors, malgré moi, je montai dans sa voiture. Mon estomac se noua en réalisant que je me retrouvais, encore une fois, piégée. Pourquoi ne pouvais-je pas simplement me sortir de cette situation ? Pourquoi n’arrivais-je pas à dire non plus fermement, à imposer mes limites ?
Le trajet vers le restaurant se fit dans un silence tendu. Je fixais la fenêtre, essayant de contrôler ma respiration, pendant qu’Arthur, lui, semblait parfaitement à l’aise. Il m’avait dit où nous allions, un restaurant chic et cher du centre-ville. J’imaginais que son but était de m’impressionner, de me prouver qu’il avait les moyens de me traiter « comme une reine », selon ses propres termes. Mais tout ce qu’il faisait, c’était renforcer l’angoisse qui me nouait l’estomac.
Quand nous arrivâmes au restaurant, je constatai rapidement qu’il avait choisi l’endroit pour en mettre plein la vue. Le cadre était luxueux, les clients impeccablement habillés, et le service d’un professionnalisme intimidant. Pourtant, rien de tout cela ne m’impressionnait. Je ne voyais que l’attitude d’Arthur, toujours aussi suffisant, toujours aussi sûr de lui.
Nous nous installâmes à une table près de la baie vitrée, avec une vue imprenable sur la ville illuminée. Cela aurait pu être romantique, si je n’avais pas été prise au piège avec cet homme. Arthur, de son côté, semblait totalement absorbé par lui-même. Il parlait sans cesse, passant d’un sujet à l’autre, sans jamais me laisser l’occasion d’intervenir. Il me racontait sa vie, ses exploits, ses ambitions. Il me parlait de ses relations passées, de ses exs qui étaient toutes, selon ses dires, des mannequins ou des femmes incroyablement belles.
« Elles étaient toutes folles de moi, » lança-t-il avec un sourire. « Mais je n’ai jamais vraiment trouvé la bonne. »
Je hochai la tête poliment, attendant que la soirée passe, espérant que cela se termine vite. J’avais du mal à cacher mon ennui, mais Arthur ne semblait même pas s’en rendre compte. Il parlait, encore et encore, me noyant sous un flot d’autosatisfaction. Je me sentais de plus en plus mal à l’aise, comme si j’étais piégée dans une cage dorée dont je ne pouvais pas m’échapper.
Et puis, soudainement, mon téléphone vibra dans ma poche. Un coup d’œil rapide me fit comprendre que c’était Basil qui appelait. Mon cœur s’accéléra. C’était peut-être la sortie dont j’avais désespérément besoin.
« Excuse-moi, je dois répondre », dis-je en attrapant mon téléphone.
Arthur me lança un regard suspicieux, mais je n’y prêtai pas attention. Je me levai et m’éloignai légèrement de la table avant de décrocher.
« Basil ? »
Sa voix était froide, presque distante, ce qui me prit par surprise. « Écoute, si tu ne veux pas venir, c’est pas grave, mais tu aurais pu au moins me prévenir. »
Je ne compris pas immédiatement ce qu’il voulait dire. « De quoi tu parles ? »
« Je parle de Noël, Eve », répondit-il, sa voix toujours aussi glaciale. « Tu devais me donner une réponse, non ? Mais je n’ai rien reçu de ta part. Tu m’as carrément ignoré. »
La colère monta en moi. Il ne savait donc rien ? « Basil, si tu avais pris la peine de répondre à mes messages, tu serais au courant de ce qui se passe ! »
Il y eut un silence à l’autre bout de la ligne. « Quels messages ? Je n’ai rien reçu. »
Mon cœur se serra. Il n’avait rien reçu ? Comment était-ce possible ? Je me rendis compte que, malgré tout, il ne savait pas ce qu’Arthur m’avait fait subir. Prenant une grande inspiration, je lui expliquai tout rapidement, ma voix se faisant plus tremblante à mesure que je racontais. « Arthur m’a forcée à accepter ce rendez-vous. Je n’avais pas le choix, et maintenant je suis coincée ici avec lui. J’ai besoin de toi. »
Le silence à l’autre bout du fil dura quelques secondes de trop, et mon cœur se mit à battre plus fort. Mais avant que Basil puisse répondre, Arthur se rapprocha. Il avait entendu une partie de la conversation, et son regard avait changé. Il n’avait plus cette assurance, mais plutôt une lueur de colère dans les yeux.
« Tu parlais de moi, c’est ça ? » demanda-t-il sèchement, en se penchant vers moi.
Je raccrochai précipitamment, réalisant que la situation venait de s’envenimer. Arthur me prit par le bras, un geste brusque qui fit monter une vague de panique en moi.
« Viens, on s’en va », dit-il, ses mots claquant dans l’air comme un ordre.
Je me dégageai rapidement, mais il m’attrapa de nouveau, cette fois avec plus de force. « Tu montes dans la voiture, maintenant. »
Je n’avais plus d’option. Terrifiée, je suivis ses instructions, me retrouvant à nouveau piégée dans sa voiture. Le trajet jusqu’à chez lui se fit dans un silence tendu, Arthur bouillonnant de colère. Je me demandais ce qu’il allait faire, si j’allais pouvoir sortir de cette situation sans encombre.
Quand nous arrivâmes chez lui, il me poussa pratiquement à l’intérieur, mais à ma grande surprise, il ne tenta rien d’inapproprié. À la place, il se mit à me sermonner, à me crier dessus.
« Pourquoi ? » commença-t-il, les poings serrés. « Pourquoi tu fais ça ? Je ne comprends pas. Je t’offre tout ce que tu veux, et toi, tu préfères courir après Basil. Une fille comme toi devrait être heureuse que je m’intéresse à elle. »
Je restai silencieuse un moment, choquée par la violence de ses paroles. « Arthur, tu ne comprends pas. Ce n’est pas une question de Basil ou de ce que tu peux m’offrir. Je ne veux simplement pas être avec toi. »
Mais il ne semblait pas entendre. Pour lui, c’était incompréhensible. Comment pouvais-je refuser quelqu’un comme lui ? Il ne cessait de parler, de tenter de justifier son comportement, mais je savais qu’il ne comprendrait jamais.
À cet instant, je savais que je devais en finir. Je sortis discrètement mon téléphone et envoyai ma localisation à Basil, en espérant qu’il viendrait rapidement.
Quelques minutes plus tard, j’entendis frapper à la porte. Arthur ouvrit, et Basil entra, son regard noir posé sur lui. Les deux hommes échangèrent quelques mots, mais je pouvais sentir la tension monter. Arthur était furieux, mais Basil semblait étrangement calme, presque trop calme. Je m’attendais à ce qu’il explose de colère, qu’il confronte Arthur, mais il restait impassible.
Une altercation éclata entre eux, mais Basil ne se laissa pas emporter par la rage. Il se contenta de remettre Arthur à sa place, d’une manière froide et calculée. Je me demandai pourquoi. Était-ce à cause de ma réaction la dernière fois, quand j’avais pleuré ? Ou avait-il une autre raison pour rester aussi calme ?
Finalement, Basil me fit signe de le suivre, et je le fis sans hésiter. Tandis que nous quittions l’appartement d’Arthur, je sentis une vague de soulagement m’envahir. Mais une question restait en suspens dans mon esprit : pourquoi Basil s’était-il retenu ?