Lorsque Basil me proposa de me raccompagner en voiture, je sautais sur l’occasion. Je n’avais aucune envie de rentrer chez moi, mais je n’avais pas d’autres choix. Alors, être escortée me rassurait quelque peu. J'étais persuadée que Sasha allait être là, comme tous les soirs, mais après ce qui s’était passé, je craignais toute confrontation avec lui. À ma grande surprise, la rue était déserte, aucune trace de mon ex et un vent de soulagement m’envahit. Néanmoins, il pouvait toujours arriver dans les prochaines heures, ainsi, je proposais à Basil de boire un verre chez moi. Je savais que cela pouvait sonner comme une invitation à plus, mais je préférais devoir lui expliquer la situation plutôt que d’être seule avec Sasha. Heureusement, il accepta et il découvrit mon studio. J’étais gênée, car il était un PDG surement habitué à des logements luxueux alors que je n’avais qu’un lit transformé en canapé et d’une cuisine un mètre plus loin. Je pouvais voir qu’il partageait mon sentiment à cause de ses oreilles écarlates, mais il eut la politesse de ne faire aucun commentaire désagréable. Je lui servis un thé aux fruits exotiques et nous discutâmes de tout et de rien. L’ambiance était légère et confortable jusqu’à ce que sonnent onze heures. On avait toqué à la porte et je savais déjà qui était derrière.
— J'ai conscience que ma requête peut paraitre bizarre, mais peux-tu aller ouvrir à ma place ? Je suis sûre à 100 % qu’il s’agit de mon ex et je me dis que peut être que s’il te voit, il fera demi-tour, demandais-je en chuchotant.
— Et pourquoi ferait-il cela ? répliquait Basil en s’approchant suffisamment de mon visage pour que je sente son souffle.
— Tu lui as mis la frousse de sa vie la dernière fois, rigolais-je.
Il se leva et ouvrit la porte, je comprenais bien qu’il faisait exprès de poser son coude sur haut de l’encadrement, qu’il avait gonflé le torse et qu’il avait arboré son sourire le plus insolent. Mon cœur manqua un battement, mais je me refusais de ressentir la moindre attirance pour mon patron, cela compliquerait trop de choses. Comme disait toujours ma meilleure amie Alice : « pas de sexe au travail » et elle avait bien raison. À la vue de Basil, mon ex fit demi-tour, en prenant tout de même la peine de me menacer. Ma poitrine tambourinait, mais cette fois-ci c’était parce que j’étais terrifiée. Néanmoins, maintenant que Sasha avait découvert que j’étais accompagnée, je n’avais plus d’excuses pour garder mon patron à mes côtés. La mort dans l’âme, je lui soufflais qu’il pouvait partir et que je le remerciais pour cette journée agréable. Il me regarda fixement et s’assit sur le canapé-lit.
— Je ne pars pas.
— Pardon ? C’est tout de même chez moi.
— Il va revenir, tu es terrifiée, je ne pars pas.
— Il a vu que tu étais là, c’est bon, tu peux partir.
— J’ai aperçu de quoi il était capable, je te rappelle que tu en portes encore les marques. Laisse-moi au moins rester quelques heures de plus, juste pour être sûre que tu pourras dormir sur tes deux oreilles.
Il n’avait pas tort et sa prévenance me faisait fondre, alors j’acceptais. Nous avions abandonné le thé pour les boissons énergisantes au vu de l’heure tardive. Mon cœur se calmait, lui qui était peu bavard, trouvait toujours quelque chose à dire, quitte à parler météo ou travail. Il voulait que je pense à autre chose. C’était très gentil de sa part, mais je ne pouvais m’empêcher de jeter des coups d’œil par la fenêtre pour m’assurer que mon ex ne revenait pas et à raison. Trois heures après sa première apparition, Sasha avançait dans ma rue, accompagné de cinq hommes. Cette fois-ci c’est moi qui lui ouvris. Il avait l’air satisfait et je remarquai que les individus avaient des armes une fois encore. Même si je me doutais que c’était plus pour faire peur que pour s’en servir, cela me fit tout de même un choc. Basil le vit et s’interposa entre eux et moi, me poussant doucement derrière lui. Il le regardait froidement et ne lui décrocha pas un mot. Il se contenta d’appeler quelqu’un et de marmonner qu’il avait besoin de renfort en donnant mon adresse. Le reste des minutes qui s’écoulèrent se passèrent dans un silence tendu où les deux hommes s’affrontaient du regard. Au loin, on entendait des pneus crisser sur le béton humide, des personnes en sortirent armées de fusils et de revolvers. Ils chassèrent Sasha et son escorte et s’adressèrent à Basil.
— Avez-vous besoin de nous pour une autre mission, monsieur ?
— Ça sera tout pour ce soir, vous pouvez rentrer.
— Bien, monsieur.
J’attendis que les hommes soient dans les voitures pour intervenir.
— Qu’est-ce que c'était que ça ?
— Il ne t’embêtera plus.
— C’était qui ces hommes ?
— Ne t’inquiète pas pour eux, ils ne te feront aucun mal.
— Tu vas passer ta nuit à ne pas répondre à mes questions ?
— Il n’y a pas nécessité pour toi d’en savoir plus, fais-moi confiance.
— Je… je pense que tu ferais mieux de rentrer, j’ai besoin d’être un peu seule.
— D’accord, répliqua-t-il d’une voix monotone.
Quel genre de PDG a des hommes surarmés à son service ? Encore choquée de ce que je venais de voir, je m’écroulai sur le canapé-lit sans prendre la peine de l’ouvrir. Dès le lendemain, j’appelais Alice, il fallait que j’en parle à quelqu’un et elle était toute désignée. À l’instant où qu’elle comprît que Sasha avait été violent avec moi, elle raccrocha et toqua à ma porte 30 min plus tard.
— Comment as-tu osé ?! me salua-t-elle.
— Quoi ?
— Tu as vu ton état ? C’est que maintenant que tu me téléphones ? Je ne te lâche plus d’une semelle alors ça, tu peux en être sûr ma cocotte, s’indignait-elle.
Comme toujours, elle arrivait à me décrocher un sourire. Elle me serra dans ses bras, pas trop fort pour ne pas me faire mal. On passait notre dimanche à discuter et à s’empiffrer de sucrerie jusqu’à conclure que mon patron était un mafieux et que je devais être soulagée qu’il me protège. Néanmoins, toute cette violence ne me plaisait pas d’autant plus si je commençais à avoir des sentiments pour lui, il fallait que je me reprenne en main.